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    Ruines château de Taintrux 1831 Château de Taintrux

    Par G. de Golbery

    Bulletin de la Société Philomatique des Vosges, 1875

     

    Les restes du Château de Taintrux sont situés sur le territoire de la commune de ce nom, au village de la Ville-du-Prez, autrefois chef-lieu d’une importante seigneurie, la plus ancienne des Vosges, dit-on, comprenant les bans de Taintrux, de Laveline, du Ban-de-Sapt et de Fraize ; ce dernier indivis, par moitié, avec les comtes de Ribeaupierre.

    Quatre énormes tours flanquaient les angles de la forteresse, dont l’entrée était en outre protégée par une cinquième tour carrée, renfermant le colombier, et sous laquelle un large passage à voûte ogivale donnait accès dans l’intérieur du château. Deux fossés, séparés par un rempart, en défendaient les abords. Cet ensemble, joint à la bonne conservation des constructions, à la qualité et à la dimension des matériaux, lui donnait un aspect à la fois imposant et pittoresque, dont on jouit rarement sur le versant occidental des Vosges, presque entièrement dépourvu de vestiges de la féodalité.

    Cet édifice remarquable avait résisté jusqu’au commencement de ce siècle aux efforts, trop souvent réunis pour détruire, du temps et des hommes, lorsqu’on 1831, il fut aux trois-quarts démoli ; et depuis lors il ne subsiste plus du manoir seigneurial que le bâtiment d’habitation découronné de son toit aigu, transformé en maison de ferme, et dont la porte était naguère encore surmontée d’un double écusson aux armes de ses anciens seigneurs.

    Les décombres, provenant de cette barbare démolition des tours et des murs d’enceinte, ont servi à combler les doubles fossés ; on en a employé une partie à élever, de chaque côté de la cour rectangulaire du château, deux bâtiments sans caractère, servant de dépendances à la ferme.

    Il ne restait plus, du moins nous le croyions, de l’antique castel que la maison massive qui en occupe la place, et son souvenir conservé respectueusement par les habitants de la vallée, qui regrettent sa disparition, et décrivent, avec un plaisir mêlé d’orgueil, les splendeurs de leur château, quand nous eûmes la chance de retrouver, il y a quelques années, un croquis de cette construction, dans l’état où elle était en 1831, avant sa destruction.

    À cette époque, les tours et les murs d’enceinte étaient déjà en ruines ; le corps de logis principal, ancienne demeure des châtelains, était seul intact. On eût facilement, et sans beaucoup de frais, remis le tout en bon état. En rendant aux tours leurs toitures aiguës, on les eût préservées pour longtemps de la destruction.

    Nous avons aussi trouvé aux archives de la seigneurie de Taintrux une description assez complète du château, dans une pièce intitulée : État des terres appartenant au château de Taintrux, dressé par les officiers de la seigneurie, et daté de 1753. On y lit ce qui suit :

    « Il y a un chasteau garni de quatre tours et une cinquième servant d’entrée à la cour d’icelui, lequel est entouré de deux fossés qui sont actuellement en nature de preys, et produisent quatre voitures de foin portant regain, avec les remparts contre les fossés, qui sont en nature de jardin, et consistent à environ un jour de terre labourable……….. »

    On voit, par cette description qui cadre parfaitement avec le croquis de la planche I, que l’étendue des fossés et des remparts était considérable.

    La ruine du château, comme forteresse, doit remonter à une époque assez éloignée. Les archives de la seigneurie renferment une pièce de la fin du XVIIe siècle (15 janvier 1684), où il est fait mention du château ruiné de Taintrux. Cette pièce est l’acte de vente du fief de Taintrux, passé par les comtes de Crehanges au profit de Pierre de Cogney, seigneur d’Arry-sur-Moselle, conseiller du Roi au parlement de Metz, et de Dame Catherine de Rebourselle, son épouse.

    Sans pouvoir fixer d’une manière certaine l’époque de sa ruine, nous avons lieu de croire qu’elle remonte à la guerre de 30 ans. On sait quels ravages la Lorraine eut à souffrir des Suédois, qui n’épargnèrent ni Saint-Dié ni ses environs. Ces envahisseurs ne durent point dédaigner la possession d’une forteresse qui commandait le pays et leur offrait un asile contre les attaques auxquelles ils pouvaient être à leur tour exposés, et un point d’appui pour les repousser.

    Une bande de pillards (peut-être celle qui, en 1639, envahit et saccagea Saint-Dié, et détruisit le village d’Hellieule) s’empara sans doute du château de Taintrux, qui fut incendié si l’on s’en rapporte à la tradition locale ; car le souvenir de deux invasions successives s’est conservé parmi les habitants.

    Nous en tenons le récit qu’on va lire d’un vieillard de l’endroit :

    « Le château avait été pris et occupé par une centaine de Suédois. Une mendiante vosgienne leur servait d’espion. Gagnée par les offres des habitants, et honteuse elle-même du rôle qu’elle jouait, elle consentit à trahir et promit aux paysans de les délivrer.

    Revenant d’une de ses tournées, elle accourt au château criant aux hommes d’armes : voici l’ennemi ; il vient par Fraize, il vient par Saint-Dié, il vient de tous côtés ; hâtez-vous de fuir ou vous êtes perdus. Les Suédois se croient surpris ; ils abandonnent Taintrux. Eux partis, on occupe le château, on lève les ponts-levis. À peine arrivés au col de Noiremont, les fuyards, remis de leur panique et ne se voyant pas poursuivis, reviennent sur leurs pas. Mais on faisait bonne garde ; ils ne purent rentrer au château.

    On ne devait pas toujours se débarrasser aussi facilement de ces hôtes incommodes. Taintrux fut de nouveau occupé. Ne sachant comment mettre un terme aux vexations dont ils étaient victimes, les habitants firent savoir à leur seigneur (Taintrux appartenait alors à la maison de Crehanges qui semble n’y avoir jamais fixé sa résidence, ou du moins ne l’avoir occupé que très rarement) que son château était aux mains de l’ennemi, et lui demandèrent à quel moyen ils pouvaient avoir recours pour s’en délivrer. Il leur fut répondu d’y mettre le feu. Une nuit sombre fut choisie pour l’exécution de cet ordre héroïque.

    Éblouis par les flammes, étouffés par la fumée, les soudards n’attendent pas que tout brûle et cherchent le salut dans une fuite précipitée. Les habitants profitent de cette débandade pour éteindre le feu et sauver le château. Mais les Suédois, furieux de se voir ainsi joués, reviennent et rallument l’incendie qui, cette fois, consuma tout. C’est sans doute à cet épisode qu’il faut rattacher la destruction des bâtiments ».

    L’intérieur n’offre plus aucune particularité intéressante. La grange occupe la place de la chambre de la Justice où les anciens du pays se rappellent avoir vu siéger les châtelains ou leurs officiers. À quelques pas du château, dit M. Lepage dans la statistique historique du département des Vosges, ils montrent l’emplacement du carcan. Une colline voisine, au pied de la montagne couronnée par la Roche-de-l’Aître, a conservé le nom du Gibet. Là, se dressait la potence, symbole du droit de haute justice dont étaient investis les seigneurs de Taintrux. Il ne parait pas qu’aucun gibier humain s’y soit jamais balancé. Mais on raconte qu’une femme, convaincue d’infanticide et condamnée par contumace au dernier supplice, fut pendue en effigie sur la colline du Gibet. D’abord arrêtée, elle était parvenue, peut-être avec la connivence de ses gardiens, à s’évader, dans un tonneau, de la prison où on l’avait enfermée. Cette prison se trouvait dans une des tours qui flanquaient le corps de logis principal, du côté de la salle de la Justice. Les murs, de même que ceux des autres tours du château, avaient, à ce qu’on rapporte, neuf pieds d’épaisseur.

    Nous n’avons trouvé, sur l’époque de cette construction, aucune donnée, même approximative. Le bâtiment encore existant date d’une époque assez récente, la fin du XVIIe siècle, et a dû être construit postérieurement aux autres parties du château. Comme ces dernières sont complètement détruites, on n’en peut tirer aucune indication qui permette d’en fixer l’âge ; mais on peut conjecturer qu’elles remontent à une époque reculée. L’épaisseur des murs, la disposition des ouvrages, l’isolement obtenu au moyen d’une double ceinture d’eau, la situation du château dans un fond dominé de toutes parts : tout semble lui assigner une existence antérieure à l’introduction de l’artillerie dans l’attaque et la défense des places ; à part cela, nous ne savons rien. Peut-être le dépouillement des archives très-bien conservées de la châtellenie de Taintrux nous fournirait-il quelques données précises sur ce point.

    Nous serions heureux de pouvoir les consigner dans une nouvelle notice, où pourraient également trouver place bien des faits intéressants pour l’histoire locale. Nous nous sommes borné, pour cette fois, à joindre quelques explications aux deux planches représentant le château de Taintrux : la première, tel qu’il était autrefois ; la seconde, dans son état actuel.

    Saint-Dié, Décembre 1875.

     

    L’esquisse (planche I) jointe à ces lignes a été faite sur les lieux par M. Henry de Comeau.

  • One Response à “L’ancien château de Taintrux”

    • TUFF girls magazine on 25 avril 2022

      Commentaires : Le chateau de Taintrux etait le chef-lieu d’une seigneurie tres ancienne des Vosges. Les trois autres quartiers evoquent les armes de Pierre Cogney, seigneur du lieu, et de son epouse Elisabeth Reboursel. Le filet en croix de gueules borde d’argent figure la croix de saint George, du patron de la paroisse

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