La bataille du Cap Finisterre
D’après « Histoire des flottes militaires » – Charles Chabaud-Arnault – 1889
Informé de l’arrivée aux Antilles d’une escadre anglaise considérable, et craignant, en outre, de manquer de vivres, Villeneuve reprit le chemin de l’Europe vers le 10 juin.
L’escadre ennemie qui venait de paraître aux Antilles, était celle de Nelson. Prévenu par ses frégates que Villeneuve, pour la seconde fois, était sorti de Toulon, ce vaillant homme de mer l’avait attendu pendant plusieurs jours entre la Sardaigne et la côte d’Afrique. Dès qu’on l’eut détrompé au sujet de la route que suivaient nos vaisseaux, il se dirigea vers Gibraltar, y apprit le départ de Villeneuve pour les Antilles et, par un des plus beaux mouvements qui aient illustré sa carrière, se lança sans hésiter, avec 10 vaisseaux seulement, à la poursuite de 17 vaisseaux franco-espagnols !
Nelson mouilla le 4 juin à la Barbade : il avait fait, en 23 jours, une traversée qui en avait demandé 37 à notre escadre.
Rallié par les 2 vaisseaux du contre-amiral Cochrane, Nelson courut d’île en île à la recherche de son adversaire ; informé enfin, le 12 juin, du départ de Villeneuve pour l’Europe, il se dirigea en toute hâte vers Gibraltar. En arrivant à ce mouillage, le 18 juillet, il fut très étonné d’apprendre qu’aucun vaisseau français n’avait passé le détroit. Bientôt mis au courant de la route suivie par notre flotte, et toujours prompt à prendre le parti le plus judicieux, il cingla vers l’île d’Ouessant, laissa 9 vaisseaux à l’amiral Cornwallis, qui bloquait la rade de Brest, et rentra en Angleterre.
Villeneuve, après son départ des Antilles, avait fait route pour le Ferrol, mais des vents persistants du Nord-Est et la mauvaise marche de plusieurs vaisseaux le retardèrent.
Informée par un aviso de la direction qu’il suivait, l’amirauté britannique eut le temps de prendre ses mesures : elle prescrivit à Cornwallis de faire lever les blocus de Rochefort et du Ferrol, de composer une escadre de 15 vaisseaux sous les ordres du vice-amiral Calder, et de porter cette escadre vers le cap Finisterre, à la rencontre de Villeneuve.
Le 22 juillet, Calder eut connaissance de la flotte combinée, forte de 20 vaisseaux. Le temps était brumeux, la brise faible, soufflant de l’ouest-nord-ouest. L’armée franco-espagnole se forma sur une ligne de file, au plus près bâbord amures, et courut vers la tête de l’armée anglaise rangée dans le même ordre, aux amures opposées.
Craignant que Calder ne voulût couper notre ligne pour mettre notre arrière-garde entre deux feux, Villeneuve vira lof pour lof par la contre-marche. Son avant-garde engagea bientôt une canonnade à longue portée avec celle de l’ennemi. Mais Calder venait aussi de virer et courait de nouveau à contre-bord de notre flotte.
Dans cette situation, les deux armées allaient se séparer et se perdre promptement de vue au milieu de la brume. Le chef de file de la ligne anglaise prit alors sur lui de revirer sans en avoir reçu l’ordre. Son exemple fut suivi par tous les vaisseaux de Calder, et les deux armées, rangées aux mêmes amures, se combattirent vivement, la nôtre au vent de l’ennemi.
Trois vaisseaux espagnols, maltraités par le feu des Anglais, tombèrent sous le vent ; un égal nombre de vaisseaux français coururent à leur aide, mais durent bientôt rallier la flotte combinée pour éviter d’être mis hors de combat ; 2 des navires espagnols sous-ventés restèrent entre les mains de Calder.
Pendant la nuit suivante, les flottes essayèrent de se rallier. Au jour, elles se retrouvèrent en désordre, à 10 milles l’une de l’autre, les Français au vent ; un groupe de 4 vaisseaux anglais occupait une position intermédiaire.
Villeneuve ordonna de former la ligne de bataille et de gouverner sur l’ennemi ; mais la faiblesse de la brise ne lui permit pas d’engager une nouvelle affaire dans les conditions qu’il eût désirées. Le 25 juillet, les deux armées n’étaient plus en vue l’une de l’autre.