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     Le passage du Grand Saint Bernard

     

    Le passage du Saint-Bernard

    D’après « Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu’en 1815 » – Louis-Eugène d’Albenas – 1818

     

    Le premier consul Bonaparte venait, au 18 brumaire, d’étouffer la République dans les bras des républicains. Sentant que la paix lui était nécessaire pour affermir sa puissance, il la fit proposer aux puissances belligérantes.

    L’Angleterre la rejeta et l’Autriche suivit son exemple. Il fallut donc recourir aux armes pour repousser l’ennemi qui campait sur le Rhin et aux frontières de la Provence. Les revers éprouvés en 1799 par les armées françaises, soit en Italie, soit en Allemagne, avaient épuisé les ressources de la France.

    Cependant, lorsqu’elle vit l’orgueilleuse insolence avec laquelle l’Angleterre avait refusé la paix, une noble indignation fit place à son abattement, et avec joie elle s’imposa les plus grands sacrifices pour la conquérir.

    La Russie s’était retirée de la coalition après la perte de la bataille de Zurich et la malheureuse expédition de Hollande, de sorte que l’Autriche, l’Angleterre, le roi de Naples et les princes de l’empire d’Allemagne étaient les seuls ennemis que nous eussions à combattre au commencement de 1800. Mais l’armée alliée était encore si nombreuse, que loin de songer à l’offensive, la France devait s’estimer heureuse de pouvoir contenir l’ennemi sur ses frontières.

    Le soin le plus pressant du premier consul fut d’envoyer à l’armée du Rhin, sous les ordres du général Moreau, toutes les troupes et tout le matériel dont il put disposer. Son dessein était d’appeler en Allemagne l’attention des ennemis, afin d’être plus libre d’exécuter les opérations qu’il méditait contre l’Italie.

    Le général Berthier, depuis longtemps son inséparable et habile lieutenant, organisa à Dijon, sous le nom d’armée de réserve, un corps de quarante mille hommes, dont l’apparente destination était de conserver la défensive, soit dans Alpes, soit dans la Suisse, selon le point le plus sérieusement menacé.

    Prêt à se mettre à la tête de cette armée, le général Bonaparte voulut alors retirer de l’armée du Rhin un corps de quinze mille hommes, qui, venant en Suisse appuyer la gauche de l’armée de réserve, pût coopérer à ses mouvements.

    Moreau se contenta d’abord d’envoyer, sur les instances du premier consul, le général Moncey avec trois ou quatre mille hommes, et il fallut que le général Carnot, ministre de la guerre, allât lui-même lui porter l’ordre formel du gouvernement, pour qu’il détachât de son armée un corps de douze mille hommes sous les ordres du général Loison ; encore ne le fit-il que lorsqu’arrivé sur le Danube, ses premiers succès lui donnèrent l’assurance de conserver sa supériorité sur les Autrichiens.

    Moreau voulait que les plus grands coups se portassent en Allemagne ; Bonaparte, au contraire, voulait recouvrer ses conquêtes en Italie. Ces deux rivaux se vouèrent dès lors une haine que le temps ne fit qu’accroître.

    Vers la fin d’avril, les troupes prêtes à marcher se portèrent sur Genève. Le 8 mai suivant, le premier consul arriva dans cette ville, et dès lors, ses projets furent démasqués.

    Cette armée, à peine organisée, allait franchir les Alpes à travers des rochers jusque là impraticables, tomber sur les derrières de l’armée autrichienne, occupée devant Gênes par le générai Masséna, et dans le comté de Nice par le général Suchet, et conquérir l’Italie par une seule bataille.

    La rapidité du passage des Alpes pouvait seule assurer le succès de la campagne ; car il ne fallait point donner à l’ennemi le temps de se porter sur le point menacé, et de le défendre. Le général Thureau, à la droite de l’armée, devait déboucher par le mont Cenis.

    Le général Moncey, à l’extrême gauche, veilla sur les divers passages du pays des Grisons, et conserva celui du Saint-Gothard, par lequel il devait se porter en Italie par Bellinzona. Le général Marescot, officier de génie du plus grand mérite, et le général Mainoni, aussi de l’arme du génie, avaient reconnu la chaîne des grandes Alpes sur la rive gauche et depuis les sources du Rhône ; trois routes se présentaient par le Saint-Gothard, par le Simplon, et par le Saint-Bernard. Ce dernier ayant été jugé le moins difficile, fut choisi pour le passage du centre de l’armée.

    Du 15 au 18 mai, elle se mit en mouvement, forte de 55 à 60 000 hommes, dont à peu près un tiers n’avait jamais vu le feu. Arrivé à Saint-Pierre, auprès du Saint-Bernard , il fallut démonter l’artillerie et les bagages pièce à pièce, placer les affûts sur des traîneaux, les canons dans des arbres creusés afin de les hisser plus facilement, charger les munitions à dos de mulet. Enfin le 17, le général Lannes, à la tête de la division d’avant-garde, commença à gravir cette âpre montagne.

    Ecoutons le général Mathieu Dumas, dans le récit qu’il fait de ce passage à jamais célèbre : « Sur un espace d’environ six milles, de Saint-Pierre au sommet du Saint-Bernard, l’étroit sentier qui borde le torrent, sans cesse détourné par des rochers entassés, toujours roide, et souvent périlleux, est encombré de neige et de glace ; à peine est-il frayé, que la moindre tourmente, agitant les flots de nouvelle neige dans ces déserts aériens, efface toutes les traces, et qu’il faut chercher des points indicateurs dans ce chaos de masses informes, où la nature presque inanimée n’offre plus de végétation. C’est là, qu’en gravissant péniblement, n’osant prendre le temps de respirer, parce que la colonne eût été arrêtée, près de succomber sous le poids de leur bagage et de leurs armes, les soldats s’excitaient les uns les autres par des chants guerriers et faisaient battre la charge.

    Après six heures de marche, ou plutôt d’efforts et de travail continus, la première avant-garde arriva à l’hospice fameux dont la fondation immortalise Bernard Menthon : toutes les troupes des divisions qui se succédaient reçurent, des mains des vertueux cénobites, les secours que leur vigilante charité prodigue aux voyageurs.

    Après cette halte, avec une nouvelle ardeur et non moins de fatigue, mais avec encore plus de dangers, la colonne se précipita sur les pentes rapides du côté du Piémont, selon les sinuosités et les diverses expositions. Les neiges commençaient à fondre, se crevassaient en s’affaissant, et le moindre faux pas entraînait et faisait disparaître dans des précipices dans des gouffres de neige, les hommes et les chevaux ».

    Les Alpes sont franchies, et les cris de « vive la France » annoncent aux Autrichiens la présence de leurs anciens vainqueurs. Aoste et Châtillon sont emportés par l’avant-garde, et l’armée arrive devant la ville de Bard. Ici un obstacle, qui paraît presque insurmontable, se présente : un fort, bâti sur un rocher isolé, de forme pyramidale, domine la petite ville de Bard, et ferme ce passage étroit et difficile. Rien ne peut passer que l’artillerie dont il est armé ne foudroie. On attaque la ville, on s’en rend maître ; mais le fort résiste, et aucun effort ne peut l’emporter.

    Désolé de cet obstacle imprévu, le général Berthier se décide à lancer en avant l’avant-garde ; à force de travail, on parvient à rendre praticable, pour les hommes et les chevaux seulement, une espèce d’escalier dans le rocher d’Albarado. Toutes les divisions défilèrent successivement par ce sentier périlleux ; mais l’artillerie, qui ne pouvait passer sans courir risque d’être détruite par le feu du fort, resta en arrière. Ce retard inattendu pouvait tout perdre.

    Le premier consul, arrivé le 23, voulut tenter la fidélité du commandant autrichien, mais ce fut en vain ; il fallut se résoudre à un assaut que tout annonçait devoir être infructueux et sanglant.

    A minuit, trois corps d’attaque, composés de grenadiers, et guidés par les généraux Loison et Gobert, et le chef de brigade Dufour, gravissent en silence et se hissent les uns sur les autres de rocher en rocher. Ils arrivent aux palissades formant la première enceinte du fort et l’emportent ; mais, arrivés au pied des remparts, ils sont écrasés par une grêle de balles, d’obus et de grenades. Les généraux Loison et Dufour sont renversés, blessés dangereusement. C’est en vain qu’une pièce de canon, placée dans le clocher de la ville, bat en brèche ; c’est en vain qu’on fait soutenir la première attaque par de nouvelles troupes ; il fallut renoncer à se rendre maître du fort.

    Cependant, l’armée portée en avant sur Ivrée était sans artillerie, et il fallait, à quelque prix que ce fût, en envoyer. On prit alors le seul moyen qui restait : le général Marmont fit joncher de fumier les rues de Bard, garnir de paille tous les rouages ; chaque pièce, chaque caisson furent traînés par cinquante braves.

    Au milieu de la nuit, toute notre artillerie traversa la ville sous le feu du fort et à demi-portée de fusil, au risque d’être détruite par l’explosion que pouvait provoquer le feu de l’ennemi. Enfin elle passa ; le général Chabran fut laissé pour continuer le siège du fort, et l’armée réunie en avant d’Ivrée marcha vers le Pô.

     

     

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