Le combat naval d’Iquique

D’après « Histoire des flottes militaires » – Charles Chabaud-Arnault – 1889

En 1879, une guerre acharnée éclata entre les républiques du Chili et du Pérou.

Au début de cette lutte, le Chili possédait, avec une dizaine de transports : 2 corvettes cuirassées de 3 500 tonneaux, le Blanco-Encalada et l’Almirante-Cochrane, filant 12 ou 13 nœuds, et dont la flottaison et le réduit central, — celui-ci renfermant 6 canons rayés de 23 cm, — étaient protégés par une épaisseur de métal variant de 22 à 11 cm ; 3 corvettes en bois de 1 000 à 1 200 tonneaux ; une autre petite corvette, l’Esmeralda, portant 8 bouches à feu d’assez faible calibre ; une forte canonnière, le Magallanes, armée de 2 pièces rayées de 18 et 16 cm ; enfin, une autre petite canonnière, la Virgen-de-Covadonga, qui portait 2 pièces lançant des boulets de 70 livres.

A cette petite escadre, le Pérou pouvait opposer, également avec quelques transports : le monitor le Huascar, de 2 000 tonneaux, filant 11 nœuds, portant une tourelle armée de 2 canons rayés de 23 cm et une cuirasse dont l’épaisseur variait de 7 à 14 cm ; un autre monitor, le Manco-Capac, armé de 2 gros canons à âme lisse, mais ne possédant qu’une faible vitesse ; une corvette cuirassée à réduit, l’Independencia, à un déplacement de 2 500 tonneaux, armée de 2 canons rayés de 15 cm et de 12 pièces de moindre puissance ; 2 bonnes corvettes en bois de 1 000 à 1 200 tonneaux, dont l’une, appelée l’Union, possédait une vitesse supérieure ; enfin, une autre petite corvette ou grande canonnière, le Pilcomayo.

Des deux parts, les navires étaient en général bien commandés, montés par des équipages énergiques, marins, mais auxquels l’instruction militaire faisait un peu défaut. Quoique la supériorité de leurs forces navales sur celles du Pérou ne fût pas très marquée, les Chiliens prirent hardiment l’offensive sur mer comme sur terre.

Le 21 mai 1879, deux de leurs petits navires en bois, l’Esmeralda et la Covadonga, bloquaient le port d’Iquique, lorsqu’ils furent presque surpris, vers 8 heures du matin, par le Huascar et l’Independencia. Le premier de ces cuirassés attaqua l’Esmeralda dont la vitesse, par suite d’une avarie de chaudière, se trouva bientôt réduite à 3 ou 4 nœuds.

Le Huascar eut donc toute facilité pour éperonner son faible adversaire ; néanmoins, ce fut seulement au troisième coup qu’il réussit à le couler. On admira la vaillance des marins de l’Esmeralda qui, à chaque tentative de choc faite par le monitor, essayèrent d’enlever celui-ci à l’abordage et qui laissèrent leur bâtiment sombrer sans amener son pavillon.

Pendant ce temps, l’Independencia poursuivait la Covadonga ; mais celle-ci, grâce à son faible tirant d’eau, put passer sur des bancs où son adversaire commit l’imprudence de la suivre : la corvette cuirassée péruvienne, lancée à toute vitesse, toucha sur des roches et s’entrouvrit ; la voyant complètement perdue, son équipage gagna la terre.

En résumé, ce combat se terminait d’une manière désastreuse pour le Pérou : il privait ce pays de l’un des deux seuls navires sur lesquels il aurait pu compter pour tenir tête à la petite escadre de ses ennemis. Mais le Huascar était commandé par un chef intrépide, l’amiral Grau.

Déjouant avec une habileté très remarquable les poursuites des navires chiliens, ce monitor, pendant quatre ou cinq mois, déploya une activité sans pareille : il fit des prises, canonna des batteries, jeta l’alarme dans nombre de villes maritimes, en un mot, gêna beaucoup l’action de ses adversaires.