Le combat d’El Alouana
D’après « La Presse » – 25 mai 1911
Une reconnaissance surprise résiste pendant sept heures, mais perd la moitié de son effectif.
Une dépêche de Taourirt datée du 22 mai, réexpédiée d’El-Aïoun le 23 et, comme toutes les dépêches d’El-Aïoun, « retardée dans la transmission », apporte enfin des détails sur le combat du 15 mai au cours duquel nous avons eu à déplorer la mort du capitaine Labordette et de vingt-huit hommes.
La reconnaissance commandée par le capitaine Labordette comprenait 60 à 80 hommes et était partie à cinq heures et demie du matin.
Par suite du brouillard, la reconnaissance avait dépassé le but qu’elle devait atteindre. Apprenant que de nombreux Marocains occupaient Hallouana, le capitaine voulut vérifier ce renseignement et marcha sur le ksar laissant en réserve le lieutenant Fradet avec 40 hommes. Il état alors neuf heures.
Arrivé à 600 mètres du ksar, le capitaine prend position, le brouillard ayant disparu. Le capitaine envoie un guide en pourparlers, mais un premier coup de feu éclate vers neuf heures et demie.
Dès les premières salves, le lieutenant Fradet prend position sur un éperon rocheux pour protéger la retraite, mais la route est déjà coupée ; le capitaine se replie vers le piton rocheux.
A ce moment, le brouillard retombe et la compagnie se disperse en trois groupes : le sergent Hosmann à gauche, le lieutenannt Fradet au milieu avec vingt hommes et à droite, le capitaine en liaison à la voix. Le groupe du lieutenant Fradet revient à grand peine sur le plateau.
A ce moment, on entend des appels au secours du capitaine. Le lieutenant Fradet et ses hommes redescendent sans hésiter la pente péniblement gravie et rejoignent le capitaine, tentant de déblayer les blessés ; ils s’installent au milieu des roches et forment un parallélogramme. A peine la position est-elle prise à 10h30, que le capitaine est tué d’une balle dans le dos.
A midi et demi, la brume se dissipe : la fusillade devient plus intense ; cela dure jusqu’à trois heures et demie.
Le lieutenant Fradet avait à ses côtés le caporal Heckmann, qui avait la poitrine traversée et le bras cassé ; au bout de quelques pas, une autre balle traverse la cuisse du caporal qui demande au lieutenant de l’achever pour ne pas tomber vivant aux mains des Marocains. Heureusement le lieutenant n’accède pas à son désir, car le caporal est actuellement parmi les cinq blessés relevés.
A quatre heures, des renforts ouvrent le feu sur les Marocains qui dévalent la pente pour se jeter sur le carré français. Le terrain sur lequel ils se trouvent est tellement difficile qu’on ne put retirer tous les blessés.
Le jour même, l’artillerie a bombardé le ksar et les troupes ont établi un bivouac ; le lendemain au petit jour, le brouillard s’est dissipé et on a pu achever la recherche des morts et des blessés.
Les obsèques de nos morts
Les obsèques ont eu lieu le 17 au soir, sur un mamelon, entre Debdou et le camp, une demi-heure avant le départ de la colonne Girardot pour Merada. Les troupes ont défilé devant les 29 cadavres ; le général Girardot et le commandant Goertz ont prononcé des allocutions.
Le retard dans la transmission, subi par cette dépêche, semble attribuable au désir du gouvernement de ne faire connaître les détails de ce désastreux combat qu’après l’arrivée des troupes françaises à Fez.
D’après « Journal des débats politiques et littéraires» – 22 mai 1911
Liste des tués et des blessés (tous du 1er Etranger) au combat d’El Alouana, qui a eu lieu le 15 mai :
Tués : Capitaine Labordette. Caporal Bréval, de Paris ; Caporal Ecknayan Kanachiel Kins, de Constantinople ; Caporal Rubriycky, de Paris. Soldats Jacquot, d’Aubenas (Ardèche) ; Trubert, de Paris ; Burkart, de Turckheim (Alsace) ; Charles, de Paris ; Petersen (Danois) ; Hirsch, de Paris ; Moreau, de Cholet ; Pincard, d’Ille-et-Vilaine ; Holvans, de Brème ; Klauck, de Cottbus (Allemagne) ; Beckert, d’Oggersheim ; Kœrner, de Saint-Germain-en-Laye ; Mélaton du Jura ; Valienes, de Forbach ; Trefs, de Goldenfingen (Allemagne) ; Schossmacher, d’Assen (Allemagne) ; Mattler, de Nancy ; Le Collec, de la Manche ; Tréhéo, de Cognac ; Léonce, de Paris ; Jensen, de Metz ; Jemet, de Kerduden (Morbihan) ; Meissener, de Dresde.
Blessés : Lieutenant Fradet, de la Rochelle. Soldats Nienzyck, de Domb (Allemagne) ; Lengerhand, de Gamban (Prusse) ; Hoffmann, de Schwappach (Bavière) ; Etmann, de Namur ; Dekuissemaiter, de Bruxelles ; Bellahouel, de Mostaganem.