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  • 23 avril 2014 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

    La bataille de Raszyn

     

    La bataille de Raszyn

    D’après « Relation des opérations de l’armée aux ordres du prince Joseph Poniatowski, pendant la campagne de 1809 en Pologne contre les Autrichiens » – Roman Soltyk – 1841

     

    Le gouvernement polonais était parfaitement informé des préparatifs de guerre des Autrichiens par les habitants du pays et par les déserteurs, qui, Polonais d’origine, quittaient leurs drapeaux en grand nombre.

    Le prince Poniatowski, qui se trouvait sous les ordres immédiats du maréchal Davoust, commandant l’armée d’Allemagne, lui fit les rapports les plus détaillés à ce sujet. Dans les mois de janvier, de février et de mars, il informa ce maréchal de la réunion en Galicie d’une armée autrichienne qu’il évaluait à 40 000 hommes, et de la levée de 20 000 recrues, qui devaient porter cette armée à 60 000 hommes.

    Au commencement de mars, le roi de Saxe était venu à Varsovie. La diète s’était réunie le 10 du même mois, et avait voté un subside de 30 millions de florins pour l’entretien des troupes. Une rupture avec l’Autriche semblait inévitable. L’augmentation de l’armée polonaise fut résolue. On commença à opérer la levée de 8 000 conscrits ; mais le trésor était presque vide, et le prince pria avec instance le maréchal Davoust d’obtenir de l’Empereur un subside de 8 millions de florins pour activer l’organisation des nouvelles troupes. On forma les troisièmes bataillons des six régiments d’infanterie cantonnés dans le duché, et des trois régiments qui se trouvaient en Prusse ; les bataillons furent portés à 840 hommes et les régiments de cavalerie à 1 047.

    L’artillerie reçut aussi une augmentation considérable ; on y ajouta trois nouvelles batteries d’artillerie à pied et une batterie d’artillerie à cheval.

    Le général Pelletier fut placé à la tête de l’artillerie et du génie. Cet excellent officier, colonel d’artillerie au service de France, venait de passer à celui de Pologne avec le grade de général de brigade. Le capitaine du génie Mallet fut nommé chef de bataillon et commandant le génie polonais, et le capitaine Bontemps fut mis à la tête du matériel de l’artillerie. Tous les deux sortaient aussi du service de France. Enfin le prince Poniatowski fit organiser un parc de trente pièces pour le service de son corps d’armée.

    Le 21 mars, le roi de Saxe communiqua au prince une lettre qu’il venait de recevoir de Napoléon. L’Empereur écrivait au roi qu’il allait sans doute confié le commandement de l’armée du duché au prince Poniatowski ; que celui-ci réunirait ses forces et porterait sa cavalerie sur Krakovie, afin d’occuper les Autrichiens. Il demandait au roi de retirer ses troupes saxonnes du duché (il n’y avait plus que 2 155 Saxons à Varsovie) afin de former un corps de 30 000 hommes près de Dresde.

    Le prince répondit qu’il ne pouvait ordonner aucun mouvement de troupes sans les ordres du maréchal Davoust, et que le renvoi des Saxons affaiblirait trop ses forces, déjà si peu considérables ; car il ne comptait que 12 000 hommes sous les armes. M. de Boze, ministre d’état du royaume de Saxe, qui assistait à cet entretien, lui objecta la levée des 8 000 conscrits, qui s’effectuait alors ; le prince répliqua qu’il ne pouvait compter sur ces renforts, leur levée ne pouvant être achevée que dans six semaines. Le ministre fit valoir alors le puissant secours dont l’assurait l’alliance de la Russie, et Poniatowski observa que cette alliance était aussi peu sûre que la coopération de ses troupes, et qu’on ne devait nullement y compter.

    Le 25 mars, le roi quitta Varsovie pour retourner à Dresde et investit le conseil d’État de son pouvoir. La diète avait été close le même jour. […]

    Ferdinand faisait peu de cas de ses ennemis ; il regardait l’armée polonaise comme n’étant qu’en formation, et croyait en triompher facilement.

    Il espérait que les habitants du duché seraient entraînés par l’esprit d’opposition qui se manifestait contre Napoléon dans d’autres contrées de l’Europe, et qu’en tout cas, il paralyserait leur mauvaise volonté par ses premiers succès. Il n’ignorait pas que le prince Poniatowski avait réuni ses forces en avant de Varsovie ; et, conformément à ses instructions, il voulait marcher droit à l’armée polonaise et la forcer à une bataille décisive.

    Avant de franchir la frontière, le prince autrichien résolut de se faire précéder d’une proclamation. Daté d’Odrzywol du 12 avril, cette pièce ne fut cependant rendue publique qu’au moment du passage de la Piliça.

    Ferdinand y déclarait aux habitants du duché de Varsovie qu’il entrait à main armée sur leur territoire, mais qu’il n’était pas leur ennemi ; que l’empereur d’Autriche ne faisait la guerre qu’à Napoléon, et qu’il était l’ami de tous ceux qui ne défendaient pas la cause de la France. Ensuite il leur expliquait les motifs de la guerre, entreprise, disait-il, pour conserver l’existence de l’empire autrichien, pour rétablir de l’ordre en Europe et pour la prospérité des peuples menacés par l’ambition de l’empereur des Français.

    Puis il s’exprimait ainsi : « C’est à vous que je m’adresse particulièrement, habitants du duché de Varsovie.
    Je vous le demande, jouissez-vous du bonheur que vous a promis l’empereur ? Votre sang, qui a coulé sous les murs de Madrid, a-t-il coulé pour vos intérêts ? Qu’ont de commun le Tage et la Vistule ? Et la valeur de vos soldats a-t-elle servi à rendre votre destinée plus prospère ?L’Empereur Napoléon a besoin de vos troupes pour lui-même, et non pour vous. Vous faites le sacrifice de vos propriétés et de vos soldats à des intérêts qui, loin d’être les vôtres, leur sont entièrement opposés, et, en ce moment, vous êtes, par son alliance, livrés sans défense à la supériorité de mes armes, tandis que l’élite de vos troupes arrose de son sang les champs de la Castille et de l’Aragon ».

    Enfin il engage les habitants à ne pas faire de résistance et leur déclare que s’ils en opposent, il usera contre eux du droit de la guerre, et il conclut ainsi : « Si, fidèles à vos véritables intérêts, vous me recevez en ami, sa majesté l’empereur d’Autriche vous prendra sous sa protection spéciale, et je n’exigerai de vous que les objets nécessaires à la sûreté de mes armes et à la subsistance de mon armée ».

    Le duché de Varsovie était couvert, du coté de a Galicie, sur la rive droite de la Vistule, par une ligne de défense qui suivait le cours du Bug depuis l’embouchure du Nürzeç jusqu’à la Narew, puis le cours de cette rivière jusqu’à sa jonction avec la Vistule. Cette partie de la ligne n’était pas sans importance, d’autant plus qu’elle était fortifiée par les places de Sieroçk et de Modlin ; elle eût été bien plus forte encore, si ces deux places avaient été munies de têtes de pont qui eussent permis aux Polonais de déboucher au besoin sur la rive gauche du Bug et de la Narew, et de prendre l’offensive en temps opportun.

    La ligne de défense du duché remontait ensuite le cours de la Vistule, depuis Modlin jusqu’à Mniszew. Cet espace, couvert par le Beuve, était fortifié par la tête de pont de Praga, dont la possession permettait aux Polonais de déboucher de Varsovie sur la rive droite de la Vistule. Mais, depuis Mniszew, la ligne de la Piliça ne couvrait Varsovie et les départements de la rive gauche que très imparfaitement, cette rivière étant guéable sur beaucoup de points, particulièrement vers sa source, ne présentait pas d’obstacles sérieux à la marche de l’ennemi. Varsovie n’était pas fortifié ; et, cette capitale occupée, Praga n’avait plus d’importance pour les Polonais.

    On voit par cet examen que le côté faible de la frontière du duché était sur la rive gauche de la Vistule, et qu’il était facile de l’envahir de ce côté.

    Les mêmes motifs qui auraient dû engager l’Archiduc à s’assurer du cours de la Vistule devaient aussi porter les Polonais à s’en rendre maîtres, en y occupant des points fortifiés ; et ils y étaient d’autant plus intéressés, que, devant se tenir sur la défensive, à cause de l’infériorité de leurs forces, il leur importait infiniment de pouvoir passer d’une rive à l’autre du fleuve, afin d’éviter un combat inégal, et d’attendre des circonstances plus propices.

    Trois points étaient plus particulièrement convenables pour atteindre ce but : Varsovie, Modlin et Thorn. Varsovie avait été fortifié en 1794 par Kosciuzko. Cette capitale avait soutenu alors un siège de sept semaines contre une armée de 36 000 hommes, munie d’un parc de siège. Il n’était donc pas impossible, en 1809, de la défendre contre l’armée autrichienne, qui ne comptait que 33 000 hommes et ne menait pas à sa suite de grosse artillerie.

    Kosciuszko disposait de 18 000 hommes ; Poniatowski en avait 17 000 (avec les dépôts qui se trouvaient à Varsovie) ; et ce nombre pouvait être augmenté promptement par de nouvelles levées. En retirant quelques pièces des places de la Narew et de Praga, Poniatowski pouvait armer convenablement ses lignes quoique très étendues : elles avaient 6 000 toises (11 700 mètres) de développement. Ces lignes étaient, à la vérité, en mauvais état ; mais, à l’aide du grand nombre de bras qu’on pouvait y employer, six semaines auraient amplement suffi pour les relever.

    Il reste donc prouvé que le gouvernement polonais, en s’y prenant deux mois plus tôt, aurait pu empêcher les Autrichiens de pénétrer sans coup férir dans la capitale, et les eût forcés de l’assiéger ; ce qui les aurait obligés à attendre l’arrivée d’un parc de siège, qu’ils n’auraient pu tirer que d’Olmutz. Pendant les longueurs inséparables de cette opération, ce gouvernement aurait eu le temps de lever des corps de partisans et d’organiser les levées en masse ; il est probable que l’armée autrichienne eût bientôt vu sa ligne d’opérations interceptée, qu’elle eût manqué de munitions et de vivres. Enfin, resserrée de plus en plus, elle se serait vue sans doute forcée de se retirer comme le fit Frédéric-Guillaume en 1794.

    Mais le gouvernement polonais ne croyait pas alors à la guerre et ne pensait nullement à s’y préparer. Lorsque le prince Poniatowski apprit, par la lettre de l’empereur Napoléon (qui lui fut communiquée le 21 mars), que la guerre était imminente, on n’avait plus assez de temps pour fortifier Varsovie. On aurait dû s’attacher uniquement alors à perfectionner les retranchements de Modlin et de Thorn, qui commandaient le cours de la Vistule, depuis l’embouchure de la Narew jusqu’à la frontière de Prusse.

    L’importance du point stratégique de Modlin avait été de tout temps reconnue ; les Suédois y avaient eu un camp retranché ; le maréchal de Saxe voulait en faire le centre de la défense de la Pologne ; Napoléon choisit ce point pendant la guerre de 1807 et le fit fortifier. Modlin recevant tous ses développements, c’est-à-dire muni d’une triple tête de pont, commanderait à la fois les cours de la Vistule et de la Narew.

    Si Poniatowski, plus prévoyant, avait eu le soin d’y construire au moins une tête de pont sur la rive gauche de la Vistule, il se serait ménagé, en y prenant position après la perte de Varsovie, les moyens de manœuvrer sur la capitale par la rive gauche du fleuve, d’en chasser Ferdinand ou du moins de paralyser ses mouvements.

    Les retranchements de Modlin, au temps dont nous parlons, n’étaient formés que d’un corps de place de six fronts construits, sur la rive droite de la Vistule, sans aucun ouvrage avancé ; ses remparts, qui étaient de 16 pieds (5 m. 20 c.) de profil et revêtus en bois, la mettaient à l’abri d’un coup de main ; mais la place perdait la plus grande partie de son importance, par la négligence qu’on avait mise à ne pas étendre ses retranchements, à la rive gauche du fleuve.

    La place de Thorn avait sept fronts ; elle était revêtue et palissadée. Elle avait un pont de bateaux sur la Vistule ; mais ce pont n’était couvert sur la rive gauche que par un retranchement à peine ébauché : Poniatowski aurait du le faire mettre promptement en état de défense.

    Si les travaux de Modlin et de Thorn eussent été terminés avant la guerre, comme ils pouvaient l’être, et que, par suite des événements, le général polonais eût été forcé d’évacuer la capitale, il aurait pu faire de Modlin le pivot de ses opérations et de Thorn sa place de dépôt et de refuge.

    Celle-ci eût assuré ses communications avec la grande Pologne et avec la ligne de l’Oder. Mais Poniatowski, trois jours avant l’ouverture des hostilités , ne croyait pas être attaqué ; il n’était pas même informé avec certitude des mouvements de l’ennemi.

    Dans une lettre écrite au maréchal Davoust le 12 avril, il exprime ainsi son opinion à ce sujet : « En comparant les circonstances contenues dans les différents avis avec l’avis positif que l’archiduc Ferdinand se trouve déjà ou arrivera d’un moment à l’autre à Konskie, il paraît évident que les Autrichiens vont porter leurs troupes sur la Piliça, et qu’ils prendront alors une des positions dont j’ai eu l’honneur de parler à Votre Excellence.
    Je dis une de ces positions, car, malgré leurs fanfaronnades et leurs menaces, ils ne sont pas certainement de force à les occuper toutes…
    On annonce généralement que le corps de l’archiduc Ferdinand se monte à 30 000 hommes ; mais il n’est guère probable qu’ils puissent porter de notre côté plus de 15 à 18 000 hommes.
    Dès lors, le corps qui devrait agir sur la Piliça serait plutôt destiné à observer nos mouvements qu’à effectuer l’invasion du duché depuis si longtemps annoncée ».

    Ainsi le prince avait négligé de prendre les mesures nécessaires pour se mettre à même de soutenir une défensive vigoureuse ; il n’avait désormais pour défendre Varsovie que la bravoure de ses soldats. Il semble que l’opinion qui régnait généralement dans le duché que les Autrichiens n’oseraient pas entrer en lice avec Napoléon, avait contribué à endormir Poniatowski dans une fausse sécurité.

    Par une singulière coïncidence, les deux généraux en chef des armées ad verses faisaient mutuellement peu de cas de leur ennemi ; ils commirent par là des fautes qui devaient avoir une grande influence sur les opérations de la guerre.

    Poniatowski fit néanmoins, le 12 avril, les dispositions suivantes : le 6e régiment de cavalerie quitta Blonie et se porta à Nadarzyn ; le 3e d’infanterie, commandé par le général Bieganski, soutenu par quatre pièces, alla occuper Raszyn ; le 3e régiment de cavalerie prit position à Piaseczno ; le 1er alla s’échelonner de Gora à Mniszew, et le 5e quitta Nieporent (rive gauche de la Vistule) et se porta sur Blonie. Le 3e régiment d’infanterie fut remplacé à Varsovie par un bataillon du 6e, tiré de la place de Sieroçk, et par un bataillon du 8e détaché de Modlin ; deux autres bataillons des mêmes régiments les suivirent deux jours après.

    La garnison de Varsovie se composait alors des 1er et 2e bataillons des 1er, 2e, 6e et 8e régiments d’infanterie, du 2e de cavalerie, de l’artillerie polonaise à pied et à cheval, de quelques dépôts et de la division saxonne. Le 12e d’infanterie était en marche de Thorn, mais ne pouvait atteindre Varsovie que le 20 avril dans la matinée.

    Le total des troupes prêtes à entrer en campagne, réunies sous les ordres de Poniatowski à Varsovie et aux environs, formait un effectif de 14 000 hommes avec 39 pièces de canon.

    Le prince reçut, le 15 avril à 8 heures du matin, la déclaration de guerre de l’Autriche, qui lui fut notifiée par un simple billet de l’archiduc : il y était dit que « les troupes autrichiennes entreraient sur le territoire du duché le 15 à 7 heures du matin et traiteraient en ennemi tout ce qui s’opposerait à leur passage ». Cette lettre fut apportée au prince par le chef de bataillon Mallet, directeur du génie de l’armée polonaise, qui avait été envoyé à Nowemiasto pour reconnaître le cours de la Piliça, et la grande route de Varsovie à Nowemiasto.

    Assuré que les hostilités avaient commencé, Poniatowski mit son armée en mouvement dans la direction de la Piliça. Il vint prendre position, dans la soirée même du 15 avril à Raszyn, avec le gros de son corps d’armée, et poussa sur Tarçzyn, son avant-garde, aux ordres du général Bieganski ; il chargea en même temps le général Rozniecki de se porter en avant à la tête de la cavalerie, afin d’éclairer les mouvements de l’ennemi. Ce général avait sous ses ordres cinq régiments de cavalerie avec quatre pièces d’artillerie à cheval. Le 1er régiment prit position à Gora, tandis que le 2e se portait sur Raszyn ; les 3e, 5e et 6e régiments suivirent le mouvement de ce dernier.

    Dans la matinée du 16 avril, le prince voulut quitter sa position de Raszyn, et se porter à la rencontre de l’archiduc. Mais, d’un côté, les rapports du général de cavalerie lui annoncèrent que l’armée ennemie était forte de 26 à 30 000 hommes ; d’un autre, le général Pelletier, qui possédait à juste titre la confiance de Poniatowski, lui exposa le danger qu’il y aurait pour l’armée polonaise à s’aventurer trop loin, et à s’exposer ainsi à être coupée de Varsovie, ce qui l’eût contraint à se retirer sur la Warta afin de conserver ses communications avec la ligne de l’Oder.

    Le général Pelletier observa qu’un tel mouvement serait fort hasardé, étant exécuté en présence d’un ennemi si supérieur en nombre, et dont l’armée était plus fortement organisée que celle de Poniatowski. Le prince se décida donc à conserver sa position de Raszyn, afin de couvrir Varsovie.

    Le gouvernement polonais, se voyant menacé d’une invasion redoutable, adopta différentes mesures de défense qu’il eût été plus prudent de prendre à l’avance.

    Il ordonna de relever les lignes de Varsovie ; mais il était trop tard pour les mettre dans un état de défense respectable : la garde nationale de la capitale fut réorganisée ; elle fut placée sous les ordres du colonel Saulnier, commandant de la place. Les fusils ne manquaient pas. Une espèce d’arrière-ban ou de garde nationale sédentaire, composée des hommes valides de 16 à 60 ans, fut organisée et armée. Cette garde, formée en décurie, centurie et bataillons, devait élire ses chefs.

    La levée en masse des départements fut aussi décrétée. Le gouvernement nomma dans chaque département, un lieutenant ou fondé de pouvoir, et un commandant de la force armée.

    Tous ces décrets furent promulgués dès le 16 avril. Le conseil des ministres crut aussi devoir répondre par une proclamation énergique, en date du même jour, à celle de l’archiduc Ferdinand.

    Dans ce manifeste, adressé aux habitants du duché, le conseil rappelle d’abord la restauration de la patrie par les efforts réunis de Napoléon et de la nation ; il dit ensuite que l’existence politique du duché a été ratifiée à Tilsit par les deux plus puissants monarques du monde ; que, dès lors, le duché a pris place parmi les états indépendants, et que la souveraineté en a été assurée à la maison de Saxe, appelée jadis au trône par le vœu national, scellé par de nouveaux serments.

    Il proteste ensuite en ces termes contre l’invasion des Autrichiens :
    « Un voisin que nous n’avons point offensé ; un voisin dont la capitale et l’empire ont été autrefois sauvés par les armes de nos ancêtres, vient d’envahir notre territoire et nous traite comme une horde sans patrie et sans gouvernement, s’efforçant de séparer notre cause de celle de notre grand régénérateur, et prétendant ne faire la guerre qu’à l’empereur Napoléon.
    Assurés que nous sommes de l’appui de notre puissant allié, n’opposerons-nous pas la force à la force pour défendre notre existence politique ? Une telle pusillanimité serait indigne des Polonais. Sacrifions tout pour défendre notre patrie et notre honneur. Le gouvernement et la nation redoubleront d’efforts pour repousser l’agression de l’ennemi, et ils ne regarderont jamais comme tel, leurs frères les Galiciens.
    Habitants du duché de Varsovie, c’est à une défense nationale que le gouvernement vous appelle par les ordonnances qu’il vient de promulguer ».

    Le manifeste se termine ainsi :
    « Accourez, Polonais qui n’avez jamais dégénéré ; vous, qui avez donné au monde tant de preuves éclatantes de votre patriotisme, concourez à l’envi avec votre vaillante armée à la défense de vos foyers ! Vous, confiant en Dieu et dans la protection du grand Napoléon, combattez au nom de la patrie et de votre vertueux souverain ; couvrez de vos corps ce que l’homme a de plus précieux : votre indépendance et vos droits ! ».

    Pendant que le gouvernement prenait ces différentes mesures pour soutenir vigoureusement la lutte, la cavalerie polonaise commandée par Rozniecky, avait avec celle de l’ennemi différents engagements, qui étaient tous à son avantage et dans lesquels elle faisait aux Autrichiens 100 prisonniers et leur mettait 100 hommes hors de combat.

    Dans la journée du 18 avril, la garnison de la tête de pont de Praga poussa sur Grzybow (frontière de Galicie) une reconnaissance, qui rencontra deux escadrons de hussards autrichiens.

    Elle les chargea avec tant de vigueur que, malgré la supériorité du nombre, ils furent culbutés, mis en déroute et eurent 40 hommes hors de combat.

    Cependant l’armée de l’archiduc s’avançait sur Varsovie ; Tarczyn fut évacué par l’avant-garde polonaise qui se replia sur Raszyn. Cette position était couverte par le ruisseau de la Rawka, qui tombe dans la Bzura et coupe les deux routes de Nadarzyn à Iaworowo et de Tarczyn à Raszyn. Ce ruisseau est marécageux dans les environs de Raszyn.

    A l’époque dont nous parlons, il ne pouvait être franchi par l’armée ennemie dans le voisinage de ce village que sur trois points distants d’un demi mille l’un de l’autre : à Iaworowo, à Raszyn et à Michalowice, où se trouvaient des digues et des ponts faciles à défendre. En avant du centre de la position de l’armée polonaise, était le village de Falenty, et, plus loin, vers la droite, un bouquet de bois d’aulne. Au débouché de la digue de Raszyn, s’étendait un bois plus considérable, qui était traversé par les routes de Falenty et de Piaseczno. L’ensemble de cette position formait un poste assez fort.

    En avant, se déroulait une plaine bordée de vastes forêts. Le prince Poniatowski plaça à Falenty une avant-garde composée des 1er bataillons du 1er et du 8e régiment d’infanterie, avec quatre pièces d’artillerie ; il en confia le commandement au général Sokolniçki, qu’il fit soutenir par un bataillon du 6e régiment d’infanterie avec deux pièces d’artillerie, postés en avant de la digue de Raszyn , qui lui servait de réserve. A la droite, le village de Michalowice était occupé par le 1er et le 2e bataillon du 3e régiment, avec quatre pièces de canon qui venaient de se replier de Tarczyn et étaient sous les ordres du général Bieganski.

    Au centre, un peu en arrière de Raszyn et à cheval sur la route de Varsovie, se trouvaient, en position sur des mamelons de sable, les 1er et 2e bataillons du 2e régiment d’infanterie polonaise, trois bataillons d’infanterie, un escadron de hussards et douze pièces d’artillerie de l’armée saxonne : toutes ces troupes étaient commandées par le général Polentz. A la gauche, Iaworowo était occupé par le 2e bataillon du 1er et le 2e bataillon du 8e régiment avec six pièces de canon, aux ordres du général Kaminski.

    Poniatowski avait aussi jeté sur ses flancs divers détachements. Une compagnie du 5e de cavalerie occupait Blonie, un escadron de hussards saxons était placé en échelons entre ce point et Raszyn ; un bataillon du 6e d’infanterie avec deux pièces se trouvait à Wola. La cavalerie aux ordres du général Rozniecki, composée des 2e, 3e, 5e et 6e régiments, avec quatre pièces d’artillerie à cheval, était en présence de l’armée de Ferdinand, et l’observait tout en se retirant ; le 1er régiment de cavalerie s’était replié de Gora, dans la soirée du 18, et était venu prendre position à 1 000 toises (1 950 m.) en arrière du centre de l’armée, où se trouvaient aussi cinq pièces d’artillerie à cheval formant la réserve d’artillerie.

    La cavalerie de Rozniecki eut, le 19 au matin, un engagement sérieux à Nadarzyn avec l’avant-garde de l’archiduc, dans lequel le 2e de cavalerie fit une charge brillante. Elle se replia ensuite sur le gros de l’armée, et devait se placer en réserve pour couvrir les flancs, qui pouvaient être menacés par l’ennemi.

    Cependant l’armée autrichienne s’avançait de Tarczyn, par les bois dont nous venons de parler.

    Son avant-garde était conduite par le général Mohr. Elle était composée de trois bataillons d’infanterie (Wukasowitsch), de deux bataillons de chasseurs (Siebenburger- Walaken), et de toute la cavalerie légère dont disposait l’archiduc, avec douze pièces d’artillerie. Le gros de l’armée autrichienne marchait à la fois par les routes de Nadarzyn, Tarczyn et Piaseczno.

    Mohr déboucha dans l’après-midi. La cavalerie polonaise masquait encore la position de Poniatowski. Vers une heure, elle suivit le mouvement de flanc que les escadrons autrichiens faisaient vers la droite du prince, et découvrit celui-ci ; Poniatowski porta aussitôt le général Rozniecki, par Michalowice sur les derrières de son armée.

    L’archiduc aurait pu alors reconnaître la position des Polonais, dont la gauche était la partie faible et pouvait être aisément tournée, vu que le ruisseau de la Rawka est insignifiant au-dessus de Iaworowo ; mais il négligea de le faire. En suivant les règles prescrites par l’art de la guerre, le général autrichien aurait dû ne montrer d’abord à Poniatowski que son avant-garde, et arrêter le gros de son armée à la lisière des bois ; il aurait dû remettre l’attaque au lendemain, et faire ses dispositions de manière à porter une partie de ses forces sur l’extrême gauche des Polonais, faire tourner cette gauche et en même temps attaquer le centre.

    Par là, Poniatowski eût été forcé à se retirer précipitamment sur Varsovie, mouvement qu’il ne pouvait opérer sans danger dans un pays ouvert, et sur un terrain argileux, défoncé par le dégel. Il aurait été contraint, sans doute, d’abandonner son artillerie dans les fondrières. Ce mouvement eût à la vérité présenté l’inconvénient de placer la colonne tournante entre les troupes polonaises et la Vistule ; mais, vu la supériorité des forces de l’archiduc, il n’eût présenté aucun danger.

    Ferdinand était impatient de combattre. Sans attendre le gros de son armée, il ordonna au général Mohr d’emporter la position de Falenty, se réservant de le faire soutenir par les premières troupes qui arriveraient sur le champ de bataille.

    De son côté, le prince Joseph, qui connaissait la lenteur des Autrichiens, ne croyait pas être attaqué immédiatement. Présumant sans doute que la bataille n’aurait lieu que le lendemain, il ne replia pas son avant-garde, et la laissa dans une position hasardée, où elle n’avait qu’un seul pont pour opérer sa retraite. Mais l’attaque de Mohr fut si brusque que Poniatowski dut accepter le combat, sans rien changer à son ordre de bataille.

    Sokolniçki n’avait que trois bataillons et six pièces à opposer aux cinq bataillons, et aux douze pièces que Mohr amenait avec lui, et qui, bientôt après, furent appuyés par les six bataillons et les douze pièces de la brigade Civalard, qui les suivaient immédiatement.

    Le combat s’engagea à deux heures de l’après-midi. Le prince Joseph, qui se trouvait alors à son quartier-général à Raszyn, monta aussitôt à cheval, et se porta sur Falenty. D’après ses ordres, trois pièces d’artillerie légère de la réserve prirent position en avant de ce village. Sokolniçki ayant alors neuf pièces en batterie, fit redoubler le feu sur les troupes autrichiennes qui s’approchaient ; Mohr y répondit par une vive canonnade tandis que son infanterie s’avançait en colonne par bataillons.

    Le bouquet de bois d’Aulne fut emporté par l’ennemi vers trois heures, et, bientôt après , le village de Falenty fut aussi enlevé. Le bataillon du 8e régiment, qui gardait ces deux points se retirait en désordre ; le prince le rallia, se mit de sa personne à la tête du 1er bataillon du 1er régiment, chargea les Autrichiens à la baïonnette et reprit la position. L’artillerie polonaise contribua à ce succès par un feu bien dirigé.

    Cependant la brigade Civalard était arrivée sur le terrain ; Mohr , disposant dès lors de forces triples de celles qu’il avait en tête, renouvela l’attaque. Vingt-quatre pièces étaient en batterie ; quelque fût la bravoure de l’artillerie polonaise, elle ne put longtemps se maintenir contre le feu de celle des Autrichiens, qui lui démonta un obusier, fit sauter plusieurs de ses caissons, et mit bon nombre de ses canonniers hors de combat. Les obus ennemis mirent le feu au village de Falenty ; l’infanterie, formée en colonnes d’attaque, reprit le bois d’aulne, et occupa bientôt après le village même de Falenty. C’est alors que le colonel Godebski, officier d’un rare mérite, fut tué. Il commandait le 8e régiment d’infanterie. Au même moment, le bataillon du 6e régiment était aussi vivement attaqué, et se soutenait avec peine contre un ennemi si supérieur en nombre.

    Pressée ainsi de toutes parts l’avant-garde polonaise fut contrainte de se retirer sur Raszyn. Ce mouvement ne put s’exécuter sans désordre ; l’obusier démonté et une autre pièce furent abandonnés sur le champ de bataille. Le général Fiszer, chef d’état-major de l’armée, fut blessé dans la mêlée.

    Le général Sokolniçki parvint pourtant à regagner Raszyn avec ses troupes, en partie par la digue qui y conduisait, et en partie en franchissant, homme à homme, le ruisseau marécageux ; il était alors cinq heures de l’après-midi.

    Les Autrichiens, enhardis par ce premier succès, voulurent pousser en avant et attaquer Poniatowski dans sa position de Raszyn. Ils s’avancèrent par la digue, malgré le feu de son infanterie, et se rendirent maîtres d’une partie de ce village, mais ne purent chasser les Polonais de celle qui était le plus rapprochée de leur ligne de bataille. Ils attaquèrent aussi les villages de Iaworowo et de Michalowice, mais mollement, et sans succès.

    Vers sept heures du soir, ils redoublèrent d’efforts pour déboucher sur le centre des Polonais.

    Une de leurs colonnes s’avança par Raszyn, pendant que l’autre s’efforçait de traverser les marais sur la gauche de ce village. Le prince Poniatowski fit alors placer en batterie sur la droite de la grande route de Varsovie seize pièces, dont douze saxonnes et quatre polonaises. Ces pièces ouvrirent un feu très vif sur l’infanterie autrichienne ; elles la mitraillèrent pendant plus d’une heure, et l’obligèrent à la retraite. Les Autrichiens essuyèrent sur ce point de grandes pertes. Le prince Joseph avait mis pied à terre et encourageait lui-même les canonniers. Pendant tout le cours de la bataille de Raszyn, il s’exposa personnellement ; tous les officiers de son état-major furent blessés ou eurent des chevaux tués.

    Les obus de l’artillerie polonaise incendièrent Raszyn, et les tirailleurs d’infanterie se maintinrent avec l’intrépidité la plus rare dans la partie du village qu’ils défendaient. Tous les efforts des Autrichiens furent vains ; ils ne purent faire aucun progrès ; la conformation du terrain ne leur permettait pas de mettre en batterie, pour soutenir leurs attaques.

    A neuf heures du soir, le feu cessa ; les Autrichiens repassèrent le pont de Raszyn, et se contentèrent d’occuper la digue, et le bois qui se trouvait en arrière de ce village. A l’exception de Falenty, les Polonais n’avaient donc pas perdu un seul pouce de terrain, et s’étaient maintenus sur le champ de bataille.

    La perte de l’armée polonaise, dans cette journée, fut de 450 hommes tués, de 900 blessés et de 40 prisonniers. Celle des Autrichiens, qui combattirent presque toujours à découvert, fut plus considérable ; elle se monta à 2 500 hommes.

    Vu l’infériorité des forces des Polonais, la bataille de Raszyn doit être comptée parmi les faits d’armes les plus glorieux de cette campagne ; et, si l’on considère que l’armée de Ferdinand était formée de vieilles troupes, de troupes éprouvées dans les combats, et que celle de Poniatowski n’était, pour ainsi dire, composée que de recrues qui n’avaient jamais vu le feu, on ne pourra qu’admirer le courage qu’elle déploya dans cette belle journée.

    A peine le feu avait-il cessé que les Saxons, qui avaient vaillamment combattu commencèrent leur mouvement de retraite sur Varsovie, afin de se rendre en Saxe, comme ils en avaient reçu l’ordre depuis quelques temps. Cette retraite fut fortement critiquée dans l’armée polonaise : abandonner ses alliés dans un moment de danger était, sinon une action blâmable, du moins un manque de procédé choquant.

    Le prince Poniatowski tint conseil à dix heures du soir, sur le champ de bataille. Les pertes essuyées pendant le combat, le grand nombre d’hommes qui avaient quitté les rangs pour emporter les blessés, enfin le départ des Saxons avaient réduit les forces de Poniatowski à moins de 9 000 hommes ; la retraite fut décidée, et il fallut se hâter de l’opérer pendant la nuit, afin qu’elle fût achevée avant le jour, pour éviter la poursuite.

    Cette retraite commencée à onze heures du soir, eut lieu sans autre perte que celle de deux pièces abandonnées dans le bourbier, qui rendait une partie de la route presque impraticable.

    Immédiatement après l’action, le général Sokolniçki fut chargé par le prince de se porter à la tête du 2e régiment de cavalerie, sur la Vistule. Il prit position près de Wilanow, et resta pendant toute la nuit dans cette position pour observer les routes, par lesquelles on pouvait craindre que l’ennemi ne s’avançât sur Varsovie, afin de couper l’armée polonaise de la capitale.

    Mais les Autrichiens, fatigués par le combat et étonnés de la résistance inattendue des Polonais, ne firent aucune tentative, et le général Sokolniçki se replia dans la matinée du 20 sur les lignes de Varsovie, ou l’armée polonaise avait déjà pris position.

     

     

     

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