D’après « Biographie Des Hommes Du Jour » – Germain Sarrut, Edme Thédore Bourg
Né à Craon (Meurthe) le 28 juillet 1767, M. le général François-René Caillou, baron Pouget entra au service au premier appel fait à la jeunesse française, en 1791, en qualité de capitaine au 4e bataillon de volontaires de la Meurthe, fit ses premières armes sous le général Lafayette, d’où il passa à l’avant-garde du corps d’armée du général Beurnonville, et se distingua dans diverses attaques partielles.
Ayant eu un cheval tué sous lui, en débusquant, à la tête de sa compagnie, l’ennemi du village de Freicheviller, il fut nommé adjoint aux adjudants-généraux, et employé sous les ordres immédiats de Championnet, au déblocus de Landau. Il assista aux prises de Worms, et de Frankendal et au combat de Tribstadt, où il contribua à la prise de quatre pièces d’artillerie et d’un obusier, abrités dans un bois derrière un abattis ; il eut de nouveau un cheval tué sous lui dans celte occasion. Le lendemain, le général en chef (Hoche), lui expédia la nomination du grade d’adjudant-général, chef de bataillon, auquel il venait d’être promu par le représentant du peuple près de l’armée.
Un an plus tard, il fut réformé sur la proposition d’Aubry.
A la suite du 18 brumaire, M. Pouget fut chargé d’inspecter la côte maritime du Calvados, pour rendre compte de sa situation, et reconnaître l’emplacement d’un camp.
Peu de temps après, il fut nommé major (lieutenant-colonel), et quinze mois plus tard, appelé au commandement du 26e d’infanterie légère, à la tête duquel il fit la première campagne d’Autriche, sous les ordres de l’Empereur.
Il fit la campagne d’Austerlitz dans le corps d’armée du maréchal Soult, division Legrand. Le général Merle, chef de sa brigade, reçut l’ordre d’aller prendre position, avec deux régiments d’infanterie, derrière le village de Telnilz, à l’extrême droite des armées françaises, pour défendre ce passage, l’empereur présageant que l’ennemi pourrait s’y présenter pour tourner l’armée sur ce point. Telnitz était dominé du côté des Russes par une petite montagne, une colonne s’y présenta eu effet, appuyée de son artillerie. Le général Merle lui opposa le 26e léger, laissant l’autre régiment en bataille près du village. Un engagement très vif et des plus meurtriers s’en suivit.
Il y eut de part et d’autre quelque fluctuation, mais le brave 26e qui voyait son général, son colonel et ses chefs partout où il y avait du danger, fit des merveilles, et quoique assailli par une force sextuple, il ne se laissa ni enfoncer, ni déborder. La colonne ennemie ne passa pas, malgré un combat de six heures. Elle mêla ses morts avec ceux du 26e, et le but de l’empereur fut rempli. Napoléon savait, dit-il plus tard, à quoi les régiments qu’il avait envoyés à Telnitz seraient exposés. Le régiment du colonel Pouget était appuyé par un régiment de ligne, dont la bravoure souffrit de n’être point mise à l’épreuve ; mais deux régiments dans ce village n’auraient fait que l’encombrer.
Le 28 décembre, l’empereur voulut voir la division Legrand, et donner des récompenses. Le colonel du 26e eut ordre de présenter seize militaires méritant d’être décorés de l’étoile de la Légion d’Honneur, dont huit officiers et huit sous-officiers et chasseurs. Arrivé sur le terrain, le général de division dit au colonel Pouget : « Vous vous mettrez à la droite des sujets que vous présentez, je veux demander pour vous la croix d’officier de la Légion d’Honneur ».
Le colonel le remercia beaucoup, en se permettant, toutefois, de lui faire observer qu’en se plaçant sur la ligne des candidats, il augmenterait d’un , le nombre des militaires prescrits par l’ordre de l’Empereur, ou, qu’il faudrait en rayer un du tableau qui serait remis à l’empereur, que cela était impossible ; que d’ailleurs, lorsqu’il s’agissait de récompenser un officier supérieur, S. M. aimait à le faire de son propre mouvement ; qu’elle avait l’œil assez ouvert sur eux, qu’il le priait très instamment de lui conserver sa bienveillance pour une autre occasion.
« – Non, lui répondit le général de division, il faut que vous soyez officier après une bataille qui a eu d’aussi beaux résultats.
- Mais si vous échouez, mon général, songez donc quelle humiliation j’éprouverai à la tête de mon régiment, au vu et su de tout ce qui le compose.
- Ne craignez rien, j’en fais mon affaire ».
L’empereur arrive. « Sire, lui dit le général Legrand, je demande à V. M. la croix d’officier de la Légion d’Honneur pour le colonel Pouget ». L’empereur, en jetant un coup d’œil furtif sur la poitrine de ce chef, lui dit : « Ah ! Vous n’êtes que légionnaire ! ». Et d’un air de satisfaction, et sans répondre au général de division, il jeta un coup d’œil sur tous les sujets qui lui étaient présentés et leur accorda la croix de légionnaire, sans la moindre observation.
Le régiment défila et l’empereur s’éloigna. Le colonel, le cœur oppressé, dit au général Legrand :
« – Eh bien ! Mon général, mon avis n’était- il pas bon à suivre ? Je suis, on ne peut plus, humilié de ce refus.
- Soyez tranquille, j’irai demain à Vienne trouver le maréchal, afin qu’il m’accompagne à Schœnbrun ; j’irai réitérer ma demande. Vous avez été trop bien signalé par mon rapport après la bataille, pour ne rien obtenir. Il y a quelque chose là-dessous. Je vous garantis la décoration d’officier de la Légion-d’Honneur. J’en fais mon affaire ».
Le fin mot de tout cela, c’est que par un décret rendu deux ou trois jours avant la revue, l’empereur avait nommé le colonel Pouget non seulement officier, mais bien commandant de la Légion d’Honneur, au traitement de 2000 fr., que le colonel reçut quelques jours après. Ces deux nominations l’une dans l’autre, contre-signées du prince de Neufchâtel, major-général de la grande armée, par l’intermédiaire du général de division Legrand, qui l’en félicita d’une manière remarquable. Il n’appartenait qu’au fondateur de l’ordre de déroger à ses statuts quand il le jugeait convenable.
M. Pouget se fit de nouveau remarquer dans la campagne de Prusse. Après la bataille d’Iéna, l’armée suivit celle de Blücher, qui fut acculée sur la Baltique. La division Legrand fut dirigée sur Lubeck. Le colonel du 26e régiment fit l’assaut des remparts, suivi de ses braves, qui refoulèrent dans la ville tout ce qui s’était présenté pour les défendre. Ce régiment fut bien étonné de se rencontrer au centre de cette place avec des troupes du corps d’armée de Bernadotte, qui avaient également pris la ville d’assaut, du côté opposé, et sans qu’elles s’en doutassent. Le bulletin de la grande armée qui fait mention de la prise de cette ville Anséatique, signale le 26e régiment d’infanterie légère comme s’y étant distingué.
Dans la campagne suivante, l’armée se dirigeait sur Kœnisberg, à la suite des Prussiens qui allaient à la rencontre de l’armée russe. La cavalerie qui la précédait avait rencontré son avant-garde en deçà d’Eylau, près du village de Hoff, et avait un engagement avec elle. L’empereur, du haut d’un petit monticule, en était témoin.
L’avant-garde de la division Legrand, dont le 26e d’infanterie légère faisait partie, sous les ordres du général Ledru-des-Essarts, eut ordre de se diriger sur ce mamelon, où elle trouva l’empereur qui dit au colonel Pouget : « Avez-vous votre caisson d’ambulance, à votre suite ? — Oui, Sire. — Vous avez une caisse d’amputation ? — Oui, Sire. — Où sont vos officiers de santé ? — Ils l’accompagnent. — C’est bien, suivez, je vais voir cela ».
Le 26e n’avait pas parcouru cent toises, en longeant un petit bois qu’il laissait à sa gauche, qu’il vit venir à sa droite une charge de cavalerie russe, qui ramenait battant une brigade de cuirassiers français. Le général Ledru fit mettre le 26e sur la droite en bataille, il n’y fut pas plutôt que son colonel envoya aux Russes des feux de bataillon avec un tel succès, qu’il les fit rebrousser à l’instant. Le colonel Pouget fit mettre son régiment en colonne par division, et suivit l’ennemi qui lui montra quatre pièces de campagne sur un monticule à demi-portée.
La cavalerie russe se rencontra, les carrés furent bientôt formés, une haie de tirailleurs, cavalerie, chargea en fourrageurs sans oser attaquer. On les tenait à distance. Un des bataillons se déploya, marcha franchement au pas de charge sur les pièces, la baïonnette en avant, il s’en empara, mais prêt d’être atteint par une force d’infanterie double de la nôtre, flanquée par leur cavalerie, le bataillon du 26e se laissa reprendre les quatre pièces. Le second régiment de la brigade, tenu en réserve, vint seconder l’attaque, et les quatre pièces furent reconquises par le même bataillon qui les avait déjà prises et quittées.
Le combat fut opiniâtre, les morts et les blessés s’accumulaient d’une manière effrayante avec une perte énorme. Le Grand-Duc de Berg qui en était témoin, fit dire à l’empereur que s’il n’envoyait pas du secours à ces régiments, ils allaient disparaître. L’empereur lui répondit qu’il ne s’en inquiète pas, ils se tireront d’affaire.
Pendant la chaleur du combat, le colonel Pouget ne vit pas venir derrière lui un cavalier qui allait lui fendre la tête. Il n’évita ce coup que par l’adresse du général de division, qui arriva à temps pour le lui parer, il était accompagné d’un aide-de-camp qui brûla son pistolet à bout portant sur le cavalier, qu’il tua sur place.
La nuit mit fin à ce carnage. Ce fut le moment où cherchant au clair de lune à réorganiser son régiment, que le colonel Pouget s’aperçut du vide qu’il présentait. Il était resté seul de tout son état-major. Plus de chefs de bataillon, plus d’adjudants-majors, plus d’adjudants sous-officiers, plus de tambour-major. Il manquait dans les compagnies 58 officiers et 750 sous-officiers, caporaux, carabiniers et chasseurs, dont il est vrai de dire que les trois-quarts n’étaient que hors de combat. Le colonel resta sur le terrain jusqu’à neuf heures du soir, pour donner des officiers aux compagnies qui en manquaient totalement, nommer des officiers et sous-officiers provisoires, où ils étaient indispensables.
La conduite de ce régiment, dans cette journée, fit dire à l’empereur, que le 26e léger avait fait des prodiges de valeur sous ses yeux. Le colonel avait eu dans cette affaire son chapeau et sa capote percés de plusieurs balles.
Dans la journée du lendemain, 7 février, le colonel Pouget fut chargé de débusquer l’ennemi, qui dès l’entrée de la nuit, s’était réfugié dans Eylau. Il remplit sa mission avec autant d’intrépidité que de succès. Le 26e, trop faible pour se battre en ligne, fut envoyé le 8, en tirailleurs pendant toute la journée, et justifia la confiance de l’Empereur.
A la suite de cette célèbre bataille d’Eylau, l’armée française prit ses cantonnements pour achever l’hiver ; l’ennemi avait rétrogradé sur Kœnisberg, jusqu’où il fut suivi par la cavalerie française.
Les beaux jours ramenèrent les armées françaises à de nouveaux combats. La division Legrand quitta son camp de Mohrunguen pour reprendre son rang de bataille dans le quatrième corps d’armée. Les Prussiens voulurent avoir l’honneur des premiers coups. Ils préludèrent à leur défaite à Heilsberg, où ils attendirent les Français derrière quelques redoutes, en leur présentant le reste de leurs forces. Le 9 juin, l’armée française s’approcha, et le 10, les Prussiens tirèrent, de leur redoute, les premiers coups de canon.
Menacés par leur cavalerie, les deux bataillons du 26e régiment d’infanterie légère furent formés en carrés sur la même ligne, mais à quelque distance l’un de l’autre, le premier bataillon sous les ordres du général de brigade Ledru, et le second sous ceux du colonel Pouget. Ce régiment se trouvait par inversion à l’extrême gauche du corps d’armée. En approchant d’une redoute armée de quatre pièces de canon et d’un obusier, le colonel fit déployer son bataillon, qui fut à l’instant sous la mitraille.
Plus de la moitié des hommes qui le composaient, à la tête desquels étaient notamment les jeunes élèves de l’Ecole militaire, se jeta avec une bravoure admirable dans les retranchements qu’ils escaladèrent, s’aidant les uns les autres, tandis que l’autre moitié tourna la redoute par la droite et par la gauche, à la course. A cette vue, les Prussiens abandonnèrent leur artillerie pour fuir dans un grand désordre. Les tirailleurs de ce bataillon, transportés d’un zèle trop ardent, furent chargés parla cavalerie prussienne, qui fit beaucoup de prisonniers, au nombre desquels se trouvait le frère du colonel Pouget, officier d’une rare bravoure. Mais la cavalerie française, sous les ordres du général de division Lasalle, vint à propos à leur secours ; elle chargea les Prussiens avec une telle impétuosité, qu’ils relâchèrent leurs prisonniers qui rentrèrent gaiement dans leurs rangs.
Pendant que cette action se passait au second bataillon, le premier faisait merveille, de son côté, sous les ordres du général Ledru. A cette bataille, le colonel Pouget fut blessé à la cuisse gauche par un biscaïen qui tua son cheval du même coup. Le 26e régiment léger eut hors de combat, tant tués que blessés, 417 hommes, dont 8 officiers.
La division Legrand bivouaqua sur le champ de bataille. Le lendemain, elle fut détachée du corps d’armée pour aller balayer les bords du Frich Haff, refouler sur Kœnisberg, ou battre tout ce qu’elle rencontrerait, et serrer de près cette ville.
Quoique blessé à ne pouvoir monter à cheval, le colonel ne voulut pas quitter son régiment. Il se faisait conduire sur un petit char traîné par un cheval. Il fut rencontré par M. le maréchal Soult, qui lui dit : « Je sais que vous avez été touché, colonel, rendez-vous à Eylau, et faites-vous soigner ». Il remercia le général en chef, préférant suivre son régiment. Le 26e approche de Kœnisberg. Ses tirailleurs marchèrent sur une redoute établie dans le faubourg, sans l’attaquer ; ils n’en avaient pas l’ordre. La bataille de Friedland, qui eut lieu le 14, mit fin à toute hostilité. L’ennemi se retira sur la rive droite du Niémen ; la ville ouvrit ses portes, et la paix de Tilsit s’ensuivit.
A Esling, le colonel Pouget eut la moitié du pied gauche emporté par un boulet et dut quitter son régiment, qui, depuis le camp de Boulogne, n’avait pas brûlé une seule amorce sans son colonel. Cette blessure était si grave que l’empereur, l’assimilant à une amputation, donna à ce colonel une dotation en Hanovre du revenu de 4000 fr., et, par un autre décret daté de Schœnbrun, du 30 mai 1809, le nomma général de brigade, pour être employé dans l’intérieur de la France.
Toutefois, lors de l’organisation de l’armée qui devait faire la campagne de Russie, il reçut le commandement d’une brigade dans le corps d’armée du maréchal duc de Reggio.
Avant d’arriver sur la Dwina où les Russes avaient concentré leurs forces, il n’y eut aucune affaire sérieuse.
Le général Pouget, dont la brigade composait en partie la division Verdier, se trouvait aux combats des 31 juillet et 1er août, sur la Drissa, en avant de Pollockou. Les Russes perdirent, dans le combat du 1er, douze pièces d’artillerie, 2000 hommes et tous les bagages.
Il y eut encore des engagements les 9,10 et 11, qui n’eurent aucun résultat. Dans le dernier, le général Pouget reçut un coup de baïonnette dans la jambe gauche, qui le força au repos pendant quelques jours. Il apprit que le duc de Reggio voulait attaquer. Le 16 août, il monta à cheval avec une seule jambe bottée. L’affaire se passa entre tirailleurs.
Le 17, le feu recommença, dès quatre heures du matin, de la part des Russes, qui voulaient rejeter l’armée française sur la rive gauche de la Dwina. Cette tentative fut inutile. Le général en chef fut blessé. Le capitaine-général Gouvion-Saint-Cyr était arrivé ce jour-là pour joindre son corps d’armée à celui du duc de Reggio ; il se composait de deux divisions de Bavarois et d’une division suisse. Le capitaine-général prit sur-le-champ l’offensive, il fit attaquer, le 18 à quatre heures du soir, l’armée russe.
Le 37e régiment de ligne de la brigade du général Pouget fut mis en tête de la division Legrand, pour l’attaque projetée. La colonne dont il ouvrait la marche, fut dirigée sur une batterie de douze pièces de canon, qu’elle prit malgré boulets et mitraille. Le général Pouget eut son cheval tué sous lui, et fut touché au genou gauche. Il fut obligé de se retirer à Polotzk, sur un des chevaux de l’artillerie capturée. Sa blessure ne pouvant se guérir qu’à la longue, il se rendit à Wilna pour se faire soigner. De cette ville, il fut envoyé à Vitespk, pour succéder au lieutenant-général Charpentier dans le commandement de cette province.
Le général Pouget obéit, quoique hors d’état de pouvoir encore monter à cheval. Vitepsk, grande ville ouverte, sans défense quelconque, aurait exigé 10000 hommes de garnison, elle n’avait qu’un ramassis de traînards dont le nombre montait à 900, sans officiers ni sous-officiers, et 300 hommes de différents détachements de la jeune garde ; pas d’autre cavalerie que 16 gendarmes commandés par un officier.
Le général avait déjà fait partir pour Moscou 800 de ces traînards, lorsqu’il fut attaqué sur les deux rives de la Dwina. Il défendit la place autant qu’il le put, et, après avoir fait évacuer les hôpitaux et toutes les administrations, il obéit à l’ordre qu’il avait reçu de se retirer sur Smolensk, dans le cas où il serait attaqué sur les deux rives. Le lieutenant-général Daendels, du corps d’armée du duc de Bellune, arrivé momentanément à Vitepsk, y laissa un bataillon des troupes de Berg, tout-à-fait neuves, inexpérimentées, et fort seulement de 400 hommes.
La retraite s’opéra toujours en combattant, mais, après 20 werstes (4 lieues) de chemin, une charge de cavalerie des dragons de Riga, rompit les rangs, sabra le général Pouget qui fut fait prisonnier, après avoir lutté contre 3000 hommes d’infanterie et 1500 de cavalerie, cosaques compris.
La restauration n’accueillit pas les services que le général Pouget crut devoir lui offrir, à son retour de Russie. Elle le dégagea par là de tous sentiments de reconnaissance.
Dès que l’Empereur eut repris les rênes de l’État, M. Pouget se rendit à Paris, et se trouva à la première réception aux Tuileries. L’empereur l’accueillit affectueusement. Peu après, le général reçut avis de se rendre en poste, et sans le moindre délai, à Marseille, pour y prendre le commandement du département des Bouches-du-Rhône, où il fut sous les ordres du lieutenant-général comte Verdier.
Cette mission était toute de confiance. Cette ville était en effet la dernière qui avait fait sa soumission. A leur arrivée, ces généraux furent mal reçus. Les dispositions hostiles de la population, dans laquelle venaient de rentrer les compagnies royalistes franches, déterminèrent le lieutenant-général à déployer toute l’énergie dont il était capable. La ville attendait le résultat du choc des armées pour prendre une couleur encore plus décidée. Ce jour fatal arriva, Marseille n’avait alors pour garnison qu’un bataillon du 58e de ligne, nouvellement organisé, et le 14e régiment de chasseurs. La population n’eut plus de frein. Elle pourchassa et sacrifia tous les partisans de l’Empereur. Les royalistes des environs qui descendaient dans la ville, couvraient les campagnes ; les soldats isolés étaient massacrés. Le poste que le commandant du département avait fait venir chez lui pour sa sûreté dut repousser de vives agressions.
Le général Pouget avait reçu l’ordre de conduire ses deux régiments à Toulon, il les mit sur-le-champ en marche avec défense de riposter aux coups de fusils qu’ils recevraient, pour éviter une collision dans laquelle ils ne pouvaient manquer de succomber. Le lieutenant-général Verdier avait quitté la ville longtemps avant le mouvement des troupes, et il fit très prudemment, la population étant très exaspérée contre lui. La colonne étant en marche, fut suivie sur son flanc gauche par les insurgés. Pendant l’espace de deux lieues, elle supporta la fusillade sans y répondre. Le capitaine de gendarmerie fut tué à côté du général. Le 58e eut plus de 150 hommes hors de combat, et le 14e de chasseurs, 16 ou 17. Les insurgés les quittèrent enfin. La colonne arriva le lendemain à Toulon, où elle fut reçue aux cris de Vive l’Empereur !
Les troupes qui la composaient furent remises au lieutenant-général Bizanet qui était gouverneur de la ville. Peu de jours après l’arrivée de ces deux régiments, ils eurent la satisfaction d’entendre les magistrats, suivis d’un grand appareil, proclamer Napoléon II, d’après la déclaration de la chambre des Cent-Jours. Le général Bizanet étant malade, le maréchal Brune, qui venait d’entrer à Toulon, nomma officiellement le général Pouget sous-gouverneur, et lui prescrivit de prendre les ordres du gouverneur.
Quelques jours après, les troupes s’étant multipliées par l’admission dans la place des régiments qui composaient l’armée du Var, le maréchal Brune donna l’ordre, par un écrit de sa main, en date du 12 juillet 1815, au général Pouget, de prendre le commandement des troupes de ligne qui se trouvaient dans Toulon, et de celles qui y arriveraient. La garnison, et surtout les marins, étaient disposés à opposer une noble défense, mais tous ces braves n’en eurent pas la gloire. Le conseil de guerre où se trouvaient des magistrats, reconnaissant que quelque longue que pût être la défense, Toulon étant la seule ville de France qui n’eût pas fait sa soumission, il faudrait en venir là, consentit à recevoir les commissaires royaux, qui étaient l’amiral Ganteaume et le marquis de Rivière.
Les généraux Pouget, Ravier et Morangiez étaient très décidés à s’embarquer pour se rendre sur la Loire, si on y eût organisé une armée ; ils attendirent en vain. Le général Pouget resta en disponibilité, quoique placé dans la quatorzième catégorie, mais toujours sans emploi.
Après les événements de juillet 1830, il fut appelé au commandement du département de l’Aube. M. le duc de Dalmatie, alors ministre de la guerre, et sous les ordres duquel le général avait fait les quatre premières campagnes de l’Empire, le jugeant digne de la décoration du grade de grand-officier de la Légion-d’Honneur, présenta son nom au roi, qui l’éleva à cette dignité en avril 1831.
Son âge appelant cet officier-général à la retraite, il y fut admis en 1832.
Son nom est gravé sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile.