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     Deutschesreich 1939

     

    Proclamation de l’Anschluss

     

    Depuis son accession au pouvoir en 1933, Hitler, au nom du pangermanisme, souhaite le rattachement (Anschluss) de l’Autriche au IIIe Reich.

    En 1934, une tentative de coup d’État est menée par les nazis autrichiens. Le chancelier autrichien Dollfuss est assassiné, mais le coup d’État échoue.

    Le 11 mars 1938, Adolf Hitler exige la démission du nouveau chancelier autrichien, Kurt von Schuschnigg, alors que celui-ci voulait organiser qu’un plébiscite sur le maintien de l’indépendance autrichienne. Privé de tout appui extérieur, von Schuschnigg démissionne.

    Le 12, la Wehrmacht pénètre en Autriche. L’Anschluss est proclamé le 13 mars, dans l’indifférence internationale.

     

    Nous vous proposons une étude réalisée par Georges Castellan sur les aspects militaires de l’Anschluss.

     

    D’après « Revue d’histoire moderne et contemporaine » – 1954

     

    Le 26 février 1938, Hitler réunissait à Berlin, Ribbentrop, le secrétaire d’État Keppler, le führer du parti nazi autrichien cap. Léopold et quatre autres dirigeants de ce parti.

    Je cite Keppler : « Le Führer déclara qu’il était obligé dans la question autrichienne d’engager le Parti sur une autre voie, car la question autrichienne ne pourrait jamais être résolue par une révolution. Il avait dû, après 1923, abandonner cette voie pour l’Allemagne, et il ne la voyait mener à aucune solution possible. D’autre part, les efforts que ferait le Reich à cette fin le mettraient nécessairement dans une situation extrêmement pénible, puisqu’on ne pourrait choisir le moment d’agir ».

    Il ne restait donc que deux possibilités : 1. La violence ; 2. L’évolution progressive.

    « Et il souhaitait que ce fût l’évolution progressive que l’on choisît, quand bien même on ne pourrait entrevoir dès aujourd’hui une chance de succès. Le Protocole (du 12 février 1938) signé par Schuschnigg allait si loin que son exécution pleine et entière équivaudrait automatiquement à la solution de la question autrichienne. Il souhaitait éviter autant que possible toute solution brutale, parce que les dangers qui nous menaçaient sur le plan de la politique étrangère ne cessaient de décroître d’année en année, cependant que notre puissance militaire augmentait d’année en année. C’était ce changement de tactique qui avait entraîné leur rappel ; ils ne devaient donc y voir aucune mesure personnelle. Il n’était d’ailleurs nullement exclu qu’ils pussent retourner plus tard en Autriche. Le Führer me confia ces cinq messieurs, qui devaient être bien payés et visiteraient tout d’abord en détail l’Allemagne. D’ailleurs, ils restaient à sa disposition quand il aurait besoin de quelque renseignement, notamment sur des personnalités autrichiennes ».

    Or quatorze jours plus tard, le 12 mars à partir de 8 heures du matin, la Wehrmacht pénètre en Autriche : Hitler emploie la violence. Entre ces deux dates, une décision nouvelle est intervenue.

    C’est à l’étude de ce problème restreint, mais capital, que je bornerai cette étude : la décision, stade initial de l’opération militaire.

    Je m’efforcerai de répondre à trois questions :
    - Quand le Führer s’est-il décidé à intervenir ? Moment de la décision.
    - Comment allait se faire cette intervention ? Choix des moyens.
    - Pourquoi employait-il la force armée ? Raisons du choix.

     

    • — La décision de principe

     

    Deux problèmes : Quand a été prise cette décision ? Pourquoi ?

    Tout d’abord, une explication à éliminer ; celle suggérée par Gisevius : l’intervention militaire, dérivatif à la crise intérieure du IIIe Reich, la crise Blomberg-Fritsch. « Il est clair qu’en décidant inopinément un plébiscite, le chancelier Schuschnigg a donné un excellent prétexte pour agir. Mais l’astucieux Hitler sait admirablement monter une manœuvre de diversion politique…

    Nous constatons qu’en ce premier des « Blitz » militaires, les puissances étrangères ne sont pas les seules à être surprises, puisque Hitler surprend d’abord ses propres généraux.

    L’explication avait eu cours à l’époque. Le 8 février 1938, le consul général autrichien à Munich écrivait au ministre des Affaires étrangères Guido Schmidt : « Les changements de personnel dans l’armée allemande et le départ du baron von Neurath, des ambassadeurs von Papen et von Hassel ont produit dans le public l’effet d’une bombe. On interprète en général ces changements comme un signe que l’Allemagne abandonne la ligne du 11 juillet 1936 (le premier accord Schuschnigg-Hitler), 1′« action de printemps » (die Frühjahrsaktion) est de nouveau au centre des combinaisons ».

    Ces prévisions, on le sait, se révélèrent inexactes. Hitler, convaincu par Papen qui rentrait de Vienne, se rallia à la tactique de l’évolution progressive, et ce fut l’« accord » du 12 février 1938.

    Toutefois, en changeant de camp, on retrouve cette fameuse crise. C’est Guido Schmidt qui déclare : « La crise de février avait pour nous un autre aspect. Nous marchions maintenant dans la zone dangereuse, et les événements montraient un tout autre visage. Sans la crise, le chancelier (Schuschnigg) n’aurait peut-être pas accepté (la rencontre de Berchtesgaden). Les opinions sur la crise différaient complètement ; les uns disaient qu’elle cachait un putsch de la Wehrmacht contre le Parti, d’autres voyaient en elle une attaque du Parti contre la Wehrmacht, d’autres encore pensaient qu’il s’agissait d’une résistance de la Wehrmacht dans le domaine de la politique extérieure ».

    On peut donc penser que Schuschnigg, en agissant par surprise, crut mettre en face d’un problème insoluble, une Wehrmacht sérieusement ébranlée dans sa structure. Le calcul se révéla faux. Les luttes de personnes qui se produisirent dans le haut-commandement n’affectèrent pas la discipline des troupes. D’ailleurs l’O. K. W. lui-même, bien qu’engagé dans une lutte très vive contre l’O, K. H., n’oubliait pas ses missions.

    Le 3 mars, Jodl écrit : « La question de l’Autriche devient critique : 100 officiers doivent y être détachés. Le Führer veut leur parler personnellement. Leur rôle n’est pas de veiller à ce que l’armée autrichienne puisse mieux combattre contre nous, mais à ce qu’elle ne combatte pas du tout ».

    Donc si la crise Blomberg-Fritsch a influé sur une décision, c’est sur celle de Schuschnigg et non sur celle d’Hitler.

    Tous les témoignages concordent sur le fait que la décision du Führer fut prise à l’annonce du plébiscite envisagé par Schuschnigg pour le dimanche 13 mars.

    D’après Guido Schmidt : « C’est le plébiscite projeté qui amena Hitler à l’idée définitive d’une invasion. Le seul (Autrichien) qui, le 10 mars, se trouva dans le bureau d’Hitler fut Glaise Horstenau. Il me raconta, quand je le rencontrai plus tard, qu’on l’avait conduit auprès d’Hitler. Celui-ci avait tempêté et crié qu’il lui fallait maintenant « tomber » sur l’Autriche avec des bombes ou des avions. Il était décidé à l’invasion, à moins que ne soit supprimé le plébiscite pour l’Autriche ».

    D’où la question : quel fut le moment exact de la décision, c’est-à-dire quand et comment Hitler a-t-il appris la nouvelle du plébiscite ?

    Dans les « Archives secrètes de la Wilhelmstrasse », la première dépêche mentionnant le plébiscite est du 9 mars à 14h30. C’est un télégramme de Weizsacker à son ministre Ribbentrop en voyage à Londres. Or l’annonce officielle fut faite par Schuschnigg dans un discours radiodiffusé ce même 9 mars à 19 heures : le Gouvernement allemand, que le chancelier s’était bien gardé d’avertir, fut donc prévenu avant le moment prévu.

    Les différents témoignages du procès Nuremberg permettent de cerner les « fuites ». Le 6 mars, Schuschnigg fit part de son projet au président Miklas. Le 7, il s’en ouvrit à Mussolini qui le déconseilla, mais Ciano n’en informa l’ambassadeur du Reich que le 11 mars à 21 heures. Le secret semble avoir été bien gardé de ce côté.

    La décision autrichienne fut définitivement arrêtée dans la nuit du 8 au 9, au cours d’une conférence du chancelier avec les ministres Zernatto et Pernter, le maire de Vienne, Schmitz et deux autres hauts fonctionnaires.

    Le ministre Seyss Inquart, chargé des Affaires intérieures – contrairement à l’indication contenue dans la dépêche de l’ambassade allemande du 10 mars – fut prévenu par Schuschnigg lui-même dans la soirée du 8, vraisemblablement avant la réunion, mais le chancelier lui demanda sa parole d’honneur de garder cette information secrète jusqu’au discours du lendemain 9 au soir. Seyss Inquart a reconnu ce fait dans son affidavit du 9 septembre 1945 à Nuremberg. Or, je cite Seyss Inquart : « Tard dans la soirée (du 8), je reçus la visite du Dr Jury (un des chefs nazis autrichiens) qui vint me raconter le plan du plébiscite. Il avait appris cela à la centrale du Front de la Patrie ». Voilà la première « fuite ».

    Le mercredi 9 mars, à 9 heures du matin (heure de l’Europe centrale), les chefs du parti nazi autrichien se réunissent et décident d’informer immédiatement le Führer. Ils téléphonent à Berlin, au secrétaire d’État Keppler, chargé par Hitler de suivre l’exécution des accords de Berchtesgaden, et qui depuis le 26 février avait la haute main sur les affaires autrichiennes.

    Celui-ci transmet aussitôt la nouvelle au Führer. Ainsi le chancelier du Reich connaît le plébiscite projeté pour le 13, le mercredi 9 entre 10 et 11 heures du matin. Toutefois, avant de réagir, Hitler attend une confirmation.

    Laissons la parole au notaire Rainer, un des chefs du parti nazi autrichien : « Les dispositions du plébiscite furent dictées par Zernatto à sa secrétaire. On avait résolu de garder le secret… Mais la secrétaire se trouva mal et dut sortir. En réalité, elle était nationale-socialiste et une fois dehors, elle prit en hâte un morceau de papier, écrivit ce qu’elle savait et nous fit parvenir le message par une voie sûre. A 10h30, nous étions en possession du plan complet ». C’est la deuxième fuite.

    Une heure plus tard, les chefs nazis se réunissent à la Landesleitung avec Seyss Inquart : – Tout cela est-ce vrai ? lui demande-t-on. Et Seyss, répond : – Je suis tenu par ma parole d’honneur à ne pas parler, mais nous devons faire comme si c’était vrai. Confirmation et derniers détails, avec demande d’instructions, sont envoyés au Führer par un messager (Globocnig, autre chef nazi) qui prend l’avion et arrive à Berlin vers 15 heures.

    Hitler alors se décide à son tour : ordre est donné à Keppler de partir aussitôt pour Vienne « en avion spécial pour empêcher le plébiscite ». Il est 16 heures : la décision de principe est prise (9 mars).

     

    • — Le choix des moyens

     

    Vouloir empêcher le plébiscite conduisait à choisir les moyens de pression. Tard dans la soirée, Hitler confère avec Goering à ce sujet : ils envisagent à ce moment l’emploi de la force, et dans la nuit du 9 au 10, partent les premiers ordres. Jodl note : « Le général von Reichenau est rappelé du Comité olympique du Caire. On convoque (à Berlin) le général von Schobert ainsi que le ministre (autrichien) Glaise Horstenau qui est, avec le gauleiter Burckel dans le Palatinat ».

    Le matin du 10 à 9h45, le général Keitel met l’O. K. W. au courant des premières mesures et à 10 heures, se tient à la Chancellerie du Reich la réunion décisive. Sont présents : le Führer, von Neurath (remplaçant von Ribbentrop retenu à Londres), les généraux Keitel, Guderian, von Schobert, et « autres », déclare Keppler, c’est-à-dire Brauchitsch, commandant en chef de l’armée de terre, l’amiral Raeder, commandant de la marine, tous deux convoqués au milieu du Conseil de Guerre occupé à délibérer sur le cas Fritsch, Goering, qui, lui, joua la comédie de la surprise, Beck, chef d’état-major de l’O.K.H., informé personnellement par Keitel.

    Keppler, qui a quitté Vienne par avion à 6 heures du matin, est introduit et fait son rapport ; Il règne à Vienne, dit-il, une atmosphère de guerre civile, les communistes distribuent des tracts dans la rue, le Front de la Patrie est très actif.

    Jodl arrive à 10h30 avec « un ancien projet d’intervention », le cas Otto. La réunion se termine vers 12h30 et Keitel, de retour de la Chancellerie, met l’O.K.W. au courant des décisions prises. Je cite Jodl : « Le Führer décide de transmettre un ultimatum au Cabinet autrichien. Une lettre personnelle est adressée à Mussolini dans laquelle sont exposées les raisons pour lesquelles le Führer est forcé d’agir ».

    Le 2e Bureau français ne se trompait pas en écrivant dans son bulletin de renseignements sur l’Anschluss : « C’est vraisemblablement le 10 mars, en fin de matinée, qu’Hitler prend, dans le secret le plus absolu, la décision d’intervenir par la force en Autriche ».

    La méthode choisie, l’ultimatum, laissait les militaires dans l’incertitude : la Wehrmacht à partir de ce moment se préparait à intervenir, mais interviendrait-elle effectivement ? Tout allait dépendre de l’évolution de la situation générale.

    Une première démarche, diplomatique, eut lieu dès le 10 mars auprès du président Miklas. Il raconta dans sa déposition au procès Schmidt : « Le chargé d’affaires (d’Allemagne) von Stein est venu me voir le 10 mars avant midi et a demandé au nom du Reich la suppression du plébiscite. Je lui déclarais que nous ne laisserions pas toucher à l’indépendance autrichienne. Ce fut le dernier acte diplomatique du Reich en Autriche ».

    L’ultimatum prévu ne fut transmis que le vendredi 11, sous une forme assez imprécise : c’était une lettre du Führer à Seyss Inquart, apportée à Vienne par avion. Le messager arriva à 7h45 du matin et déposa la lettre à l’Ambassade d’Allemagne. Seyss l’eut en mains vers 9 heures, et, en compagnie de Glaise Horstenau qui rentrait juste de Berlin, il alla trouver Schuschnigg.

    « J’informai le chancelier du contenu de la lettre ; si le plébiscite n’est pas supprimé, le Reich considérera qu’il a retrouvé sa liberté d’action, par suite de l’abandon par l’Autriche du traité du 12 février 1938, et j’ajoutais qu’une action militaire était à craindre, sans confusion possible ».

    La discussion fut longue et dura jusqu’à midi. Schuschnigg refusa de prendre une décision immédiate. Seyss demanda une décision pour 14 heures. C’est le premier ultimatum.

    Après avoir consulté le président Miklas, Schuschnigg décide d’annuler le plébiscite. Il est 14 heures. Au même moment, à Berlin, sort, sans signature, la « Directive d’opération n°1 », signée par Hitler à 15 heures. En voici le texte intégral :

    Le Commandant en Chef de la Wehrmacht
    OKWLI a Nr 420/38 gkdos
    Sujet : Opération Otto
    Berlin., le 11-3-1938.

    Directive n° 1

    1. J’ai l’intention, si d’autres moyens ne conduisent pas au but, d’entrer en Autriche avec des forces armées pour y restaurer les conditions constitutionnelles et interdire de nouvelles violences contre la population pro-allemande.
    2. Je commande moi-même toute l’opération.
    D’après mes ordres :
    — L’O. K. H. dirige les opérations à terre avec la VIIIe Armée, ayant la composition, et les forces qui m’ont été proposées, et avec les détachements de l’Aviation, des S.S. et de la Police indiqués à l’annexe ;
    — L’O. K. L. dirige les opérations de l’Air avec les forces qui m’ont été proposées.
    3. Mission :
    a) Armée de terre :
    L’entrée en Autriche doit se faire de la manière qui m’a été exposée. L’objectif de l’armée est en premier lieu l’occupation de la Haute-Autriche, de Salzbourg, de la Basse-Autriche, du Tyrol, la prise rapide de Vienne et la sécurité de la frontière austro-tchèque.
    b) Luftwaffe :
    La Luftwaffe doit faire des démonstrations et distribuer du matériel de propagande, occuper les aérodromes autrichiens pour les unités qui suivraient éventuellement, appuyer l’armée sur sa demande en toutes circonstances nécessaires, et en outre, tenir prêtes des formations de bombardement pour des missions particulières.
    4. Les forces de l’armée et de la Luftwaffe désignées pour l’opération doivent être prêtes à pénétrer et prêtes à agir le 12 mars 1938, à 12 heures au plus tard. Je me réserve le droit de donner l’autorisation de franchir ou de survoler la frontière et la décision du moment.
    5. Le comportement des troupes doit donner l’impression que nous ne voulons pas faire la guerre à un peuple frère. Il est de notre intérêt que toute l’opération ait lieu sans emploi de la force, sous la forme d’une entrée pacifique souhaitée par la population. Toute provocation est donc à éviter. Mais s’il se produit quelque résistance, elle est à briser par la force des armes avec la plus grande vigueur.
    Les unités autrichiennes passant de notre côté seront placées immédiatement sous le commandement allemand.
    6. Sur les frontières de l’Allemagne, face aux autres États, il n’y a pour le moment pas de mesure de sécurité à prendre.
    Signé : A. Hitler.

    Cette directive était complétée par une instruction spéciale.

    Oberkommando de la Wehrmacht
    N. 428/38 g. Kdos Lez la
    Berlin, le 11 mars 1938.
    Dispositions spéciales N° 1
    pour le « Commandant Suprême de la Wehrmacht » n. 427/38
    g. Kdos L. Ia V 11-3-38
    Directive pour l’attitude à avoir envers les troupes tchécoslovaques et italiennes ou les unités de Milice sur le sol autrichien
    1. Si les troupes tchécoslovaques ou les unités de la Milice sont rencontrées en Autriche, elles sont à considérer comme ennemies.
    2. Les Italiens sont à accueillir partout en amis, d’autant plus que Mussolini a déclaré n’être pas intéressé par la solution de la question autrichienne.
    Le chef de l’O.K.W. p.o. Jodl.

    Ces deux textes font ressortir l’incertitude d’Hitler et de l’O.K.W. sur trois points essentiels :
    1. La nécessité et le moment de l’intervention de la Wehrmacht ;
    2. La manière — pacifique ou violente — dont elle se fera ;
    3. L’attitude tchèque et même italienne.

    A 14h30, Seyss transmet par l’Ambassade d’Allemagne la réponse de Schuschnigg : le problème est réglé, le plébiscite n’aura pas lieu.

    Alors le Parti nazi autrichien entre en scène ; dans la nuit, Globocnig est rentré de Berlin par avion avec ce message : le Führer laisse au Parti national-socialiste autrichien pleine liberté d’action et approuvera son activité.

    Le matin à 11h30, les chefs se sont réunis à la Landesleitung et ont préparé le texte d’un télégramme au Führer l’appelant à l’aide.

    A 14h30, quand Seyss lui fait connaître la réponse de Schuschnigg, le Landesleiter nazi Rainer lui fait part d’une nouvelle demande : les deux ministres de 1′« opposition nationale » Seyss Inquart et Glaise Horstenau doivent démissionner, pour entraîner la démission de Schuschnigg. Un quart d’heure plus tard, Goering intervient à son tour : il appelle Seyss au téléphone pour lui faire savoir que l’annulation du plébiscite ne suffit plus, puis, ayant consulté sur-le-champ le Führer (conversation qui se situe entre 14h50 et 15h05), transmet le deuxième ultimatum : Schuschnigg doit se retirer dans un délai d’une heure, et Seyss doit lui succéder.

    Dès 15h15, Schuschnigg offre sa démission à Miklas qui refuse. Alors, cinq heures durant, une lutte serrée mais confuse, s’engage autour du président fédéral.

    Je n’en retiendrai que ce qui eut une répercussion sur le plan de la décision militaire.

    C’est Jodl qui, dans son journal, note un à-coup qui confère à l’opération autrichienne un surcroît d’improvisation quelque peu désordonné : « 11 mars, 18 heures : Schuschnigg s’est retiré, Seyss Inquart devient chancelier. — S. A. et S. S. font leur service en uniforme. — Nos mouvements se déroulent. La frontière ne sera pas franchie. L’aviation prévoit pour demain un grand raid de propagande… 20h30 : le général von Viebahn nous met au courant : la situation a de nouveau changé, l’invasion a lieu ».

     

    Il y a donc, entre 18 heures et 20h30, un revirement complet. La décision pour l’invasion effective intervient dans ce laps de temps.

    Il y eut à l’origine du contre-ordre un quiproquo téléphonique que l’on peut suivre dans les conversations de Goering. A 17 heures, le Feld Marschall était appelé par Dombrowski.

    Le dialogue mérite d’être cité :
    Dombrowski. — J’ai à vous transmettre ce qui suit. Seyss Inquart a conversé avec le chancelier autrichien jusqu’à 16h30, mais celui-ci n’est pas en mesure de dissoudre le Cabinet pour 17h30, parce que c’est techniquement impossible.
    Goering. — A 19h30, le Cabinet doit être formé et différentes mesures prises. Seyss Inquart est-il là ?
    Dombrowski. — Il n’est pas là en ce moment, il est en conférence. C’est pourquoi il m’a envoyé vous téléphoner.
    Goering. — Quel est le message ? Répétez-le exactement.
    Dombrowski. — Son message est qu’il n’est pas en mesure…
    Goering. (interrompt). — Qu’est-ce qu’il a donc à me dire ?
    Dombrowski. — Il dit qu’il hésite à permettre aux formations du Parti d’entrer (en Autriche) maintenant.
    Goering. — Ce n’est pas la question. Je veux savoir où on en est ? Vous a-t-il dit qu’il était maintenant chancelier ?
    Dombrowski. — Oui.
    Goering. — Lui a-t-on donné le pouvoir ?
    Dombrowski. — Oui.
    Goering. — Bon, cela va. A quelle heure peut-il former le Cabinet ?
    Dombrowski. — Probablement à 21h18 (sic).
    Goering. — Le Cabinet doit être formé à 7h30 (19h30).
    Dombrowski. — A 7h30.
    Goering. — Pour cela, Keppler va arriver.
    Dombrowski. — Pour continuer, les S. A. et les S. S. ont été formés en Police auxiliaire.
    Goering. (répète la dernière phrase). — La demande de légaliser le Parti doit donc être faite.
    Dombrowski. — Très bien.
    Goering. — Très bien ; avec toutes ses formations, S. S., S. A., H. J.
    Dombrowski. — Oui Feld Marschall, une chose seulement, que les formations qui sont maintenant hors du pays (Légion autrichienne formée par les nazis réfugiés en Allemagne) n’entrent pas en ce moment.
    Goering. — Elles viendront seulement dans les jours suivants.
    Dombrowski. — Oui, il (Seyss) pense, après que le plébiscite aura lieu.
    Goering. — Non, non, quel plébiscite ?
    Dombrowski. — Oui, il espère que le programme qui a été arrêté sera rempli par Hitler.
    Goering. — Un moment. Pour le plébiscite, il y a certaines choses particulières, nous n’en sommes pas là. De toute façon, le plébiscite de demain (sic) doit être annulé.
    Dombrowski. — Ceci a déjà été fait, c’est maintenant hors de question.
    Goering. — Bien, le Cabinet doit être entièrement national-socialiste.
    Dombrowski. — Bon, cela aussi a été réglé, à 7h30 ce doit être…
    Goering. (interrompant). — Ce doit être signé à 7h30 et Keppler vous apportera quelques noms à incorporer à la liste.
    Dombrowski. — Très bien, une chose : Seyss Inquart demande à propos des organisations maintenant émigrées qu’elles viennent plus tard et pas maintenant.
    Goering. — Bon, bon. Nous parlerons de cela… Cela prendra quelques jours encore.
    Dombrowski. — C’est là sa demande.
    Goering. — Bon.
    Dombrowski. — Tout est bien maintenant…
    Goering. — Oui, et à 7h30 le rapport sur la formation du Cabinet.
    Dombrowski. — Ce sera fait.
    Goering. — Keppler vous apportera les noms. Une chose que j’avais oubliée ; Fischbock doit avoir le ministère de l’Économie et du Commerce.
    Dombrowski. — C’est compris.
    Goering. — Kaltenbrunner doit avoir le Département de la Sûreté, et Bahr (Lohr) celui des Forces armées. L’armée autrichienne doit être prise par Seyss Inquart lui-même, et vous êtes au courant en ce qui concerne le Département de la Justice.
    Dombrowski. — Oui oui.
    Goering. — Donnez-moi le nom.
    Dombrowski. — Eh bien, votre beau-frère (Dr Hüber), n’est-ce pas ?
    Goering. — Oui.
    Dombrowski. — Oui.
    Goering. — C’est juste, et alors aussi Fischbock.
    Dombrowski. — Oui, on va y veiller.
    Goering. — Faites vite. La presse du soir va paraître et notre peuple…
    Dombrowski. — Bon, quant à l’homme que vous avez mentionné pour le Département de la Sécurité…
    Goering. — Kaltenbrunner ? Oui, il doit avoir le Département de la Sécurité, et puis, marquez cela : immédiatement, les représentants de la presse (tous deux parlent en même temps).
    Dombrowski. (dit plusieurs fois oui). — … Très bien, à 17h30, non, à 7h30. Au revoir.

     

    Cette extraordinaire conversation traduisait un énervement considérable et montrait la désinvolture cynique de Goering menant les choses à son gré et se moquant des demandes de Seyss Inquart lui-même. Le Feld Marschall en retirait l’impression que tout était pratiquement arrangé : Seyss Inquart était chancelier, toutes les formations du Parti autorisées, les S. A. et les S. S. maîtres du pavé à Vienne. Il transmit la nouvelle au Führer, puis elle chemina dans les bureaux ; Jodl la recueillit à 18 heures. Dans ces conditions, il n’était plus question d’invasion, mais d’un raid de propagande de la Luftwaffe le lendemain.

    Quelle ne fut pas la stupeur de Goering d’apprendre, vingt minutes plus tard, de Seyss Inquart lui-même, la véritable situation. Il est 17h26 :

    Seyss. — La situation est la suivante : Le président fédéral a accepté la démission (de Schuschnigg), mais son point de vue est que personne d’autre n’est à blâmer pour Berschtesgaden et ses conséquences, et c’est pourquoi il veut… Il voudrait confier à un homme comme Euder  la Chancellerie. En ce moment, nos gens, Globocnig et autres, confèrent avec lui de la situation.
    Goering. — Oui ; mais attention. Ceci change entièrement la situation. Il faut dire au Président fédéral ou à qui vous voudrez que c’est entièrement différent de ce que l’on nous avait dit. Gowotschnik (sic pour Dombrowski) a dit, sur votre ordre, que vous aviez obtenu la Chancellerie.
    Seyss. — Qui ? Moi ? Quand vous a-t-il dit cela ?
    Goering. — Il y a à peine une heure (sic). Il a dit que vous aviez la Chancellerie, et même que le Parti était rétabli, que les S. A., les S. S. avaient déjà des fonctions de police, etc.
    Seyss. — Non, ce n’est pas ainsi. J’ai déjà proposé au Président fédéral de me confier la Chancellerie. Cela habituellement prend trois ou quatre heures. Quant au Parti, nous n’avons pas encore la possibilité de le rétablir, mais nous avons ordonné aux S. A. et aux S. S. de faire du service d’ordre.
    Goering. — Il ne faut pas faire cela, en aucune circonstance. Procédez ainsi, s’il vous plaît : le président fédéral doit être informé immédiatement qu’il doit vous confier les pouvoirs de chancelier fédéral et accepter le Cabinet comme il a été arrangé : vous comme chancelier fédéral et l’armée.

     

    A ce moment, Mulhlmann, nazi autrichien qui était avec Globocnig auprès de Miklas, vient confirmer que le président persiste dans son refus de désigner Seyss Inquart. Alors Goering ordonne à Seyss : « Souvenez-vous maintenant de ce qui suit : Allez immédiatement avec le général Muff (Attaché militaire allemand à Vienne) prévenir le président que si les conditions que vous connaissez ne sont pas immédiatement acceptées, les troupes qui sont déjà concentrées et qui s’avancent vers la frontière la traverseront cette nuit sur toute sa longueur et l’Autriche cessera d’exister.
    Le général Muff doit aller avec vous et exiger d’être reçu immédiatement. Je vous prie de nous informer aussitôt de la position prise par Miklas. Dites que ce n’est plus le moment de plaisanter. C’est précisément à cause du rapport erroné (que nous avons reçu) que l’action a été retardée, mais maintenant la situation est telle que, cette nuit, l’invasion commencera dans tous les coins de l’Autriche. L’invasion sera arrêtée et les troupes ne seront retenues à la frontière que si nous apprenons avant 19h30 que Miklas vous a confié le poste de chancelier… Ainsi un compte rendu avant 19h30 ! Le général Muff doit vous accompagner, je vais lui en donner l’ordre immédiatement. Si Miklas ne peut comprendre en quatre heures, il doit maintenant comprendre en quatre minutes ! ». C’est le troisième ultimatum.

    Il fut présenté au président Miklas par le général Muff à 17h40, puis par Keppler à 17h45. Le président resta inébranlable : il refusa de désigner Seyss Inquart comme chancelier.

    Goering alors se déchaîna. A 18h30, il intime à Keppler : « Il faut que Seyss Inquart force Miklas à démissionner ! Remontez auprès de Miklas et dites-lui très rondement que Seyss Inquart doit faire appel à la garde nationale-socialiste et que les troupes vont, dans cinq minutes, recevoir de moi l’ordre d’invasion ».

    Bluff évidemment : les troupes ne sont pas encore prêtes, c’est l’heure où Jodl écrit que la frontière ne sera pas franchie. Goering le sait fort bien, et en fin de conversation avec Seyss Inquart accorde un nouveau délai de cinq à dix minutes.

    Le terme prévu, 19h30, passe donc sans que l’invasion se produise ; pourtant, précisément à cette heure, un poste de police de la région de Salzbourg téléphona que l’armée allemande était en train de franchir la frontière. Simple manœuvre d’intimidation, provenant sans doute des nazis autrichiens.

    Le journal viennois la Reichspost du 11 au soir écrivit dans une édition qui fut confisquée : « L’incursion des troupes du Reich, qui était prévue dans l’ultimatum pour 20 heures du soir (sic) (au lieu de 19h30) ne s’est pas produite.

    De même, les bruits au sujet d’une entrée des troupes allemandes à Salzbourg ne se sont pas avérés exacts. La situation politique s’en est trouvée dans une certaine mesure éclaircie. Le président fédéral Miklas ne se trouvait plus dès lors sous la menace de violences immédiates ».

    Tandis que Schuschnigg faisait à la radio, entre 19h45 et 20 heures, son discours d’adieu bien connu, Miklas une fois de plus refusa à Keppler de donner le pouvoir à Seyss Inquart.

    Alors à 19h57, Seyss Inquart désemparé appelle Goering. Le Gouvernement a cessé de fonctionner et laisse aller les choses.

    Goering interroge. — Et vous, n’avez-vous pas été appelé ? Votre désignation a-t-elle été rejetée ?
    Seyss. — C’est toujours refusé. On s’imagine que cela dépend de l’entrée des troupes, on s’imagine qu’après l’invasion le pouvoir passera en d’autres mains…
    Goering. — Bon, alors je donne l’ordre d’invasion et vous, assurez-vous du pouvoir. Faites savoir aux dirigeants ce que je vais vous dire : quiconque résistera ou organisera la résistance sera immédiatement déféré aux tribunaux militaires, les tribunaux de nos troupes d’invasion ! Est-ce clair ?
    Seyss. — Oui.
    Goering. — Y compris les personnalités dirigeantes. Pas de différence !
    Seyss. — Oui ; ils ont donné l’ordre de n’opposer aucune résistance. (Ordre du général Schilhawsky, qui vient de prendre la direction des Forces autrichiennes).
    Goering. — Tout à fait égal ! Le président ne vous a pas désigné, et cela est une résistance !
    Seyss. — Bon, oui…
    Goering. — Bon, ainsi vous avez la mission officielle (de former le nouveau Gouvernement).
    Seyss. — Oui.
    Goering. — Alors bonne chance. Heil Hitler !

     

    Les dés sont jetés. A Vienne, les bâtiments de la Chancellerie et les édifices publics sont investis par 6 000.S. A. et 500 S. S., et à la radio, Seyss Inquart déclare à 20h15 en tant que ministre de la Sécurité : « Je rappelle en particulier qu’il ne peut être question en aucune façon et en aucun cas, d’offrir une résistance à l’armée allemande qui pénétrerait sur le territoire, aucune résistance, même de la part de la force publique.

    A Berlin, l’O. K. W. est prévenu à 20h30 par le général von Viebahn que l’invasion va avoir lieu. Un quart d’heure plus tard, 20h45, sort l’ordre d’invasion signé par le Führer.

    Oberkommando der Wehrmacht
    O. K. W. L I a n. 427/38 g. kdos
    Sujet : Opération Otto
    Berlin, le 11 mars 1938, 20 h. 45.

    Directive n° 2
    1. Les demandes de l’ultimatum allemand au Gouvernement autrichien n’ont pas été remplies.
    2. Les forces armées autrichiennes ont reçu l’ordre de se retirer devant les troupes allemandes et d’éviter le combat. Le Gouvernement autrichien a cessé de fonctionner de lui-même.
    3. Pour éviter de futures effusions de sang dans les villes autrichiennes, l’entrée des forces armées allemandes en Autriche commencera, conformément à la directive n° 1, à l’aube du 12 mars.
    Je compte sur l’occupation des objectifs fixés, en employant à plein toutes les forces, aussi vite que possible.
    Signé : Adolf Hitler.

    Cet ordre de marche fut transmis aux troupes par l’O. K. H., qui précisa le terme « tagesanbruch » en fixant pour l’heure H : 8 heures. Il contient en outre une indication intéressante : les unités sont prévenues qu’elles ne rencontreront pas de résistance ; conformément donc à la directive n° 1, elles vont s’efforcer de donner « l’impression qu’elles ne veulent pas faire la guerre à un peuple frère ».

    La Wehrmacht désormais allait entrer en action : la machine militaire mise en marche ne pouvait plus être arrêtée. Ce qui se passait à Vienne n’avait désormais plus d’importance.

     

    • — Les raisons du choix

     

    L’évolution de la situation générale amenait donc, après trois ultimatums, les dirigeants allemands à employer la force armée. Quelles furent les raisons de ce choix parmi les moyens dont le Reich disposait ?

    L’explication officielle est le télégramme Seyss Inquart. En voici le texte, d’après les archives de la Wilhelmstrasse : « Estimant de son devoir après la démission du Gouvernement Schuschnigg de rétablir l’ordre et le calme en Autriche, le Gouvernement provisoire, autrichien adresse au Gouvernement allemand un appel pressant pour qu’il le soutienne dans son œuvre et qu’il l’aide à éviter une effusion de sang. A cette fin, il prie le Gouvernement allemand de procéder le plus tôt possible à l’envoi des troupes allemandes. Signé : Seyss Inquart ».

     

    Commençons par la critique externe. Tous les télégrammes diplomatiques portent en tête l’indication précise du lieu, du jour et de l’heure de leur départ, et de leur arrivée. Ainsi le télégramme suivant — dans les Archives — envoyé par le chargé d’affaires allemand en Grande-Bretagne au ministre des Affaires étrangères allemand porte :
    « Londres, le 12 mars 1938, à 10h35
    Arrivé le 12 mars 1938, à 12h.35 »

    Le télégramme Seyss Inquart se présente d’une façon insolite : il y a l’indication « Arrivé le 11 mars 1938, à 21h40 », mais à la place du lieu et de la date du départ, on a un véritable rébus : « Z 579. 66/65 11 21.10 État. »

    Je n’ai trouvé dans l’édition des Archives secrètes aucune clé permettant d’identifier cette source Z 579, et le problème — sous cet aspect — n’a pas retenu l’attention des éditeurs. Dommage. Ils notent d’ailleurs : « Une copie du télégramme dans les archives du ministère des Affaires étrangères allemand consiste en fragments de ruban télégraphique, assemblés en télégramme ; une autre copie (celle publiée ci-dessus) est dactylographiée sous forme de télégramme ».

    Donc un télégramme, incontestablement, mais émanant d’une source mystérieuse et daté du 11 à 21h10.

    Une remarque s’impose immédiatement : l’ordre d’invasion (Directive n° 2) est sorti signé par le Führer à 20h45. Ce n’est donc pas le télégramme qui a provoqué l’entrée des troupes. Premier point, désormais indiscutable.

    Autre point bien établi : Le texte du télégramme n’est pas de Seyss Inquart — il est de Goering. C’est par téléphone — au cours d’une conversation qui dura de 20h48 à 20h54 — que le Feldmarschall en dicta le texte à Keppler.

    Je cite : « Goering. — Écoutez bien, Seyss Inquart doit envoyer le télégramme suivant : Le Gouvernement provisoire autrichien après la démission de Schuschnigg considère qu’il est de son devoir de rétablir la paix et l’ordre en Autriche. Il envoie au Gouvernement allemand la requête urgente de le soutenir dans sa tâche et de l’aider à éviter toute effusion de sang. Dans ce but, il demande au Gouvernement allemand d’envoyer des troupes allemandes aussitôt que possible ». Voilà un document formel.

     

    Peut-on aller plus loin, et dire avec Erich Kordt dans son livre Wahn und Wirklichkeit que le télégramme « avait été publié en dépit de la protestation de Seyss Inquart ? ». Les éditeurs des Archives secrètes écrivent : « Aucune preuve n’a été trouvée pour étayer l’allégation de Erich Kordt ». Dans les papiers de la Wilhelmstrasse peut-être, et pourtant il y a la note — numérotée 167 dans l’édition française —, relative au coup de téléphone du général Muff, demandant de la part de Seyss Inquart, le 12 mars à 2h10 du matin « que les troupes ne franchissent pas la frontière ». Je reviendrai sur cette note. Cherchons donc dans les témoignages des procès.

    Goering ne s’est pas contenté de dicter le texte du télégramme. Je cite :
    Goering : — Il faut que Seyss envoie le télégramme aussi vite que possible.
    Keppler : — Bon. Envoyez le télégramme à Seyss Inquart dans les services du chancelier fédéral.
    Goering : — Non. Montrez-lui, s’il vous plaît, le texte du télégramme, et dites-lui que nous lui demandons… Il n’a même pas besoin d’envoyer le télégramme, tout ce qu’il doit faire est de dire qu’il est d’accord.
    Keppler : — Oui.
    Goering : — Appelez-moi soit chez le Führer, soit chez moi. Bonne chance, Heil Hitler !

     

    D’après ce document, j’incline volontiers à penser que la mystérieuse source Z 579 pourrait bien être le service des écoutes téléphoniques du ministère de la Luftwaffe, à Leipzigersrrasse.

    Le problème se réduit désormais à savoir si Seyss Inquart a effectivement dit « qu’il était d’accord » pour la publication de ce texte.

    Il faut pour cela revenir un peu en arrière. La première mention d’un appel à l’Allemagne — sous forme allusive — était contenue dans la lettre du Führer à Seyss Inquart, le 11 mars au matin. D’après Seyss : « Hitler y exprimait la crainte que des troubles ne se produisent si Schuschnigg se retirait, et déclarait que le Reich était prêt à venir en aide à l’Autriche si celle-ci le demandait ».

    A midi, Seyss Inquart se rend à la Landesleitung nationale-socialiste pour y mettre les chefs nazis au courant de ses conversations avec Schuschnigg et les trouve en train de rédiger une adresse à la population « et le texte d’un télégramme au Führer, l’appelant à l’aide ».

    A 15h05, dans sa seconde conversation téléphonique avec Seyss — immédiatement après son entretien avec le Führer entre 14h50 et 15h05 — Goering dit textuellement : « Je vous demande d’envoyer au Führer le télégramme convenu ».

    On voit le progrès : la suggestion d’Hitler est devenue un ordre. Seyss ne répond rien. Entre 17h15 et 17h30, Keppler, qui arrive à l’instant par avion de Berlin, montre à Seyss Inquart le brouillon d’un télégramme par lequel Seyss, en tant que chef du Gouvernement provisoire, demande l’appui des troupes allemandes. Seyss a déclaré à Nuremberg avoir refusé à ce moment, ce qui est confirmé par la suite.

    Une demi-heure plus tard, vers 18 heures, Keppler revient à la charge et pose une nouvelle fois la question du télégramme. Seyss refuse de nouveau.

    Ainsi, avant que Goering ait dicté, à 20h50, le texte et indiqué la marche à suivre, Seyss a déjà par deux fois opposé une fin de non-recevoir à la demande des hommes de Berlin.

    En possession du texte de Goering, Keppler va immédiatement trouver Seyss. Il est 21 heures. Le témoignage de Keppler est formel : « Seyss refusa une nouvelle fois. Je compris qu’il ne pouvait le faire en tant que ministre de la Sécurité, mais qu’on en reparlerait quand il aurait été désigné comme chancelier ».

    Cinq minutes plus tard, Keppler est appelé au téléphone par Berlin : on le presse pour l’envoi du télégramme. Seyss, interrogé de nouveau, répond : — Vous connaissez mon point de vue, faites ce que vous voulez avec les gens de Berlin. Capitulation que Keppler va bientôt exploiter.

    A 21h54 Dietrich, chef de la presse du Reich, appelle Keppler à son tour :
    Dietrich. — J’ai besoin d’urgence du télégramme.
    Keppler. — Dites au Feld-Marschall que Seyss Inquart est d’accord.
    Dietrich. — C’est merveilleux. Merci… Donc Seyss Inquart est d’accord?
    Keppler. — Jawohl !

     

    Le tour est joué. Au XIe procès de Nuremberg, Keppler a reconnu sa responsabilité. Je lui laisse la parole : « Quelques minutes après (ce coup de téléphone), le texte de ce télégramme fut lu à la radio de Berlin et alors j’eus immédiatement l’idée que ce télégramme était utilisé dans un tout autre but que celui que j’avais envisagé. Je dois l’admettre tout à fait franchement. Mais à ce moment, quand j’ai donné mon accord, cette idée ne m’était pas venue. L’heure était trop excitante ».

    Voilà donc éclairci le dernier point : c’est Keppler qui a donné son accord à la publication du texte de Goering. Seyss Inquart a été proprement « roulé ».

    Il en eut si bien conscience qu’il essaya de réagir, d’où cette extraordinaire démarche résumée dans la note Altenburg (préposé aux affaires autrichiennes de la Wilhelmstrasse).

    La voici :

    Berlin, le 12 mars 1938.
    Cette nuit à 2h10, le général Muff, attaché militaire de la Légation d’Allemagne à Vienne, a demandé par téléphone de la part du chancelier fédéral Seyss Inquart que « les troupes demeurent prêtes mais ne franchissent pas la frontière, et qu’elles soient retirées si cela avait eu lieu en quelque point ».
    Après le général Muff, le secrétaire d’État Keppler vint à l’appareil et confirma, à ma demande, le message de Seyss Inquart.
    Avec l’accord et selon les instructions de M. le directeur ministériel von Weizsacker, j’ai alors appelé l’Obergruppenführer S. S. Brückner à la Chancellerie et je l’ai mis au courant de la communication du général Muff.
    M. Brückner objecta que pourtant il avait bien sous les yeux l’appel de Seyss Inquart demandant l’envoi des troupes et qu’il lui paraissait difficile d’arrêter l’opération, maintenant qu’elle était déclenchée ; il allait se mettre en liaison avec la Wehrmacht.
    Après cet entretien, j’ai mis par précaution le commandant von Heimburg, du ministère de la Guerre, également au courant de la communication téléphonique du général Muff. A 2h30, l’Obergruppenführer Brückner rappela et confirma qu’il n’était pas possible d’arrêter l’opération en cours ; il demanda ensuite pourquoi le général Muff n’avait pas demandé directement la Chancellerie du Reich, ce que je ne pus pas lui dire. M. Brückner émit ensuite l’hypothèse d’une mystification et me demanda s’il était absolument certain que le général Muff et le secrétaire d’État Keppler eussent téléphoné. Je l’en ai formellement assuré. M. Brückner me déclara alors qu’il était décidé à mettre le Führer au courant de l’appel téléphonique du général. Dix minutes plus tard, il me rappela et me chargea de faire savoir au général Muff que le Führer avait décidé que l’entrée des troupes ne pouvait plus être empêchée. J’ai alors fait connaître au général Muff la décision du Führer. Le général répondit à peu près qu’il regrettait cette décision et qu’il allait faire un rapport sur cette affaire.
    Je lui dis que j’en ferai autant de mon côté.
    Signé : Altenburg.

     

    Pourquoi cette démarche insolite ? Que s’était-il passé ? Il nous faut revenir en arrière et reprendre la chronologie depuis le 11 mars à 22 heures, à Vienne.

    A ce moment, Seyss Inquart va trouver le président Miklas et Schuschnigg pour les informer qu’il a reçu de Goering l’ordre d’envoyer un télégramme demandant l’appui des forces allemandes pour rétablir l’ordre en Autriche.

    A 23 heures, Miklas se décide à désigner Seyss comme chancelier : «  Je me décidai finalement — raconta Miklas au procès Schmidt — lorsque je vis qu’il n’y avait pas d’autre issue et que je devais craindre qu’en deux heures peut-être des bombardiers allemands fussent sur Vienne ».

    A 23h15, la radio autrichienne annonce la désignation de Seyss Inquart. A 23h30, Seyss est investi par le président Miklas, il forme aussitôt son Cabinet. Entre minuit et 1 heure, le nouveau chancelier et ses ministres prêtent serment à la Constitution entre les mains du président Miklas. A 1h30, le conseiller d’État Jury, national-socialiste devenu ministre des Affaires sociales, annonçait du balcon de la Chancellerie la composition du nouveau Gouvernement.

    C’est à la suite de ces événements que se situe la démarche Muff-Keppler. Ce dernier a raconté au XIe Procès à Nuremberg : « J’informais Altenburg que tout prenait une allure pacifique, que le Gouvernement autrichien et tout le vieux système s’étaient écroulés comme un château de cartes. Je lui demandai de rapporter cela au Führer et de lui demander de ma part que l’invasion n’ait pas lieu ou qu’elle soit arrêtée… Hitler fut donc réveillé cette nuit-là. Cela arrivait très rarement, et ma demande lui fut présentée, mais il prit le point de vue que c’était réellement trop tard ».

    Keppler, le responsable du télégramme, a ainsi agi sur la demande de Seyss Inquart.

    Il est donc tout à fait clair que Seyss Inquart était hostile à l’entrée des troupes allemandes en Autriche.

    Dernière preuve, s’il en est besoin : n’ayant pu obtenir satisfaction, Seyss Inquart téléphone au Führer le 12 à 7 heures du matin : il lui demande que « pendant que les troupes allemandes entrent en Autriche, des troupes autrichiennes entrent symboliquement dans le Reich ». Hitler accepta.

    Ainsi l’explication officielle de l’intervention militaire allemande en Autriche, le célèbre « télégramme Seyss Inquart », est un faux intégral.

    Or, sans connaître les détails aujourd’hui révélés, notre attaché militaire à Vienne, le lieutenant-colonel Salland, avait parfaitement pressenti la situation.

    Dans un de ses derniers rapports, celui du 21 mars, il écrivait : « On a inventé depuis la fable d’une menace de coup d’État communiste et de l’appel adressé par Seyss Inquart au commandement allemand pour lui demander de protéger son Gouvernement naissant contre le péril rouge. C’est absolument inexact. Les troupes allemandes sont entrées en Autriche parce que l’ordre leur avait été donné à Berlin dès le 11 et que la conquête définitive du pays avait été décidée à cette date par Hitler ».

    Mais alors, pourquoi Berlin a-t-il donné cet ordre ?

    Les Archives de la Wilhelmstrasse contiennent l’explication d’Hitler lui-même. Ceci, dans la lettre personnelle adressée le 11 au matin par le Führer au Duce. La lettre a été publiée à l’époque par les presses allemande et italienne.

    Mais à la demande de l’Allemagne certains passages furent omis : ce sont les plus intéressants, ceux qui précisément éclairent l’aspect militaire de l’Anschluss. Je cite : « Ces derniers mois, j’ai vu avec une préoccupation croissante se développer graduellement entre l’Autriche et la Tchécoslovaquie des relations qui, difficiles pour nous à tolérer même en temps de paix, étaient de nature, dans l’hypothèse d’une guerre imposée à l’Allemagne, à menacer très sérieusement la sécurité du Reich… J’ai signalé à M. Schuschnigg de la façon la plus catégorique que l’Allemagne n’était pas disposée à permettre à une puissance militaire ennemie de s’installer à ses frontières… Considérez cette démarche comme une mesure de légitime défense nationale ».

    Ainsi, à côté de l’explication destinée au public, et qui figure aussi dans la lettre : l’intervention pour sauver l’Autriche de l’anarchie, Hitler donne au Duce une explication stratégique de l’Anschluss.

    Je crois cette explication parfaitement valable à terme. Je la relierais volontiers au célèbre protocole Hossbach, dans lequel Hitler expliqua sa stratégie, le 5 novembre 1937. Mais valait-elle pour l’immédiat ? L’entrée de la Wehrmacht dans la plaine du Danube répondait-elle à une menace militaire tchèque ?

    En aucun cas : on a vu que la Directive n° 1 aux forces armées stipulait nettement : « Sur les frontières de l’Allemagne, face aux autres États, il n’y a pour le moment pas de mesures de sécurité à prendre ». Tous les renseignements concordent en effet sur ce point. Face à la Tchécoslovaquie, l’Allemagne ne procéda qu’à un renforcement de la garde frontalière et à quelques reconnaissances locales. Aucun dispositif destiné à faire face à une menace : les Tchèques n’avaient pris aucune mesure militaire, Hitler le savait bien. Roulant sur Vienne, il ironisait à leurs dépens : « Les Tchèques, disait-il à Halder qui le rapporta à Nuremberg, se tiennent bien tranquilles. Ils ne doivent pas avoir une bonne conscience ! ».

    Quelques bruits circulèrent dès le 12 mars à Vienne, relatifs à une proche action militaire contre le bastion tchèque, avec la 8e Armée, celle de l’invasion : mais rien ne se produisit dans l’immédiat. Dans une lettre du 15 avril 1938, le colonel Salland écrivait : « A noter au sujet du problème tchécoslovaque une réflexion du général Muff à mon collègue américain transféré récemment à Prague. Ce dernier demandait à l’ancien attaché militaire allemand pendant combien de temps il pouvait espérer demeurer en fonction dans son nouveau poste. Le général Muff lui a répondu sans aucune espèce d’hésitation : Comptez sur une année au maximum ».

    Le général était bien renseigné : Jodl écrit dans son Journal — sans date précise, mais peu après l’Anschluss : « Le Führer déclare après l’incorporation de l’Autriche que le règlement de la question tchèque ne presse pas. Il faut d’abord digérer (verdauen) l’Autriche. Cependant les préparatifs pour l’hypothèse « Verte » (Action militaire contre la Tchécoslovaquie) doivent être poursuivis et poussés énergiquement ; ils doivent être réétudiés en raison de la modification de la situation stratégique due à l’incorporation de l’Autriche ».

    Et plus tard : « L’intention du Führer (de ne pas aborder encore le problème tchécoslovaque) est modifiée par la concentration tchèque du 21 mai, qui a eu lieu sans aucune menace allemande et même sans aucun prétexte apparent ».

    Ce n’est donc pas pour entreprendre, au moins immédiatement l’attaque du bastion de Bohême que la Wehrmacht est entrée en Autriche. Il faut chercher ailleurs.

    Au cours de cette tumultueuse journée du 11 mars, un homme domine et dirige les événements : le général Feldmarschall H. Goering. C’est lui en particulier qui donne l’ordre d’invasion juste après que Seyss Inquart lui eût déclaré que les autorités autrichiennes avaient interdit toute résistance ; donc au moment précisément où l’emploi de la force armée paraissait mutile. Si Goering a voulu l’invasion, c’est qu’il voulait par là imposer sa solution de la question autrichienne, solution différente de celle de Seyss Inquart et des meneurs de jeu de Vienne.

    Sur le moment même, le colonel Salland avait pressenti un « malentendu fondamental ». Il écrivait le 21 mars : « Déjà, l’exaltation des premiers jours commence à disparaître ; nombreux sont ceux — les nationaux-socialistes les plus convaincus eux-mêmes — qui déclarent n’avoir pas voulu l’Anschluss.

    Ils avaient espéré amener progressivement le pays, par une marche parallèle à celle du Reich, vers une solidarité de plus en plus étroite dans tous les domaines, mais désiraient rester les maîtres chez eux ». Or nous trouvons cet état d’esprit les 11 et 12 mars chez Seyss Inquart.

    Plus que les témoignages de Skubl, secrétaire d’État autrichien à la Sûreté, de Guido Schmidt, je retiendrai deux documents.

    Le premier est la conversation Dombrowski-Goering le 11 mars à 17 heures. A la question de Goering : « Seyss Inquart pense-t-il que l’union de l’Allemagne et de l’Autriche doit se faire sur des bases nouvelles ? ». Dombrowski répond : « Il pense que l’indépendance de l’Autriche demeure, mais que tout désormais doit être réglé d’une manière nationale-socialiste ». Et Goering, évasif : « Bon. Tout cela s’ensuivra ! ». Goering sait donc d’une façon formelle à ce moment que Seyss Inquart pense encore à une Autriche indépendante.

    Second texte, publié par la presse autrichienne du 13 mars : l’allocution du Dr Wilhelm Wolf, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Seyss Inquart, à l’occasion de son entrée en fonction le 12 : « S’il m’est permis de m’arrêter un instant à cette idée, je dirai que cette paix allemande ne signifie pas de nouvelle tâche. J’y vois seulement l’exécution du point de l’accord du 11 juillet 1936, dans lequel l’Autriche s’est engagée à être consciente de la mission allemande. Nous devons vouloir suivre nettement et résolument cette voie de politique extérieure du deuxième État allemand ». Il me semble qu’il faut voir là autre chose qu’une déclaration destinée à rassurer l’opinion autrichienne.

    Laissons maintenant la parole à Goering : « Le vendredi 11, j’étais à la Chancellerie du Reich, seul avec le Fuhrer… J’eus alors l’intuition que la situation était mouvante et que nous allions enfin avoir la possibilité, si longtemps et si ardemment attendue, d’amener une solution radicale… J’introduisis personnellement dans le cabinet (Seyss Inquart, en formation) mon beau-frère le Dr Hüber comme ministre de la Justice, non parce qu’il était mon beau-frère, mais parce qu’il avait déjà été ministre de la Justice en Autriche dans le Cabinet du prélat Seipel. Il n’était pas membre du Parti, mais il sortait des rangs de la Heimwehr et je voulais (avoir aussi dans le Cabinet quelqu’un de ce groupe et être sûr de mon influence sur cette personne afin que tout tendît réellement à amener l’Anschluss total. Car il se formait déjà des plans selon lesquels le Führer seul devenait, par une union personnelle, le chef de l’Autriche allemande, en même temps que du Reich, en laissant subsister la séparation. Je considérai cette solution comme insupportable. Notre heure était venue, il fallait l’exploiter pour le mieux ».

    Voilà qui est parfaitement clair : Goering qui, suivant sa propre expression « donne la cadence » depuis Berlin et Seyss Inquart qui exécute à Vienne ont de l’Anschluss une conception différente. Comment unifier les points de vue ?

    Goering, en déclenchant l’entrée des troupes renverse tous les obstacles. Les Autrichiens en eurent le sentiment. Le passage des colonnes militaires provoqua la réaction bien connue de psychologie collective : l’enthousiasme succédant à la peur. Et les ministres du Cabinet Seyss Inquart s’inclinèrent devant la force. Glaise Horstenau, à qui l’on demandait à Nuremberg pourquoi il avait signé la loi de l’Anschluss le 13 mars, répondit : « Lorsque sur la Ballhausplatz, je pris la loi en mains (pour la signer) les chars allemands passaient en bas dans la rue. L’occupation du pays par A. Hitler était déjà terminée ».

    Goering a donc menti au Tribunal international en expliquant ainsi l’entrée des troupes : « Ce qui était de la plus grande importance, c’était que des troupes allemandes entrent immédiatement en Autriche en nombre suffisant pour repousser tous les voisins qui pourraient avoir envie de revendiquer le moindre village autrichien ».

    Les « voisins » qui avaient respecté l’Autriche indépendante pouvaient-ils avoir la folie de s’attaquer à l’Autriche « protégée » du Reich ? Grossier mensonge, qui veut mettre l’Allemagne nazie en position de légitime défense.

    Goering voulait une « solution complète », la Wehrmacht balaya le dernier obstacle : celui des « collaborateurs » autrichiens qui apprirent à leurs dépens — premiers d’une longue série — que la force était toujours pour le IIIe Reich l’Ultima ratio.

     

    Georges Castellan, Professeur au lycée Marcellin-Berthelot.

     

     

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