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  • 27 février 2014 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

     La bataille de Buena Vista

     

    La bataille de Buena Vista

    D’après « Revue des deux mondes » – Juillet 1847

     

    C’est en février 1847 que le général Santa-Anna se décida enfin à calmer les inquiétudes du pays en menant son armée au combat.

    Quittant son quartier-général de San-Luis Potosi, Santa-Anna se porta sur Saltillo, alors occupé par le corps d’armée placé sous les ordres du général Taylor, qui de son côté s’avança à sa rencontre. Le vétéran américain avait assis son camp dans un endroit nommé Agua-Nueva à quelques milles de Saltillo.

    Un mince filet d’eau saumâtre, précieux dans un pays si desséché, quelques habitations éparses, avaient motivé le choix de cet emplacement. Taylor ne comptait pas cependant attendre l’ennemi dans le camp d’Agua-Nueva. L’accès trop facile de cette position, ouverte de toutes parts, eût exposé son armée à soutenir l’attaque de Santa-Anna dans des conditions désavantageuses. Aux premières nouvelles de l’approche des Mexicains, Taylor leva son camp et alla l’établir dans la petite plaine d’Angostura, près d’une hacienda appelée Buena-Vista.

    Santa-Anna s’avançait après une longue et pénible marche à travers le désert du Cédral, pendant laquelle il avait eu à souffrir la soif et la faim. Fatalement forcé de marcher à l’ennemi sous peine de voir se débander son armée si laborieusement réunie, si coûteusement équipée, Santa-Anna, comptant du reste sur sa supériorité numérique et sur sa bonne étoile, se résolut à attaquer les Américains.

    Taylor avait pris position entre deux montagnes qui dominent la plaine d’Angostura. Une étroite vallée traversée par une route sépare ces deux hauteurs. L’armée américaine avait à sa droite un profond ravin, à sa gauche la base d’une montagne. Une forte batterie défendait l’accès de la route qui longeait le ravin. Enfin devant le front américain s’étendait un terrain rocailleux, entrecoupé de ravines.

    Protégé ainsi de tous côtés, le nouveau campement de Taylor était presque inexpugnable. Un corps de cavalerie d’Arkansas et du Kentucky, une brigade de volontaires de l’Illinois et d’lndiana, les riflemen du Mississipi et les rôdeurs texiens composaient l’armée américaine, forte d’à peu près 7 000 hommes.

    L’armée mexicaine fut signalée par les sentinelles avancées le 2l février au matin, et bientôt on la vit couvrir les collines qui bordaient la plaine du côté opposé au camp américain. Vues de loin, ces troupes, tourmentées par la faim et la soif, présentaient encore un assez brillant aspect. Les banderoles rouges des lanciers mexicains flottaient au vent, et la tenue presque fastueuse des cavaliers de Santa-Anna contrastait avec les uniformes usés et souillés des volontaires américains. Colonne par colonne, escadron par escadron, les Mexicains ne tardèrent pas à former une masse compacte devant l’ennemi, qui salua leur arrivée par des cris sauvages.

    La cavalerie et l’infanterie légère des Américains se replièrent d’abord sur le corps d’armée, tandis que les artilleurs mexicains, galopant dans la plaine, cherchaient un endroit convenable pour y établir leurs pièces. Malheureusement les inégalités du terrain ne les favorisaient pas, et ce ne fut que tardivement, dans l’après-midi du 21 février, qu’ils purent ouvrir leur feu. Les Américains dédaignèrent d’y répondre.

    Santa-Anna s’était facilement rendu compte des avantages de la position de Taylor. Il ne fallait pas songer à attaquer la droite de l’armée américaine, défendue, comme nous l’avons dit, par un profond ravin ; on pouvait gravir la montagne qui servait d’abri à l’aile gauche, et entamer de ce côté la ligne ennemie. Deux mille cavaliers envoyés par Santa-Anna réussirent, après de longs et pénibles efforts, à tourner la montagne, et à se jeter sur les derrières de l’armée de Taylor ; mais l’artillerie américaine, maîtresse de la route assez unie qui coupait la vallée, put facilement rétrograder et repousser cette attaque.

    Pendant que la cavalerie mexicaine se trouvait chaudement reçue, un détachement, distrait de la droite de l’armée américaine, vint attaquer les agresseurs eux-mêmes par derrière et leur couper la retraite. Taylor jugea ces deux mille hommes perdus, et soit humanité, soit prudence, il leur envoya un parlementaire pour les sommer de se rendre ; mais l’officier mexicain, à qui ce parlementaire, le lieutenant Cristendon du Kentucky, s’adresse, prétendit ne pas comprendre l’objet du message, et insista pour mener l’envoyé américain au camp de Santa-Anna. Le lieutenant y consentit, se laissa bander les yeux, et fut conduit au camp mexicain. Quand on fut arrivé sous la tente de Santa-Anna, on leva le bandeau, et l’officier se trouva en face du général entouré d’un brillant état-major.

    Santa-Anna commença par blâmer l’officier qui avait amené le parlementaire d’avoir pris d’inutiles précautions. Montrant de la main l’armée nombreuse qu’il commandait, il demanda à l’Américain si le général qui se voyait à la tête de semblables troupes avait quelque chose à cacher. L’officier s’inclina avec toute la raideur américaine, et fit part de son message. Santa-Anna joua l’étonnement, fronça le sourcil, leva les yeux au ciel, et s’écria qu’il y avait folie au général Taylor, non seulement de faire à deux mille Mexicains la proposition de se rendre, mais de prétendre lui-même prolonger une inutile résistance.

    « Taylor ne se rend jamais », répondit emphatiquement le Kentuckien, et, saluant le général, il vint rendre compte à Taylor du résultat de sa mission. On devine que les deux mille cavaliers tenus en échec avaient su mettre à profit le temps consacré à ces pourparlers ; ils s’étaient dispersés à la faveur de cette courte trêve, et les Américains furent dispensés de mettre leur courage à l’épreuve. Cet incident termina la journée.

    Le lendemain matin, avant que le combat recommençât, un parlementaire, mais un Mexicain cette fois, gagna les lignes américaines, et demanda à être introduit près du général en chef. On le mena devant un homme à cheveux gris, à la figure sillonnée de rides profondes, accroupi plutôt que monté sur un cheval blanc.

    Cet homme, vêtu d’un frac brun usé, devenu historique dans les campagnes de la Floride et du Texas, était le général Taylor, surnommé « Old rough and ready » par les Américains. Brusquement sommé d’expliquer le motif de sa venue, l’officier mexicain répondit, en termes d’une courtoisie étudiée, que son excellence le général Santa-Anna l’envoyait demander au général américain ce qu’il comptait faire.

    « J’attends qu’il se rende » répondit rudement Taylor sans changer d’attitude. Les deux généraux étaient quittes en fait de sommations, et tous deux se préparèrent pour le combat. Ce ne fut cependant qu’à trois heures de l’après-midi que les escarmouches recommencèrent, car Santa-Anna hésitait, on le conçoit, à attaquer un ennemi si bien protégé par sa position. Aussi toute la journée se passa-t-elle en manœuvres insignifiantes et en canonnades plus bruyantes que meurtrières.

    Le 23, la plaine d’Angostura, cette espèce de désert coupé de ravins et hérissé de nopals épineux, présentait, sous un ciel bas et pluvieux, un aspect plus triste encore que de coutume. D’épais nuages s’amoncelaient au sommet des mornes, et ne tardèrent pas à se fondre en pluie. Aussitôt cette brillante armée mexicaine se précipita vers les filets d’eau fangeuse qui serpentaient dans les rides du terrain. On oublia un moment l’ennemi pour ne songer qu’à étancher une soif dévorante.

    A dix heures du matin, le combat recommença, et ce fut cette fois avec un véritable acharnement. La pluie tombait toujours à flots pressés, et rendait plus dangereux encore pour les hommes et les chevaux, le terrain, déjà si inégal.

    Une partie de l’armée américaine quitta sa position pour s’avancer au-devant des Mexicains, dont les munitions de mauvaise qualité étaient devenues presque inutiles sous l’eau qui tombait. L’infanterie mexicaine s’ébranla à son tour, et donna, la baïonnette au bout du fusil. Elle réussit à mettre en déroute la brigade d’Indiana, qui avait déjà hésité à marcher. D’un autre côté, la cavalerie de Santa-Anna chargeait les riflemen du Mississipi en poussant ces cris d’attaque familiers aux combattants des deux nations. Les Américains répondirent à ces cris par de sauvages hourrahs. Les riflemen mirent un genou en terre au premier rang, une détonation couvrit leurs hourrahs, et autant de cavaliers mexicains tombèrent qu’il y avait de riflemen en ligne. On lutta ensuite corps à corps, et la plaine fut bientôt jonchée de cadavres.

    Posté à l’endroit où la veille il avait reçu le parlementaire mexicain, toujours indolemment courbé sur le dos de son cheval blanc qu’on distinguait de si loin, le vétéran américain Taylor suivait, la lunette à la main, les diverses phases de la bataille.

    Il vit le général Woll, à qui il avait confié le détail des opérations, s’avancer à son tour avec le gros de l’armée contre les Mexicains ; c’était au moment où ses riflemen et les cavaliers de Santa-Anna étaient aux prises. Il vit le corps d’année de Woll hésiter, chanceler, puis se retirer.

    Comme Taylor donnait à des troupes fraîches l’ordre d’aller soutenir Woll, une balle traversa son habit brun. Par une coïncidence bizarre, Santa-Anna tombait de son côté sur le champ de bataille. Une explosion de mitraille avait tué son cheval sous lui. Ni l’un ni l’autre des deux généraux ne fut blessé.

    Les troupes fraîches envoyées par Taylor chargèrent impétueusement les troupes de Santa-Anna, harassées de fatigue, exténuées de soif et de faim depuis quarante heures. Ce mouvement acheva la déroute des Mexicains.

    L’armée de Santa-Anna battit en retraite, laissant sur le champ de bataille un nombre de morts considérable. De tous côtés, les officiers mexicains tombaient frappés par les inévitables balles des tirailleurs américains. La pluie de plus en plus abondante fit descendre bientôt un véritable nuage entre les combattants. Il était à peine trois heures, et la nuit semblait proche.

    Les Américains renoncèrent à poursuivre l’ennemi, et la plaine abandonnée laissa voir une couche serrée de cadavres baignés par l’eau pluviale, des blessés qui, dans l’angoisse de l’agonie, se traînaient péniblement vers les torrents débordés, et l’armée américaine de nouveau retranchée dans sa position inexpugnable.

    La journée avait été meurtrière pour les deux armées. Les Américains avaient perdu plus de 2 000 hommes, parmi lesquels un nombre considérable d’officiers ; les Mexicains en avaient perdu le double.

    Cependant, si on considère que le corps de réserve aux ordres du général Vasquez n’avait pu rejoindre le gros de l’armée, et que la détresse avait forcé Santa-Anna à livrer le combat dans un endroit défavorable, avec des munitions détériorées par l’humidité, on reconnaîtra que l’issue d’un combat livré à chances si inégales pouvait ne pas être interprété dans un sens trop décourageant pour la valeur mexicaine.

    L’une et l’autre armée campèrent aux alentours du champ de bataille. On remarqua, en faisant le dénombrement des morts, que la plupart des Mexicains avaient été tués par des armes à feu, la plupart des Américains par la lance ou la baïonnette. La lance mexicaine, la carabine des settlers, avaient toutes deux vaillamment rempli leur office.

    Il arriva d’ailleurs après cette bataille ce qui était arrivé déjà après les actions principales de cette guerre étrange. Aucun des deux pays ne voulut accepter le rôle de battu. A Mexico, on chanta un Te Deum d’actions de grâce, tandis qu’à New-York les bulletins de la victoire de Buena-Vista, et surtout la fière réponse du lieutenant kentuckien : Taylor never surrenders (Taylor ne se rend jamais), recevaient une publicité éclatante.

    « Nous avons combattu quarante heures avec faim et soif, écrivait Santa-Anna dans une dépêche datée du champ de bataille. Ce qu’il nous faut, c’est de l’eau, de l’eau surtout ». Un conseil de guerre tenu le 25 sous la tente de Santa-Anna décida qu’on battrait en retraite sur Agua-Nueva, où cette armée exténuée devait trouver, pour se refaire, un filet d’eau saumâtre.

    Quant à Santa-Anna, il rentrait à San-Luis Potosi le 8 mars suivant, au bruit des cloches et salué par les acclamations d’une foule enthousiaste.

     

     

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