Le combat de Venterspruit
D’après « Étude tactique de la guerre sud-africaine, 1899-1900 » – Commandant Emmanuel François René Fonville – 1904
Les crêtes du Taba Myama étaient en la possession des Boers, qu’on y voyait creuser des tranchées dans la journée du 18. Il fallait donc, pour entrer en matière, enlever le massif.
C’était, encore une fois, l’attaque directe, le coup droit, substitué au mouvement débordant. Le conseil de guerre décida séance tenante l’enlèvement de la position.
Le 19, on s’y prépara ; ordre fut donné à toutes les troupes d’appuyer à l’Est vers Tritchards-Drift ; la brigade Dundonnald fut rappelée ; enfin, le convoi, qu’on avait mis vingt-quatre heures à amener sur la rive Nord, fut retransbordé sur la rive Sud.
On avait donc consacré neuf jours à faire moins de 50 kilomètres pour aboutir, en dernière analyse, à donner une attaque de front sur des retranchements, comme à Colenso ! Que restait-il du plan initial ?
Les tergiversations des Anglais avaient été mises à profit par les Boers. D’abord indécis sur les projets de l’ennemi, ils avaient commencé par croire que la marche vers la haute Tugela n’était qu’une feinte pour dégarnir la défense de Colenso, et ils s’étaient maintenus en ce point dans l’attente de l’attaque principale. Puis, mieux renseignés, avec le temps, ils avaient peu à peu discerné la vérité et modifié leurs groupements en conséquence.
C’est ainsi que, du 15 au 20 janvier, le nombre des commandos distraits de Colenso alla croissant chaque jour et que les positions occupées s’étendirent de plus en plus vers l’Ouest, à mesure que le mouvement des Anglais augmentait d’envergure. Si bien qu’après n’avoir eu jusqu’au 18 que des postes de surveillance devant les gués, ils se trouvaient le 19 en forces sur les crêtes de Brakfontein, Spion Kop, Taba Myama, et avaient le temps d’y organiser des ligues doubles de profondes tranchées et de murs en pierres.
Leur nombre total était singulièrement faible en regard de celui de leurs ennemis. Ils n’étaient en tout que 6 ou 7000. Mais, grâce à leur mobilité et au parti que le général Botha sut en tirer pour des concentrations rapides, ils allaient trouver moyen de présenter toujours, sur leur énorme front de 20 kilomètres, devant chaque tête de colonne anglaise, une force capable de faire une résistance victorieuse.
Le 20, le général Warren, sous-déléguant à son tour son commandement, met sous les ordres du général Cléry, deux brigades et toute l’artillerie, avec mission d’attaquer le Taba Myama par la route Fair-Wiew Rosalie. Lui même ne sera plus qu’un spectateur.
Vers 7 heures, l’attaque commence, comme d’usage, par une canonnade. Quatre jours durant, elle demeurera incapable de progresser, arrêtée à chaque tentative par la fusillade. La lutte eut ses caractères habituels : bombardements interminables, auxquels ne répond pas l’ennemi ; marches à l’assaut sur des tranchées, repoussées par des rafales de balles ; aucune manœuvre, aucun mouvement sur les ailes.
Le soir du quatrième jour (23 janvier), le corps Warren a seulement réussi à grimper sur le bord du plateau ; mais, à 1 kilomètre devant lui, il découvre une nouvelle ligne de tranchées, plus formidable encore que la première. L’effort est à recommencer.
Sur la droite, les brigades Coke et Lyttleton n’ont pas été plus heureuses. Elles ont vainement dépensé force gargousses à bombarder les crêtes de Brakfontein et n’ont même pas pu en aborder les tranchées.
Dans la soirée du 23, le général Buller, sortant enfin de son rôle contemplatif, invite le général Warren, sous la forme très atténuée d’un conseil, à renoncer à l’attaque de front pour revenir au mouvement par la Venter. Celui-ci ouvre un autre avis, qui est d’enlever Spion Kop.
Spion Kop est un plateau triangulaire qui, par sa situation, est la véritable clef tactique de tout l’ensemble défensif. Il forme la pointe d’un redan, orienté vers le Sud, dont les branches seraient les crêtes du Taba Myama et de Brakfontein. Dominant ces deux séries de hauteurs, il permet d’enfiler avec de l’artillerie de part et d’autre les tranchées qui les garnissent.
La tentation pour le général Warren d’y hisser son artillerie était vive ; tout le jour, il avait été hanté de ce désir, d’autant plus que l’attaque de la position lui semblait devoir rencontrer peu de difficultés.
Depuis trois jours, en effet, l’attention et le gros des Républicains étaient tout à leur extrême-droite et ils ne devaient pas avoir grand monde sur cette colline isolée. Le général en chef se rendit à ces raisons.