La seconde bataille du Bourget
D’après « La défense de Paris (1870-1871) » – Général Auguste-Alexandre Ducrot – 1878
Le 20 décembre, le Gouverneur se rendait à Aubervilliers où il trouvait le général Ducrot et le vice-amiral de La Roncière ; le général Vinoy se portait au fort de Rosny.
Le général en chef de la deuxième armée connaissant les importantes défenses du Bourget, craignant que tant d’obstacles accumulés ne fussent difficilement surmontés par le corps d’armée de Saint-Denis, chargé seul d’enlever le village, mit de sa propre initiative la division
Berthaut avec un certain nombre de batteries de réserve à la disposition du vice-amiral ; il pensait que la division pourrait agir par l’Est pendant que les troupes de Saint-Denis attaqueraient par le Sud et par l’Ouest.
Le vice-amiral de La Roncière, doutant que les bords de La Mollette fussent praticables à l’infanterie en amont du Bourget, craignant surtout de voir les troupes se tirer les unes sur les autres en attaquant les deux côtés à la fois, déclara au général Berthaut qu’avec ses marins et les trois bons régiments de Saint-Denis, composés pour la majeure partie d’anciens soldats de la Garde, il était sûr d’enlever très rapidement le Bourget, et il lui prescrivit de ne faire en avant de Drancy qu’une simple démonstration.
Le 21, avant le jour, par un brouillard épais et humide, toutes les troupes se mettent en mouvement et viennent se placer :
- Le corps d’armée de Saint-Denis entre La Courneuve et la route de Lille, face au Bourget.
- La deuxième armée entre la route de Lille et la route de Metz, dans les positions suivantes :
- 1er Corps.
Division Berthaut, sur deux lignes entre le Petit-Drancy et la Suiferie, prête à se porter sur Drancy ;
Division de Susbielle, en arrière du village d’Aubervilliers, faisant réserve de l’aile gauche ;
Division Courty, sur deux lignes entre le Petit-Drancy et la route des Petits-Ponts ;
Réserve d’artillerie du 1er corps en arrière du fort d’Aubervilliers, près de la route de Lille ; - 2e Corps.
Division de Bellemare, derrière le chemin de Bondy à Drancy, ayant avec son artillerie divisionnaire deux batteries de la réserve du corps ;
Brigade Reille, en réserve dans les tranchées entre Bondy et la route des Petits-Ponts ;
Division Mattat, au sud du canal de l’Ourcq, près de Bondy, ayant avec son artillerie divisionnaire trois batteries de la réserve du corps ; cette division formant réserve de l’aile droite, devait observer la forêt, tout en soutenant la division de Bellemare avec les troupes de Bondy aux ordres du vice-amiral Saisset. - Corps de réserve.
Division Faron, en arrière de Bobigny, son artillerie divisionnaire à gauche, les batteries de la réserve générale à droite ;
Cavalerie. En avant du chemin de fer de Strasbourg, près de la route des Petits-Ponts.
Ces troupes qui allaient de nouveau combattre étaient encore animées d’une certaine ardeur.
De fausses dépêches envoyées par les Prussiens faisant croire de leur part à un système de mensonges organisés, avaient rendu à beaucoup de nos officiers et de nos soldats leur première confiance. Ils se disaient qu’arrêtés par les hauteurs de Villiers, le 30 novembre et le 2 décembre, ils n’avaient pas réussi à donner la main à l’armée de la Loire, mais que cette fois, en rase campagne, en plaine, ils seraient plus heureux, et que le Bourget enlevé, Blancmesnil, Aulnai, Sevran pris, ils fileraient par la forêt de Bondy pour joindre l’armée du Nord qui ne pouvait être loin.
L’amiral de La Roncière organise ses troupes en trois colonnes :
- la première, aux ordres du général Lavoignet, 134e de ligne, 6e régiment de mobiles et bataillon des francs-tireurs de la Presse, est établie aux abords de la route de Lille, entre la Croix-de-Flandre et la Suiferie (3).
- La deuxième, commandée par le capitaine de frégate Lamothe-Tenet, deux bataillons du 138e de ligne, 3e bataillon de fusiliers marins, 11e bataillon de mobiles de la Seine, deux compagnies de fusiliers marins et une batterie de 4 servie par l’artillerie de marine, est massée en avant de la Courneuve.
- La troisième, formant réserve à la Courneuve, sous les ordres du général Hanrion, comprend le 135e de ligne, un bataillon du 138e de ligne et un bataillon de marche de la garde nationale de Saint-Denis.
A la Croix-de-Flandre, une batterie de 12 et deux canons de 24 sont prêts à se porter sur le Bourget.
Le signal de l’ouverture du feu doit être donné par les wagons blindés qui s’avanceront sur la ligne de Soissons au delà de la Courneuve.
Pendant que les forts de l’Est tireront sur le Bourget, la partie droite de Dugny et Pont-Iblon, la batterie de canons et les mortiers de la Courneuve, le fort d’Aubervilliers couvriront d’obus le village du Bourget. Sur la droite, l’artillerie de la division Berthaut battra la partie Est de ce village jusqu’au moment où les troupes y entreront, puis la route de Lille entre le Bourget et le Pont-Iblon, pour empêcher l’arrivée des renforts.
La brume s’étant un peu dissipée à 7 heures trois quarts, le signal du feu est donné par les wagons blindés. Une canonnade des plus violentes éclate sur le Bourget. Au bout d’un quart d’heure, bas le feu sur toute la ligne… les troupes de l’amiral s’élancent en avant. La colonne du capitaine de frégate Lamothe-Tenet doit aborder le village par l’Ouest et le Nord pendant que la colonne Lavoignet cherchera à l’enlever par le Sud.
Les marins, malgré le feu violent du cimetière, passent la Mollette en amont du pont de Dugny et se dirigent droit vers le Nord, puis, tournant brusquement à droite, ils s’élancent en colonne sur la partie Nord-Ouest du village. De tous les murs, des enclos, part une fusillade terrible qui fait de cruels ravages dans les rangs de nos fusiliers marins ; c’est à ce moment que tombe frappé à mort le brave lieutenant de vaisseau Boisset.
Enlevant énergiquement ses soldats, le commandant Lamothe-Tenet surmonte tout. Les premières barricades, un ouvrage, sorte de blockaus, sont pris d’assaut.
Maîtres du carrefour, de l’église, nous enlevons une à une les maisons du côté Ouest de la grande rue, malgré la mousqueterie de l’ennemi tirant par les créneaux, les fenêtres, les soupiraux de cave et un feu d’enfilade du bas du village.
La lutte fut longue et acharnée. Les Allemands ne quittaient leurs créneaux qu’à la dernière extrémité. Il fallait pour ainsi dire venir les y saisir, alors ils se sauvaient en jetant leur fusil entre les jambes de nos hommes.
Pendant ce temps, le 138e de ligne, suivant à peu de distance, pénètre par une brèche dans le cimetière, abandonné grâce au mouvement tournant des marins ; de là il se rend maître des maisons voisines de la Mollette.
A 9 heures et demie, nous occupons toute la partie Nord-Ouest du Bourget, depuis l’église jusqu’à la mairie : les marins aux abords de la rue de l’Église, les 1er et 2e bataillons du 138e entre la rue de Dugny et la mairie ; deux compagnies repassant la Mollette non loin du lavoir occupent le parc et le château. Le 3e bataillon du 138e reste en réserve près du cimetière.
Pendant que la colonne Lamothe-Tenet prend possession de la partie Ouest du village, la colonne de droite, aux ordres du général Lavoignet, dirigée sur la partie Sud du Bourget, rencontre une vive résistance. Les 1er et 3e bataillons du 134e, les franc-tireurs de la Presse, formant première ligne, marchent des deux côtés de la route de Lille, soutenus en arrière par le 2e bataillon du 134e. La maison du garde-barrière, la gare du chemin de fer, sont facilement enlevées ; mais au delà de la chaussée, nos hommes accueillis par un feu des plus intenses sont arrêtés court.
La 1e compagnie du 3e bataillon et les franc-tireurs de la Presse parviennent cependant à enlever quelques maisons, quelques jardins, mais les Prussiens embusqués le long des murs les criblent de balles, et bientôt nos tirailleurs sont forcés de s’abriter derrière une ligne de fossés, de débris de murs, parallèle au chemin de fer, entre la route de Drancy et la maison du garde.
Les autres compagnies du 134e de ligne ayant abordé le chemin de fer à gauche de la route de Lille, se trouvent rompues, désorganisées par les haies, les fossés qui bordent la voie. Mélangés, pêle-mêle, nos hommes débouchent dans une plaine absolument découverte, limitée à 400 mètres par un long mur blanc d’où part une fusillade terrible. En un instant, les morts, les blessés s’entassent, quelques braves vont de l’avant, mais ils se brisent contre cette muraille où aucune brèche n’a été faite.
Ainsi, pendant que la colonne Lamothe-Tenet enlevait si brillamment la partie Nord-Ouest du Bourget, la colonne Lavoignet était arrêtée presque dès les premiers pas.
Entre ces deux colonnes, se trouvait un grand intervalle. Un effort dirigé de ce côté aurait eu très probablement raison des défenseurs du mur blanc, presque entièrement isolés entre les troupes du commandant Lamothe-Tenet et celles du général Lavoignet. Malheureusement les réserves restèrent immobiles.
Vers 10 heures, voyant l’action s’arrêter, le Gouverneur qui se trouvait sur la route de Lille fit avancer une batterie à hauteur de la Suiferie, afin de faire brèche dans le mur blanc. En même temps, l’amiral de La Roncière porte en avant la colonne Hanrion pour soutenir la brigade Lamothe-Tenet.
De son côté, l’ennemi fait avancer de nombreux renforts ; ses colonnes, accourant dans la partie Nord du village, rendent très critique la situation de la colonne Lamothe-Tenet, qui ne cessait de faire les plus vigoureux efforts pour avancer et se relier à l’attaque du Sud.
Sans renforts depuis le matin, l’énergique commandant se trouvait aux prises avec les plus grandes difficultés. L’ennemi, solidement établi dans la partie Est de la grande rue, opposait à nos attaques une inébranlable résistance. Fusillés à bout portant par une terrible mousqueterie de toute la ligne des maisons de l’autre côté de la rue, assaillis par une pluie d’obus, obus prussiens, obus français, tombant dans tous les sens, venant de toutes les directions, soldats et marins ne peuvent pousser plus avant. Une seule compagnie, commandée par le lieutenant Peltereau s’était, dès la prise du village, portée sur la lisière Sud pour prendre à revers les défenseurs de la barricade de la grande rue et faciliter le mouvement du général Lavoignet. « Bientôt, séparé de tous, ce brave officier succombe avec sa compagnie ; l’ennemi seul est témoin de son héroïsme ».
A ce moment, une vigoureuse attaque sur la droite, du côté de Drancy, aurait certainement amené la chute du Bourget. Cette action eût été facile, car les franc-tireurs de la division Berthaut, ayant à leur droite ceux de la division Courty, occupaient toute la ligne du chemin de fer en avant de Drancy.
Mais le général Berthaut, contraint de se conformer aux ordres du vice-amiral, assistait passivement à cette lutte ; son artillerie seule battait l’entrée nord du Bourget. Il prit néanmoins ses dispositions pour se porter immédiatement sur le village si l’ordre lui arrivait. La brigade de Miribel s’avança jusqu’à la route de Drancy au Bourget, formant deux colonnes : le régiment du Loiret à droite, le régiment de Seine-Inférieure à gauche.
Le 125e de ligne de la division Courty est en même temps envoyé à la Suiferie pour soutenir l’attaque du Bourget.
Cependant notre artillerie continuait à canonner énergiquement l’usine du mur blanc, les wagons blindés étaient venus même joindre leur feu à celui des canons de 12. Mais, sauf quelques obus ébréchant le mur, la plupart des projectiles tombaient dans le Bourget et faisaient autant de mal aux marins du commandant Lamothe-Tenet qu’aux Prussiens ; le fort d’Aubervilliers, qui tirait sur les réserves ennemies, envoyait également ses coups trop courts au milieu du village.
Vers 11 heures, le commandant Lamothe-Tenet, décimé par notre canon autant que par celui de l’ennemi, ne se sentant pas soutenu, se voyant menacé d’être entouré par les masses allemandes, se décide à ordonner la retraite.
Elle se fit rapidement mais sans désordre : il n’y avait pas de temps à perdre, l’ennemi occupant aussitôt les abris que nous abandonnions, nous couvrait de balles. Nous perdîmes surtout beaucoup de monde en gravissant les pentes rive gauche de la Mollette pour atteindre le point 41, derrière lequel on se mit à l’abri, pendant que la batterie de 4 de la brigade placée un peu en avant ouvrait le feu. Arrivé de l’autre côté de la Mollette, le commandant Lamothe-Tenet s’étant aperçu qu’une demi-compagnie de marins était restée dans le blockhaus tout au haut du village, envoie son officier d’ordonnance, M. J. Collard, la chercher. Ayant eu son cheval tué, cet officier retraverse à pied tout ce terrain sillonné de balles et parvient à accomplir complètement sa mission.
Malheureusement, sur d’autres points, un certain nombre de marins et de soldats furent laissés dans les maisons. Une compagnie environ du 128e, commandée par le capitaine de Montforand, est entourée avant qu’on ait pu la prévenir du mouvement de retraite ; après avoir résisté énergiquement, elle est obligée de mettre bas les armes.
Le général Hanrion venant de La Courneuve arrivait sur la Mollette avec sa colonne au moment même où le commandant Lamothe-Tenet finissait de se retirer ; il ne put que protéger et couvrir la retraite.
Le général Ducrot, dont les troupes étaient massées, depuis le matin, entre Drancy et Bondy, suivait avec anxiété le combat engagé sur sa gauche ; à la fusillade vive et prolongée du Bourget, il distinguait sans peine que l’amiral de La Roncière rencontrait plus de résistance qu’il ne l’avait prévu.
D’après les instructions, la deuxième armée ne devait se porter en avant qu’après la prise du Bourget, au signal d’un drapeau français hissé sur le clocher de l’église. Elle devait alors marcher sur le chemin de fer de Soissons, puis sur Blancmesnil, Aulnai, Sevran.
Comprenant l’embarras où l’on était dans le Bourget, voyant les renforts ennemis déboucher par toutes les routes et chemins, entre la Mollette et la Morée, pour converger sur le Bourget, le général commandant la deuxième armée pensa qu’un plus long retard pouvait être funeste.
En entrant en ligne, la deuxième armée arrêtait ces renforts qui menaçaient d’écraser les troupes de l’amiral. De plus, c’était peut-être le moment favorable pour enlever rapidement les positions adverses, naturellement dégarnies par les secours envoyés au Bourget.
Le général Ducrot, n’hésitant pas à prendre sur lui d’agir immédiatement, lance en avant la division Bellemare, et prescrit à l’artillerie de prendre position en avant de Drancy (9 heures).
Après une courte fusillade, le bataillon des franc-tireurs de la division de Bellemare enlève la ferme de Groslay, chasse les tirailleurs ennemis embusqués dans le ravin du Moleret, et arrive bientôt au chemin de fer de Soissons. La brigade Colonieu suit à petite distance, et vient garnir toute la rive gauche du Moleret, les 2e et 3e bataillons du 136e, avec le colonel Allard, occupent l’intervalle entre Groslay et le petit bois, détachant en avant deux compagnies, pour observer la ferme de Nonneville ; le 1er bataillon du 136e et le régiment du Morbihan, sous la conduite du colonel Golonieu, prennent position derrière le remblai du chemin de fer, depuis le passage de Blancmesnil, se prolongeant, à droite, le long du Moleret, jusqu’à la ferme de Groslay.
La brigade Fournès s’établit en deuxième ligne, entre Groslay et la ferme des Alouettes. En même temps, la division Mattat et la brigade Reille, traversant le canal de l’Ourcq, viennent se placer en réserve, en arrière de la route de Bondy à Drancy.
Les franc-tireurs de la division Mattat et la compagnie des tirailleurs parisiens couvrent les abords de Bondy, se reliant, d’un côté, au 136e dans le bois de Groslay, de l’autre, aux troupes du vice-amiral Saisset.
A 10 heures, pendant que la lutte se poursuivait avec acharnement dans le Bourget, nous étions maîtres de toute la ligne du chemin de fer de Soissons, jusqu’au passage du Moleret ; notre front se courbait ensuite à droite, en suivant ce ravin et passant par Groslay, le petit bois, jusqu’à Bondy.
Notre première ligne, assez forte (franc-tireurs des divisions Berthaut, Courty et Bellemare, brigade Colonieu), était soutenue par les divisions Berthaut, Courly, Mattat, les brigades Fournès et Reille, qui formaient une deuxième ligne depuis Drancy jusqu’à Bondy.
En arrière, la division Faron se tenait en réserve entre Bobigny et la route des Petits-Ponts, ayant à sa gauche la division de Susbielle ; la cavalerie, plus en arrière encore.
Enfin, comme dernière réserve, la garde nationale occupant une ligne suivant Pantin, Noisy-le-Sec, Merlan, Rosny, Neuilly-sous-Bois, reliant ainsi la deuxième et la troisième armée.
Pour appuyer son mouvement sur Aulnai-les-Bondy, le général en chef prescrit un grand dispositif d’artillerie suivant le front de notre première ligne.
En avant de Drancy et le long du chemin de fer, prennent position les batteries des divisions Berthaut et Courty, pour contre-battre l’artillerie de Blancmesnil, et tirer sur les colonnes ennemies qui se dirigent sur le Bourget.
Deux batteries de 4, de la division de Bellemare, s’établissent également derrière le remblai de la voie ferrée, non loin du Moleret, ayant les mêmes objectifs.
Sur la droite, les quatre autres batteries, aux ordres du général de Bellemare, prennent position le long du Moleret, depuis le chemin de fer jusqu’au petit bois, pour battre le village d’Aulnai et les batteries fixes en avant ; la batterie de l’extrême droite surveillant spécialement la ferme de Nonneville, et croisant ses feux avec l’artillerie de Bondy.
Toutes ces batteries se couvrent rapidement par de petits épaulements.
En deuxième ligne, en arrière de l’intervalle laissé libre entre les batteries, les divisions de Bellemare et Courty, deux batteries de 7 de la réserve générale s’établissent sur une éminence, à droite de Drancy.
A 11 heures, le feu commence sur toute la ligne. Les Allemands nous répondent vigoureusement, et font avancer batteries sur batteries ; dix ou douze, prenant position sur le plateau entre la Morée et la Mollette, luttent avec notre artillerie du chemin de fer, pendant que les batteries de position d’Aulnai, de Sevran, canonnent notre flanc droit.
A midi, la 1e brigade de la division de Susbielle rem- place la brigade Bocher, à Drancy ; le 115e fait des tranchées en avant de ce village.
Le général en chef s’apprêtait à continuer son mouvement en avant, sous la protection de cette formidable artillerie, lorsqu’il reçut du Gouverneur le télégramme suivant : « L’attaque du Bourget parait avoir échoué, nous n’avons plus de point d’appui à gauche ; votre mouvement sur Aulnai et Blancmesnil ne peut continuer ; arrêtez-vous ». Il fallut s’arrêter.
Dès lors le combat ne consiste plus qu’en une violente canonnade de part et d’autre. Le Bourget, évacué par nos troupes, l’artillerie de la division Berthaut y concentre aussitôt son feu.
L’artillerie de la division Courty, fortement éprouvée, se retire. La lutte, au centre, se continue par les 2 batteries de 7 à l’est de Drancy, et par des pièces de gros calibre (4 pièces de 24 court), établies à Drancy, dans le parc Ladoucette.
Sur la droite, les deux batteries du général de Bellemare, établies derrière le chemin de fer, ayant également beaucoup à souffrir, la batterie de mitrailleuses Malaval, qui faisait face à Sevran, exécute un changement de front sur sa gauche, et se porte vers le chemin de fer ; elle traverse le Moleret à l’aide de son pont volant, et prend position à droite de la maison du garde. Les trois batteries réunies tirent par salves.
L’ennemi, chassé par cette pluie de projectiles, rétrograde hors de la portée de nos canons à balles.
Dans cette lutte, nos batteries sont vigoureusement soutenues par les gros calibres de position et des forts. L’artillerie de Bondy, sur l’ordre du général Ducrot, bat Aulnai et ses abords.
Le feu du fort de Noisy est des plus efficaces : tirant sur l’entrée de la forêt de Bondy, il couvre notre flanc droit, et empêche les Saxons de déboucher dans la plaine.
La vivacité de l’attaque ne le cède en rien à celle de la défense ; une masse de projectiles s’abat sur Drancy.
Nos fantassins, abrités dans les caves, derrière les murs, en souffrent peu ; également protégés par un épaulement, les artilleurs du parc Ladoucette continuent leur tir. Mais les deux batteries de 7, établies à découvert, à droite de Drancy, sont cruellement éprouvées. Le feu des Allemands, parfaitement réglé, est des plus meurtriers, les obus tombent groupés au milieu des pièces. Nos artilleurs n’en font pas moins bonne contenance ; cependant, à moitié désemparée, une de nos batteries se retire par ordre, l’autre continue à combattre, en prenant en avant une nouvelle position avec de grands intervalles.
Vers les 3 heures et demie, ordre est donné aux batteries avancées de se retirer.
Profitant de ce mouvement, l’ennemi tente une attaque sur notre droite ; ses tirailleurs arrivent non loin du chemin de fer. Bien que reçus par une vive fusillade des mobiles du Morbihan embusqués derrière le remblai de la voie, les Allemands poursuivent leur offensive et cherchent à nous déborder par la route des Petits-Ponts.
Le commandant Buriel, à la tête de quelques compagnies du Morbihan marche résolument au-devant de l’ennemi, le refoule, et dégage notre droite. En même temps, le colonel Colonieu repoussait, avec le 136e, une attaque en avant de Groslay. Dès lors, les Allemands ne cherchent plus à inquiéter notre retraite qui s’effectue avec le plus grand ordre.
Le 21 au soir, toute la deuxième armée était bivouaquée dans la plaine entre Bondy et Aubervilliers, avec une ligne d’avant-postes occupant les tranchées par Groslay, Drancy, la Suiferie, la Courneuve.