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     Le 6 août 1870 – La bataille de Reichshoffen dans EPHEMERIDE MILITAIRE la-bataille-de-reichshoffen-150x150

     

    La bataille de Reichshoffen

    D’après « Histoire de la guerre franco-prussienne » – A.-C. de Saint-Auvent – 1875

     

    A la nouvelle du combat de Wissembourg, Mac-Mahon se porta le plus rapidement qui lui fut possible vers le nord. Il remonta de Haguenau vers Wissembourg et s’arrêta en avant de la route de Bitche à Haguenau, à 10 kilomètres du Rhin et à 4 de la forêt de Haguenau.

    Le prince royal n’avait pas osé s’engager dans le Col-du-Pigeonnier à sa gauche, il avait prononcé son mouvement vers la droite, et descendait la vallée du Rhin pour envahir notre territoire de ce côté. D’ailleurs, tandis qu’il attaquait au nord-est, le prince Frédéric-Charles se dirigeait de Trèves sur Sarrebrück, et appuyait ainsi son mouvement, ou si l’on veut, l’équilibrait.

    Entre Frossard, resté près de Sarrebrück, et Mac-Mahon, parvenu le 5 à Reischhoffen, se trouvaient, de notre côté, les corps de Ladmiraultet de de Failly, qui, selon toute probabilité, devaient avoir pour mission de se porter soit à droite, soit à gauche sur le point le plus menacé.

    A l’heure où Mac-Mahon arriva à la frontière, la vallée du Rhin ne pouvait plus être défendue. Le champ de bataille était déterminé. Il se trouvait resserré à l’est par la forêt, à l’ouest par les derniers chaînons des Vosges.

    Le maréchal s’attendait à n’être attaqué que le 7. Néanmoins dans la nuit du 5 au 6, on n’avait pas fait les tentes et l’armée avait bivouaqué. Or, la pluie n’avait pas cessé de tomber depuis dix heures du soir, et ce ne fut que vers six heures du matin que le soleil se leva pour sécher nos pauvres troupiers.

    Mais laissons ici la parole au maréchal. Nous raconterons après lui les épisodes de cette glorieuse, mais funeste journée :

    Rapport du maréchal Mac Mahon.

    « Saverne, 7 août. Sire, j’ai l’honneur de rendre compte à Votre Majesté que le 6 août, après avoir été obligé d’évacuer la veille Wissembourg, le 1er corps, dans le but de couvrir le chemin de fer de Strasbourg à Bitche, et les voies de communications principales qui relient le revers oriental au revers occidental des Vosges, occupait les positions suivantes :

    La 1ère division était placée, la droite en avant de Freischwiller, la gauche dans la direction de Reischoffen, appuyée à un bois qui couvre ce village. Elle détachait deux compagnies à Neunviller et une à Iœgerstahl.

    La 3e division occupait, avec la 1ère brigade, un contre-fort qui se détache de Freischwiller et se termine en pente vers Guersdoff ; la 2e brigade appuyait sa gauche à Freischwiller et sa droite au village d’Elsashausen.

    La 4e division formait une ligne brisée à la droite de la 3e division, sa première brigade faisant face à Gunstedt, et sa seconde vis-à-vis du village de Marsbronn, qu’elle n’avait pu occuper faute de force suffisante. La division Dumesnil, du 7e corps, qui m’avait rallié le 6 de grand matin, était placée en arrière de la 4e division.

    En réserve se trouvait la 2e division derrière la 2e brigade de la 3e divison et la 1ère brigade de la 4e. Enfin, plus en arrière se trouvait la brigade de cavalerie légère sous les ordres du général Septeuil, et la division de cuirassiers du général de Bonnemain. La brigade de cavalerie Michel sous les ordres du général Duhesmes, était établie en arrière de l’aile droite de la 4e division.

    À sept heures du matin, l’ennemi se présenta en avant des hauteurs de Guersdorff, et engagea l’action par une canonnade bientôt suivie d’un feu de tirailleurs assez vif contre la 1ère et la 3e division. Cette attaque fut assez prononcée pour obliger la 1ère division à faire un changement de front en avant sur son aile droite pour empêcher l’ennemi de tourner la position générale. Un peu plus tard, l’ennemi augmenta considérablement le nombre de ses batteries, et ouvrit le feu sur l’autre des positions que nous occupions sur la rive droite de la Sauerbach. Bien que plus sérieuse et plus fortement accentuée que la première, qui se continuait d’ailleurs, cette seconde démonstration n’était qu’une fausse attaque qui fut vivement repoussée.

    Vers midi, l’ennemi prononça son attaque vers notre droite. Des nuées de tirailleurs, appuyées par des masses considérables d’infanterie et protégées par plus de soixante pièces de canon placées sur les hauteurs de Gunstedt s’élancèrent sur la 2e division et sur la 2e brigade de la 3e division qui occupaient le village d’Elsashausen.

    Malgré de vigoureux retours offensifs, plusieurs fois répétés, malgré les feux très bien dirigés de l’artillerie et plusieurs charges brillantes de cuirassiers, notre droite fut débordée après plusieurs heures d’une résistance opiniâtre. Il était quatre heures. J’ordonnai la retraite. Elle fut protégée par les 1ère et 2e divisions qui firent bonne contenance et permirent aux autres troupes de se retirer sans être trop vivement inquiétées.

    La retraite s’effectua sur Saverne, par Niederbronn, où la division Guyot de Lespart, du 5e corps, qui venait d’y arriver, prit position et ne se retira qu’à la nuit close.

    J’adresse sous ce pli, à Sa Majesté, le nom des officiers blessés, tués ou disparus, dont il m’a été donné connaissance. Cette liste est incomplète, et je vous l’enverrai dès qu’elle m’aura été fournie en entier.

    Veuillez agréer, etc. Mac-Mahon

     

    Épisodes de la bataille.

     

    Dans cette lutte de 33000 hommes, contre 120000, combien de faits héroïques perdus pour l’histoire : Essayons d’en sauver quelques-uns de l’oubli.

    Il y avait plusieurs heures que la lutte durait sans que les positions occupées par le maréchal fussent entamées, lorsque dans l’après-midi, vers cinq heures, un troisième corps d’armée, fort cette fois de 74000 hommes, et conduit par le prince Frédéric-Charles, arrive et, passant en arrière d’Eberbach abandonné, cherche à déborder les divisions décimées du maréchal et à lui couper sa ligne de retraite sur Haguenau et Saverne.

    Le 1er corps était pris entre trois feux.

    Il fallait un effort héroïque pour sauver ce qui restait des régiments engagés depuis le matin. Le maréchal se décida à céder le champ de bataille couvert de morts et où le nombre avait triomphé. Mais pour qu’il puisse en ramener les débris de ses divisions, moins nombreuses alors que des brigades, il lança contre l’avant-garde ennemie, un régiment de cuirassiers qui devait en rompre la marche écrasante.

    Ces hommes de fer savent qu’ils vont à la mort. C’était la première fois qu’ils donnaient. On n’avait point vu les cavaliers de leur arme sur aucun champ de bataille depuis Waterloo. Mais ils se souviennent de ce qu’ont fait leurs pères, et du premier coup, ils renouvellent les charges légendaires du chemin creux d’Honain.

    Malgré les batteries, malgré les mitrailleuses, malgré le pêle-mêle des hommes et des chevaux qui tombent, les cuirassiers arrivent sur le front des régiments prussiens, les rompent, les écrasent, poussent toujours, et l’avant-garde, ébranlée dans son épaisseur, recule. Mais d’autres bataillons plus nombreux apportent le secours de leur poids aux Prussiens qui ne marchent plus, et ce qui restait de nos cuirassiers disparaît dans un tourbillon d’ennemis.

    Combien sont revenus de ces héroïques soldats ? On n’ose pas le demander !

    Le 1er corps avait eu sa route ouverte pendant une heure ; il lui fallait une heure encore pour achever sa retraite. Le maréchal avait sous la main un régiment de chasseurs. Il s’agit du salut d’une armée, il fait un signe. Le régiment part, et les prouesses qu’avaient faites les cuirassiers, les chasseurs les recommencent.

    A leur tour, ils font une trouée effroyable, et quand l’armée prussienne reprend sa marche offensive, l’armée française est maîtresse du chemin au bout duquel est l’armée. Elle était sauvée ! Les chasseurs étaient morts.

    Il a fallu que les aides de camp et les officiers d’ordonnance prissent le maréchal Mac-Mahon de force pour l’arracher au champ de bataille. Son armée à demi broyée, à l’abri de la poursuite, il voulait, lui aussi, se faire tuer.

    A Reischoffen, nous a raconté un témoin oculaire, le chef de gare, M. Kossmann, voit arriver un convoi de munitions. Quelques minutes encore et le train va tomber au pouvoir des Prussiens. Au milieu des balles et de la mitraille qui rendaient si difficile la retraite de nos soldats, le chef de gare se précipite en avant et parvient à faire les signaux de détresse au train qui se hâte de reculer vers Haguenau. Le train est sauvé, mais le chef de gare tombe sous une pluie de mitraille.

     

    Deux corrrespondants de la presse parisienne, MM. Chabullat et Cardon, qui se trouvaient à Wœrth, furent faits prisonniers par les Prussiens. Après deux jours de marche, ils obtinrent d’être présentés par le duc de Cobourg au prince royal.

    Nous leur emprunterons le portrait du prince et le récit qui suit :

    « Le prince Frédéric-Guillaume, héritier de la couronne de Prusse, est un homme de haute taille, mince, à la physionomie tranquille et placide, mais dans la courbure de son nez aquilin, dont la narine est très mobile, on sent l’énergie, dans la vivacité de son regard on sent la décision.

    Une grande barbe blonde adoucit les expressions un peu viriles du visage. Il affecte une grande simplicité d’allures, une sorte de bourgeoisie dans la manière d’être, de parler, de penser.

    Il est vêtu d’une tunique noire à collet et parement rouge, sans ramages ni dorures ; sur l’épaule est une torsade indiquant le grade qu’il occupe dans l’armée. Rien autre pour le désigner.

    Comme coiffure, il porte une casquette noire à bord rouge. L’uniforme est sévère et simple.

    Il parle le français très purement, sans accent, seulement avec une légère intonation tudesque, et avec un peu d’hésitation sur certains mots.

    Après nous avoir confirmé notre mise en liberté, il nous parla de la guerre qu’il déteste, dit-il ; mais où il fut intarissable, c’est quand il parla de notre armée dont il admire la bravoure.

    D’où nous étions à Wœrth, nous avions pu nous rendre compte de l’ensemble de la bataille, mais les détails, nécessairement, nous avaient échappé.

    C’est le prince royal qui nous apprit que deux régiments de cuirassiers avaient été lancés contre les batteries prussiennes qui foudroyaient Morsbronn et avaient combattu, non seulement avec un courage héroïque, mais avec une précision militaire qui faisait son admiration.

    Notre infanterie les décimait, nous dit-il ; ils se reformaient immédiatement comme sur un champ de manœuvre et revenaient le sabre au poing avec un ensemble merveilleux.

    Il nous parla de notre artillerie égale à la sienne. Seulement, nous dit-il, nous savons mieux l’employer en avant-garde et elle prend des positions plus rapidement que la vôtre.

    Quant à son tir, il est fort précis et nous a fait, ajouta-t-il, éprouver des pertes considérables.

    Sans le mouvement que nous avons fait à Reischoffen, et qui nous a fait faire beaucoup de prisonniers, nous aurions eu un plus grand nombre d’hommes mis hors de combat que vous ».

     

    Le but du prince était de pénétrer au cœur de la Lorraine. Désormais, aucun obstacle ne s’opposait à sa marche. Il ne perdit pas de temps et suivit de près les troupes décimées et harassées de Mac Mahon, qui se retirait par Saverne vers Nancy, et la ligne de la Moselle.

    Le passage de Saverne est d’une défense facile, mais des troupes fraîches auraient été nécessaires pour y arrêter le prince royal.

    Mac-Mahon ne pouvait y songer, et tandis qu’une grande partie de ses blessés et de ses fuyards suivaient la route de Wissembourg à Haguenau et de cette ville à Strasbourg, il repassait les Vosges avec environ 12000 hommes de toutes armes.

    La question a été soulevée de savoir si Mac-Mahon a eu raison ou tort de livrer la bataille de Wœrth. Maintenant que cette dernière est perdue, il est facile de condamner sa stratégie ; mais qu’on réfléchisse à ce que l’on eût dit de ce général, s’il avait réussi à fermer le passage au prince royal et à empêcher ce dernier de tourner par les Vosges les lignes françaises. S’il avait réussi, il eût été proclamé un héros et un général doué de prescience. Il a perdu, donc il s’est trompé.

    Mais supposez que Mac-Mahon ait préféré retirer à l’ouest des Vosges toutes les troupes françaises, à l’exception de la garnison de Strasbourg, l’effet eût été de céder au prince de Prusse un avantage stratégique que ce général n’a obtenu qu’en risquant une bataille. En opérant entre le Rhin et les Vosges, à l’aide des routes et des voies ferrées, le prince royal aurait menacé de faire une trouée dans les montagnes, à un point choisi par lui, et obligé l’armée française, échelonnée entre les Vosges et la Moselle, à suivre son mouvement stratégique.

    Mais laissons le 1er corps et voyons ce que devenait Frossard, à Forbach, où le prince Frédéric-Charles se préparait à l’attaquer, et à tirer de l’échec de Sarrebrück une terrible vengeance.

     

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