La bataille de Montmorency
D’après « Guerre du Canada, 1756-1760. Montcalm et Lévis » – Abbé H.-R. Casgrain – 1899
Il y avait un mois que le général anglais était débarqué devant Québec, et il n’était guère plus avancé que le premier jour. La ville ne présentait plus, il est vrai, qu’un monceau de cendres ; mais elle n’en était pas moins hors de sa portée.
Il espérait moins que jamais opérer sa jonction avec le tardif Amherst, tenu en échec par le prudent et méthodique Bourlamaque. Son espoir de lasser la patience des Canadiens ou d’obtenir leur défection, avait été déçu. Il ne vit plus d’autres moyens de les réduire que d’exercer contre eux les dernières rigueurs, comme il avait fait pour Québec.
Le 25 juillet, les habitants de Saint-Henri de Lauzon avaient lu en pâlissant la proclamation suivante, affichée au portail de leur église :
« Son Excellence, blessée du peu d’égards que les habitants du Canada ont eu à son placard du 27e du mois dernier, a résolu de ne plus écouter les sentiments d’humanité qui le portaient à soulager des gens aveuglés dans leur propre misère.
Les Canadiens se montrent, par leur conduite, indignes des offres avantageuses qu’il leur faisait. C’est pourquoi il a donné ordre au commandant de ses troupes légères et autres officiers de s’avancer dans le pays pour y saisir et amener les habitants et leurs troupeaux, et y détruire et renverser ce qu’ils jugeront à propos.
Au reste, comme il se trouve fâché d’en venir aux barbares extrémités dont les Canadiens et les Indiens lui montrent l’exemple, il se propose de différer jusqu’au 1er août prochain à décider du sort des prisonniers qui peuvent être faits, avec lesquels il usera de représailles ; à moins que pendant cet intervalle, les Canadiens ne viennent se soumettre aux termes qu’il leur a proposés dans son placard, et par leur soumission toucher sa clémence et le porter à la douceur ».
Les malheureux Canadiens des environs de Québec se trouvaient placés dans la plus affreuse alternative : s’ils continuaient à rester fidèles à la France, leurs maisons allaient être incendiées, leurs champs dévastés, le peu qui leur restait détruit et eux-mêmes traqués comme des fauves ; s’ils faisaient la paix avec les Anglais, les « sauvages » seraient immédiatement déchaînés contre eux. Les habitants de la côte de Beaupré étaient déjà sous le coup de ce châtiment.
Montcalm écrivait le même jour à Lévis : « Je crains que les gens de l’Ange-Gardien et de la côte de Beaupré ne fassent leur paix particulière. Il faudrait quelque gros détachement de sauvages et de Canadiens pour les corriger. Et, pour soutenir les Canadiens et les « sauvages », nous enverrons, s’il le faut, des grenadiers et soldats volontaires avec des officiers, une centaine ».
Les habitants de Saint-Henri avaient eu à peine le temps de lire la proclamation de Wolfe et d’en porter la nouvelle à leurs familles, que leur principal groupe, caché dans les bois avec leur curé, fut cerné et fait prisonnier.
Wolfe était aussi sensible qu’aucun de ses officiers aux maux dont il était le témoin et le principal auteur. Mais il pensait y trouver le moyen de désarmer la population, d’affaiblir les forces de son ennemi, et peut-être même de le décider à sortir de ses retranchements. C’était là le but de ses efforts ; car, s’il pouvait l’amener à un engagement général, il se croyait sûr de le battre, ayant trois fois plus de troupes régulières et mettant à peine en ligne de compte les milices canadiennes qu’il méprisait.
Depuis qu’il avait réussi à franchir le passage de Québec, il avait examiné avec soin toute la falaise jusqu’au cap Rouge. Elle lui parut presque partout inaccessible, coupée à pic et baignée par les eaux du fleuve. Alors comme aujourd’hui, un rideau d’épinettes, de pins, de hêtres, de chênes et de sapins, en couronnait le sommet.
Les rares endroits où la côte s’affaisse ou se creuse pour livrer passage à quelque torrent, avaient été rompus et occupés par des corps de troupes. Il tint sa lunette braquée sur une coulée qui s’ouvre à un quart de lieue en deçà de la pointe de Sillery, au fond de l’anse à laquelle il a légué son nom ; mais ce point, comme les autres, parut trop bien gardé pour qu’il fût possible d’y faire une descente.
On peut difficilement s’expliquer pourquoi il n’eut pas l’idée de s’établir fortement sur quelques points accessibles de la rive nord sous la protection de ses vaisseaux : c’était ce que Montcalm redoutait le plus. Il lui aurait coupé toute communication avec ses dépôts d’approvisionnements, l’aurait forcé de venir à lui et de lui offrir le combat. Une bataille gagnée lui aurait livré Québec en peu de jours, sans coup férir, car la famine l’aurait réduit à capituler. La perte de Québec entraînait celle de la colonie. Quoi qu’il en soit, il revint au saut, convaincu plus que jamais de la difficulté de son entreprise.
C’était encore le rivage de Beauport qui lui semblait le plus vulnérable. Après un long et dernier examen, il crut qu’il lui serait peut-être possible d’attirer Montcalm hors de ses retranchements, en attaquant les redoutes qu’il avait fait construire sur le bord même de la grève.
A partir du saut Montmorency, la falaise s’incline graduellement et se divise en plusieurs coteaux d’un accès plus facile. Elle forme un ravin vers la rivière de Beauport et continue de s’abaisser jusqu’à Maizerets, où elle devient un plan doucement incliné qui va mourir à la ligne de la marée. Tout le long de la grève règne un vaste estuaire qui a environ un tiers de lieue de largeur.
Sur cette grève, à moins d’un quart de mille du saut, se trouvaient la redoute de Johnstone, remarquée par Wolfe, et une autre plus importante située un peu plus à l’est, en face du gué de la rivière. Les retranchements qui longeaient la crête de la falaise étaient munis de redans dont les feux se croisaient. En arrière, couraient plusieurs lignes de défense ou traverses, érigées pour mettre les troupes à l’abri des batteries anglaises de la rive gauche du saut qui, dominant la droite, enfilaient la tranchée. Toute l’artillerie de cette aile consistait en vingt pièces, qui battaient d’un côté la rivière, de l’autre le fleuve.
Le plan de Wolfe était de diviser les forces des Français en menaçant leur camp sur trois points à la fois. Une fausse attaque serait dirigée sur la droite, et une autre sur l’extrême gauche : la première vis-à-vis la Canardière, la seconde vers le Gué-d’Hiver, tandis que l’attaque réelle se ferait en face du camp de Lévi.
La masse de l’armée régulière marcherait sur deux divisions. Celle de droite, sous Townshend, descendrait la falaise de l’Ange-Gardien et déboucherait par le gué du saut ; celle de gauche, sous Monckton, montée sur les berges, prendrait terre en deçà de la chute. Elles y opéreraient leur jonction, attaqueraient les deux redoutes et monteraient à l’assaut des retranchements. Toutes les embarcations de la flotte seraient réunies pour transporter les soldats et les marins. Chaque marin était armé d’un mousquet, d’une cartouchière, d’un pistolet et d’un coutelas ou épée courte.
Le général anglais avait commencé à préparer son attaque dès le 28 juillet, et il avait cherché à détourner l’attention du saut Montmorency en faisant bombarder et canonner nuit et jour la ville avec plus de violence que jamais. Chaque jour, il poussait vers les gués de forts détachements qui en venaient aux mains avec les Canadiens de M. de Repentigny et avec les « sauvages ». Un de ces détachements parut si considérable, qu’il causa une alarme dans le camp, dont les bataillons prirent les armes.
Wolfe se rendit plusieurs fois de sa personne aux différents gués : partout il trouvait les Français en alerte. Il connaissait maintenant et appréciait le redoutable antagoniste qui gardait leur gauche. Sa personne même ne lui était pas inconnue. Le 19 juillet, pendant que l’un et l’autre faisaient à la même heure la visite des postes, le chevalier de Lévis se trouva face à face avec lui, et les deux commandants purent se toiser de près, n’étant séparés l’un de l’autre que par l’étroite rivière Montmorency.
Le matin fixé pour l’attaque, le régiment d’Anstruther, l’infanterie légère et les rangers avaient ordre d’avancer vers les gués en laissant à peine voir leur marche à travers les arbres et en allongeant autant que possible leur ligne pour paraître plus nombreux. Parvenus aux gués, ils devaient se dérober à la vue de l’ennemi en s’enfonçant davantage dans la forêt et revenir à marche forcée pour se mettre à l’arrière-garde de Townshend.
Quand l’aurore du 31 juillet éclaira les hauteurs des Alléghanys, une forte brise du sud-ouest soufflait sur le Saint-Laurent et favorisait le mouvement des vaisseaux anglais, dont quelques-uns commençaient à déployer leurs voiles. C’était une pareille journée que souhaitait Wolfe pour l’exécution de son projet.
Dans le camp de M. de Lévis, les soldats sortaient déjà de leurs tentes. Plusieurs officiers stationnaient devant la maison qu’il avait choisie pour son quartier général. Le chevalier était sur pied, donnant des ordres pour expédier un renfort à M. de Repentigny, qui venait de lui faire dire qu’un corps de troupes très considérable apparaissait dans la direction du Passage-d’Hiver. Le bataillon de Béarn et une des brigades canadiennes montaient en ce moment la garde aux retranchements de la gauche.
Les batteries anglaises du saut s’étaient tues depuis la veille, et trois cents travailleurs en profitaient pour continuer les ouvrages de défense. Pendant que M. de Malartic faisait la visite de ses ouvrages, il aperçut une douzaine d’officiers anglais qui examinaient attentivement les positions. Vers onze heures, deux transports armés chacun de vingt canons mirent à la voile, et, louvoyant à la faveur de l’étalé de la marée, vinrent se placer en face de la redoute de Johnstone, où ils se firent échouer à une portée de fusil. Peu après, un vaisseau de ligne de soixante-quatre canons, monté par l’amiral Saunders, vint s’embosser un peu plus bas vis-à-vis la redoute de l’est. C’était le fameux Centurion, aussi connu dans la marine anglaise que devait l’être plus tard le Victory, qui portait Nelson à Trafalgar.
Aussitôt ces trois vaisseaux, dont les feux se croisaient, ouvrirent une vive canonnade sur les redoutes, les batteries et les retranchements, pendant que les quarante gros canons braqués sur la rive gauche du saut les prenaient en flanc. Les Français n’avaient, comme on l’a vu, à opposer à ces cent quarante-quatre bouches à feu, que vingt canons d’un moindre calibre. Toute la gauche, qui s’était mise en mouvement à l’approche des vaisseaux, descendit la déclivité et vint border la tranchée.
Une flottille de berges portant deux régiments, les grenadiers de cinq autres et un détachement du Royal-Américain avec le brigadier Monckton, se détacha de la pointe Lévis et descendit vers l’île d’Orléans, où une autre flottille qui émergeait du milieu de la flotte avec les marins vint la rejoindre. Elles y furent renforcées par une troisième venue du camp de l’île. Ces trois ou quatre cents embarcations se rangèrent sur trois lignes à mi-chenal, et y restèrent immobiles jusqu’à de nouveaux ordres, laissant les Français dans l’incertitude du point qui allait être attaqué.
Wolfe, durant cet intervalle, attendait l’effet de ses batteries. Il espérait que la pluie de boulets et de bombes qu’il faisait jeter sur les retranchements de la gauche ébranlerait les troupes régulières et ferait lâcher pied aux Canadiens. Mais ceux-ci tinrent aussi ferme que leurs compagnons d’armes. Montcalm était en observation avec Vaudreuil au quartier général, prêt à se porter avec les bataillons qu’il avait sous la main à l’endroit où les ennemis se décideraient à aborder. Lévis, descendu aux retranchements, parcourait toute la gauche, prenant ses dispositions et encourageant les soldats par sa présence.
Les berges s’ébranlèrent et poussèrent une pointe vers la rivière Saint-Charles, comme pour y faire une descente. Elles revinrent ensuite et continuèrent à exécuter divers mouvements, menaçant tantôt le centre, tantôt la gauche, tantôt la droite.
Un soleil éblouissant, une chaleur étouffante et quelques nuages à l’horizon présageaient pour la fin du jour un de ces violents orages accompagnés de foudre qui rafraîchissent l’atmosphère. La marée qui baissait rapidement découvrait les battures, laissant à sec les deux transports et allait bientôt rendre guéable le passage du saut.
A une heure et demie, le capitaine Duprat, qui commandait les volontaires stationnés au Gué-d’Hiver, vint avertir le chevalier qu’une colonne qui paraissait forte de deux mille hommes s’avançait pour attaquer M. de Repentigny. Lévis détacha aussitôt cinq cents Canadiens les mieux rompus à la guerre des bois, ainsi que les « sauvages », pour aller porter secours à M. de Repentigny, avec ordre au capitaine Duprat de suivre la colonne ennemie avec ses volontaires et de lui donner avis de ses mouvements. Il fit avancer Royal-Roussillon à la droite des Canadiens, qui occupaient les retranchements entre les deux redoutes, à côté du bataillon de Béarn aligné sur l’escarpement de la gauche. Montcalm s’avançait en ce moment avec le bataillon de Guyenne, accueilli partout aux cris de « Vive notre général ! ».
Il rejoignit Lévis, qui lui rendit compte de l’apparition d’une colonne anglaise en arrière du saut, des ordres qu’il avait donnés pour la tenir en échec, et lui demanda quelques renforts qu’il fit placer derrière lui, sur le chemin de Beauport, afin de les porter au besoin, soit au secours de M. de Repentigny, soit aux retranchements.
« Nous convînmes, écrit Lévis, que nous ferions la guerre à l’œil, et que, si la gauche était attaquée, il ferait avancer les troupes du centre pour la soutenir, et que j’en ferais de même si la droite était attaquée. Après cet arrangement, M. de Montcalm me quitta et me dit qu’il allait rejoindre M. le marquis de Vaudreuil et lui rendre compte de notre situation ».
Peu après, sur l’avis de Duprat que la colonne rétrogradait, Lévis dépêcha son aide de camp Johnstone pour faire revenir les renforts qu’il avait expédiés à M. de Repentigny. Les berges qui jusque-là avaient monté et descendu le long de l’estuaire, menaçant surtout le centre et la droite, rentrèrent dans le chenal de l’île d’Orléans et vinrent se placer en arrière des deux transports échoués.
Il était alors cinq heures du soir. La marée achevait de baisser, et le passage du saut était guéable. Dans le ciel, d’épais nuages chargés d’éclairs et de tonnerre avaient caché le soleil, et de grosses gouttes de pluie commençaient à tomber.
L’armée, qui s’était tenue en ordre de bataille sur la falaise de l’Ange-Gardien, venait de la descendre et se formait en colonne sur le bord de la grève pour franchir le gué. Les batteries et les vaisseaux anglais n’avaient pas cessé la canonnade, qu’ils dirigeaient avec habileté, mais sans produire beaucoup d’effet sur les travaux ni sur les troupes françaises. Les « sauvages », revenus avec le détachement de Canadiens, furent disposés en tirailleurs entre la redoute de Johnstone et les retranchements. Le chevalier fit avertir Montcalm du mouvement des Anglais et descendre la réserve qu’il tenait sur le chemin de Beauport. A six heures, les berges s’approchèrent, après avoir eu quelque peine à franchir une chaîne de rochers à fleur d’eau.
A mesure que les troupes débarquaient, Monckton les rangeait en bataille à l’abri des transports ; les grenadiers à l’avant-garde suivis du Royal-Américain. Au même instant, l’armée de Townshend commença à franchir le gué, et la canonnade devint plus furieuse que jamais.
Lévis, prévenu que la redoute de Johnstone manquait de boulets, ordonna à M. de la Perrière, qui y commandait, de l’évacuer après avoir encloué légèrement les canons. Les troupes de Monckton s’avancèrent « de bonne grâce », au dire de Lévis. Les grenadiers, impatients de se distinguer, prirent les devants et coururent à la redoute, qu’ils dépassèrent sans s’y arrêter. Là, ils rencontrèrent un terrain spongieux qui retarda leur marche.
Les Canadiens, qui se composaient de ce qu’il y avait de meilleurs tireurs parmi les coureurs des bois, ouvrirent un feu meurtrier qui abattit les premiers rangs. Les grenadiers oscillèrent un instant, puis s’élancèrent de nouveau en avant, et commencèrent à gravir la côte, qui était beaucoup plus raide que Wolfe ne l’avait supposé. Les plus hardis n’étaient pas arrivés à moitié de la déclivité, qu’ils furent fauchés par les balles et tombèrent sur ceux qui les suivaient, en les entraînant dans leur chute. Pendant que cette lutte désespérée se prolongeait, Townshend, qui venait de traverser le gué du saut, lança son corps d’armée sur l’autre redoute, où commandait le brave capitaine de Mazerac.
En ce moment, les nuages, qui avaient enveloppé le bassin d’une demi-obscurité, crevèrent au-dessus des combattants avec des éclats de tonnerre qui couvrirent le bruit de la canonnade. La montée du coteau devint de plus en plus difficile, à mesure que la pluie qui tombait par torrents détrempait la terre et la rendait vaseuse et glissante. Les assaillants décimés reculèrent en désordre, enjambant par-dessus les rangées de cadavres, et vinrent se reformer en arrière de la redoute pour se préparer à un nouvel assaut.
Mais Wolfe, qui de loin avait suivi l’action, en comprit l’inutilité et fit sonner la retraite. Le feu de la mousqueterie et du canon avait en partie cessé de part et d’autre, car la poudre, exposée à la pluie, était devenue humide.
Des cris et des hourras retentirent sur toute la ligne des remparts, quand les Français virent les assaillants reprendre le chemin de la grève en emportant leurs blessés. Montcalm, descendu en ce moment à la gauche, fut salué par les acclamations de « Vive notre général ! ».
Les « sauvages » se répandirent sur l’estuaire pour faire des prisonniers et lever des chevelures. Un incident se produisit alors, qui donna lieu ensuite à quelques correspondances entre les généraux des deux armées. Le capitaine Ochterlony, blessé à mort, épuisait le reste de ses forces pour échapper aux griffes des Peaux-Rouges. Un soldat de Guyenne l’aperçut au moment où un de ces « barbares » brandissait son couteau pour lui lever la chevelure ; le soldat saisit l’Indien à bras-le-corps et le retint, au risque de se faire tuer lui-même, jusqu’à ce que des officiers français venus à son secours eussent entouré le malheureux Anglais, qui fut transporté à l’hôpital général.
La pluie tombait en si grande abondance, qu’elle empêchait de voir à distance. L’orage fut de courte durée, et, quand le ciel s’éclaircit, les Français aperçurent les derniers détachements de Monckton qui s’éloignaient du rivage dans la direction de la pointe Lévis, et l’armée de Townshend, repliée au delà du saut, remontant la falaise. Le fort du combat s’était livré autour de la redoute de Johnstone, où les pertes des Anglais avaient été des plus sensibles. La division de Townshend, qui avait été lente à s’engager, s’était avancée encore avec plus de lenteur et n’avait pas osé monter à l’assaut de la redoute. L’amiral Saunders, craignant que les Français ne s’emparassent des deux transports, ordonna aux équipages de les abandonner après y avoir mis le feu.
Le rapport officiel des Anglais avoua une perte de quatre cent quarante-trois hommes tués ou blessés, au nombre desquels étaient le colonel Burton, du 48e, huit capitaines, vingt et un lieutenants et trois enseignes. Le chevalier de Lévis l’estima bien plus considérable. Les Français n’eurent que soixante-dix hommes tués ou blessés.
Lévis écrivit sur-le-champ au ministre de la guerre : « On ne peut assez faire l’éloge des troupes et des Canadiens qui ont été inébranlables, et qui ont continuellement témoigné la plus grande volonté ».