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    La bataille de la Trebbia

    D’après « Journal des sciences militaires des armées de terre et de mer » – 1848

     

    La bataille livrée sur la Trebbia eut pour théâtre un pays sillonné de fossés, coupé de murs et de haies, semé de maisons éparses et de plantations de tout genre, avec une multitude d’arbres chargés de ceps de vigne. Ces objets sont autant d’obstacles pour la vue qui ne saurait embrasser nulle part un espace étendu, et, en outre, ils opposent mille difficultés aux mouvements des troupes en corps nombreux, de sorte que le lit sablonneux de la Trebbia, presque à sec pendant la belle saison, était a peu près le seul terrain découvert et libre où l’on pût se battre.

    Cette journée peut servir à montrer ce que deviennent les combats que personne ne peut embrasser de la vue dans leur ensemble, et que personne, par conséquent, ne saurait conduire.

    La bravoure des troupes des deux partis n’y est point comprimée par des formes régulières et limitée par des barrières gênantes. Le général n’est plus que le chef dans l’acception primitive du mot, et sa voix se perd dans le tumulte du combat.

    Mais la bataille de la Trebbia offre aussi un exemple des services importants que la cavalerie peut rendre, même sur un terrain défavorable et dans un rôle secondaire, lorsque les circonstances ne lui permettent pas de jouer son rôle véritable. Ce n’est qu’à ce dernier point de vue que nous examinons la bataille.

     

    Le 18 juin, à 10 heures du matin, l’armée alliée, marchant sur 5 colonnes, franchit le Tidone et s’avança vers la Trebbia. Après une lutte acharnée, les Français furent obligés d’abandonner la rive gauche du fleuve. La cavalerie autrichienne n’eut d’engagés que deux escadrons, qui, faisant partie de la colonne du centre, rencontrèrent à Grignano une division d’un millier de chevaux, la chargeront et eurent le bonheur de la culbuter. Mais cette troupe se rallia derrière l’infanterie, et le soir le combat se termina sur les rives de la Trebbia dont le lit séparait les deux armées.

    Le général russe Rosenberg qui, à la tête de la division de droite, avait le premier repoussé l’ennemi au-delà du fleuve, s’était avancé vers le soir sur la rive droite, et avait pénétré jusqu’à Settimo. Il se trouvait donc placé sur le flanc gauche de l’ennemi, et pouvait, de ce côté, faire une attaque décisive, qui eût dispensé les Alliés de l’attaque sanglante et pénible faite le lendemain contre le front de l’armée ennemie dans le lit du fleuve.

    Mais Rosenberg, arrivé à Settimo dans l’obscurité de la nuit, ne sachant guère lui-même, au milieu de ce pays inconnu, dans quel lieu il se trouvait, ne communiquant plus avec l’armée, et ne recevant aucune nouvelle de ce qui s’y passait, repassa la Trebbia pendant la nuit.

    Si la cavalerie eût pu faire quelque chose de sérieux à cette bataille, c’était sans doute en attaquant du côté de Settimo et en prenant l’ennemi à revers. Dans la soirée, comme il était déjà tard et que le feu avait entièrement cessé, il y eut encore un combat très vif, 5 bataillons français s’étant avancés dans le lit du fleuve par la route de Plaisance.

    Reçues par un violent feu d’artillerie, ces troupes se replient aussitôt. Les bataillons russes et autrichiens les plus voisins de ce point les poursuivent, et les Français poussent en avant quelques nouveaux bataillons pour recevoir les premiers. On appelle à grands cris la cavalerie : d’une part accourent des dragons autrichiens et des Cosaques, de l’autre des chasseurs français, et il s’engage une mêlée confuse qui dura jusqu’à 23 heures, où les chefs des deux partis réussirent enfin à mettre un terme à cette inutile batterie.

     

    Le lendemain matin à 10 heures, après qu’on eut remis en ordre et laissé reposer un peu les troupes, l’attaque recommença.

    Suwarow, craignant, à cause d’un mouvement de l’ennemi sur Noviano, de voir tourner sa droite, la fit s’étendre sur la droite, et ordonna au général Mélas, qui commandait la gauche, de détacher à droite, sous le prince de Lichtenstein, quelques bataillons de grenadiers et le régiment Lobkowitz-dragons, pour se lier aux Russes. Avec le reste de ses troupes, il devait se porter en avant, l’attaque devant être renouvelée sur toute la ligne.

    Macdonald, qui n’avait pas encore renoncé à l’espoir de se voir secouru par l’armée de Moreau, et qui comptait d’abord sur la coopération de la division Lapoype qui était à Bobbio (cette division se mit effectivement en marche mais elle fut arrêtée par un détachement de 2000 Russes), résolut également d’attaquer.

    D’abord, il fit passer la Trebbia à son aile gauche ; mais elle fut obligée après un engagement très vif de regagner l’autre rive. Cette première tentative ayant échoué, Macdonald réunit à l’aile droite, l’élite de ses troupes pour y tenter un dernier effort. Toute sa cavalerie se porta en masse, par la route de Plaisance, sur San-Nicolo. L’infanterie la suivit le plus vite possible, et en même temps une colonne de 5 bataillons et 600 cavaliers franchit la Trebbia à son embouchure et marcha contre l’aile gauche de l’ennemi.

    L’attaque de la cavalerie française eut lieu au moment même où le prince Lichtenstein venait de se mettre en marche avec la brigade de grenadiers et le régiment Lobkowitz, pour se joindre aux Russes.

    Les Français ne trouvèrent donc devant eux que de faibles postes qu’ils culbutèrent sans peine, et pénétrant jusqu’à San-Nicolo, ils y enlevèrent 2 bouches à feu. Heureusement le prince n’était encore qu’à quelques milliers de pas. Faisant aussitôt rétrograder ses troupes, il mit les dragons en bataille et chargea la cavalerie ennemie en queue, pendant que les grenadiers se hâtaient de redescendre le fleuve pour appuyer cette attaque.

    La cavalerie française, surprise de cette brusque attaque, se jeta en désordre sur son infanterie ; un régiment d’infanterie légère se dispersa. Les grenadiers autrichiens se portèrent à leur tour en avant, et les Français se retirèrent en désordre de l’autre côté de la Trebbia.

    Cette attaque une fois repoussée, les Autrichiens eurent plus de liberté pour agir contre la colonne qui venait de l’aile droite des Français par l’embouchure de la Trebbia. Le régiment archiduc Joseph-hussards chargea cette colonne, la mit en fuite et fit 500 prisonniers. Mais là aussi, le terrain était trop défavorable et l’espace trop restreint pour qu’il fût possible de pousser la poursuite assez vigoureusement et assez loin.

    La bataille finit le soir, dans la même situation où elle avait commencé le matin. Mais l’armée française avait essuyé des pertes si considérables, qu’elle était hors d’état de faire une plus longue résistance.

    Sans secours ni nouvelles de Moreau, menacé sur ses derrières par les corps autrichiens des généraux Klenau et Hohenzollern, épuisé par trois jours d’une lutte sanglante qui lui avait coûté plus de la moitié de son monde, privé de son artillerie presque entièrement hors de service, et de ses généraux presque tous blessés, Macdonald commença le 26 sa retraite sur Pistoie.

     

    La bataille et la retraite coûtèrent à son armée 16 à 17000 hommes, dont plus de 12000 prisonniers. Les Alliés avaient perdu 5 à 6000 hommes.

    La conduite de Macdonald dans cette circonstance, bien que le succès n’ait point couronné ses efforts, lui donne droit à la reconnaissance de sa patrie et à l’estime du monde entier, et peut offrir un illustre exemple à l’émulation de tous les hommes de guerre. Après avoir pris son parti en homme de cœur et de tête, il exécuta sa résolution avec une habileté et avec une persévérance qui auraient probablement été couronnées d’un meilleur succès, s’il n’eût été aussi complètement abandonné à ses propres ressources.

    Cependant son attaque de cavalerie peut servir à démontrer que cette arme, employée dans des circonstances où elle ne peut vaincre, n’est souvent que nuisible.

    Si les Français n’avaient porté en avant que peu ou point de cavalerie, l’attaque de leur infanterie se serait peut-être exécutée avec succès, tandis que la fuite de leur cavalerie favorisa bien certainement l’attaque de la cavalerie ennemie.

    Cette observation, bien entendu, ne s’applique qu’aux cas où des obstacles positifs et très réels mettent la cavalerie dans l’impossibilité d’agir avec liberté, comme il arriva sans contredit dans ce pays si remarquable par la configuration toute spéciale du terrain. Nous n’entendons nullement approuver ceux qui abusent du prétexte si connu des difficultés du terrain pour excuser toutes les fautes, et notamment les péchés d’omission des chefs de cavalerie.

    L’attaque de la cavalerie française ressemble à une faute de précipitation.

    Quant à Suwarow, il ignorait complètement le terrain sur lequel il se battait, et n’avait point d’ailleurs l’habitude d’avoir égard à la configuration particulière du théâtre de ses opérations, comme l’ont clairement prouvé ses manœuvres en Suisse.

    Ses victoires en Turquie et en Pologne, où il s’était accoutumé à mépriser les difficultés de terrain et même les obstacles produits par l’art des fortifications, l’avaient conduit à ne tenir aucun compte de cette branche importante de la stratégie et de la tactique, où d’autres ont, au contraire, cru découvrir le secret de l’art de vaincre. 

     

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