La défense de Pho-Binh-Gia
D’après « Les hauts faits de l’armée coloniale » - F. Bertout de Solières – 1912
Le poste de Pho-Binh-Gia, placé à l’extrémité d’un défilé important et commandé par le lieutenant Ducongé, avec 39 tirailleurs tonkinois, fut brusquement attaqué, le 11 juin, par des bandes chinoises nombreuses qui ne tardent pas à envelopper le poste d’un cercle de fer.
Le poste était défendu par un parapet en terre de cinquante centimètres d’épaisseur sur un mètre de hauteur, recouvert de mottes de gazon ; quelques palissades en bambou, en mauvais état, garnissent le fossé.
Le sergent Haas est chargé de la défense de la face est, le lieutenant prend celle de la face ouest.
L’ennemi comprend plus de 1000 Chinois ; néanmoins, une première attaque est repoussée.
Vers onze heures du matin, les Chinois installés dans les rochers, surplombant le poste, ouvrent sur celui-ci un feu intense et plongeant, qui dure jusqu’à la nuit.
Le sergent Haas est blessé ; il se panse lui-même et reste à son poste, encourageant tous les hommes par son exemple.
Les pirates incendient les villages environnants et cherchent à brûler les cases voisines de l’enceinte. Profitant du trouble que ce feu occasionne, ils tentent enfin un nouvel assaut.
Heureusement, le lieutenant a eu le temps de faire placer des petits piquets, ce qui arrête l’élan de l’ennemi qui se retire sur les hauteurs.
La nuit fut terrible, la fusillade continuant de part et d’autre.
Le lendemain matin, les feux plongeants recommencent. Les soldats restent à l’abri dans les cases. Les pirates crient aux tirailleurs de livrer l’officier et leur offrent 200 piastres par tête d’Européen.
Le 13, ils renouvellent leurs offres et portent à 400 piastres l’indemnité pour le lieutenant, à 300 pour le sergent. Enfin, ils font des menaces de tout brûler et de décapiter tous les prisonniers. Rien n’y fait. La vaillante petite troupe resta fidèle.
Le 14, les communications sont tout à fait coupées. Un paysan dévoué parvient à franchir les lignes et se porta sur Lang-Son pour chercher des renforts. Il rencontra le capitaine Brulard qui se dirigea aussitôt à marches forcées sur le poste.
Le 15, à 3 heures du matin, nouvelle attaque repoussée. Vers 7 heures, on entend une fusillade dans la direction de Lang-Son. Ce sont les secours qui arrivent. L’espoir renaît parmi les défenseurs, car les vivres commencent à manquer ; il n’y a plus que de l’eau croupie à boire.
Le 16, les feux continuent toute la journée. Le 17, le capitaine Brulard peut enfin s’emparer des positions du nord. La joie est grande dans la petite garnison qui n’a plus de munitions. Il reste bien des cartouches 86, mais les hommes ont la carabine 74, et celles-ci ne peuvent servir.
On essaie, néanmoins, d’en tirer. Il se produit des éclatements de douilles, toutefois la balle a une force suffisante pour arriver jusqu’aux ennemis.
Le 19, la poignée de héros aperçoit la colonne de secours à 2 kilomètres qui livre un combat acharné, malheureusement elle ne peut lui être d’aucune utilité. Dans la nuit du 19 au 20, les pirates décampent et les renforts pénètrent le 20 au matin dans Pho-Binh Gia.
Le général en chef signala cette brillante défense dans un ordre général : « C’est un honneur pour la Compagnie et pour le 2e Tonkinois d’avoir dans ses rangs de si braves soldats. Ils pourront dire avec orgueil : J’étais au siège de Binh-Gia ».
La défense de ce petit poste fut, en effet, héroïque et rappelle celle fameuse de Tuyen-Quang. Le nom du lieutenant Ducongé mérite d’être conservé au livre d’honneur de l’infanterie coloniale et cité parmi les plus braves de ses vaillants officiers.