D’après « Revue des traditions populaires » – 1887
Si certaines appellations ont disparues depuis 1887, quelques-unes perdurent encore en 2013 !
(L.) désigne « Dictionnaire d’argot » – Lauredan Larchey
(M.) désigne « La langue verte du troupier – Dictionnaire d’argot militaire » – Léon Merlin
(A.) désigne des communications faites par des officiers de l’école d’enfants de troupe d’Autun
- Les soldats en général
En argot, un soldat est un Grevier ou un Grivier, de Grive, qui veut dire guerre, (L.) un Sapin (L.).
Le simple soldat est dénommé plaisamment Officier de guérite. (M.).
Le conscrit s’appelle Blaireau, Bleu, par allusion à la blouse bleue de la plupart des recrues ; Colback, par comparaison de la chevelure qui n’est pas encore taillée militairement, avec le bonnet à poil, dit colback, porté autrefois dans une partie de la cavalerie ; Pied bleu, à cause des guêtres bleues du paysan (L.) ; Jean-Jean (L.), on sait que Jean est souvent synonyme de niais.
Un mauvais soldat est un Pierrot (M.) -d’après une communication de M. Stiebel, Pierrot est simplement synonyme de blanc-bec, – un Soldat du pape. En 1738, Le Duchat disait déjà : « Soldats du pape, méchante troupe ». Machiavel a dit que les compagnies de l’Église sont le déshonneur de la gendarmerie (L.)
Dans la cavalerie, un soldat maladroit ou emprunté est appelé Cosaque.
Les remplaçants militaires étaient appelés des Vendus (L.) ou plus énergiquement des Chiens vendus ou des Cochons vendus (P.).
Les enfants de troupe sont des Enfants de Giberne (L.)
Les marchands d’hommes étaient des Marchands de chair humaine (P.).
Les soldats de la Vieille Garde de Napoléon s’appelaient les Vieux de la Vieille (L.)
Les vieux soldats à chevrons étaient vers 1861 des Briscards (L.), des Culottes de peau (L.). On les appelle encore Vieux pompons.
Le vieux soldat est comme son pompon,
Plus il est vieux, plus il est melon.
Le soldat qui a trois chevrons est un Trois-mâts (A.)
Les Invalides sont des Invalos, par un changement de finale argotique (L.)
Un factionnaire ou une sentinelle, est un excrément déposé aux abords de certains murs : comme un factionnaire, il empêche de passer (L.)
- L’Infanterie
Un régiment ou un bataillon d’infanterie s’appelle Mille pattes, nom qui fait image. (M.)
Voici par quels sobriquets, on désigne les fantassins :
Bibi, Bifin (dont le sac est la hotte ; on sait que Bifin est l’un des noms du chiffonnier en argot)
Fiflot, Piou, Pioupiou,
Trente six clous, par allusion à leur chaussure ferrée de 36 clous,
Méfiants, parce qu’ils combattent le plus souvent sac au dos, dans la crainte, dit-on plaisamment, d’être volés,
Pousse-cailloux, image de la marche sur les routes fraîchement chargées, Trotte-sec ;
Marche à terre (A.), Carapiata (A.), Grandes capotes ; ce dernier terme est usité en Afrique, (Comm. de M. René Stiebel), Troubade ou Troubadour (M.),
Romains par allusion au poignard d’infanterie de l’ancien modèle (L.),
Tournevis à cause du chapeau à cornes porté par l’ancienne infanterie (L.),
Lascars, de l’arabe el-askir, qui a la même signification. (L.), Bonhomme d’un sou (ils ne touchent qu’un sou de prêt par jour). (L.)
Les cavaliers donnent aux fantassins le sobriquet de Sous-pieds de dragon, à cause de leur petite taille (M.), de Bouts de cigares, pour la même raison. (Comm. du commandant Lambert.)
Les Lignards s’appellent Culs rouges, à cause de la couleur garance de leur pantalon, Écrevisse de rempart pour la même raison (L. M.), Pantalons rouges. (L.)
Lorsque l’infanterie était divisée en compagnies du centre et en compagnies d’élite, les soldats du centre s’appelaient Tourlourous, du vieux mot français turelureau, soldat de garnison. (L.)
On donnait autrefois aux grenadiers, l’épithète de Mangeurs de foin, parce que, marchant généralement en tête, ils s’emparaient pour leur campement de tout le foin et de toute la paille des environs. Quand le gros des troupes arrivait, il ne trouvait plus rien : les grenadiers avaient mangé le foin. (L. M.)
Les gros poux portent le nom de Grenadiers, mot à mot : pou d’élite. (L).
Les chasseurs à pied s’appelaient les Vitriers : ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme les pièces de verre que les vitriers portent sur leur dos, (L.). D’autres pensent que c’est à cause du bruit aigu fait par leur fanfare, bruit qu’on accusait d’être assez fort pour casser les vitres quand le bataillon passait de son pas rapide.
Le refrain ci-après, fait sur une de leurs marches, semble aussi l’indiquer :
Encore des carreaux d’cassés v’la les vitriers qui passent.
Encore des carreaux d’cassés v’la les vitriers passés. (A.)
On les a aussi appelés des Poulets d’Inde (Comm. du prince R. Bonaparte). Les gardes républicains sont des Cipaux.
Les soldats du bataillon d’Afrique se nomment Camisards, Mutilés, Zéphirs, (L.), Croque-mitaines, parce que s’étant mutilé la main pour ne pas servir, on dit plaisamment qu’ils se sont croqué la mitaine (A.), Joyeux ; Bat d’Af. (Comm. de M. René Stiebel).
Les zouaves sont des Zouzous.
Les tirailleurs indigènes de l’armée d’Afrique, des Turcos.
Les tambours et les clairons s’appellent la Clique (M).
On donne au tambour les surnoms de Peau d’âne (M.), Tapin, Chien, par allusion aux roulements de son tambour (L).
Les sapeurs sont les Mal rasés (L).
- La Cavalerie
On désigne les cavaliers en général sous le nom de Culottes de peau, parce qu’autrefois, le pantalon était garni d’une basane jusqu’à la ceinture ; de Traîneurs de sabre, quand les ceinturons n’avaient pas de crochet, les cavaliers étaient obligés de porter leur sabre à la main et le laissaient par suite souvent traîner ; de Crottins, à cause de leur service d’écurie. (Comm. du commandant Lambert), de Ramasse-crottin. (Comm. de M. René Stiebel).
On donne aux cuirassiers le nom de Chaudronniers, les autres soldats comparant à un vulgaire chaudron, leur cuirasse étincelante ; ou bien à cause du bruit qu’ils font en la déposant, et celui de Poitrine d’acier par allusion à leur cuirasse, de Ventre d’acier. (A.).
Les cavaliers de réserve (carabiniers et cuirassiers) s’appellent Gros frères (P), Gros talons, Gros lolos (L.), Coquillards. (Comm. de M. René Stiebel).
On dit dans la cavalerie légère, que pour faire un bon cuirassier, il faut être grand, fort et bête.
Les dragons s’appelaient Citrouilles, par allusion à leur casque, qui autrefois était en cuivre, tandis que celui des cuirassiers était en acier, (L. M.), Citrouillards (A).
Dans la cavalerie, les anciens guides s’appelaient les Chameliers, les lanciers les Allumeurs de gaz, par allusion à leur arme, comparée au long roseau dont se servent les employés pour allumer le gaz. (M).
On donnait aux hussards le nom de Culs de singe, parce que l’ancienne tenue laissait voir le derrière du pantalon, qui était ordinairement plus usé que le reste. (Comm. du commandant Lambert).
On appelait plaisamment les chasseurs à cheval des Plongeurs à cheval.
Les chasseurs d’Afrique étaient nommés Chasse-marée (M.).
Les spahis des Spahias. (A).
- L’Artillerie et le train
L’artilleur à cheval est un Flambant. (L.).
Il donnait à l’artilleur à pied le surnom de Court-à-pattes (L.)
Les artilleurs en général sont des Bombardiers (A.) ; c’est une survivance.
L’artificier d’artillerie est un Coupe-ficelles, allusion à la grande quantité de ficelle réclamée par ses fonctions, (L.).
Les soldats du train s’appellent Tringlots et Hussards à quatre roues (L.), Cambouis, à cause de la graisse des roues. Le régiment de l’ancienne garde du roi s’appelait Le Royal Cambouis. (Comm. du commandant Lambert).
D’après M. Stiebel, ce nom est aussi donné à l’artillerie en général. Les officiers des autres armes donnent souvent en plaisantant aux officiers du train, le nom de Charrette. C’est Charrette ; dis-donc, Charrette (Comm. de M. A. Certeux).
- Le Génie
On appelait parfois le Génie en général : Génie malfaisant, parce qu’il ne réussit pas toujours les travaux de casernement dont on le charge.
A cause du plastron qu’ils portaient dans l’ancienne tenue, les soldats du génie étaient nommés Poitrines de velours. Comme ils sont chargés de creuser les tranchées et surtout les mines, on les a nommés Taupes de rempart (L. M.) On les appelait aussi des Barbettes. (Comm. du prince R. Bonaparte.)
- Corps Auxiliaires
Les infirmiers sont dénommés plaisamment Artilleurs de la pièce humide (L. M.), Canonniers de la pièce humide, Artilleurs à genoux.
Dans le Dict. comique de Leroux (1718) les apothicaires sont nommés Mousquetaires à genoux.
Les soldats de l’intendance sont des Riz-pain-sel.
Les préposés aux lits militaires des Marchands de puces ou de punaises.
Les cuisiniers en pied des Pièces grasses, parce qu’ils sont loin de briller par la propreté. La pièce grasse proprement dite est un morceau d’étoffe imbibé d’huile et servant à l’entretien du flingot ou fusil (E. M.). Le valet de cantine est appelé Aide-Cargot (L.), le cantinier est un Cargot (L.).
- Gardes nationaux
Mobile est le nom donné à la garde-mobile en 1830 et en 1848.
En 1870-71, les soldats de la Garde-mobile s’appelèrent les Moblots.
Pendant la guerre de 1870, on donna aux gardes-nationaux mobilisés, le nom de Mobilisés, ou de Vieux gars.
Les gardes-nationaux portaient en 1870-71, le surnom d’Escargots de rempart. Vers 1830 (L.), on appelait Bédouins, les gardes-nationaux dont l’uniforme n’était pas complet.
- Troupes de police
Les Gendarmes sont des Hussards d’abbaye, c’est-à-dire de guillotine ; des Balais d’échafaud (L.), des Hirondelles de potence. En argot, des Cognacs, Cognes, Cognards, Cagne ; la gendarmerie est la Cognade.
Les gardiens de la Paix sont des Bigorneaux (L.), des Cabestans (nom donné aussi aux officiers de paix), des Cierges, parce qu’on conduit les voleurs entre deux agents comme entre deux cierges (L.), des Sergots, des Vaches, etc.
- Sobriquets des grades
Le brigadier ou caporal est appelé Cabot, Sergent-major d’hiver, à cause de son double galon qui est de laine. (Comm. du commandant Lambert.)
On dit d’un caporal qu’il est trente-six degrés plus bas qu’un chien. (Comm. de M. Stiebel.)
Le brigadier-fourrier est un Tambour, parce que ses fonctions lui attirent souvent des punitions : tout le monde tape dessus, comme sur un tambour.
Le brigadier de l’infirmerie est le Brigadier-bismuth, le Brigadier-Copahu, par allusion aux remèdes les plus fréquemment employés.
Le sergent est un Pied de banc. Il y a quatre sergents par compagnie, de même qu’il y a quatre pieds à un banc (L. M.).
Les fourriers sont des Rogneurs (L.), des Rogneurs de centimes ou des Rogneurs de rations (L. M.), des Gratte-papiers, des Traîne-paillasse (L.), des Ronds de cuir, des Buveurs d’encre, des Voleurs d’étiquettes (A.).
D’un homme intègre, on dit que c’est un Mauvais fourrier, (L.).
On a donné le nom de Double, à cause de leur double galon aux sergents-majors et aux maréchaux de logis chefs, (L.).
Le maréchal de logis chef est un Chef, un Marchégi, un Chichef, un Marchis.
L’adjudant est un Chien de quartier, (A.).
Les secrétaires d’état major et de recrutement sont désignés par le nom de Vermine blanche, à cause de la couleur de leurs épaulettes. (Comm. de M. René Stiebel).
Le chef de corps est appelé le Kébir, mot qui vient de l’arabe.
Un officier sans fortune est un Râpé.
On appelle un Novembre trente-trois, par allusion au règlement du 2 novembre 1833, un officier à cheval sur les règlements militaires.
Dans les mess d’officiers ou de sous-officiers, le haricot de mouton qui souvent est le plat principal des repas est désigné sous le nom de 2 nov. 1833 (A.).
On appelle Tête mobile, un officier de tir.
Un Pète-sec est un chef qui ne plaisante pas dans le service.
On désigne les autorités militaires en général sous le nom de les Huiles. Il est dans les huiles, dit-on, d’un militaire qui est souvent en contact avec les officiers, (A).
Le médecin-major s’appelle le père Ypéca, ou simplement le Péca, (L.M.), les pharmaciens militaires sont des Collets verts, à cause de la couleur de leurs parements. (Comm. de M. René Stiebel.)
Le nom de Major est donné indistinctement au chirurgien, au tambour-major, au sergent-major, (L.).
L’officier d’état-major est un Topo, (L.), abréviation de topographe.
Les officiers du service des places sont surnommés des Vert-de-gris. On les nommait autrefois As de carreau, à cause des parements rouges de tunique qu’ils portaient quand ils étaient de service (Comm. de M. René Stiebel).
On donne à l’officier d’artillerie, le nom de Bronze, à celui du génie celui de Barbette. (Comm. de M. Stiebel).