La bataille de Millesimo
D’après « Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu’en 1815 » – Louis-Eugène d’Albenas – 1818
Le général Beaulieu, malgré toute son activité, n’avait pu encore réunir en masse toute son aile gauche, dispersée dans les journées du 11 et du 13 avril. Obligé de morceler ses attaques, il ne pouvait espérer d’obtenir de succès décisif contre les Français, qui l’attaquaient avec toutes leurs forces.
Pour diminuer le danger qui le menaçait, le général autrichien avait porté son quartier-général à Acqui, sur la Bormida, et faisait marcher sur Dégo et les positions environnantes, toutes les troupes dont il pouvait disposer.
Le général Argentau, avec un corps considérable, occupait la forte position de Dégo, et devait y tenir jusqu’à la dernière extrémité.
Les Autrichiens occupaient encore Mioglio et Sasselo, ayant leur réserve entre Dégo et Acqui. Enfin, le général Wukassowisch reçut aussi l’ordre de se porter sur Dégo par Montefaïale et Sasselo.
Le général Colli, commandant les troupes sardes, qui formaient l’aile droite de l’armée alliée, tenu en échec par le général Serrurier, commandant notre gauche, n’avait pris aucune part aux combats qui s’étaient livrés les jours précédents, et occupait toujours le camp retranché de Ceva, ayant ses avant-postes à Monte-Zemolo et à Cencio.
Connaissant la position du général Provera à Cossaria, il résolut de le dégager. En conséquence, le corps piémontais, placé à Cencio, se porta le 14 au matin sur le centre de l’armée française ; mais, repoussé vigoureusement par le général Ménard, il renonça à son projet, et reprit sa première position.
Après s’être encore défendu jusqu’à une heure de l’après midi, le général Provera n’espérant plus être secouru, et manquant de vivres, se rendit prisonnier au général Augereau, avec ses quinze cents grenadiers.
Le général Laharpe ayant passé sur la rive gauche de la Bormida, à Cencio, descendit le cours de cette rivière jusqu’à Cagna ; et, débordant ainsi les positions de Dégo par leur droite, il poussa des reconnaissances jusque près de Spigno. Divisant alors en trois colonnes ses troupes, qui avaient été augmentées de celles du général Ménard, il passa la Bormida sous le feu de l’ennemi, ayant de l’eau jusqu’au milieu du corps.
Les deux colonnes, commandées par les généraux Causse et Cervoni, attaquent de front les Autrichiens, tandis que l’adjudant-général Boyer, manœuvrant sur les derrières de la ligne ennemie, et tournant ses positions, cherche à lui couper la retraite.
Cette belle manœuvre du général Laharpe eut tout le succès qu’en attendait le général en chef.
Attaqué vivement dans sa position de Dégo, le général Argentau se défend courageusement, et appelle ses réserves à son secours. Mais déjà il ne se bat plus pour la victoire ; il sent que la retraite est nécessaire, et qu’elle sera périlleuse. Ses troupes, ébranlées par le choc impétueux des Français, commençaient à plier, lorsque le général Masséna, ayant percé la gauche des Autrichiens, tombe sur leurs positions de Dégo.
Pris de front, à revers et par son flanc gauche, l’ennemi cherche son salut dans la fuite. En vain le général Argentau veut rallier les fuyards sur ses réserves, qui arrivent. Elles sont elles-mêmes enfoncées, et leur complète déroute assure la victoire aux Français.
Quatre mille Autrichiens mettent bas les armes. On leur enlève vingt pièces de canon, et le général Laharpe, se mettant lui-même à la tête de quelques escadrons de cavalerie, poursuit et sabre, jusqu’à trois lieues de là, les débris de cette armée, qui se retirent à Acqui.