D’après « Anecdotes sur Napoléon » – 1828
L’armée d’Italie, après s’être battue pendant une journée entière contre les Autrichiens, avait enfin, au coucher du soleil, remporté sur eux une victoire complète.
Depuis trois jours, les troupes n’avaient pu prendre aucun repos. La fuite précipitée de l’ennemi permettait aux Français de se livrer au sommeil pendant la nuit, et ils en profitèrent.
On ne pouvait, malgré tout, se dispenser d’établir des avant-postes. Un grenadier qui en faisait partie, ne pouvant résister à l’excès de la fatigue, s’endormit profondément en faction.
Bonaparte, qui sacrifiait son propre repos à sa soif pour la gloire, était sorti seul pour visiter l’extérieur du camp. Il arrive à l’endroit où était étendue la sentinelle endormie, dont la faute devait être considérée moins comme une infraction à la discipline, que comme l’effet irrésistible d’une fatigue excessive.
Le général, oubliant son rang et ne consultant que le noble motif qui l’anime, prend le fusil du soldat, qu’il trouve à terre près de lui, et continue la faction pendant près d’une heure, pour que la sûreté du camp ne soit pas compromise.
Enfin, le grenadier s’éveille, il cherche en vain son arme. Bientôt, à la lumière de la lune, il aperçoit le général qui avait respecté son repos.
- Je suis perdu ! s’écrie-t-il, en reconnaissant Bonaparte, dont les traits étaient gravés dans la mémoire de tous les soldats.
- Non, mon ami, répondit le général avec aménité, en lui rendant son fusil, la bataille a duré assez longtemps, la victoire a été assez disputée pour que vous soyez excusable d’avoir cédé à la fatigue. Cependant, un moment d’oubli pouvait exposer la sûreté du camp : j’ai veillé. Je vous engage à vous tenir plus sur vos gardes à l’avenir.