La bataille des Éparges (5-9 avril 1915)
D’après « La grande guerre du XXe siècle » – Avril 1916
Le 18 mars, avec trois bataillons, nous reprîmes l’offensive. La première ligne ennemie fut enlevée en partie, notre artillerie ayant avec un plein succès interdit aux Allemands de la garnir. Mais, de la deuxième ligne, de violentes contre-attaques débouchèrent aussitôt.
Ce fut le début d’une lutte plus âpre encore que celle de février, et qui dura jour et nuit jusqu’au 21 au soir.
A l’issue de cette bataille, notre droite avait gagne 100 mètres seulement. Mais notre gauche, visant le sommet, avait enlevé 350 mètres de tranchées allemandes, en infligeant à l’ennemi des pertes élevées.
Dès ce jour, – les prisonniers furent unanimes à le constater – nos adversaires, bien que remarquablement braves, eurent le sentiment que la partie était perdue et que la position leur échapperait tôt ou tard.
Une nouvelle division allemande, une division active, la 10e, toute fraîche et recomplétée, vint prendre la suite des opérations : c’est à elle que devait échoir la tâche ingrate de perdre les Éparges.
Avant d’obtenir le résultat total, un nouvel effort préparatoire va pourtant nous être nécessaire : ce sera l’attaque du 27 mars. Il s’agit toujours de nous rapprocher du sommet.
Un bataillon de chasseurs mène cette fois l’attaque principale. Son commandant et tous les capitaines des compagnies engagées sont blessés. Mais de plus en plus, nous serrons de près le bastion ennemi, et ce progrès a une grosse importance.
Nous avions constaté, en effet, dans les précédentes attaques, que les Allemands avaient eu le temps, pendant notre marche d’approche, de quitter avec fusils et mitrailleuses leurs abris de bombardement et de venir par des galeries souterraines garnir leur parapet bouleversé.
A l’avenir, la zone à parcourir par nos troupes étant sensiblement réduite, cette faculté leur sera interdite.
C’est dans ces conditions que, le 5 avril à 16 heures, nous tentons l’effort décisif. Deux régiments sont engagés. Il s’agit d’enlever la partie de la crête à l’Ouest du sommet D et la partie, légèrement descendante, qui s’étend à l’Est de ce sommet jusqu’à l’extrémité du plateau.
A l’heure prescrite, nos troupes débouchent. Il pleut et le terrain est encore plus impraticable que de coutume. Nos fantassins avancent pourtant sous le feu de l’ennemi, sortant avec efforts leurs pieds de la boue où ils enfoncent jusqu’aux cuisses.
Par un corps à corps violent, ils pénètrent et s’installent dans les tranchées allemandes. Le soir, ils en tiennent une partie importante. A l’Est seulement, ils ont été arrêtés par les torpilles aériennes que l’ennemi a lancées sur eux, pulvérisant parfois des rangs entiers avec un seul projectile.
Le 6, à 4h50 du matin, les Allemands contre-attaquent. Les troupes fraîches qu’ils ont amenées se battent admirablement. Nos hommes, sous le feu depuis la veille, résistent, mais finalement reculent. L’affaire est à recommencer.
Elle recommence, en effet, et le soir même. A l’extrémité Est du plateau, nous enlevons une tranchée que nous refournons aussitôt face à l’ennemi. Au centre, nous ne gagnons rien. A l’Ouest, nous progressons vers le sommet.
Nos magnifiques soldats n’entendent pas en rester là. La nuit, sous la pluie qui tombe toujours, ils chargent à la baïonnette et, pied à pied, refoulent les Allemands.
Le 7, au matin, trempés, boueux, enlisés, mais victorieux, ils font le compte de leurs gains depuis le 5 : 5000 mètres de tranchées et plus de 100 prisonniers, dont plusieurs officiers.
Nous approchons du but ; mais nous n’y sommes pas encore. L’ennemi contre-attaque constamment. Il est repoussé tantôt par des charges, tantôt par des tirs de barrage.
A 5 heures du matin, le 7, il tente un nouvel effort. Son attaque est fauchée avant d’atteindre nos tranchées. Il arrive alors, du village de Combres, de gros renforts. Il va de toute évidence contre-attaquer à fond.
Mais alors intervient de nouveau notre artillerie. Dès que les rassemblements sont signalés, elle les prend sous son feu et les empêche en partie de déboucher. Nous ne reculons que sur un point, malgré la violence de l’attaque, la plus forte qu’on eût encore vue.
Nos renforts pourtant ont grand’peine à arriver. Des boyaux sont effondrés, encombrés, canonnés. Il nous faut attendre au lendemain pour continuer l’opération. L’ennemi, qui a reçu un coup sérieux, ne contre-attaque pas de toute la nuit, Nous approchons du sommet.
Le 8, dès 9 heures du matin, nous reprenons l’attaque. Deux régiments d’infanterie et un bataillon de chasseurs ont l’ordre d’enlever le sommet. Il pleut toujours. Les culasses sont encrassées. A la baïonnette, par conséquent.
A 10 heures, le sommet et la crête à l’Ouest sont à nous. Nous poussons sur la crête qui est à l’Est du sommet. Partout nous progressons et, sous le feu, nous retournons les tranchées allemandes.
A minuit, après quinze heures ininterrompues d’une lutte furieuse, la presque totalité de la position des Éparges nous appartient. L’ennemi ne tient plus qu’un petit triangle à l’extrémité Est. Il contre-attaque mollement. Nous avons enlevé 1500 mètres de tranchées, dont le bastion formidable du sommet, qui est la clef de la position.
La nuit du 8 au 9 et la matinée du 9 sont calmes. Nous réussissons à opérer sans incident la relève de nos troupes. Un régiment frais est amené. Pour le mettre en place, il faut quatorze heures, tant le terrain est impraticable. C’est à lui qu’est confiée la mission de mettre le point final à notre victoire.
A 15 heures, nous attaquons. Le sol est creusé de cuvettes profondes où les hommes disparaissent parfois. La pluie fait rage ainsi que le vent.
Nos fantassins, précédés par le feu absolument précis de nos canons, avancent pourtant et ils atteignent l’extrémité Est du plateau.
Mais, à ce moment une calotte de brouillard s’abat sur les Éparges. Nos canons ne peuvent plus tirer. L’ennemi contre-attaque et nous reculons. Ce n’est d’ailleurs qu’un recul provisoire. Une demi-heure plus tard, une charge furieuse nous rend la totalité de notre gain.
A 10 heures du soir, nous tenons tout le massif des Éparges. Notre long effort est couronné de succès.
Le 10, l’ennemi écrasé ne bouge plus. Il contre-attaque dans la nuit du 11 au 12. Il est repoussé. Les Éparges sont définitivement perdues pour lui.
Une seule ressource lui reste et il en use : c’est de débaptiser la crête et de donner son nom aux hauteurs plus au Sud qu’il tient, et que nous n’avons pas attaquées.
Le grand éperon, qui domine la Voivre dans toutes les directions, est en notre pouvoir. Nul ne nous en délogera.
[Communiqué officiel français, 15 avril 1915]
Hommages aux combattants des Éparges
Chacun des officiers, sous-officiers et soldats de la division d’infanterie qui a conquis les Éparges a reçu un diplôme portant son nom avec mention : « Combattant des Éparges ».
Voici le texte des deux ordres qui sont imprimés sur ces diplômes :
…e Corps d’Armée
Les Éparges
(Septembre 1914-avril 1915)
Ordre du Corps d’Armée n° 68
Pendant cinq mois, avec un courage et une ténacité dont les guerres précédentes n’avaient pas encore fourni d’exemples, les troupes de la …e division d’infanterie ont poursuivi le siège de la formidable forteresse que nos ennemis avaient établit sur la hauteur des Éparges.
En dépit des obus, des mitrailleuses et des torpilles, ces troupes héroïques, libérant chaque jour, au prix de leur sang, quelque nouvelle parcelle du sol national, ont gravi pas à pas les pentes escarpées de la hauteur, soutenues par une artillerie admirable dont la vigilance n’a jamais été surprise. Elles ont repoussé dix-huit contre-attaques, infligeant aux troupes opposées des pertes si sanglantes qu’elles durent être entièrement relevées.
Hier enfin, le succès définitif est venu couronner leurs efforts.
Combattants des Éparges, vous avez écrit une page glorieuse dans l’Histoire. La France vous en remercie.
Général …
Ordre général de l’Armée n° 147.
La division et le ..e bataillon de chasseurs ont donné, depuis le début de la campagne, de nombreuses marques de haute valeur, qu’ils viennent encore d’affirmer en s’emparant, après une lutte qui a duré plus d’un mois, de la position fortifiée des Éparges, dont ils ont complètement chassé l’ennemi.
Parmi les actions brillantes de la …e Armée, ce combat est le plus brillant : Il a valu à la …e armée, un radio-télégramme du général commandant en chef, qui a été communiqué à toutes les armées, et qui est ainsi conçu : « Le général commandant en chef adresse l’expression de sa profonde satisfaction aux troupes de la …e armée, qui ont définitivement enlevé la position des Éparges à l’ennemi. L’ardeur guerrière dont elles ont fait preuve, la ténacité indomptable qu’elles ont montrée lui sont un sûr garant que le dévouement à la patrie reste toujours le même ; il les en remercie ».
Général …
[Petit Parisien, 3 juill. 1915]
carlier on 5 avril 2015
de quel regiment y ete mon grand oncle ete au 147 ri mort pour la france en juin 1915 il se nome rene beth a bientot m/carlier