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    Les récits qui vont suivre sont extraits des témoignages rassemblés par le lieutenant Henri Martin qui commandait en 1940 la batterie des forts d’Epinal et du lieutenant Joseph Charvet qui commandait le fort de Dogneville.

    Ces récits ne sont publiés que dans le but de préserver, pour les générations futures, la mémoire d’événements qui se sont déroulés, particulièrement, en mai-juin 1940 dans les forts de la place d’Epinal sous les ordres du commandant Charpentier.

     

     

    Des forts occupés sur la rive droite de la Moselle, je ne retiendrai que ceux qui ont opposé la plus vive résistance à l’avancée allemande de juin 1940 – à savoir les forts de Dogneville et de Longchamp.

    Depuis la mobilisation de septembre 1939, la batterie des forts d’Epinal comptait : 4 officiers (dont le Lieutenant Martin) – 30 sous-officiers et 280 canonniers, qui durant les mois d’un rude hiver, se familiariseront avec un matériel d’artillerie nouveau pour eux, remettront en état d’être habités des ouvrages innocupés depuis 25 ans.

    En février et mars 1940, ce personnel est remplacé par des hommes de la 2ème réserve, récemment mobilisés et dont beaucoup sont pères de trois enfants…

    Sous le commandement du lieutenant Henri Martin, ancien instituteur à Bains-les-Bains (Vosges) l’effectif comprend : 4 officiers, 26 sous-officiers et brigadiers et 200 canonniers, seulement répartis pour moitié au fort de Longchamp, un quart aux Adelphes et Deyvillers, un huitième à Dogneville, un huitième à Arches et Uxegney.

    Effectifs très insuffisants, jamais complétés, remplacés de façon imprévue, par des isolés ou des unités en retraite…

     

    La résistance des forts de Dogneville – Longchamp (Vosges) en juin 1940 dans GUERRE 1939 - 1945 place-depinal-en-juin-1940-150x150

     

    * Plan du camp retranché de la place d’Epinal avec la batterie des forts en mai-juin 1940, sous le commandement du lieutenant Henri Martin

     

     

     I – Résistance du fort de Dogneville – Juin 1940

     

     

    Son armement :

    Le fort de Dogneville disposait :

    - d’une tourelle tournante à éclipse de 155 raccourci pour un tube d’une portée de 7200 mètres, d’un 75 de casemate, dite de Bourges, sur affut pivotant, d’une portée de 8000 mètres.

    - de deux tourelles tournantes à éclipses de mitrailleuses contenant chacune deux mitrailleuses Hotchkiss.

    En mai et juin 1940, sont installées, pour la défense contre avions, sur des supports pivotants construits au fort de Longchamp, quatre mitrailleuses sorties des tourelles.

    Une lutte sans espoir, dans des conditions difficiles.

    En raison du rôle important du fort de Dogneville pendant les combats d’Epinal, un chapitre assez long lui sera consacré, par le récit détaillé des heures difficiles vécues par son héroïque petite garnison et son commandant le Lieutenant Joseph Charvet (Industriel Papeterie à Sisteron (Basses-Alpes)).

    A la date du 5 juin 1940, son personnel, issu de la 2ème réserve, comportait : 1 officier et 36 sous-officiers et canonniers, effectif plus qu’insuffisant pour un vaste ouvrage. Après déduction de ses services généraux, 22 artilleurs seulement seront des combattants effectifs, pour lesquels se trouvaient 2 gradés.

    Des vivres insuffisants pour un siège prolongé, pas de service médical dont la petite garnison n’aura heureusement pas besoin, malgré de violents et fréquents bombardements.

    Quant aux liaisons, elles subsisteront jusqu’au 20 juin 1940 avec le fort de Longchamp, avec une ligne téléphonique souvent coupée et réparée.

     

     

    Tirs :

    Le 19 juin 1940, vers 8 heures 30, des blindés allemands étaient apparus sur la route des Forges, à l’ouest de Golbey. Le Lieutenant tire sur eux. Le premier tir de sa propre initiative. Les obus de son 155 R interrompent, à plusieurs reprises, la circulation au carrefour voisin de l’hôpital Haxo.

    Vers 21 heures, arrive au fort de Dogneville, le Lieutenant Boucher du 112ème R.A.L, porteur d’un ordre de son colonel. Ce dernier ordonne aux ouvrages d’exécuter d’urgence des tirs sur les ponts et les sorties Est d’Epinal.

    De 21 heures à 22 heures, la tourelle de Dogneville, participe au barrage sur les sorties Est. Limitant son tir vers l’étang du Château (faubourg de Poissompré) – deux victimes civiles par un obus de 155 R (une mère et sa fille).

    Dans la matinée du 20 juin, elle tire sur les pentes N.O. du plateau de la Justice où l’ennemi apparait. Ensuite s’étant « accrochée » sur les ruines fumantes du Café Quatre Vents, elle exécute d’autres tirs au Nord et au Sud de la route d’Epinal – Longchamp.

    Le 21 juin, de 12 heures 15 à 14 heures 30, une attaque rapprochée et concentrique de l’ennemi, avec des blindés, essaie d’investir le fort. Elle est repoussée avec pertes par les tirs à vue du 155 R, du 75 sous casemate et des tourelles de mitrailleuses.

    Vers 15 heures 30, la tourelle exécute encore un tir de harcèlement sur Sercoeur.

    Le dernier… quand la porte du fort est ouverte à une compagnie du 223ème R.I.F. Aussitôt après, un capitaine du 223ème R.I.F escorté d’un officier et plusieurs allemands, parlementent à travers la première grille avec les officiers de la compagnie réfugiée dans le fort.

    Ce capitaine, d’un ton énergique disant : « La résistance n’est plus possible, nos soldats sont exténués, le sang a assez coulé, inclinez-vous devant la discipline française, l’honneur est sauf ».

    Sous cette pression, avec réticences, le lieutenant Charvet, commandant du fort, s’incline. Ordre est donné au canonnier de garde d’ouvrir la porte.

    En résumé – Durant trois jours, le fort de Dogneville a canonné et mitraillé l’ennemi partout où il a été aperçu et signalé.

     

     

    Munitions

    Au cours de ces tirs, la tourelle de 155 R a lancé 341 obus, soit 65 % de son approvisionnement. Le 75 sous casemate, 28 obus. Tandis que les mitrailleuses ont brûlé environ 1300 cartouches.

     

     

    Bombardements

    Jugeant trop active la tourelle et trop gênantes les observations du fort de Dogneville, l’ennemi lui a rendu ses coups avec usure. Dirigeant sur lui, par réglages à vue directe surtout, de nombreux tirs de moyens et gros calibre – plus de 2000 coups qui rendaient ses abords et son accès fort dangereux – mais qui n’ont pas entamé sa solide carapace, ni causé de pertes à ses occupants, ni interrompu les tirs de tourelle.

     

     

    Observations

    Le rôle des observateurs du fort de Dogneville n’a pas été moins important que celui des ses canonniers. Etant donnée sa position dominante, ce fort avait des vues très étendues :
    - Non seulement au Nord-Est (direction vers laquelle il était orienté),
    - mais aussi vers le Sud : par-dessus le bois de la Voivre, sur le plateau de la Justice et les abords du fort des Adelphes
    - et surtout au Sud-Ouest (direction d’où arrivait l’ennemi) : sur le camp d’aviation, sur la rive gauche de la Moselle, au-delà de Golbey, jusqu’aux hauteurs de Chantraine.

    Avec ceux du 155ème R.A.P. qui se trouvaient sur le fort, les observateurs ont su les premiers signaler l’arrivée des blindés ennemis par la route des Forges, le 19 juin au matin – régler sur eux le tir de 166 R de Longchamp, avant de régler deux tirs de 75 du fort des Adelphes, près du pont-canal et des magasins de la Jeanne d’Arc.

    Vers 23 heures, le lieutenant Charvet a réussi à repérer, en action vers Chantraine et tirant sur le fort de Longchamp, une batterie allemande, malheureusement hors de portée.

    Le 20 juin, vers 9 heures, le fort de Dogneville signale, par téléphone à Longchamp, des blindés allemands sur la Justice, puis contrôle un de ses tirs vers la Baudenotte.

    Au début de l’après-midi, il lui signale par coureur, des mortiers ennemis tirant de la Justice sur Jeuxey.

    Car le puissant fort de Longchamp, orienté vers le nord-est et possédant des vues très étendues, mais alors inutiles dans cette direction, ne voyait rien au-delà du bois tout proche de Ste Limon, dans la direction du Sud-Ouest, d’où venait l’ennemi.

    Etant donné les nombreux tirs exécutés ou réglés et les précieux renseignements fournis durant le combat par le fort de Dogneville, l’on peut estimer que le commandant Charpentier de la Place d’Epinal fut bien inspiré en maintenant en activité le fort de Dogneville, sous les ordres du lieutenant Charvet.

    Demeurés bravement à leur poste de combat, les peu nombreux artilleurs du fort de Dogneville ont su, par leur belle conduite, dans des conditions difficiles, sauver l’honneur et forcer l’estime de l’ennemi, comme le leur avait demandé leur chef, dès le 18 juin….

     

     

    II – Résistance du fort de Longchamp – Juin 1940

     

     

    Son armement : (au 15/06/1940)

    Le Fort de Longchamp disposait :
    – de deux 166 long sous tourelles tournantes d’une portée de 7100 mètres
    – d’un 155 Raccourci sous tourelles tournantes, d’une portée de 7200 mètres
    – de deux 155 Court pour un tube, en tourelle tournante, d’une portée de 5900 mètres
    – de deux tourelles tournantes à éclipse de 75, pour deux tubes raccourcis chacun, d’une portée de 5000 mètres
    - de trois 75 de casemates, dites de Bourges, sous affût pivotant d’une portée de 8000 mètres
    – de quatre tourelles tournantes à éclipses de mitrailleuses, contenant chacune deux mitrailleuses Hotchkiss.

    Dès 1914, le fort de Longchamp était le mieux armé et le plus moderne de France. En mai-juin 1940, sont installées, pour la défense contre avions, sur des supports pivotants, huit mitrailleuses sorties des tourelles.

    Les tourelles tournantes, ou de plus, à éclipses sont de différents modèles. Parmi les plus modernes, certaines sont de magnifiques engins, au tir rapide et de maniement très facile.

    Par la suite, nous les retrouverons sur la ligne de fortification Maginot…

     

     

    Son personnel : (au 15/06/1940)

    Le fort de Longchamp dispose d’effectifs issus de la 2ème réserve, avec : 2 officiers, 13 sous- officiers et brigadiers et 100 canonniers qui seront remplacés, de façon imprévue, par des isolés ou des unités en retraite.

     

     

    Organisation de la lutte et de la défense du fort

    Le fort de Longchamp est placé sous les ordres du lieutenant Henri Martin. Ce dernier, en tant que commandant de la batterie des forts de la Place d’Epinal, était tenu d’assurer le suivi, en particulier des forts en activités : Dogneville, Deyvillers, Adelphes, Arches, Uxegney (ce dernier ne sera occupé que quelques jours).

    Le lieutenant Martin était tenu d’assurer d’autres tâches…

    C’est ainsi que le dimanche 16 juin 1940 à 5 heures, il reçoit un coup de téléphone de la Place d’Epinal, puis à 5 heures 30 un nouvel appel du commissaire de gare d’Epinal, pour lui demander et le supplier de faire l’impossible pour faire enlever des engins explosifs (non explosés) sur les voies ferrées, au triage de Chavelot et près de la gare de Girancourt. Depuis le bombardement de la veille, le trafic est interrompu sur les lignes Nancy-Epinal et Epinal-Jussey, où d’autres bombardements sont à craindre.

    Le Lieutenant se rend en voiture, accompagné du canonnier Robert Nurdin (son fidèle chauffeur originaire avec sa famille de la commune de Jeuxey), au triage de Chavelot. Là une dizaine de sapeurs attendent, pour réparer la voie, qu’elle soit débarrassée des engins non éclatés.

    Leur chef, un civil, explique que la veille au soir un train du 403ème D.A.T. venant de Sarrebourg, a été coupé en deux par les bombes, heureusement sans faire de victimes. Des wagons ont pris feu : on aperçoit sur une voie latérale où les ont poussés bravement les cheminots de Thaon, leurs carcasses noircies.

    Des wagons de munitions ont sauté et de nombreux obus de 75 ont voltigé sur les voies. On remarque d’ailleurs les trous de bombes dans le ballast. Des rails sont coupés et les traverses qui achevaient de se consumer, ont provoqué vers minuit une nouvelle série d’explosion d’obus. Les sapeurs ont été contraints d’arrêter leur travail.

    Observant qu’il ne s’agit que d’obus non amorcés, Martin et Nurdin retrouvent le sourire, ramassent des obus encore tièdes, les lancent en bas du talus. Aucun n’éclate. Tout le monde en fait autant, en quelques minutes la voie est libre. Dans une heure, les trains pourront passer…

     

     

    Mardi 18 juin 1940

    Très beau temps. Il est 6 heures : à l’appel dans la cour Est, le lieutenant Martin reprend contact avec son personnel.

    Il donne l’ordre de blinder les fenêtres des cours avec des rails, d’occuper les casernements bétonnés et de transférer le P.C. et le central téléphonique près de la tourelle de 75.

    Il fait ravitailler en vivre pour deux jours les forts de Dogneville et Uxegney.

    Les sous-officiers sont occupés à des calculs de tir. Les moteurs fonctionnent normalement grâce au dévoué caporal Schwartz, arrivé de la ligne Maginot.

    Vers 10 heures, effrayée par un violent tir de D.C.A. Mme Mollet, épouse de l’adjudant gardien du fort, et ses 3 enfants se réfugient sous les voûtes du fort. Le lieutenant Martin les autorise volontiers à s’abriter.

    Vers 13 heures arrivent en auto, le chef d’escadron Billot, Commandant le 4ème groupe du 112ème R.A.L. et quelques officiers. Du sommet de la grande tourelle, Martin commente le vaste panorama, qui s’étend à perte de vue sous le grand soleil et le ciel bleu.

    Le chef d’escadron Billot donne des ordres pour la mise en place de ses batteries, dont l’une s’installera à 300 mètres environ à l’ouest du fort. Toutes seront orientées au Sud-Ouest vers Epinal.

    Le lieutenant Martin fait part de son étonnement au commandant. Ce dernier lui indique que l’ennemi est attendu dans cette direction.

    En fin d’après-midi, le lieutenant Martin envoie Anxionnat chercher à l’Arsenal du matériel pour les moteurs Aster.

    Vers 20 heures, de fortes explosions vers Epinal. La ligne téléphonique est irrémédiablement coupée. Au même moment, d’énormes fumées noires s’élèvent au sud-ouest, derrière le bois de Ste Limon.

    Le fort de Dogneville qui voit mieux indique que ce sont les dépôts d’essence Desmarais et de la Jeanne d’Arc qui brûlent et que les ponts d’Epinal ont du sauter…

    De plus des fumées blanches montent dans la région de Saint-Laurent : « perplexité » l’ennemi n’est pas loin.

    Vers 21 heures, Anxionnat rentre seul, sans sa camionnette, mitraillée par une auto-blindée allemande à Chantraine. Il a pu franchir la Moselle avant la destruction des ponts et revenir au fort.

    En vue d’obtenir des renseignements plus précis, le lieutenant Martin décide d’envoyer au Commandant d’Armes de la Place d’Epinal, les dévoués cyclistes Robert Nurdin et Rosstäuscher.

     

     

    Mercredi 19 juin 1940

    Nuit paisible et claire. Très longue attente, pleine d’anxiété.

    Vers 4 heures 30, enfin ! reviennent Nurdin et Rosstäuscher, qui malgré des coups de feu tirés des fenêtres, à Epinal, ont pu parvenir à la Place. Là, le commandant Charpentier, surmontant la fatigue, le manque de sommeil et bravant le danger, continue à organiser la défense sur la Moselle.

    Ils rapportent de lui, la lettre manuscrite suivante :

    Le Commandant d’Etapes d’Epinal
    À Lieutenant Martin                             19 Juin, 2 heures

    Les Allemands ont essayé d’entrer à Epinal par Chantraine, vers 19 heures, par surprise. Un allemand a été fait prisonnier et sous le feu des engins ont rebroussé chemin. Une fusillade nourrie avec quelques coups de canon a duré jusqu’à 23 heures. Dès le demi-tour du premier engin, les ponts d’Epinal ont sauté, sauf deux, le pont de Pierre et le pont de la bibliothèque. Le reste de la soirée a été calme. Votre mission consiste à participer au barrage éloigné suivant les consignes que vous connaissez. Appliquez plus particulièrement vos feux à la voie sur les ponts obligés de cette route. Je vous signale qu’un GRCA est venu renforcer Epinal et que ces éléments tiennent les ponts intacts.

    Le Commandant d’Armes d’Epinal
    Charpentier.

    La bataille est donc proche. Le Lieutenant Martin repère aussitôt sur la carte d’ensemble, les ponts obligés de Voie d’Epinal-Thaon que peuvent atteindre trois forts : Dogneville, les Adelphes et Longchamp : neuf objectifs en tout, dont il calcule les derniers éléments pour la tourelle de 155 R.

    Vers 8 heures, sont désignés rapidement, grâce au numérotage, six objectifs au lieutenant Cousin et six au lieutenant Charvet : « Attendre les ordres de tir ».

    Mais d’où viendront ces ordres ? Et le fort de Dogneville, qui seul a des vues sur la rive droite de la Moselle, verra-t-il l’ennemi ?

    Le lieutenant Cousin, ayant pris note, annonce d’une voix grave, qu’il a quatre déserteurs. C’est fâcheux mais personne n’y peut rien. Ce n’est que le début des mauvaises nouvelles, d’autres arriveront plus accablantes encore. Peut-être ces fuyards ont-ils lu les tracts allemands lâchés sur les forts par l’aviation. Ces tracts engagent les Alsaciens à déposer les armes. Il faut convenir que le moral de ces petites garnisons était soumis à rude épreuve. Comment remonter ce moral ?

    Vers 8 heures 30, le lieutenant Charvet, brusque et pressé, rend compte par téléphone, qu’il ouvre le feu, de sa propre initiative, avec son 155 R, sur le point 103 (carrefour important voisin de l’hôpital Haxo). Puis il quitte l’appareil… Le lieutenant Martin le sonne en vain…

    Voulant connaître la raison de ce tir sur un objectif non désigné, Martin file au fort de Dogneville, avec la petite auto du téléphoniste Soyeur… la tourelle a déjà tiré plusieurs coups.

    Il demande au lieutenant Charvet, radouci :
    Que se passe t-il exactement ?
    Les blindés allemands sont en vue ! Venez voir vous même.

    Par le raide escalier de pierre de la cour Ouest, les deux hommes arrivent au sommet du fort, près des mitrailleuses de D.C.A. Une demi-douzaine d’observateurs et téléphonistes de divers régiments, notamment du 155ème R.A.P. sont installés sur les talus herbeux, au grand soleil. Ils s’appliquent flegmatiquement à régler les tirs de leurs batteries…probablement sur le même objectif… En pleine vue de l’ennemi : ils ne resteront pas là longtemps !

    A l’aide de jumelles empruntées au maréchal des logis Lambert, Martin observe près de l’hôpital Haxo le carrefour 103. Là, défilent en effet de nombreux blindés et des chenillettes.

    Pas de fumées, pas d’éclatement à proximité, les premiers coups ayant été longs.

    Debout au carrefour, le bras levé, tel un agent, un homme règle tranquillement la circulation, dirige les véhicules à droite et à gauche. C’est du culot !

    Pas de doute, l’ennemi débouche en force du bois de la Louvroie, par la route des Forges.

    Martin résume :
    Charvet, vous avez bien fait d’ouvrir le feu. Continuez. Tout à l’heure, vous réglerez le tir de Longchamp sur le même point.

    Il téléphone immédiatement au chef Rovel, à Longchamp, de se tenir prêt à ouvrir le feu avec le 155 R dès son retour, dit au revoir à Charvet qui en l’embrassant lui dit :
    Nous tiendrons le plus longtemps possible. Bonne chance !

    Martin regagne le fort de Longchamp, sachant qu’il peut avoir confiance en son camarade, malgré la faiblesse de sa garnison. Il continue à penser qu’il est heureux que le fort de Dogneville soit encore occupé et commandé par le Lieutenant Charvet. Lui seul ayant des vues étendues sur Epinal, pourra ainsi renseigner Longchamp et régler les tirs des autres forts. (ceux situés plus à l’est ne voient rien dans la vallée de la Moselle, derrière eux).

    Retour rapide de Martin par la route de crête non encore canonnée à vue. Au fort de Longchamp, c’est le branle bas de combat ! Les pelotons de pièces occupent les tourelles de 155 R et 75, bien éclairées, comme le P.C. d’artillerie.

    La tourelle émerge… A 9 heures 15 part le premier obus…

    tirs-dartillerie-du-fort-de-longchamp-150x150 dans GUERRE 1939 - 1945

     

    * Plan de l’ensemble des tirs réalisés par la tourelle de 115 R

    Les forts viennent d’ouvrir le feu sur l’ennemi pour la première fois. Ils ont été pendant longtemps, jusqu’à la construction de la ligne Maginot, l’emblème de la puissance militaire française, aujourd’hui le glas de la défaite…

    Le fort de Dogneville joue son rôle d’observateur et de renseignement auprès de Longchamp. Après quelques coups trop longs, en pleine nature vers la ferme du Haut-du-Gras il faut raccourcir les tirs prudemment vers le carrefour visé. Il ne faut pas atteindre les hôpitaux voisins.

    Dogneville signale que des véhicules ont été atteints et cette nouvelle communiquée aux servants de la tourelle, les remplit d’enthousiasme.

    Le tir continue pendant plus d’une demi-heure jusqu’à l’arrêt de la circulation. Il reprendra vers 11 heures 30 à la demande de Dogneville qui continue l’observation.

    Arrivant ainsi de l’ouest, l’ennemi a donc forcé la ligne de résistance du 55ème B.M.M. en bordure du canal de l’Est, du pont-canal de Golbey à Méloménil, près d’Uzemain.

    Pour l’aider, le lieutenant Martin donne l’ordre au fort des Adelphes d’envoyer 50 coups de 75 sur la grande route de Golbey à Chavelot, sur le pont en avant de la barricade voisine du pont-canal.

    Le fort de Dogneville observera ce tir, de même qu’un autre tir de 50 coups de 75 sur les magasins de la Jeanne d’Arc, dont l’ennemi ne va pas tarder à s’emparer.

    Les Allemands vont certainement essayer de franchir la Moselle pour pousser vers l’Est.

    A Epinal, les ponts intacts sont défendus par le G.R. du capitaine Marc Rouvillois.

    Mais qu’en est-il de la passerelle de la Blanche-Eau près de Chavelot et du pont de Girmont que l’ennemi va certainement tenter d’utiliser, s’ils sont encore intacts ?

    Le mieux serait de canonner le passage à niveau de la gare de Thaon, par où l’ennemi accèdera à ces deux ponts. Mais à 6700 mètres, il est hors de portée de la tourelle de 75.

    Le lieutenant Martin décide donc d’exécuter un tir à la carte sur une bifurcation au sud de Thaon. Début du tir à 11 heures 40.

    50 obus sont vite expédiés, pendant que le 155 R continue son 2ème tir sur le carrefour 103.

    Les communications téléphoniques sont bonnes avec Dogneville qui observe les éclatements permettant ainsi la tourelle de 155 R d’apporter des corrections de tir.

    A midi et demi calme général.

    A 15 heures précises, nouveau tir de 12 coups de 75 sur la bifurcation au sud de Thaon, tir contrôlé par deux sous-officiers partis en moto sur la route de Dogneville-Girmont. Coups longs, en bonne direction.

    Vers 17 heures 30, arrivent enfin des renforts du 165ème R.A.P. : 4 sous-officiers et 100 hommes de la 9ème batterie, disciplinés mais harassés et sans vivres. Ils restent tous au fort, 40 auraient suffi…

    Le fort de Dogneville a été copieusement « sonné » par des tirs à vue provenant de la région de Chantraine.

    Ce n’est que vers 18 heures, que derrière le bois de Ste Limon qui dérobe le fort des observateurs ennemis que quelques 105 sont encaissés, probablement réglés par un petit avion de reconnaissance, survolant à basse altitude et se défiant des tirs de mitrailleuses.

    Vers 21 heures, le lieutenant Boucher du 112ème R.A.L. arrive au fort de Dogneville. Il téléphone l’ordre suivant, émanant du colonel Guillemin : - Les ouvrages exécuteront d’urgence des tirs avec les tourelles sur les ponts et les débouchés Est d’Epinal.

    La ville d’Epinal est donc aux mains des ennemis dont il s’agit de gêner la progression vers l’Est.

    Ordre bref, mais lourd de conséquence, à exécuter sans retard…

    Le lieutenant Martin alerte le personnel. Les moteurs sont mis en marche pour l’éclairage du fort. Avec le Lieutenant Scart, il repère des objectifs sur le grand plan directeur. Il désigne au 155 R de Dogneville la bifurcation 133, en haut du faubourg d’Ambrail et la bifurcation 120, en bas du cimetière d’Epinal, faubourg de Poissompré, vers l’étang du Château : deux couloirs obligés pour l’ennemi progressant vers l’Est.

    Il prend à son compte pour le 155 R, les ponts restants en ville et pour la tourelle de 75 la route du Saut-le-Cerf au Port, en avant de la barricade tenue par la Compagnie Bécaut, du 207ème R.R.P.

    Il est 21 heures 30, les premiers coups de 75 tout proches résonnent violemment dans le couloir. D’autres suivent par deux, puis des coups sourds, plus lointains et plus espacés du 155 R.

    Au centre du fort bien éclairé, les moteurs bourdonnent régulièrement. Le fort de Dogneville tire aussi. Les batteries allemandes répondent.

    Chacun éprouve une grande satisfaction à vivre intensément l’heure présente, pleine du tumulte guerrier. Le lieutenant Martin a le cœur profondément angoissé, à la pensée que les tirs sont faits sans observation possible sur Epinal et ses faubourgs incomplètement évacués. Peut-être aussi sur des troupes amies, dans l’ignorance de leur position.

    L’ennemi ne tirant plus, le lieutenant Martin monte sur le talus du fort, du côté de la gorge. Dans la nuit commençante, les deux tourelles lancent des éclairs et tonnent. Leurs obus sifflent sur la gauche du bois de Ste Limon, masse sombre toute proche.

    A 2 km à l’ouest, la tourelle de Dogneville tire également, de même que les batteries installées dans les environs qui ont certainement reçu les mêmes ordres de tir.

    Vaste lueur d’incendie sur Epinal mais qui ne peut provenir des tirs à peine commencés. Vers Jeuxey, le café des Quatre Vents brûle sinistrement.

    Vers 22 heures, le Lieutenant Charvet téléphone qu’il cesse le feu. Quelques minutes plus tard, le fort de Longchamp cesse également ses tirs.

    Depuis Longchamp, 200 coups de 75 et une cinquantaine d’allongés de 155 ont été tirés, visant les ponts par le travers, dans l’axe de la Moselle et presque à limite de portée, n’ayant que fort peu de chance de les atteindre et encore moins de les démolir.

    C’est à propos de ces tirs qu’il a été reproché au lieutenant Martin, par les Allemands d’abord, puis par les Spinaliens, sans doute de bonne foi, d’avoir incendié le quartier Rualménil et atteint l’hôpital St Maurice. Alors que le feu sévissait en ville depuis plus de douze heures.

    Pour l’hôpital, peu éloigné du pont de la Bibliothèque, il est possible que 3 obus aient pu l’atteindre, sans faire d’ailleurs de victimes.

    Vers 22 heures 30, représailles sur Longchamp.

    De Dogneville, le lieutenant Charvet prévenu, réussit à repérer les pièces en action à 1 km environ du sud de Chantraine, hors de portée des tirs de Longchamp.

    Le lieutenant Charvet signale que son fort a encaissé plus de 300 obus d’assez gros calibre aujourd’hui sans dommages ni pertes heureusement.

    Vers 23 heures 15, l’ennemi ne tirant plus, les moteurs sont stoppés et les hommes essaient de dormir.

    Un silence angoissant renaît sous la lune. A l’horizon du sud-ouest, Epinal brûle toujours….

     

     

    Jeudi 20 juin 1940

    Vers 5 heures, le lieutenant Martin monte sur le fort. Soleil éclatant, ciel bleu, pas de vent. La solide carapace de l’ouvrage est à peine égratignée par les tirs ennemis.

    Vers 9 heures, le fort de Dogneville téléphone : « l’ennemi rassemble des engins blindés sur le plateau de la Justice, dans le petit bois voisin du château d’eau » bien visible du fort de Longchamp.

    Calculé pour le 155 R un tir à 5700 mètres. Le lieutenant Martin avec Scart et Cordon observent le tir des abords de la guérite blindée S.E., à 60 mètres de la tourelle qui émerge.

    Premier obus vers le château d’eau (qui sera atteint par la suite), puis vers le petit bois de la ferme Peiffer, où tomberont une centaine de coups.

    Un tir de 105 fait rentrer tout le monde au fort. Le lieutenant Martin continue le réglage depuis l’observatoire du commandement Est.

    L’ennemi contrebat violemment la tourelle : tirs bien réglés, sans doute à vue, des hauteurs du plateau de la Justice.

    A la fin du tir, vers 10 heures 30, le téléphone apprend au lieutenant Martin qu’un accident grave est survenu à la tourelle. Il descend précipitamment, dans l’obscurité, les 11 mètres de l’échelle verticale.

    Dans le couloir menant à la tourelle, il rencontre le canonnier Maillard, le visage ensanglanté par des éclats d’obus. Il lui dit :
    Ce n’est pas grave, mais mes camarades Nurdin et Roux sont durement touchés…

    Dans l’escalier qui passe en-dessous du fossé, se remarquent sur les marches humides, à la lueur des lampes électriques, de larges flaques de sang. Martin monte par l’escalier de fer dans l’abri à personnel tout proche. Aucun bruit, personne, il pousse la porte…

    Le pauvre Nurdin est là, tombé sur le dos, bras écartés, dans une mare de sang, les yeux grands ouverts et déjà vitreux. Une énorme plaie a ouvert sa poitrine du côté droit. Son casque a roulé sur le béton, parmi les éclats d’acier et des fragments de ciment provenant de l’embrasure voisine, devant laquelle un 105 est venu exploser à quelques mètres seulement.

    Pauvre Nurdin, si brave et si dévoué ! Il était venu là pour transmettre les commandements. Martin le fait emporter à l’infirmerie.

    Roux, le deuxième blessé, est transporté sur un brancard au bout d’un couloir, et est couché sur la paille. Blessé sérieusement à la tête, il est surtout atteint dans le dos et à la poitrine. Ne disposant pas de médecin, le dévoué infirmier Mauchard le soigne de son mieux.

    Le fort de Dogneville a tiré sur le plateau de la Justice et six coups sur les ruines fumantes du café des Quatre Vents, simple accrochage, car l’ennemi qui a du le remarquer, hésitera à s’engager sur la route de Deyvillers.

    En vue d’un réglage sur cette route, ce sont les artilleurs du 165ème R.A.P. qui s’emploient activement à réapprovisionner la tourelle du 155 R.

    Il semble que le moral des gens de la 2ème réserve a l’air de faiblir…

    Au début de l’après midi, le Lieutenant Charvet du fort de Dogneville envoie par coureur, des renseignements et un croquis signalant une batterie de mortiers tirant le long de la route de Deyvillers, sur le village de Jeuxey.

    Pour soulager les fantassins qui défendent ce village, Martin demande aux servants de réoccuper la tourelle et réussit à former un peloton de pièce.

    Il assiste au début du tir sous la coupole, puis règle le tir depuis l’observatoire de commandement Est.

    Vers 14 heures, fini d’envoyer une cinquantaine d’allongés.

    Nouvelle riposte allemande, assez décousue et peu précise, sans doute réglée par le petit avion blindé qui continue à survoler impunément la région.

    D’autres tirs vers la gorge du fort en rendent l’accès très dangereux. Néanmoins vers 11 heures 30, arrivent indemnes le sergent-chef Antonot et le soldat Laurent de la 2ème Cie du 223ème R.I.F. Laquelle sous les ordres d’un énergique capitaine nommé Chasseigne, défend intrépidement le village de Jeuxey, avec l’aide des chars Renault du jeune lieutenant Guillemin de la 3ème Cie du 31ème Bataillon de chars.

    Après avoir raconté comment plusieurs attaques sur Jeuxey ont été repoussées avec perte et fracas, Antonot demande des renseignements et de l’aide.

    Aussitôt préparation, de 4 caisses de 1920 cartouches sur bandes et, pour les chars, 600 litres d’essence et 50 litres d’huile, que le jeune et souriant Banos, du 57ème R.I., veut conduire en auto à Jeuxey.

    Il emporte une lettre offrant l’aide des canons du fort de Longchamp au capitaine Chasseigne.

    Deux heures plus tard, il est de retour, sa mission accomplie, sans peur ni dommage. Il apporte une lettre du capitaine, à laquelle est joint un plan détaillé et étonnement soigné, indiquant les emplacements des barricades et les zones où doivent être déclenché six barrages, à la demande de différentes fusées.

    A 20 heures, émouvante cérémonie de la mise en bière de Robert Nurdin, pour lequel un des frères, Millet, commence à creuser une fosse dans le fossé de gorge…

    Au cours de la nuit, fumée rouge sur Jeuxey. Mais au-dessus du Grand Bois, ce n’est que la lueur de l’incendie du pauvre village, et non le signal d’une attaque de chars.

    Longue et fatigante journée… Le moral d’une partie du personnel parait fortement ébranlé après la mort de Robert Nurtin et l’absence de médecin. Si seulement le docteur Vaxmann était encore ici !

    Le lieutenant Martin a l’intention de faire partir demain tous ceux qui ne veulent plus combattre. Cela ménagerait les vivres dont l’insuffisance inquiète fort.

    Les lignes téléphoniques hachées sont à réparer, ou plutôt à remplacer. Quel dommage que chaque fort ne dispose pas d’un poste émetteur récepteur T.S.F.

     

     

    Vendredi 21 juin 1940

    Temps splendide. Début de matinée calme. Grosses fumées sur Jeuxey. Assez loin vers l’Est, crépitent les mitrailleuses. Que deviennent au nord les troupes amies ?

    Pose d’une ligne téléphonique d’environ 300 mètres vers le Nord-Ouest jusqu’à la 2ème batterie de 75 du 68ème R.A.D.

    Maillard va mieux. Mais Roux souffre beaucoup. Le chef Comparin et l’infirmier Mauchard essaient en vain d’enlever les éclats plantés dans le dos.

    Vers 9 heures, le lieutenant Penato des 75 voisins, téléphone que la 72ème Division, qui se trouve au Nord-Est, est prisonnière. La nouvelle de sa capture par les Allemands est accablante.

    La situation est devenue rapidement critique. Aucun espoir ne subsiste à présent, non seulement d’une offensive française, en retard de deux jours, sur la rive gauche de la Moselle, mais simplement une résistance sérieuse des troupes arrivant du Nord-Est et s’appuyant sur les forts pour bloquer l’ennemi à Epinal.

    C’est à croire que l’ennemi arrive aussi du Nord et de l’Est. Pour lui interdire la grande route de Rambervillers, un réglage assez facile sur le carrefour important à 500 mètres environ du clocher de Sercoeur, est aussitôt commencé.

    La tourelle de 75 claque rageusement à quelques mètres de la coupole observatoire. Par le petit créneau, jaillissent les flammes des départs, dont le souffle balaie les mottes de gazon sec qui ont servi à camoufler l’anneau de béton de la tourelle. Après une cinquantaine de ces obus, puis 15 de 155, le feu cesse dans l’attente de quelques renseignements, pouvant inciter à le reprendre sur le même objectif. Mais qui peut donner ces renseignements ?

    Au déjeuner, il est formé le projet de résister à outrance, en liaison avec le fort de Dogneville où le brave lieutenant Charvet tient toujours avec sa petite garnison avec laquelle les réunions se feront par liaison optique.

    Grosse activité sur la route de Longchamp à Sercoeur, mais les véhicules sont-ils français ou allemands ? Il s’agit peut-être des chars Renault qui ont défendu Jeuxey et cherchent à se replier vers le nord-est. Impossible de les identifier clairement aux jumelles, par l’étroite fente des créneaux. Le lieutenant Martin renonce à l’idée d’alerter la tourelle de 75 toujours pointée sur la sortie de Dignonville.

    Vers 14 heures, le poste de guet signale des fusées blanches sur Jeuxey. Enfin ! Barrage 5 à l’Est du village !

    Laissant la tourelle de 75 pointée au Nord, le lieutenant Martin court au 75 de la casemate Est, avec un peloton de pièce du 68ème R.A.D. A genou sur le béton, il mesure sur le plan directeur les distances de tir. Il indique au pointeur l’arbre-repère préparé dans un réseau au Sud-Est du fort.

    Il faut tirer le plus possible à droite, autant que le permet la large embrasure de la casemate.
    Tirs à explosifs percutants. Distance : maxima 3300 minima 2500 ! Deux coups sur chaque hausse, de 50 à 50 mètres ; la culasse se ferme en claquant. Pièce prête ! Attention au recul, mon lieutenant ! …Feu !

    Un éclair jaillit. Un coup sourd ébranle la casemate, puis d’autres… Par delà le Grand Bois, les obus sifflent avant de s’abattre dans les champs, à l’Est du village de Jeuxey : les plus longs vers la scierie du St Oger, les plus courts vers le chemin du fort de Deyvillers et celui menant du village à la corne Ouest du Bois des Sots. 70 coups sont tirés en vitesse, grâce à un personnel très exercé et un excellent pointeur.

    Le 75 n’a pas le temps de refroidir, car presque aussitôt réapprovisionné, il commence un nouveau tir à vue contre les blindés, sur la route de Jeuxey à Longchamp. Distance : 1600 mètres. La circulation est vite interrompue sur la route, encadrée par une vingtaine d’éclatements.

    L’ennemi commence sans doute à s’agacer car soudain, s’abat venant du sud, un bref sifflement, suivi d’un craquement sec, puis d’un autre. Deux éclairs ont jailli dans la fumée, à une dizaine de mètres de la casemate. Pour une première salve, c’est bien ! Une deuxième arrive, aussi foudroyante et plus rapprochée encore.

    Arrive le lieutenant Penato qui indique qu’il vient de lancer une quinzaine d’obus sur des chars au Nord et à proximité du fort de Dogneville, à 2000 mètres environ.

    Toujours rien de Dogneville. Les deux postes récepteurs de radio du 68ème ne captent aucun message.

    Sur la route Jeuxey-Longchamp, nouveaux convois. La fumée des explosions dissipée et les canons ennemis muets, les 75 de la casemate Est se remettent à tirer à vue une quinzaine de coups.

    L’ennemi ne répond plus. La route redevient déserte. Les braves artilleurs du 68ème cessent le feu, mais non la surveillance. Ils viennent de lancer les derniers obus tirés du fort, peut-être les derniers de la bataille d’Epinal. Il est environ 16 heures.

    Le lieutenant Martin est appelé à la casemate Ouest pour examiner un drapeau bizarre sur le fort de Dogneville. Accoudé sur un canon, Martin regarde avec des jumelles par l’embrasure… En effet, au sommet du fort là où se trouvaient ses mitrailleuses de DCA, pend à une haute perche un long oriflamme rouge.

    Est-ce un signal de détresse que font les camarades ? Le vend du sud agite l’oriflamme, le déploie et, soudain apparaît nettement la fameuse croix gammée… Le drapeau allemand !

    Le fort de Dogneville est pris ! Que sont devenus le brave Charvet et son héroïque petite troupe ?

    Accalmie : c’est à croire que les ennemis ont quitté les abords du fort. Pour cette raison et parce qu’il apparait que toute sortie va devenir impossible, les gars du 68ème profitent de l’accalmie momentanée du petit avion pour ramener des chevaux dans les fossés.

    Le lieutenant Martin demande à l’adjudant Mollet de remettre la clé de la poterne à l’aspirant Royal, car la sortie peut présenter quelque danger. Mollet répond en souriant qu’il n’a pas peur et que l’ouverture de la poterne le concerne plutôt que l’aspirant.

    Martin n’insiste pas, malheureusement.

    Vers 16 heures 15, avant de risquer leurs hommes, les lieutenants Penato et Hua ainsi que l’aspirant Royal sortent sur le devant du fort pour se rendre compte de la manière dont la sortie des conducteurs sera protégée. L’aspirant dirige le coup avec trois maréchaux des logis, une dizaine de servants armés de mousquetons et trois conducteurs.

    Pendant que l’adjudant Mollet va ouvrir tranquillement la porte de fer de la poterne, l’aspirant Royal et les conducteurs vont s’emparer de six chevaux près des tourelles extérieures à l’Est du fort. Les lieutenants Penato et Hua surveillent devant l’entrée, dominée à droite et à gauche par de hauts talus. Ils entendent soudain un bruit qu’ils ne prennent pas tout d’abord pour un coup de feu.

    Les chevaux tenus en main par les conducteurs, commencent à défiler devant eux. Le lieutenant Hua, voyant qu’ils n’avancent pas vite et semblent hésiter sur la direction de la poterne, s’approche et, tout en les excitant, leur en montre l’entrée.

    Il aperçoit alors, étendu à terre à la sortie extérieure du couloir d’accès, l’adjudant Mollet ! Vite, il soulève le corps inerte, le traîne dans le couloir, traverse le fossé et le dépose dans la fosse du pont-roulant. Les conducteurs suivent avec les chevaux, dont l’un est abattu à l’entrée de la poterne, par une rafale de mitraillette

    Les balles ricochent dans le couloir en faisant voler des éclats de pierre, mais sans causer d’autres victimes. Au-dehors, les servants ripostent à coups de mousquetons, puis rentrent au fort, laissant ouvert le portillon de la grille d’entrée.

    La porte de la poterne, visée par l’ennemi, ne peut être refermée non plus. Les Allemands pourront donc essayer de pénétrer dans le fort par le fossé, heureusement balayé par la mitrailleuse de la canonnière.

    Du grand couloir, le lieutenant Martin entend des coups de feu vers l’entrée. Il y court, anxieux, et s’entend dire : Il y a un blessé !

    Il aperçoit, au fond de la fosse du pont-roulant, l’adjudant Mollet, couché sur le dos, tout pâle, sans mouvement. Vite, il descend et se penche sur lui. Il lui soulève la tête, lui parle, pas de réponse ! Il lui prend la main, qui retombe. Sa tunique déboutonnée, il aperçoit au ventre une tache de sang. Les yeux fixes, la bouche ouverte. Il est mort ! Quel malheur ! Comment a-t-il été frappé ? Et comment apprendre l’affreuse nouvelle à sa femme et à ses enfants qui se trouvent à l’autre bout du fort ?

    Martin fait remonter le corps du pauvre adjudant derrière la porte blindée, puis dans un abri à munitions voisin.

    A présent, il est urgent de tout barricader – la grille dangereuse n’a plus de serrure. Rapidement, un solide barrage est mis en place contre les envahisseurs du fossé. Deux fusils le gardent.

    Il est possible que l’ennemi, profitant de l’abri de la poterne, fasse sauter de l’autre côté du fossé, la solide grille d’escarpe qui est la seule défense, si les tirs de la canonnière S.E. ne balayaient pas le fossé de gorge.

    Tout près de là, l’accès à la grande porte -dite blindée- est interdit. Protégée par les grilles d’entrée, par le haha du pont roulant et par deux créneaux. De là, l’aspirant Royal, farouche cerbère, surveille attentivement le pont fixe.

    C’est aussi lui qui s’occupe du canon-révolver de la canonnière S.E. où les mitrailleurs du sergent Michelena ont installé une Hotchkiss.

    Telles sont les dispositions présentes, en vue de combats rapprochés.

    Les mitrailleurs du sergent Michelena, surveillent attentivement le dangereux débouché de la poterne. Soudain, le mitrailleur Lagoutte s’écrie : En voilà deux !

    Rafale immédiate et foudroyante. Deux Allemands venus sans doute reconnaître les lieux, à la faveur du crépuscule, culbutent dans l’herbe haute, à l’entrée de la poterne.

    Plus rien ne bouge…

    Ordre est donné, d’exécuter, cette nuit, dans le fossé de gorge, de fréquents tirs de mitrailleuses et de canon-révolver.

    Arrive le Chef Vivien, courant et criant : Lieutenant Martin ! Venez vite, ils veulent se rendre !

    Martin furieux, court vers le grand couloir, voit un drapeau blanc par terre. Il bondit dans les locaux bétonnés en criant : On ne se rend pas !  Tout le monde dans le couloir ! Et en silence !

    L’aspirant Royal, l’air farouche, armé d’un mousqueton, suit Martin pour le protéger des mutins. Ceux-ci ne soufflent mot. Toute la garnison s’aligne rapidement, dans un silence impressionnant. Tous les officiers sont là.

    Monté sur un banc, contre le mur, face à la troupe sidérée, Martin fait savoir avec violence : Pour l’ancien combattant de 14, seul responsable du fort, il n’est pas question de se rendre.

    Tous les officiers crient : On ne se rend pas ! Cordon ayant été désarmé, Martin fait faire des excuses par le sous-officier, chef des mutins. Puis, il interpelle rudement un brigadier et un canonnier ajoutant qu’il devrait les faire fusiller tous les trois.

    Il continue en déplorant la mort de Robert Nurdin et de l’adjudant Mollet, qui ne doit pas cependant décourager : Notre fort est solide ! L’honneur nous commande de tenir jusqu’à l’épuisement de nos vivres. Peut-être jusqu’à l’armistice. Chantons tous la Marseillaise !

    Le chant sublime fait résonner les voûtes et frissonner les cœurs. Puis il envoie chacun à son poste. La foule s’écoule en silence. L’incident est clos. Il était grand temps de réagir !

    Vers 21 heures, Martin et ses hommes traversent le grand couloir.

    A l’entrée de la gaine obscure, menant au P.C. se tient Mme Mollet. Ne voyant pas son mari parmi le groupe, elle demande timidement au lieutenant Martin : Mon mari, n’est-il pas avec vous ? Je ne l’ai pas vu depuis plusieurs heures. Il n’est même pas venu souper.

    La pauvre femme ne sait rien encore. Demeurée avec ses enfants dans le local voisin du P.C., elle n’a pas entendu parler ni de la sortie par la poterne, ni de la tentative de reddition, ni de la réunion dans le couloir central.

    Elle ne peut pas ignorer plus longtemps l’affreux malheur qui l’atteint et dont personne, jusqu’à présent n’a oser l’informer, même avec les plus grands ménagements…

    Emu, le lieutenant Martin s’avance vers elle, lui prend la main et l’embrasse en disant :
    Pauvre dame ! Vous ne le verrez plus.
    - Où est-il ? Il est prisonnier ?
    - Il est mort – vers 16 heures – près de la poterne, il a reçu une balle ennemie… Il n’a pas souffert. C’était un brave soldat.
    - Je veux le voir.

    Le lieutenant Martin lui donne le bras et, laissant là ses collègues, bouleversés par cette scène poignante, la conduit sans mot dire à l’abri à munitions de 155.

    A la lueur d’une lampe de poche, elle aperçoit, sous la bâche recouvrant le brancard, le corps de son mari… Martin le découvre et l’éclaire… Elle sanglote tout bas… Il la reconduit à la chambre où ses trois enfants, profitant du silence de la tourelle, dorment tranquillement. Ils sauront demain…Quelle triste nouvelle à leur apprendre !

    Laissant Mme Mollet écrasée de douleur malgré son grand courage, le lieutenant Martin revient dans le couloir central pour y retrouver ses collègues.

    De la porte blindée, on l’appelle : Il y a quelqu’un à la porte d’entrée !

    D’un créneau de la porte, il aperçoit vaguement aux dernières lueurs du jour, au-delà du fossé, avant la première grille, un drapeau blanc et un homme qui appelle, d’une voix qui ne lui est pas inconnue : - Lieutenant Martin !  Ne tirez pas !

    Très surpris, Martin demande : – Qui m’appelle ?
    - C’est moi Lutz, mon lieutenant !
    - Que voulez-vous ?
    - Les Allemands m’envoient vous dire de vous rendre, ils sont là, devant le fort.
    - Dites leur de venir, nous ne tirerons pas.
    - Ils ne veulent pas approcher et demandent que vous sortiez.

    Martin demande au lieutenant Penato de l’accompagner, car il ne songe nullement à une traîtrise possible. L’aspirant Royal court dire aux mitrailleurs de la canonnière de ne pas tirer sur le pont fixe.

    On pousse le pont roulant, on ouvre la grille, ils sortent sans armes. Ils trouvent à la porte du fort, le chef Lutz et le maréchal des logis Martin.

    Ils viennent d’être capturés au fort de Dogneville, après avoir tiré jusqu’au dernier moment sous de fréquents et violents bombardements, qui heureusement n’ont pas provoqué de pertes.

    Lutz et Martin très émus, indiquent qu’il est préférable de se rendre, car une nuée d’engins blindés entoure le fort. L’ennemi parait décidé à venir à bout de la résistance.

    Les lieutenants Martin et Penato sortent du fort et se dirigent avec Lutz et le porteur de drapeau blanc vers la petite maison de l’adjudant Mollet. Trois Allemands, coiffés du calot et apparemment sans armes, attendent les Français, en fumant des cigarettes.

     

     

    Voici les arguments qu’ils développent : l’armistice peut être signé d’un moment à l’autre. Tout les autres forts du secteur se sont rendus. Les blindés allemands avancent dans la vallée du Rhône tandis que la ligne Maginot est tournée.

    Viennent ensuite les menaces : si la reddition n’a pas lieu, l’artillerie lourde concentrera ses tirs sur Longchamp et un bombardement aérien est déjà prévu le 22 juin.

     

     

    Si l’idée de la capitulation fait son chemin, le lieutenant Martin pose des conditions. Il demande qu’on le laisse épuiser ses vivres et promet qu’il ne tirera que pour riposter en attendant l’armistice.

    En outre, il exige que les honneurs militaires soient rendus à sa garnison ainsi qu’à celle de Dogneville « qui les a bien mérités ».

    Les Allemands prétendent qu’ils ne peuvent prendre de telles décisions. Leur major se trouve à proximité, l’un deux va lui demander de les rejoindre. C’est un homme de haute taille, l’ai sévère mais sympathique et franc.

    Martin lui explique qu’un ancien combattant de 14-18 ne peut se rendre sans obtenir des conditions honorables.

    Le major lui aussi a fait la guerre 14-18. S’il ne tenait qu’à lui ! Malheureusement, il doit rendre compte à son général, il s’engage à rapporter la réponse ici-même, à 3 heures du matin.

    Martin rentre au P.C. avec le lieutenant Penato, informe les autres officiers de leur entrevue avec les Allemands. Il leur fait part de son intention de cesser une résistance certes honorable, mais qui risquerait de provoquer de fortes pertes inutiles.

    Il est près de 23 heures et, dit-il : Nous nous couchons tristement et en silence, tout habillés.

     

     

    Samedi 22 juin 1940

    Les Allemands sont ponctuels et, le samedi 22 juin à trois heures, Martin et Penato rejoignent leurs interlocuteurs du 21. Le major explique qu’il est navré. Il a plaidé la cause des défenseurs du fort, mais son général ne peut se permettre d’attendre. Il exige la reddition immédiate, sinon il déclenchera sur Longchamp un tir massif de toute l’artillerie. En revanche, si le lieutenant Martin se montre compréhensif, il fera rendre les honneurs à la garnison. Martin accepte mais demande un délai pour distribuer des vivres à ses hommes et donner une sépulture décente à ses morts.

    Il sortira le 22 juin à 12 heures.

    Les Allemands veulent avoir le dernier mot : Sortie à 11 heures ! dit le major.

    Va pour 11 heures. On se quitte en saluant.

    Le lieutenant Martin va-t-il maintenant donner des ordres pour détruire matériel, armement et munitions ? De quoi s’offrir un superbe feu d’artifice. Martin n’est pas intéressé par la pyrotechnie.

    Il préfère retrouver son lit : Nous nous recouchons, mornes et silencieux, pour essayer de dormir jusqu’à 6 heures, rapporte le commandant de Longchamp.

    Après le réveil, les hommes se rendent au magasin d’habillement pour changer leurs brodequins usagés et percevoir des vêtements neufs. Le brigadier Gerard distribue des conserves et chaque homme a droit à un litre de vin.

    Vers 10 heures, on procède à l’inhumation de l’adjudant Louis Mollet, né à Nettancourt (Meuse) le 23 décembre 1903 et de Robert Nurdin, né à Epinal (Vosges) le 24 Février 1905 habitant, avec sa famille de trois enfants, le village de Jeuxey…

    Le corps du brigadier Bousquet sera découvert au moment de la sortie, devant la poterne. Il devra se contenter d’une bâche en attendant une sépulture digne…

    A 11 heures, les détachements sortent du fort et passent devant deux sections de la 6ème Panzer qui rendent les honneurs, l’arme au pied.

    Le lieutenant Arnaud conduit les hommes du 223ème R.I.
    Le lieutenant Hua et l’aspirant Royal sont avec les 60 canonniers du 68ème R.A.
    Le lieutenant Scart est à la tête de ceux du 165ème R.A.P.
    Le lieutenant De Cordon marche devant les 79 hommes de la garnison.

    Nombreux sont des Allemands qui filment et prennent des photos.

    Le major allemand attend devant la maison de l’adjudant Mollet sur la route blanche et poudreuse. De la main, il fait signe aux Français d’arrêter et les salue au garde à vous.

    Puis il prononce en allemand, d’une voix forte, ces simples phrases que Lutz traduit une à une : - Nous allons prendre possession du fort de Longchamp ! C’est le dernier fort de Lorraine qui ait résisté !… Nous rendons hommage  à votre belle défense ! On se souviendra longtemps du fort de Longchamp.

    Il salue de nouveau et les Français repartent en défilant fièrement, mais le cœur navré…

    Les larmes aux yeux, nous saluons en passant les croix de nos glorieux Morts.

    Arrivés à l’entrée du bois, près de l’ancienne batterie de Ste Limon, les lieutenants Martin et Penato accompagné du chef Lutz s’arrêtent sur l’accotement gauche de la route, où les autres officiers les rejoignent afin de voir défiler leurs hommes qui les regardent et leur crient « Au revoir ».

    Fantassins, artilleurs défilent au nombre d’environ 250…

    Nous voyons avec un serrement de cœur, les derniers disparaître, à un tournant de la route blanche, dans le bois touffu de Ste Limon…

    plan-du-fort-de-longchamp-en-1940-150x150

     

    * Nous remarquons deux croix face à la maisonnette des officiers. Ce sont les tombes de l’adjudant Mollet et et du canonnier Nurdin, tous deux pères de trois enfants, inhumés le 22 juin 1940.

    Sur la route d’accès au fort, la maison de l’adjudant Mollet (gardien du fort) et de sa famille.

     

     

     

    Ainsi se termine le récit de la résistance, dans l’honneur, des forts de la Place d’Epinal en juin 1940.

    Récits que j’ai essayé de traduire, dans le respect des mémoires que nous a laissées, en particulier, le lieutenant Henri Martin, commandant de la batterie des forts de la Place d’Epinal…

    Georges Thiriot.

     

     

     

  • 8 commentaires à “La résistance des forts de Dogneville – Longchamp (Vosges) en juin 1940”

    • Georges Thiriot on 9 avril 2013

      A propos, de la documentation historique ou anecdotique sur la résistance des Forts de Dogneville et de Longchamp en Juin 1940,
      je voudrais préciser, qu’outre les extraits que j’ai retenus, du journal reconstitué d’aprés les notes sténographiques prises et des croquis réalisés par le Lieutenant Henri MARTIN, de rappeler, que dés Juillet 1940,ce dernier, avec l’aide de ses camarades de captivité, au camp de P.G. de l’annexe Courcy à Epinal, ont
      reconstitué, aussi exactement que leur permettaient leurs souvenirs récents, les horaires détaillés et précis des événements qui s’étaient déroulés aux Forts de Dogneville et de Longchamp, qui leur avaient été impossible de les noter tous au cours des combats.
      A ce propos, de citer les témoignages, du Lieutenant Joseph CHARVET qui commandait la vaillante petite garnison du Fort de Dogneville.
      Du Fort de Longchamp, des lieutenants PENATO et HUA, de l’aspirant ROYAL du 68°RA, du lieutenant SCART et du sous-lieutenant DE CORDON du 112° RAL, du lieutenant ARNAUD du 223° RI.
      J’ai pris en compte, également, les témoignages de OTHON LEHMANN « Histoire de la guerre 1939-1944″ et me suis inspiré des écrits de Roger BRUGE l’auteur de « Combattants du 18 Juin 1940″ (Tome 5)

      Georges THIRIOT.

    • Georges Thiriot on 8 mars 2014

      A l’occasion du centenaire de la Guerre 1914-1918, il m’importait de tenter de retracer la carrière d’un Vosgien exceptionnel :
      Henri MARTIN ancien combattant des guerres 1914-1918 et 1939-1945.
      Né en Avril 1892 à Le Bozet prés de Xertigny dans les Vosges.
      Grand passionné de botanique, poète reconnu, écrivain, il laisse derrière lui, des témoignages poignants de la première guerre
      mondiale.
      Maître d’Ecole puis Directeur d’Ecole dans « La Vôge » il a été comme l’a écrit Charles Péguy « ce Hussard noir de la République ».

      Lieutenant d’artillerie (105 court) en 1914, auteur du livre  » Le Vieil Armand 1915″.
      Pendant la premiére partie de la guerre dans l’Alsace, il connaîtra la période la plus dure « Au Vieil Armant ».
      En 1915, nous le retrouvons dans la vallée de la Thur, Metzeral, Sondernach, Mittlach,le Schnepfenrietkopf et ensuite VERDUN.
      En qualité d’Observateur d’Artillerie, sa spécialité, il donnait les ordres qui permettaient de régler les tirs d’artillerie sur les positions adverses.
      Sur des tirs de quatre à cinq kilomètres, la précision était excellente en général, de l’ordre de cinq mètres.
      Tout dépendait de, l’urgence des tirs, également de la qualité du pointeur.
      Malgré une spécialité qui l’a beaucoup exposé, il finira cette guerre sans aucune blessure.

      En 1939-1940, en qualité de Lieutenant, il commandait la batterie des Forts d’Épinal où il s’illustra avec sa petite garnison.
      Pendant plusieurs jour,il opposa à l’ennemi, une vive résistance depuis le Fort de Longchamp.
      L’armistice étant signé, il exigea des allemands, le 21 Juin 1940, que les honneurs militaires soient rendues à sa garnison.
      C’est ainsi, que le 22 Juin à 11 heures, les détachements français sortent du Fort passent devant deux sections de la 6° Panzer qui
      leur rendent les honneurs, l’arme au pied.
      Puis c »est sa période de captivité, prisonnier dans les casernes d’Épinal, il est ensuite interné en Silésie…
      Libéré en qualité d’ancien combattant 14-18, il reprend du service en rejoignant les forces alliées.
      Il nous a quitté en 1983.
      Pour la période 1940-1941, il nous a laissé, comme écrivain, auteur de « Le Camp de la Misère (1940) » et  » Combats de Juin 40
      à Xertigny et Dounoux ».

      Georges THIRIOT.

    • Dominique Wind on 4 août 2014

      Bonsoir,
      Passionnant et émouvant récit qui rappelle que partout où il a été bien commandé et équipé, le soldat de 39-40 a fait son devoir.
      Une petite suggestion après une première lecture rapide : remplacer dans le texte canonnière par caponnière (destinée à couvrir de ses feux le fossé du fort).
      Ce récit mériterait sans nul doute d’être publié dans un cadre plus large de la résistance d’Epinal.
      Mais peut-être existe-t-il déjà un ouvrage ?
      Compliments pour votre contribution à l’Histoire.
      Bien cordialement

    • Georges Thiriot on 31 décembre 2014

      Suite à votre commentaire, il convient de rappeler, qu’en dépit de nombreuses lacunes de son commandement…
      En 39-40 l’armée française a bien résisté à l’armée allemande.
      Elle n’a pas démérité, c’est ainsi qu’en seulement six semaines de combat, elle a laissé prés de : 90.000 morts, environ : 240.000
      blessés sur le champ de bataille.
      Un taux de perte comparable à celui de la bataille de Verdun en 1916.
      Quant aux allemands, ils perdirent : 40.000 hommes environ.

    • Thibaut Wirth on 15 décembre 2017

      Bonjour,
      Récit très intéressant et précis. Félicitations.
      J’ai des photos du Commandant Chapentier-Mio et des Officiers d’Epinal en 1939 et 1940. Je peu vous les transmettre si vous le souhaitez.
      Cordialement.

      • Patricia Couturier on 8 septembre 2019

        Bonsoir

        Je suis intéressée par les photos que vous proposez du Commandant Charpentier et officiers ;
        Pouvez-vous me les transmettre ?

    • Toussaint on 10 décembre 2018

      Rédaction en cours d’un article sur le sculpteur Charpentier-Moi qui est décédé dans ma ville de Yerres (91) je suis intéressé par cet épisode de sa vie d’officier combattant durant la WW II et les copies des photos que vous possédez seront un plus. Merci de me les faire parvenir.
      Cordialement

    • Besson on 16 février 2024

      Bonjour Monsieur,

      Merci pour ce texte ! Je voulais vous demander… mon arrière grand père était maréchal des logis au 68 RAD, fait prisonnier au Fort Longchamp et évadé en septembre. Il a été cité pour avoir avec son lieutenant ramené sous le feu le corps d’un adjudant, il doit s’agit de l’aspirant royal et de l’adjudant Mollet.
      Cependant il doit y avoir une erreur dans les documents de mon aïeul car son action est datée du 20 juin ainsi que sa capture.
      Enfin ceci pour vous demander si il y a plus d’informations sur cet évènement ou sur un certains Maréchal des Logis Georges Besson du 68 RAD dans les écrits du Lieutenant Martin.

      Je vous remercie d’avance pour votre aide,

      Bien cordialement,
      Besson Théo.

    Répondre à Toussaint


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