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  • 26 février 2013 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

    Le 26 février 1266 – La bataille de Grandella  dans EPHEMERIDE MILITAIRE la-bataille-de-grandella-ou-de-benevent-150x150

     

    Avant la description de la bataille, il nous a paru nécessaire de présenter le contexte.

     

    D’après « Histoire du Moyen-âge » – Henri Chevallier – 1859

     

    La mort de l’empereur Frédéric II porta le trouble dans l’Allemagne et dans l’Italie. En Allemagne, les ennemis de la maison de Souabe, ralliés autour du comte de Hollande, Guillaume, méconnurent l’autorité de Conrad IV, fils de Frédéric, et plus soucieux de leurs prérogatives que des intérêts du saint-siège, ils mirent à profit le grand interrègne.

    Conrad, obligé de leur faire face, ne put songer à revendiquer en Italie l’héritage paternel. L’Italie eût échappé tout d’un coup aux Hohenstaufen sans la valeur d’un jeune prince de dix-huit ans, Manfred, fils légitimé de Frédéric II. Il avait les traits de son père ; il en eut le courage chevaleresque, l’habileté, la mauvaise fortune.

    Au début de sa carrière, si courte et si glorieusement parcourue, les périls naissaient sous ses pas. Le pape Innocent IV, en apprenant la mort de son ennemi (13 décembre 1250), avait entonné un hymne de joie qui retentit à travers toutes les cités guelfes jusqu’au fond de la Péninsule. Naples et Capoue se soulevèrent. Manfred reprit Capoue et assiègea Naples, mais une maladie le força à se retirer dans la Pouille. Pendant ce temps, Innocent IV rentrait en Italie par une marche triomphale, excommuniant à Gènes la cité de Marseille, rivale des Génois ; à Milan, Crémone et Pavie, rivales des Milanais, puis le podestat de Vérone Eccelino de Romano, et Palavicini qui dominait à Plaisance. Rome fut le terme de son voyage et de ses ovations.

    Un Bolonais, Brancaleone d’Andolo, à qui les Romains avaient confié la dictature pour trois années, s’empara de la personne du pape, et le tint comme captif dans la ville. Déjà le jeune empereur Conrad IV avait débarqué à Siponto et s’était rendu maitre de Capoue. Milan, désabusée ou intimidée, prenait un podestat gibelin, le marquis de Lancia, oncle maternel de Manfred. Naples enfin succomba (10 octobre 1253) et fut cruellement saccagée par les Allemands.

    Ainsi, la cause des gibelins l’emportait au midi par le courage de Conrad et de Manfred. Au nord, Eccelino tenait les guelfes dans la terreur. Florence seule, en Toscane, avait battu les gibelins (1254). Innocent IV eut alors recours aux armes spirituelles. Il renouvela l’excommunication prononcée contre Conrad et refusa de négocier. La guerre allait se rapprocher de Rome quand une maladie soudaine enleva l’empereur (20 mai 1254) dans la petite ville de Lavello. Il était entré en Italie au mois de janvier 1252.

    La mort de Conrad remit tout en question. Deux partis divisèrent la cour des Hohenstaufen, celui de Conradin, fils de Conrad, encore dans l’enfance, et celui de Manfred. Ce dernier l’emporta, et le margrave de Hohenbourg abdiqua en sa faveur la régence du royaume d’Italie, qu’il tenait du choix de l’empereur défunt.

    Le premier soin de Manfred fut de se réconcilier avec le pape en lui jurant obéissance pour le royaume de Naples. Mais ce rapprochement fut court, et le jeune prince, craignant des embûches et averti par la trahison de Jean le Maure, qui tenait pour lui la forteresse de Lucera, rompit tout à coup avec le saint-siège. Innocent IV mourut à la fin de cette année (7 décembre 1254) et fut remplacé par Alexandre IV, neveu de Grégoire IX.

    Le nouveau pape maintint avec fermeté les prétentions du saint-siège et somma Manfred de renvoyer les Sarrasins de Lucera. « J’en appellerai le double » répondit le prince. Cette bravade fut suivie de rapides succès. Malgré une armée de croisés commandés par le cardinal Octavien, Manfred conquit toute la Pouille, puis Naples, Capoue, la Terre de Labour. Au mois de décembre 1255, il avait soumis tout le royaume jusqu’à Chieti. La Calabre et la Sicile, confiées au rebelle Piétro Ruffo, furent promptement ramenées dans l’obéissance, dont elles s’étaient écartées un moment (avril 1256).

    Dès lors, le triomphe de Manfred fut complet. Il mit le sceau à ses victoires en se faisant couronner à Palerme (11 août 1258) sur le faux bruit de la mort de Conradin. Son ambition grandit avec sa fortune. Marié à la fille du despote d’Épire, à la belle-sœur du prince de Morée, Guillaume de Villehardouin, il voulut renouveler les exploits des Robert Guiscard et des Bobémond ; mais il fut battu à la journée d’Achrida par Michel Paléologue (1259).

    Cet échec fut encore aggravé par la chute d’Eccelino de Romano. Ce farouche gibelin succomba à la bataille de Cassano sous les efforts des Milanais ; son frère Albéric fut livré au supplice, et Vérone, qui leur avait longtemps obéi, se donna à Mastino della Scala, le chef de la maison des Scaliger. Toute la Lombardie subit le contre-coup de cette chute et passa sous la domination des guelfes. Les gibelins ne se maintinrent qu’en Toscane et battirent à l’Arbia leurs éternels rivaux (1260). Florence dut recevoir un podestat gibelin.

    En présence de tant de dangers, Manfred fortifia son parti par le mariage de sa fille avec l’infant d’Aragon don Pedro (1262). Cette circonstance décida le nouveau pape Urbain IV à lancer contre le fils de Frédéric II une excommunication solennelle (1263) et à remettre la cause du saint-siège aux mains de Charles d’Anjou, frère de saint Louis.

    Déjà la papauté avait offert la couronne de Naples au prince Edmond, fils d’Henri III, roi d’Angleterre, mais cette offre n’avait point eu d’effet. Charles d’Anjou mit son ambition au service de l’Eglise, et le roi de France (Louis XI), qui avait refusé pour son fils le trône de Sicile, n’osa pas s’opposer aux desseins et à la volonté de son frère. Charles d’Anjou reçut d’abord d’Urbain IV le titre de sénateur de Rome et il fit de vastes préparatifs pour assurer sa victoire.

    Manfred déployait alors la plus grande énergie. Maître d’Orviette, il força le pape à quitter Rome pour se réfugier à Pérouse (1264). Enfin Urbain IV mourut. Un Languedocien, ancien secrétaire de saint Louis, lui succéda sous le nom de Clément IV et poursuivit ses projets.

    Le duc d’Anjou, qui avait hâte de commencer sa conquête, précéda son armée en Italie, entra à Rome par le Tibre le 21 mai 1265, et y reçut la couronne des Deux-Siciles, pour laquelle il fit hommage au saint-siège. Son armée, forte de trente mille hommes, dont cinq mille cavaliers, traversa le col de Tende et le marquisat de Montferrat, dont le souverain était dévoué aux guelfes. Elle battit à Capriolo l’armée du gibelin Palavicini, et de Ferrare jusqu’à Rome, à travers des cités amies, elle n’éprouva aucune résistance.

    Manfred, à la tête de ses Sarrasins, essaya de prendre Rome par un coup de main. Il fut obligé de battre en retraite dans le royaume de Naples.

    L’armée française, renforcée sur sa route, retrouva à Rome son chef, le duc d’Anjou, qui se fit de nouveau couronner avec la plus grande solennité. Il s’empressa de poursuivre son rival au delà du Garigliano, limite des États Romains et du royaume des Deux-Siciles. La trahison du comte de Caserte, beau-frère de Manfred, livra le passage du fleuve, et les deux armées se trouvèrent en présence dans la plaine de Grandella, près de Bénévent. Manfred fut vaincu et tué. On l’inhuma près du champ de bataille, mais le pape fit jeter ses restes hors des limites romaines, afin que le corps d’un excommunié ne reposât pas sur une terre pontificale.

     

     

    D’après « Histoire des Républiques Italiennes du Moyen Age » – Jean-Charles-Léonard Simonde de Sismondi – 1840

     

    Une fois arrivée à Ferrare, l’armée française, loin d’éprouver quelque résistance pour se rendre à Rome, trouva, au contraire, dans chaque lieu où elle passait, de nouveaux renforts que lui donnaient les Guelfes. D’abord, les quatre cents hommes d’armes des émigrés florentins, puis les sujets du marquis d’Este et du comte de Saint-Boniface, puis quatre mille Bolonais, entraînés par les prédications de l’évêque de Sulmone, prirent la croix contre Manfred, et vinrent se réunir à l’armée française.

    Cette armée arriva devant Rome, dans les derniers jours de l’année1265. Charles n’avait point d’argent pour la payer. Le pape refusait de lui en fournir et peut-être ne le pouvait-il pas. Si le comte d’Anjou différait jusqu’à la belle saison de s’avancer contre l’ennemi, il n’y avait aucune apparence qu’il pût empêcher son armée de se débander auparavant. Il se mit donc immédiatement en marche par la route de Férentino, pour entrer dans le royaume, par Cépérano et Rocca d’Arcé.

    Manfred n’avait rien négligé pour se concilier l’affection de son peuple, pour l’exciter à une généreuse défense, et pour lui en donner les moyens. Il avait rassemblé près de Bénévent un parlement des barons et des feudataires de son royaume, et il les avait exhortés à mettre sous les armes tous leurs vassaux, pour la défense de leurs foyers.

    Il avait aussi rappelé toutes les troupes que précédemment, il avait fait passer en Toscane et en Lombardie, et il avait envoyé en Allemagne, pour y solder un renfort de deux mille chevaux. Il avait confié au comte de Caserte, son beau-frère, la défense du Garigliano, à l’endroit où, près de Cépérano, ce fleuve borne ses états. Il avait laissé à Saint-Germain une forte garnison d’Allemands et de Sarrazins, et lui-même, avec le gros de son armée, il s’était porté à Bénévent.

    Les Français s’avançaient vers son royaume par la route supérieure, ou de Férentino. A leur approche, le comte de Caserte se retira lâchement, et leur laissa libre le passage du Garigliano. La forteresse de Rocca d’Arcé, que l’on croyait imprenable, fut escaladée, et celle de Saint-Germain fut prise après un combat où la plupart des Sarrazins furent mis en pièces par les Français.

    Si les Apuliens avaient manifesté peu d’attachement pour leur roi, et peu de zèle pour sa défense, tandis que les forces paraissaient encore égales, leurs dispositions à la rébellion furent augmentées par ces premiers succès des Français, et la lâcheté se cacha sous les dehors du mécontentement ou de la révolte.

    Aquino et tous les châteaux de la contrée ouvrirent leurs portes au vainqueur. Les gorges des montagnes d’Alife, lui furent livrées, et il pénétra, sans éprouver de résistance, jusque dans la plaine de Bénévent. Il s’arrêta à deux milles de cette ville, en avant de laquelle Manfred avait rangé son armée.

    Ce prince, qui découvrait parmi les siens des signes de trahison ou de découragement, essaya de retarder Charles par une négociation. Mais ses ambassadeurs étant introduits devant le comte, il leur répondit en français : « Allez, et dites au sultan de Nocère que je ne veux autre que bataille ; et que cejourd’hui, je mettrai lui en enfer, ou il me mettra en paradis ».

    Le fleuve Calore, qui coule devant Bénévent, séparait les deux armées. Peut-être si Manfred avait profité de ses fortifications naturelles pour éviter la bataille, l’armée de Charles, qui souffrait déjà du manque de vivres, aurait-elle été réduite à de dures nécessités, comme l’assurent quelques historiens contemporains.

    Le royaume de Naples semble extrêmement propre à la guerre de chicane, parce qu’il est coupé dans tous les sens par de hautes montagnes, et que les défilés, les forêts, les rivières opposent des obstacles sans nombre à l’agresseur. Cependant, il a presque toujours été gagné ou perdu par une seule bataille, parce que le caractère des habitants est une circonstance plus décisive encore que la nature du pays, lorsqu’il s’agit d’une guerre nationale. C’est par l’enthousiasme que l’héroïsme des chefs éveille dans la foule, c’est par la reconnaissance du peuple pour les bienfaits d’un bon gouvernement, c’est par l’amour de la liberté, ou la vivacité du point d’honneur, qu’une nation peut se défendre. Si ces qualités lui manquent, la nature lui prodiguerait en vain ses fortifications pour la couvrir.

    Manfred ne voulait pas se soumettre davantage à l’humiliation de reculer devant un ennemi auquel chaque succès assurait de nouveaux partisans, et qui, jusqu’alors, avait toujours su se procurer des munitions par le pillage des campagnes. Il divisa donc sa cavalerie en trois brigades : la première, de douze cents chevaux allemands, commandée par le comte Galvano ; la seconde, de mille chevaux toscans, lombards et allemands, commandée par le comte Giordano Lancia ; la troisième, qu’il commandait lui-même, était forte de quatorze cents chevaux apuliens et sarrazins.

    Quand Charles vit que Manfred se disposait à combattre, il se retourna vers ses chevaliers, et leur dit : « Venu est le jour que nous avons tant désiré », puis il fit quatre brigades de sa cavalerie : la première, de mille chevaux français, commandée par Gui de Montfort et le maréchal de Mirepoix ; la seconde, qu’il guidait lui-même, était composée de neuf cents chevaliers provençaux, auxquels il avait joint les auxiliaires de Rome ; la troisième, sous la conduite de Robert de Flandre et de Giles Le Brun, connétable de France, était formée de sept cents chevaliers flamands, brabançons et picards ; la quatrième enfin, sous la conduite du comte Guido Guerra, était celle des quatre cents émigrés florentins.

    Ces nombres réunis ne forment qu’une armée de trois mille lances et Giovanni Villani n’en donne pas davantage à Charles d’Anjou, peut-être pour augmenter la gloire de son héros, en diminuant ses moyens de vaincre. D’après le calcul des troupes que Charles avait amenées de France, et de celles qu’il avait trouvées en Italie, son armée devait cependant être plus forte du double.

    La bataille fut engagée de part et d’autre par l’infanterie, qui, quoique ses efforts ne pussent point décider la victoire, n’en combattait pas avec moins d’acharnement. Les archers sarrazins passèrent la rivière, et vinrent, avec de grands cris, attaquer les Français.

    L’infanterie européenne, qui manquait alors également d’aplomb et de légèreté, ne pouvait pas mieux résister aux voltigeurs qu’à la cavalerie ; les Sarrazins, avec leurs flèches, en firent de loin un massacre effroyable. La première brigade française s’ébranla pour soutenir son infanterie, en répétant son cri de guerre, « Mont joie, chevaliers ! ».

    Le légat du pape, pendant que les Français se mettaient en mouvement, les bénit au nom de l’Église, et leur donna l’absolution plénière de leurs péchés, en récompense de ce qu’ils allaient combattre pour le service de Dieu.

    Les archers sarrazins ne purent soutenir le choc des gendarmes français ; ils se retirèrent avec perte. Mais la première brigade de la cavalerie allemande descendit alors dans la plaine de Grandella, pour rencontrer des ennemis dignes d’elle. Son cri de guerre était « Souabe, chevaliers ! ».

    Dans ce second choc, l’avantage fut encore pour les troupes de Manfred. Mais les Français, soit qu’ils fussent plus près de leur camp, ou que leurs manœuvres fussent plus rapides, recevaient toujours, les premiers, le renfort de leur seconde, troisième et quatrième ligne ; en sorte qu’ils rétablissaient chaque fois la fortune du jour par l’arrivée de troupes fraîches.

    Leurs quatre corps de cavalerie combattaient déjà, tandis que deux seulement des brigades de Manfred avaient donné. L’on dit que ce prince, reconnaissant la troupe des Guelfes florentins qui combattait avec valeur, s’écria douloureusement : « Où sont mes Gibelins pour lesquels j’ai fait tant de sacrifices ? Quelle que soit la fortune de cette journée, ces Guelfes sont assurés désormais que le vainqueur sera leur ami ».

    Cependant, au milieu de la bataille, l’ordre fut donné aux Français de frapper aux chevaux, ce qui, entre chevaliers, était considéré comme une lâcheté. Les Allemands, qui avaient l’avantage, le perdirent tout à coup par cette manœuvre.

    Manfred, les voyant ébranlés, exhorta la ligne de réserve qu’il commandait à les soutenir avec vigueur. Mais ce fut le moment critique que prirent les barons de la Pouille et du royaume pour l’abandonner. Il vit fuir le grand-trésorier, le comte de la Cerra, le comte de Caserte, et la plus grande partie de ses quatorze cents chevaux qui n’avaient pas encore combattu, et qui, en chargeant vigoureusement des troupes fatiguées, lui auraient infailliblement assuré la victoire.

    Quoiqu’il n’eût plus autour de lui qu’un petit nombre de chevaliers, il résolut de mourir plutôt dans la bataille que de prolonger sa vie avec honte. Comme il mettait son casque en tête, un aigle d’argent, qui en faisait le cimier, tomba sur l’arçon de son cheval. « Hoc est signum Dei », dit-il à ses barons : « J’avais attaché mon cimier de mes propres mains, ce n’est pas le hasard qui le détache ».

    N’ayant plus ce signe royal qui l’aurait fait connaître, il se jeta cependant dans la mêlée, combattant en franc chevalier. Mais les siens étaient déjà en déroute ; il ne put arrêter leur fuite, et il fut tué au milieu de ses ennemis par un Français qui ne le connaissait pas.

    Durant la bataille, la perte avait été grande de part et d’autre. Mais, dans la déroute, elle fut immense pour les Gibelins. Les fuyards furent poursuivis dans la ville même de Bénévent, où les Français entrèrent comme la nuit commençait. C’est là que furent pris les principaux barons de Manfred, entre autres le comte Giordano Lancia, et Pierre des Uberti, que Charles envoya dans ses prisons de Provence, où il les fit mourir de mort cruelle.

    Peu de jours après, la femme de Manfred, sa sœur et ses enfants, furent aussi livrés à Charles, et ils moururent également dans ses prisons.

    Pendant trois jours, on ne sut point ce qu’était devenu Manfred. Enfin, un valet de son armée le reconnut sur le champ de bataille. On porta son cadavre en travers sur un âne, devant le nouveau roi Charles, qui fit appeler aussitôt tous les barons prisonniers, pour s’assurer si c’était bien lui. Tous répondirent avec effroi qu’oui.

    Mais quand on vint au comte Giordano Lancia, et qu’on lui eut découvert la face de Manfred, il frappa son visage de ses deux mains, en versant un torrent de larmes, et poussant ce cri douloureux : « Ô mon maître ! Mon maître ! Que sommes-nous devenus ! ».

    Les chevaliers français qui étaient présents, furent attendris par ce spectacle. Ils demandèrent à Charles de rendre du moins au feu roi les honneurs de la sépulture. « Si ferais-je volontiers, répondit-il, s’il ne fusse excommunié » et sous ce prétexte, lui refusant une terre sacrée, il fit creuser pour lui une fosse au pied du pont de Bénévent.

    Chaque soldat de l’armée cependant porta une pierre sur cet humble tombeau. Ainsi fut élevé un monument à la mémoire du grand homme, et à la sensibilité d’une armée victorieuse.

    Mais l’archevêque de Cosence, ce même Pignatelli qui avait été chargé de la négociation avec les rois de France et d’Angleterre, ne voulut pas que les os de Manfred reposassent sous cet amas de pierres. En vertu d’un ordre du pape, il les fit enlever de ce lieu, qui appartenait à l’Église, et jeter sur les confins du royaume et de la campagne de Rome, aux bords de la rivière Verde.

    Le jour même de la bataille, les Apuliens purent apprendre contre quel joug ils avaient échangé l’autorité de leur prince, et de quelle nature serait le gouvernement des Français.

    Le pillage du camp de Manfred, et les dépouilles de tant de riches barons trouvés sur le champ de bataille ou demeurés captifs, auraient pu satisfaire l’avidité des soldats ; mais cette avidité semblait au contraire s’accroître avec le butin.

    La ville de Bénévent n’avait point opposé de résistance au vainqueur. Elle fut cependant livrée au pillage, et, pendant huit jours entiers, ses habitants éprouvèrent tous les maux que peuvent infliger la débauche, l’avarice et la férocité des soldats.

    Cette soif de sang, qui semble si étrangère à la nature humaine, et que des nations entières ont cependant éprouvée quelquefois, fut la passion la plus amplement satisfaite. Les hommes ne furent pas seuls massacrés. Les femmes, les enfants, les vieillards étaient égorgés sans pitié dans les bras les uns des autres. Et Bénévent ne présenta plus, à la fin de cette horrible boucherie, que des maisons désertes, dont le seuil et les murs étaient de toutes parts souillés de sang.

     

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