Restez à jour: Articles | Commentaires

  • 16 février 2013 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     Le 16 février 1881 – Le guet-apens de Bir el Gharama dans EPHEMERIDE MILITAIRE carte-expedition-flatters-150x150colonel-flatters-150x150 dans EPHEMERIDE MILITAIRE

     

    Le guet-apens de Bir el Gharama ou le massacre de la mission Flatters

     

    La mission du colonel Flatters avait pour but de faire entrer dans la réalité des faits la conception du chemin de fer trans-saharien, idée vulgarisée par M. l’ingénieur Duponchel.

    Une première expédition partie de Biskra le 7 février 1880, dut rebrousser chemin le 21 avril, sur la route de Rat.

    Cet insuccès fut attribué notamment au peu d’action des chefs sur un personnel recruté en majorité chez les Chaneba. Aussi adjoignit-on à la seconde expédition un fort contingent militaire pris parmi les indigènes des 1er et 3e régiments de Tirailleurs.

    Aidée de ces auxiliaires rompus à la discipline, la mission commença sous d’heureux auspices. Quelle que soit la cause de la catastrophe finale, circonstances malheureuses ou fautes commises, les soldats ont fait jusqu’au bout leur devoir.

     

    Pour ceux qui veulent lire l’intégralité du récit de cette seconde expédition (Organisation, itinéraire, péripéties, déboires) du 1er novembre 1880 au 29 janvier 1881, cliquer ici. L’article ci-dessous ne relate les faits qu’à partir du 30 janvier 1881.

     

    D’après « Deux Missions françaises chez les Touareg en 1880-81 » – F. Bernard – 1896

     

    Le 30 janvier, la mission quittait Inziman Tikhsin et se portait au Sud-Ouest vers la Sebkhat d’Amadgnor. Elle était guidée par les deux Touareg Mohamed ould Moumen et Ahamed.

    Chikat était parti ce jour pour rejoindre sa tente sur l’Oued Gharis, le colonel lui avait remis de très beaux cadeaux pour lui et pour Ahitaghel.

    Les étapes des 30 et 31 se font dans la région montagneuse où l’on marche depuis qu’on a quitté l’Oued Igharghar ; les points où campe la mission ont de l’eau.

    Le 1er février, on entre dans la plaine d’Amadgnor, vaste désert pierreux et sablonneux qui sépare le Djebel Hoggar des montagnes des Azgars. Le sol est généralement du reg, il est peu mouvementé, quoique la mission rencontre quelques ravins descendant des montagnes qu’on laisse à l’ouest.

    La mission campe ce jour dans une dhayat isolée après une étape très longue. Elle doit atteindre demain la sebkhat d’Amadghor, célèbre saline qui a été pendant des siècles l’objet d’une exploitation très active. Cette saline a été abandonnée depuis que le commerce par caravanes a presque complètement cessé entre l’Algérie et le Soudan.

    Le 2 février, malgré une forte marche, on n’atteint pas cette sebkhat. Les guides touareg informent le colonel qu’ils ne se retrouvent pas très bien, n’étant pas venus de ce côté depuis longtemps. Ils partent en reconnaissance dans la soirée et rentrent au camp pendant la nuit, apportant du sel de la sebkhat qui serait à deux ou trois heures de marche du camp du 2 février.

    Le 3, le colonel, suivi de tous les membres de la mission, quitte la caravane qu’il laisse sous la direction du maréchal des logis Pobéguin, et, conduit par Mohamed ould Moumen, se dirige vers la sebkhat.

    Celle-ci est un gîte de sel gemme situé au fond d’une vaste cuvette de 2 à 3 kilomètres de diamètre. Des traces d’exploitation consistant en puisards larges et profonds, permettent de voir la roche saline qui est en bancs épais.

    Il existe à proximité un cimetière musulman très étendu. Le medjebed qui passe le long de la sebkhat, quoique très peu fréquenté depuis bien des années, ressemble à une véritable route. On campe dans la plaine sans eau, mais au milieu de bons pâturages pour les chameaux. La température est très élevée pendant le jour et la provision d’eau diminue sensiblement par l’évaporation.

    Les 4, 5 et 6, on marche à longues étapes dans la plaine qui devient peu à peu sablonneuse, on longe une chaîne de hauteurs rocheuses que l’itinéraire suivi laisse à l’Est.

    Les guides touareg avaient assuré le 4 que la mission atteindrait un point d’eau le 5, assurance qui ne se réalise pas. Quand on se met en route le 6,1a provision d’eau est complètement épuisée et cette étape se fait dans des conditions très pénibles. La caravane marche disséminée sur un très grand espace. Le colonel est parti en avant avec les guides portant des guerbas, de façon à envoyer de l’eau aux chameliers qui sont exténués, les chameaux sont d’ailleurs très fatigués et marchent avec peine. (On ne peut s’empêcher d’être étonné de la rapidité avec laquelle l’approvisionnement d’eau de la mission a disparu pendant cette marche dans la plaine d’Amadgnor. La mission aurait quittée son camp du 31 janvier avec 8 jours d’eau et son équipage était vide le 5. Les pertes par évaporation ou par suite d’accidents auraient donc été de 3 jours d’eau soit des 3/8. Ce fait prouverait que le colonel Flatters avait été bien mal inspiré en composant son équipage de guerbas et en renonçant à l’emploi des tonnelets qui avaient donné de bien meilleurs résultats au cours du premier voyage. D’Aïn el Taïba à El Byodh, la mission avait fait 5 jours de marche sans trouver d’eau, et, quand elle arriva à El Byodh, il lui restait encore de l’eau pour 2 jours environ).

    Le 6, on campe dans un oued à proximité de ghedirs qui ont de l’eau en assez grande quantité, les pâturages sont très beaux dans cet oued qui est bordé de grands arbres. Aussi le colonel décide-t-il que la mission y séjournera le temps nécessaire pour refaire les chameaux qui sont en très mauvais état.

    Le 8 février, arrive au camp le chaambi Sghir ben Cheikh, que le colonel avait envoyé d’Amguid à Tahohaït avec Entiti ould Abd el Hakem, pour demander des guides aux Azgars. Il est accompagné de deux Touareg Hoggars qu’il prétend avoir rencontrés à Tahohaït.

    Le retour de Sghir, qui a adopté le costume targui, semble très louche au colonel qui lui demande pourquoi il est venu rejoindre la caravane. Le Chaambi répond qu’il a tenu à venir retrouver le colonel pour lui rendre compte de la mission qu’il lui avait confiée à Amguid. Quoiqu’il en soit, Sghir et ses deux compagnons Khebbi et Baba se joignent à la caravane.

    On voit un certain nombre de chameaux au pâturage près du camp. Le chef de la mission cherche à en acheter aux bergers touareg qui les gardent, mais il est obligé de renoncer à ce projet en raison du prix exagéré qu’on lui en demande.

    Le 9 février, la mission reprend sa marche. L’itinéraire suit le pied des hauteurs contre lesquelles on a campé le 8. Le sol est pierreux, raviné en beaucoup de points et assez difficile ; on campe dans un oued bien boisé.

    Dans la journée, trois Touareg viennent au camp, l’un d’eux est frère de Khebbi, l’un des compagnons de Sghir. Le colonel reçoit ces individus et leur achète un méhari, très cher naturellement. Khebbi quitte le camp dans la soirée accompagné de son frère, il doit rejoindre la caravane le lendemain.

    Dans la nuit, deux méhara disparaissent. Les renseignements que l’on peut se procurer au sujet de cet incident, prouvent d’une façon à peu près certaine que ces animaux ont été volés par Khebbi et son frère.

    Le 10 février, on marche dans une région mouvementée et coupée d’oueds nombreux avec beaucoup de végétation. On campe dans une large vallée où se trouve un puits peu profond qui contient de l’eau excellente, ce point est appelé Témassint.

    Au moment où le camp s’installe, arrive un Targui monté sur un petit cheval. Cet individu appelé El Alem, est un des guides qu’Ahitaghel avait envoyé le 13 janvier au colonel, avec Cheikh ben Boudjemaâ et Chikat ben Hanfou. El Alem annonce au chef de la mission que le miaad des Hoggars se présentera sous peu. Cet individu après être resté une heure au camp, retourne à sa tente qui est proche. Il part accompagné de trois Chaamba qui doivent ramener des moutons que ce Targui a proposé de vendre à la mission ; tous quatre rentrent dans la nuit, amenant 8 moutons et 7 chèvres.

    La mission séjourne le 11 février à Témassint. Le colonel cherche à s’entendre avec El Alem au sujet du prix de ses services, ce Targui demande 2500 francs pour conduire la mission au Soudan, somme qu’il voudrait toucher avant de se mettre en route. Le colonel ne veut pas le payer d’avance. Il finit par le décider à accepter 1000 francs d’arrhes, le surplus lui sera donné à l’arrivée au Soudan.

    Le guide demande alors au chef de la mission de le laisser retourner à sa tente pour mettre cet argent en lieu sûr, le colonel l’y autorise et le fait accompagner par Sghir ben Cheikh.

    Dans l’après-midi, le miaad arrive au camp. Il comprend 30 cavaliers à méhari appartenant à diverses fractions des Hoggars. Les personnages les plus marquants de cette députation sont : Engadi, chef d’Idelès et cousin germain d’Ahitaghel à qui il est appelé à succéder comme amenokhal des Hoggars, et Tissi, fils de Chikat ben Hanfou, que le chef des Hoggars avait envoyé au-devant de la mission à Aguellach.

    Tissi adresse au colonel un discours conçu en termes très engageants ; il lui propose de le conduire à Idelès et lui promet d’ailleurs de le laisser visiter leur pays comme il le désirera.

    Le chef de la mission remercie Tissi de sa bonne volonté, mais il lui dit qu’il doit aller au Soudan et qu’il ne peut se détourner de la route qui conduit dans ce pays. Il manifeste son étonnement de ne pas voir Ahitaghel. Tissi répond que ce dernier est revenu très fatigué de son voyage à In Salah et que, sans cette circonstance, il serait certainement venu à la rencontre de la mission.

    Comme cela s’est passé au cours de la première mission, on donne au miaad la plus large hospitalité. Les Touareg visitent le camp en détail et font preuve d’une extrême curiosité.

    Ils sont particulièrement frappés à la vue des deux juments. Le colonel en fait seller une et le capitaine Masson donne aux Touaregs une petite séance d’équitation. Tissi demande au chef de la mission de lui faire cadeau d’une des juments, le colonel lui promet de la lui envoyer par El Alem dès qu’il sera arrivé au Soudan.

    Le 12, la mission séjourne encore à Témassint, le colonel distribue des cadeaux aux membres du miaad et, comme toujours, il se montre fort généreux sans pouvoir contenter ses visiteurs qui sont insatiables. Il se produit même une dispute assez vive entre Tissi et un autre chef hoggar nommé Mohamed, qui prétend avoir reçu de moins beaux présents que son collègue.

    Le chef de la mission perd alors patience et déclare vivement aux Touareg qu’il est las de leurs exigences auxquelles il n’accordera plus rien à l’avenir.

    Le miaad quitte le camp de la mission dans la soirée ainsi qu’Ahamed et les Touareg qui étaient venus précédemment. Il ne reste plus avec la mission, que Khebbi et Mohamed ould Moumen qui continueront à lui servir de guides.

    Après le départ de ces gens, on constate la disparition de deux méhara. Un chamelier envoyé à leur recherche les trouve attachés à une certaine distance du camp. Pendant qu’il les ramène, il est attaqué par un Targui qui cherche à lui reprendre ces animaux ; le chamelier est obligé de tirer un coup de revolver sur cet individu pour s’en débarrasser. On a vu un groupe de 15 cavaliers à méhari à une certaine distance du camp, cette troupe paraissait se dissimuler avec beaucoup de soin.

    Le colonel, à qui on a signalé tous ces faits, ne semble pas y attacher grande importance, de façon à ne pas frapper le moral de son personnel indigène qui n’est pas très bon depuis quelque temps.

    Le 13 février, la mission reprend sa marche au sud. Le pays devient de plus en plus accidenté, c’est un réseau très compliqué de ravins circulant entre des hauteurs rocheuses élevées, très rapprochées les unes des autres, et où la marche est des plus difficiles. On campe dans un oued couvert d’une magnifique végétation.

    El Alem et Sghir rejoignent la mission à son bivouac, ils sont accompagnés de deux Touareg qui apportent au colonel une lettre émanent de la djemaâ des Hoggars. Tissi ould Chikat qui est un des signataires de cette lettre, demande d’une façon particulière au chef de la mission de lui envoyer par l’un des Touareg la jument qu’il lui a promise. L’autre Targui, qui se nomme Ahitaghel, comme le chef des Hoggars, doit servir de guide dans les mêmes conditions qu’El Alem.

    Dans la soirée, Sghir ben Cheikh réunit les Chaamba qui marchent avec la mission et leur conseille de quitter celle-ci pour rentrer dans leur pays. Comme il ne parvient pas à les convaincre, il va trouver le colonel et lui demande l’autorisation de retourner chez lui, sous prétexte qu’en raison de faits de guerre passés, il risquerait sa vie en allant au Soudan.

    Le colonel refuse cette autorisation, il ajoute qu’aussitôt la mission arrivée à Hassiou, les Chaamba seront libres de retourner en Algérie. Hassiou est un groupe de puits qui marque la limite méridionale du pays des Hoggars.

    A la suite de cet incident, Cheikh ben Boudjemaâ serait allé trouver le colonel, et l’aurait engagé à se méfier de Sghir dont les allures lui paraissent tout à fait louches depuis qu’il a rejoint la mission.

    Le colonel est très frappé de toutes ces complications qui l’inquiètent vivement, il donne les ordres les plus sévères pour que le service de garde soit fait pendant la nuit avec la plus grande vigilance.

    Le 14 février, avant le départ, le chef de la mission a un long entretien avec Sghir ben Cheikh. Il renvoie le Targui qui a apporté la lettre des Hoggars, cet homme emporte une lettre par laquelle le colonel informe Tissi qu’il lui enverra la jument qu’il lui a promise, dès son arrivée à Hassiou.

    On marche ce jour dans une région pareille à celle d’hier, toujours très mouvementée et coupée de nombreux oueds sablonneux et bien boisés. On campe dans un de ceux-ci qui est compris entre des montagnes escarpées et très élevées.

    Les plus grandes précautions sont prises pour assurer la sécurité du camp, le colonel paraît craindre d’être attaqué pendant la nuit.

    Le 15 février, le pays où l’on marche est moins accidenté et moins difficile, la mission campe dans une dhayat sablonneuse où les tamarix et les gommiers forment un véritable bois. Au cours de l’étape, deux Touareg montés à méhari viennent trouver le colonel et lui proposent de lui vendre des moutons. Ces deux individus passent la nuit au camp avec les guides touareg et Sghir ben Cheikh, qui vit avec eux depuis le 13 février.

    Le 16 février, les Touareg arrivés en dernier lieu quittent la mission, dès le matin, en disant qu’ils amèneront des moutons à la prochaine étape. L’itinéraire suivi appuie au Sud-Est et s’éloigne des montagnes, pour s’engager dans une grande plaine de reg légèrement sablonneuse.

    Vers 10 heures du matin, les guides touareg informent le colonel qu’ils se sont trompés, et que le puits où la mission devait camper ce jour, est à une certaine distance vers le Nord-Ouest dans la montagne. Ils ajoutent qu’il est inutile de retourner en arrière, d’autant plus que le terrain est plus commode pour bivouaquer là où se trouve la caravane.

    Le chef de la mission, dont la méfiance est en éveil depuis quelques jours, paraît peu disposé à agir d’après les conseils de ses guides. Cependant, de peur d’effrayer le personnel indigène de la caravane, il se décide à faire établir le camp.

    Dès que les chameaux sont déchargés, le colonel, accompagné du capitaine Masson, tous deux à cheval, et de MM. Béringer, Roche et Guiard à méhari, se dirige vers le puits sous la conduite des trois guides touareg et de Sghir qui ne les quitte pas. Une partie des chameaux conduits par un certain nombre de sokhars suit le colonel. Il ne reste au camp que le lieutenant de Dianous, M. Santin et les deux maréchaux des logis. Dennery doit amener au puits le reste des chameaux aussitôt que le camp sera complètement installé.

    Le chemin qui conduit au puits devient peu à peu très difficile, si bien que l’on n’y peut marcher qu’un par un. Le colonel, impatienté et un peu inquiet, demande à plusieurs reprises à ses guides si on va bientôt atteindre le puits. On lui répond qu’on en est tout près.

    Le Chaambi Cheikh ben Boudjemaâ, qui a rejoint le chef de la mission près duquel il marche, l’avertit du danger qu’il court en s’éloignant ainsi de son camp. Le colonel accepte très mal ses observations, bien qu’il les réitère en insistant beaucoup.

    Enfin, on arrive au puits qui est à trois heures de marche au moins du point où on a bivouaqué. Ce puits, appelé Bir el Gharama, est au milieu d’une large vallée très encaissée et bordée d’escarpements rocheux fort élevés, il est entouré de grands tamarix qui forment une sorte de bois.

    Le colonel et les membres de la mission mettent pied à terre près du puits, qui doit être curé car il est encombré d’une foule de détritus. Les quelques sokhars qui sont déjà arrivés se mettent de suite à cette besogne, abandonnant les chameaux qui attendent autour du puits.

    Les guides touareg El Alem et Ahitaghel tiennent les juments et se placent à l’écart à une centaine de mètres, le colonel et Masson dirigent le curage, les autres membres de la mission s’écartent dans diverses directions.

    A ce moment, de grands cris se font entendre vers le nord et une troupe de Touareg à méhari s’avance au galop vers le puits. Le Targui Ahitaghel, qui est à côté de Béringer, lui porte un coup de sabre en plein corps et s’enfuit sur son méhari vers les Touareg. Khebbi et El Alem ont enfourché les deux juments et vont du même côté, Sghir ben Cheikh les suit. En un instant, après une courte résistance, le colonel, le capitaine Masson, Roche et le docteur Guiard sont massacrés ainsi que quelque sokhars, le Ghaambi Cheikh ben Boudjemaâ tire un coup de fusil et s’enfuit.

    L’attaque a été si brusque, que les quelques sokhars présents au puits n’ont même pas songé à se défendre, ces hommes se sont enfuis dans la direction du camp. Ils ne tardent pas d’ailleurs à être rejoints par les Touareg et à être tués pour la plupart.

    A ce moment, arrive le maréchal des logis Dennery avec une partie de la caravane et 4 ou 5 sokhars. Attaqué par les Touareg au moment où il débouchait dans la vallée, ce petit groupe fut massacré après une courte résistance.

    Les autres fractions de la caravane, qui ont entendu les coups de fusils, s’avancent prudemment et ne tardent pas à se rendre compte de la situation. Les chameliers se réunissent alors au nombre de 22 et essayent de battre en retraite avec les chameaux sur le camp.

    Les Touareg, voyant ce mouvement, se partagent en deux groupes qui passent à droite et à gauche des chameliers, de façon à leur couper la route du camp. Un combat assez vif s’engage et les Touareg perdent plusieurs des leurs et beaucoup de méhara.

    Ils mettent alors pied à terre et, profitant des accidents du terrain, ils cherchent à s’approcher des chameliers, afin de pouvoir faire usage de leurs armes. Tant que ceux-ci eurent des munitions, les Touareg ne purent pas gagner beaucoup de terrain, mais les cartouches vinrent bientôt à manquer, car les hommes en portaient généralement très peu sur eux. De plus, les chameaux effrayés et ayant d’ailleurs senti l’eau, s’étaient échappés vers l’oued.

    En peu de temps, 10 hommes tombent sous les balles des Touareg. Les 12 chameliers restant, qui étaient alors entourés de plusieurs centaines d’ennemis, font un feu de salve sur ceux-ci, et profitent du désordre qui en résulte pour s’enfuir vers le camp où ils ne purent rentrer qu’à la nuit.

    Pendant que ces faits se passaient autour de Bir el Gharama, divers incidents se produisaient au camp de la mission, incidents qu’il est utile de signaler, car ils permettent de faire le jour sur ces tristes événements. Comme on l’a vu plus haut, les guides touareg, Sghir ben Cheikh et Cheikh ben Boudjemaâ, avaient suivi le colonel au puits. Les autres guides chaamba, Mohamed ben Belghit, Ali ben Mahtallah et El Ala ben Cheikh, quittèrent le camp peu de temps après les chameaux conduits par Dennerey, et prirent une direction un peu différente de celle que celui-ci avait suivie.

    Ces hommes avaient d’ailleurs emporté tout ce qui leur appartenait, on s’aperçut même plus tard, fait qui sur le moment n’avait pas attiré l’attention, qu’Ali ben Mahtallah avait pris dans les effets du mokaddem tedjini, un paquet appartenant à Cheikh ben Boudjemaâ. Il est permis de conclure de tous ces faits que, sauf peut-être ce dernier, les guides chaamba étaient au courant des projets des Touareg Hoggars.

    Quoiqu’il en soit, dans le courant de l’après-midi, un tirailleur arriva au camp hors d’haleine et rendit compte au lieutenant de Dianous, des événements qui venaient de se passer à Bir el Gharama. On ne voulut d’abord pas le croire, mais d’autres hommes arrivant successivement, confirmèrent la triste nouvelle, qui produisit une terrible impression sur cette poignée d’hommes perdue au fond du désert.

    Le lieutenant de Dianous, craignant d’être attaqué par les Touareg, fit abattre les tentes et entourer le camp d’une sorte de retranchement formé des bagages de la mission, puis, comme aucun ennemi ne se montrait, il résolut de se porter en reconnaissance du côté du puits.

    Il prit 20 hommes avec lui et arriva en vue de Bir el Gharama, un peu avant le coucher du soleil. Les Touareg s’étaient massés sur un mamelon à une certaine distance du puits, les chameaux de la mission étaient restés dans la vallée. Dès qu’il se fut rendu compte de la force de l’ennemie, M. de Dianous n’osa l’attaquer, d’autant plus que la nuit approchait et qu’il lui fallait se presser pour rentrer au camp avant qu’elle ne fut complète.

    Dès qu’il eut regagné son camp, le lieutenant réunit une sorte de conseil de guerre comprenant M. Santin, le maréchal des logis Pobéguin, Brame, Marjolet et le mokaddem tedjini, et l’on discuta les mesures à prendre dans les malheureuses circonstances où se trouvait la mission.

    L’avis général fut au premier abord d’attaquer les Touareg dès le lendemain, afin de reprendre tout ou partie des chameaux. Le premier moment de stupeur passé, les sokhars paraissaient décidés au combat qui avait les plus grandes chances de succès, d’autant plus que l’on avait encore environ un jour et demi d’eau.

    Malheureusement, le mokaddem tedjini fût d’un avis opposé, et son opinion eut assez de force pour amener le lieutenant de Dianous à décider que la mission battrait en retraite sur Ouargla dans les conditions où on se trouvait.

    Cette décision prise, on la mit à exécution sans plus attendre. Le lieutenant fit le compte de son personnel qui comprenait 56 personnes, dont 4 français. La mission avait donc perdu à Bir el Gharama 33 des siens, y compris le colonel Flatters, MM. Masson, Béringer, Roche, Guiard. Les guides chaamba étaient tous passés à l’ennemi.

    Les vivres, l’eau et l’argent furent répartis entre les hommes qui se chargèrent le plus possible, et l’on se mit en marche à 11 heures du soir.

    Le lieutenant de Dianous fait appuyer au Nord-Est pour prendre un itinéraire un peu différent de celui que la mission a suivi le 16 février, de façon à s’éloigner de la vallée où se trouve le Bir el Gharama. Au cours de la marche, on s’aperçoit de la disparition de quatre chameliers qui avaient été placés en sentinelle autour du camp à la nuit tombante, ces hommes sont des Chaamba.

    Le 17, la marche continue sans arrêt jusqu’au milieu du jour. On fait des haltes fréquentes pour éviter que la colonne s’allonge, les hommes sont très chargés et marchent lentement.

    Au point où l’on s’arrête au moment de la plus grande chaleur, se trouve un puits dans un oued boisé. Ce puits, que les guides touareg avaient évité à dessin, contient de l’eau en abondance.

    Après une halte de quelques heures, la marche est reprise jusqu’au soir. On bivouaque à la tombée de la nuit sur un mamelon isolé. Le nommé Cheikh ben Ahmed, chamelier qui avait assisté au combat de Bir el Gharama, rejoint la colonne dans la nuit.

    On se met en marche au milieu de la nuit. Dans la soirée du 18, on traverse un oued qui a de l’eau courante. A ce moment, on aperçoit des hommes à pied qui prennent la fuite en abandonnant des provisions qui sont reconnues comme provenant de la mission. On campe à peu de distance de la rivière.

    La colonne reprend sa marche le 19, dès le lever du soleil, les quatre Chaamba qui l’ont quittée le 16 rejoignent à ce moment. On reconnaît les traces de nombreux cavaliers à méhari se dirigeant vers le sud, tout porte à croire que ce sont celles des Touareg qui ont attaqué la mission à Bir el Gharama. On bivouaque à la nuit tombante jusque vers minuit, puis la colonne se remet en marche.

    Deux chameliers échappés aux Touareg rejoignent au moment du départ. Ils sont passés au camp du 16 peu de temps après le départ de la colonne, ils y ont vu un tirailleur grièvement blessé qu’ils ont dû abandonner. On fait une longue halte dans le milieu du jour, puis la marche reprend jusqu’après le coucher du soleil. On campe toute la nuit du 20 au 21 près d’un puits, tout le monde est dans un état de fatigue extrême.

    Les traces des Touareg sont toujours parfaitement visibles ; elles viennent du Nord-Nord-Ouest, ce qui fait espérer qu’en les suivant, on retrouvera bientôt celles de la mission qui sont certainement à peu de distance vers l’ouest.

    Le 21, dès le matin, on se remet en marche et l’on rencontre les traces de la mission, parfaitement reconnaissables grâce aux deux chevaux que montaient le colonel et le capitaine Masson et dont les traces sont faciles à distinguer.

    Dans le milieu du jour, on arrive à Témassint où on fait une longue halte. Trois hommes ont disparu au cours de cette étape qui a été très pénible, car les vivres commencent à s’épuiser. Cependant la marche est reprise dans l’après-midi et se continue jusqu’à la nuit tombante.

    Le 22 février, la colonne fait une longue étape et s’arrête à proximité du point où la mission a campé le 6 février. Il n’y a presque plus de vivres et le découragement commence à s’emparer des indigènes.

    M. de Dianous, qui se rappelle que l’on a vu à l’aller des chameaux autour du point où l’on campe, envoie quelques hommes pour se mettre à la recherche dans les environs. Un Chaambi découvre des traces de chameaux et ramène quatre de ces animaux dans la nuit du 22 au 23.

    En présence de cette heureuse trouvaille, le lieutenant décide qu’on se mettra en route de suite. La colonne va commencer la traversée de la plaine d’Amadghor qui a occasionnée tant de fatigues à l’aller, on a de l’eau en assez grande quantité mais les vivres manquent complètement.

    Les 23, 24 et 25 février, on marche dans cet affreux désert, en faisant des étapes aussi longues que possible tant on a hâte d’en sortir. Les hommes se nourrissent d’herbes, le lieutenant distribue lui-même l’eau. Le 25, deux hommes meurent de fatigue et de soif.

    Le 26,1a colonne fait une halte dans la journée à l’ombre de quelques tamarix, la chaleur est très forte.

    A ce moment, six Touareg à méhari s’approchent de la colonne et réclament les chameaux trouvés le 22. M. de Dianous leur envoie 2000 francsen argent comme prix de ces animaux. Deux Chaamba portent cette somme aux Touareg qui affirment que les Hoggars ne sont pour rien dans l’affaire de Bir el Gharama. Ce sont les Aoulimmiden, ajoutent-ils, qui ont massacré le colonel et ses compagnons. Quant à eux, ils s’offrent à conduire le lieutenant et sa colonne à Ahitaghel qui leur donnera tout ce qui leur est nécessaire pour rentrer à Ouargla. Quand la colonne se remet en marche, les six Touareg disparaissent dans l’ouest.

    On marche toute la nuit du 26 au 27 et toute la journée du 27, de façon à arriver le plus tôt possible au prochain point d’eau dont on approche, la provision d’eau est complètement épuisée ; un homme a disparu dans la nuit du 26 au 27.

    Malgré les ordres du lieutenant pour maintenir la colonne massée, plusieurs indigènes prennent les devants dès que l’on approche du point d’eau, d’autres complètement épuisés restent en arrière. Un nommé Rabah ben Hamedi tombe de fatigue. A ce moment, les Touareg qui se sont montrés le 26, apparaissent de nouveau et s’emparent de Rabah. Deux autres tirailleurs, restés en arrière, sont dépouillés de la plupart de leurs effets et de leurs armes par ces mêmes Touareg, qui devancent la colonne au point d’eau, y boivent, puis disparaissent.

    On campe à côté d’un ghedir où il y a de l’eau en abondance ; un chameau est égorgé. Le lieutenant fait sécher une partie de la chair de cet animal, de façon à constituer un approvisionnement pour les jours suivants.

    On séjourne le 28 février en ce point. Un des tirailleurs restés en arrière le 27, rejoint le camp. Il est presque complètement nu et a reçu plusieurs coups de sabre, cet homme a vu le cadavre de Rabah ben Hamedi qui a été tué par les Touareg.

    M. de Dianous aurait voulu se porter au Nord-Est pour gagner le pays des Azgars, où il espérait trouver un appui chez les Ifoghas, mais ses hommes ne paraissent pas disposés à aller dans cette direction qu’ils ne connaissent pas, aussi renonce-t-il à ce projet.

    Le 1er mars, on se remet en marche dès le lever du soleil ; M. Santin, qui est très affaibli, doit monter sur un des chameaux, le tirailleur blessé est placé sur un deuxième. Les hommes sont encore très fatigués, malgré le séjour du 28, aussi ne fait-on qu’une courte étape.

    Le 2 mars, la colonne atteint Inziman Tikhsin où l’on campe. Dans l’après-midi, on tue un onagre qui fournit la colonne de viande pour ce jour. On a reconnu aux environs, les traces d’un bivouac où une grosse troupe de cavaliers à méhari a passé la nuit précédente.

    On séjourne à Inziman Tikhsin le 3, pendant toute la matinée. On arrive à tuer encore un onagre ; grâce à cette abondance de vivres les hommes se trouvent dans une meilleure situation. A trois heures de l’après-midi, on reprend la marche jusqu’à la nuit tombante.

    Le 4 mars, la colonne marche toute la journée, sauf un arrêt assez long dans le milieu du jour. La chaleur est extrême et on ne fait pas une étape bien longue.

    Le 5 mars, on marche dans les mêmes conditions. Pendant la grande halte, qui se fait assez près du prochain point d’eau, M. de Dianous envoie quatre hommes chercher de l’eau. Un instant après, ces hommes reviennent en courant, poursuivis par douze cavaliers touareg à méhari. Ces derniers n’osent approcher du camp et s’établissent sur une hauteur hors de portée.

    Le lieutenant envoie deux Chaamba et le mokaddem tedjini demander aux Touareg ce qu’ils désirent. Ces individus disent au mokaddem qu’ils savent que les Français font des cadeaux à tous ceux qui viennent les voir, et qu’ils sont venus pour recevoir les présents qu’on leur destine. Ils ajoutent, d’ailleurs, qu’ils ont des chameaux à vendre.

    Le mokaddem rejoint la colonne et rend compte de sa mission au lieutenant. Un des Chaamba est envoyé auprès des Touareg, pour leur dire que l’on s’entendra avec eux, dès que la colonne aura atteint le point d’eau.

    Dans la soirée, le mokaddem retourne auprès des Touareg. On lui présente deux vieilles chamelles qui lui sont cédées à un prix exorbitant. Le mokaddem, à qui le lieutenant n’a pas remis d’argent de peur qu’il ne lui arrivât malheur, doit donner un de ses compagnons en otage pour qu’on le laisse emmener les deux chameaux. Pendant la nuit, plusieurs tirailleurs sont allés en secret au camp des Touareg et leur ont acheté du pain de dattes.

    Le 6 mars, la colonne se met en marche dès le lever du soleil, les Touareg la suivent en se tenant à grande distance. Un de ces hommes s’avance à portée de fusil et tire un coup de feu sur la colonne sans atteindre personne, puis il s’enfuit rapidement. Le maréchal des logis Pobéguin lui envoie une balle qui ne l’atteint pas.

    Après cet incident, les Touareg se dissimulent dans la montagne à l’est et se montrent de temps en temps sans se rapprocher. Au moment où on campe, en un point où la mission avait bivouaqué à l’aller, ils disparaissent dans l’Est et on ne les revoie plus de la journée.

    Dans la soirée, cinq Touareg à pied viennent au camp. Ce sont des amghad campés dans les environs qui demandent à voir le mokaddem, à qui ils donnent des dattes et une outre pleine de lait de chamelle. Ces hommes passent la nuit au camp, ils ont promis au lieutenant de lui amener des moutons le lendemain. Ils quittent le camp en même temps que la colonne.

    Le 7, on est en route dès le matin. Dans le milieu du jour, on fait une halte à côté d’un ghedir plein d’eau. Un chameau est égorgé, puis la marche reprend dans l’après-midi.

    A ce moment, apparaissent des Touareg qui font des signes avec un drapeau blanc. Le mokaddem et deux Chaamba se rendent auprès de ces gens, qui leur recommandent de dire au lieutenant d’empêcher ses hommes de prendre les chameaux ou les ânes qu’ils pourraient trouver sur leur route. Ces Touareg vendent au mokaddem du pain de dattes et du biscuit de troupe, qui provient forcément du pillage des approvisionnements de la mission.

    Ce jour, on marche jusqu’au milieu de la nuit, de façon à s’éloigner le plus possible des Touareg qui paraissent chercher une occasion d’attaquer la colonne.

    Le 8 mars, la marche reprend de bonne heure. Sept cavaliers à méhari se montrent dans le milieu du jour et font de grands signes. Le lieutenant fait faire halte et envoie trois hommes voir ce qu’ils veulent ; un des Chaamba, qui est allé la veille avec le mokaddem, se refuse à retourner auprès des Touareg. Ceux-ci déclarent qu’ils sont étrangers au guet-apens de Bir el Gharama, et assurent qu’ils sont prêts à céder des chameaux et des vivres à la colonne, pourvu qu’on leur donne un certain nombre d’hommes pour aller les prendre à leurs campements qui sont proches. Ils demandent aussi que le lieutenant vienne en personne s’entendre avec eux.

    M. de Dianous, craignant un nouveau guet-apens, refuse d’aller trouver les Touareg, parmi lesquels un Chaambi a reconnu Tissi Ould Chikat. Il leur envoie le mokaddem pour leur dire qu’il ne veut pas quitter sa colonne. Tissi était avec le miaad des Touareg Hoggars qui était venu au camp de la mission le 11 février.

    Après quelques pourparlers, Tissi et un autre chef nommé Khatkhat se portent à quelque distance pour se rencontrer avec le lieutenant, qui s’est avancé de son côté accompagné de cinq hommes armés de revolvers.

    Tissi renouvelle ses propositions de fournir des chameaux et des vivres, et demande que M. de Dianous lui confie vingt hommes pour les ramener. Le lieutenant finit par décider cinq hommes à aller avec les Touareg qui les emmènent en croupe de leurs méhara. Tissi envoie une certaine quantité de pain de dattes au lieutenant qui fait reprendre la marche.

    A ce moment, arrivent soixante cavaliers à méhari qui se joignent à la petite troupe de Tissi, et tous ces hommes se mettent à suivre la colonne en se tenant hors de portée.

    Dans la soirée, la colonne et les Touareg campent en des points très rapprochés, le lieutenant a entouré son bivouac d’un cordon de sentinelles. La nuit se passe sans incidents, mais beaucoup de cavaliers ont rejoint Tissi qui, le 9 mars au matin, a au moins cent hommes sous ses ordres.

    La colonne se met en marche dès le lever du soleil, elle est à peu de distance de Tinesel Maken, source au pied du Tassili à 10 kilomètres au sud d’Amguid. Les Touareg suivent la colonne et la devancent à la source qu’ils occupent.

    M. de Dianous leur fait dire de s’éloigner de la source, ce qu’ils ne se décident à faire qu’après une deuxième injonction. On fait provision d’eau, puis la colonne campe à peu de distance sur un mamelon isolé. A ce moment, Tissi envoie un Targui pour inviter le lieutenant à venir camper avec lui, invitation que M. de Dianous se garde bien d’accepter.

    Dans l’après-midi, on reprend la marche pour bivouaquer à quelques kilomètres au nord, en un point plus facile à garder. Les Touareg suivent le mouvement et s’installent à proximité, puis ils semblent se consulter longuement et font des signes à la colonne. Le lieutenant envoie un Chaambi, que Tissi charge de dire à M. de Dianous qu’on lui envoie des hommes pour prendre des dattes. Quatre Chaamba sont envoyés et Tissi leur fait donner quelques kilogrammes de dattes, en leur disant que c’est un présent qu’il fait au lieutenant et aux autres Français.

    M. de Dianous distribue ces dattes aussitôt qu’elles lui sont apportées et tous en mangent, sauf les Chaamba qui ont été mis en méfiance par l’insistance de Tissi à faire porter ces dattes aux Français.

    Ces fruits avaient été, en effet, mêlés à du bois de betthina pulvérisé ; cette plante, de la famille des solanées, est un poison assez violent.

    Tous ceux qui ont mangé de ces dattes sont en quelque sorte frappés de folie, ils courent çà et là en poussant des cris atroces, puis finissent par tomber dans une torpeur complète. Les hommes qui étaient placés en sentinelle, n’avaient heureusement pas pris de cette nourriture. Ils unirent leurs efforts à ceux des Chaamba pour soigner leurs malheureux compagnons de voyage et purent, par leur attitude, empêcher les Touareg d’attaquer le camp, ce qu’ils eussent certainement fait sans cela.

    Dans la nuit du 9 au 10, quatre hommes rendus fous par le poison, s’échappent malgré les efforts de ceux qui veulent les retenir. Le 10 au matin, tout le monde va mieux, mais les Français sont encore fort malades.

    Le lieutenant envoie le Chaambi Kaddour ben Guenda à Tissi pour prendre livraison des moutons qui sont arrivés la veille, cet homme est porteur d’une certaine somme. Tissi le renvoie et le charge de dire au lieutenant qu’il est nécessaire qu’il lui envoie plusieurs de ses hommes. M. de Dianous décide les Chaamba Mohamed ben Aïssa, Sassi ben Chaïb et le tirailleur Ali ben Bou Ghiba à aller trouver les Touareg pour tâcher de conclure le marché.

    Tissi renvoie ce dernier au camp et fait dire au lieutenant qu’il ne peut traiter qu’avec ses hommes de confiance qu’il désigne par leurs noms. Le mokaddem accompagné d’Ali ben Bou Ghiba et d’Abd el Kader ben Mohamed se décide à aller trouver Tissi pour conclure le marché. Le chef targui furieux donne l’ordre à ceux-ci de retourner au camp pour en ramener les hommes qu’il a désignés.

    A peine Ali et Abd el Kader ont-ils quitté les Touareg que plusieurs de ces derniers se mettent à leur poursuite et les atteignent traîtreusement. Les deux malheureux tirailleurs sont massacrés à coups de sabre et de lance.

    Pendant ce temps, Tissi a emmené à l’écart le mokaddem et les trois Chaamba qui sont avec lui, sous prétexte de traiter de la vente des moutons. A peine sont-ils hors de la vue du camp que Tissi donne des ordres en tamachek aux Touareg qui l’entourent.

    Un Targui se précipite sur le mokaddem et le tue d’un coup de sabre, Sassi ben Chaïb est tué de la même façon. Quant aux deux autres Chaamba, ils se sont précipités sur Tissi et se sont cramponnés à ses vêtements en implorant sa protection. Le chef targui ordonne en conséquence qu’on les épargne, se conformant ainsi à un usage passé en devoir chez les nobles touareg et qui veut que ceux-ci couvrent de leur protection l’ennemi qui a pu s’emparer d’un pan de leur vêtement.

    La vue de ces horribles péripéties a exaspéré le lieutenant et ses hommes qui sont décidés à attaquer les Touareg pour venger leurs camarades. Malheureusement, les Français sont encore malades et ne peuvent donner les ordres nécessaires pour exécuter cette opération dans de bonnes conditions.

    Les hommes les plus valides se massent et se mettent en marche sur Amguid où il est décidé qu’on livrera combat aux Touareg. Le lieutenant, incapable de marcher, est sur un des chameaux. M. Santin, le maréchal des logis Pobéguin, Brame et Marjolet suivent péniblement le mouvement, plusieurs hommes incapables de suivre restent en arrière.

    On fait des haltes fréquentes pour attendre ceux qui sont encore malades, cependant quatre hommes disparaissent. M. Santin, épuisé de fatigue, disparaît également sans qu’on s’en aperçoive.

    Les Touareg suivent la colonne en deux groupes, qui marchent l’un en avant de celle-ci, l’autre en arrière. Les deux groupes se réunissent avant d’arriver à Amguid, mettent pied à terre et occupent l’entrée du ravin où coule la source, ils ont mis leurs méhara à l’abri dans le ravin. Il est un peu plus de midi quand la colonne arrive à portée des Touareg.

    Les deux tirailleurs El Madani ben Mohamed et Mohamed ben Abd el Kader, du 1er régiment, ont pris le commandement de la colonne et la conduisent à l’attaque, après avoir laissé les Français à la garde des hommes qui sont encore malades. C’est à ce moment qu’on s’aperçoit de la disparition de M. Santin.

    Arrivée à portée des Touareg, la petite colonne fait un feu de salve sur l’ennemi, qui sort des rochers où il s’était abrité et se précipite avec de grands cris au devant des assaillants.

    Reçus par des feux rapides, les Touareg perdent beaucoup des leurs. Ils s’abritent, puis reviennent à la charge par trois fois avec un acharnement extrême, mais sans succès. Ils entretiennent un feu violent sur la colonne sans lui faire grand mal, quelques Touareg ont bien des mousquetons modèle 74, qu’ils ont pris à Bir el Gharama, mais ils ne savent pas s’en servir, car leur tir est très peu efficace.

    Aussi se décident-ils à se retrancher derrière les rochers et à attendre dans leurs abris l’attaque de la colonne, qui s’avance pied à pied en leur tuant ou blessant beaucoup de monde.

    En entendant la fusillade, les hommes restés en arrière reprennent des forces et se portent sur le lieu du combat. Brame et Marjolet s’avancent à découvert, malgré les tirailleurs qui leur disent de s’abriter, le premier est tué par un Targui dissimulé derrière un rocher et qui le perce de sa lance, Marjolet tombe frappé d’une balle.

    M. de Dianous, bien qu’il puisse à peine marcher, s’est également porté au combat, lui aussi s’avance sans précaution et reçoit une blessure à l’aine. A ce moment, on reconnaît l’impossibilité de déloger l’ennemi des rochers où il s’abrite, bien que celui-ci n’ait presque plus de munitions et se batte à coups de pierre.

    La colonne bat en retraite sans que l’ennemi ose la poursuivre. Malheureusement le lieutenant, excité par le combat, s’expose follement et ne tarde pas à tomber mortellement frappé d’une balle en pleine poitrine ; à ce moment, le soleil est près de se coucher.

    Le combat d’Amguid avait duré presque toute l’après-midi du 10 mars. La colonne avait perdu son chef, Brame, Marjolet et un tirailleur, le nommé Mohamed ben Ahmed. Elle avait en plus six hommes blessés, sans gravité d’ailleurs. Le maréchal des logis Pobéguin restait donc seul pour la conduire.

    On se compta après le combat, le nombre des survivants de la malheureuse mission n’était plus que de 34. Depuis le commencement de la retraite (16 février), on avait donc perdu 22 hommes.

    D’après les renseignements qu’on a pu se procurer ultérieurement par Kaddour ben Guenda, qui était prisonnier au moment du combat et qui voyagea ensuite avec les Touareg, ceux-ci auraient eu environ 30 morts au combat d’Amguid. Tissi était blessé assez grièvement d’une balle à hauteur de la ceinture, deux autres Touareg étaient également blessés gravement.

    D’après Kaddour ben Guenda, les Touareg étaient terrifiés du résultat de ce combat, ils passèrent toute la nuit du 10 mars à délibérer et s’attendaient à chaque instant à être attaqués.

    Après le combat d’Amguid, la colonne se reposa quelques heures, puis elle reprit sa marche au nord pour gagner le plus vite possible le prochain point d’eau, car on n’osa pas s’approvisionner à la source d’Amguid qu’on croyait encore occupée par les Touareg. On espérait d’ailleurs trouver de l’eau dans l’Oued Igharghar où existent des ghedirs que l’on avait vus pleins le 17 janvier.

    Le maréchal des logis Pobéguin, toujours incacapable de marcher, monte sur un des quatre chameaux que possède la colonne, les trois autres animaux portent deux tirailleurs blessés et les bagages. On marche toute la nuit pour atteindre les ghedirs qui sont à sec.

    Le 11 mars, après une courte halte, la marche est reprise et l’on arrive à la Sobba vers le milieu du jour, on occupe l’entrée du cirque ou se trouvent les réservoirs. Un chameau est égorgé et on bivouaque en ce point. Dans la soirée, les Touareg se montrent à proximité, mais ils n’osent attaquer la colonne et ne tardent pas à disparaître dans le sud.

    Le maréchal des logis voyant l’état de fatigue de son monde, demande à son homme de confiance, le nommé Mohamed ben Abd el Kader, qui a fait preuve d’une si grande énergie à Amguid, s’il peut se rendre à Ouargla pour demander du secours. Cet homme se déclare prêt à remplir cette mission, mais il demande qu’on lui donne trois hommes qu’il désigne, pour l’accompagner. Pobéguin craint que le départ de ses meilleurs auxiliaires ne démoralise sa troupe et refuse.

    Cependant, Mohamed ben Abd el Kader quitte le camp pendant la nuit, en compagnie des trois hommes qu’il a désignés. En apprenant ce départ le lendemain, le maréchal des logis est très vivement affecté.

    On se met en route le 11, dans l’après-midi, la colonne est dans une situation réellement épouvantable. Pobéguin est toujours incapable de marcher et son état ne lui permet pas d’imposer sa volonté. Aussi la désunion ne tarde-t-elle pas à se manifester d’une façon navrante, les indigènes se groupent par tribus et usent le peu de forces qui leur restent à se chamailler au moindre prétexte. On campe à la tête de la gorge par laquelle l’oued Iraouen sort du Djebel Iraouen.

    Le 13 mars, la colonne suit le défilé et campe dans l’oued à peu de distance de l’entrée de la gorge. La fatigue est extrême, on n’a pu faire une longue marche, car il faut s’arrêter constamment pour attendre les hommes les plus affaiblis.

    Le 14, on atteint un puits, le Tilmas Iraouen, que la mission n’avait pas vu à l’aller. On y fait une longue halte dans le milieu du jour, un chameau est égorgé. La colonne s’est partagée en deux groupes qui bivouaquent séparément. Pobéguin essaie de faire reconnaître son autorité et de rétablir l’entente, mais sans succès. L’un des groupes, composé presque uniquement de tirailleurs, s’empare du chameau qui porte Pobéguin, le deuxième groupe prend le deuxième chameau et dès lors la scission est presque complète.

    La marche est reprise dans le milieu de la journée et on bivouaque à peu de distance du Tilmas Iraouen.

    Le 15, la colonne fait une petite marche dans la matinée et fait halte. Pobéguin renvoie quelques hommes des plus vigoureux à Tilmas Iraouen pour y chercher de l’eau, car on sait que le prochain puits est encore fort éloigné, puis on reprend la marche dans la soirée.

    Les 16 et 17, la colonne fait deux étapes assez longues, malgré l’extrême fatigue et les difficultés que présente le passage des pentes sud du Tinghert.

    On bivouaque le 17 mars à Tilmas el Mra, puits où la mission avait campé le 12 janvier, la colonne fait séjour en ce point le 18. On trouve le cadavre desséché d’un chameau qui est dépecé, cuit et mangé.

    La marche est reprise dans l’après-midi et est continuée jusqu’après le coucher du soleil, un homme a disparu.

    Le 19, la colonne se met en route dès le lever du soleil. Chacun marche comme il peut, cherchant à arriver le plus tôt possible à Hassi el Hadjadj dont on est proche, des hommes restent en arrière mais on ne les attend pas. Vers la tombée de la nuit, on bivouaque à quelques kilomètres d’Hassi el Hadjadj, qu’il ne faut pas songer à atteindre tant la fatigue générale est grande.

    On égorge un des deux chameaux que possède la mission, le partage de cet animal donne lieu à des disputes qui sont bien près de dégénérer en rixes à main armée. Pobéguin finit par rétablir la paix non sans peine.

    Le 20 mars, on fait séjour, les hommes qui sont restés en arrière ont rejoint le camp dans la nuit. Pobéguin envoie trois hommes avec le chameau, chercher de l’eau à Hassi el Hadjadj. Le maréchal des logis, étant toujours incapable de marcher, décide qu’il se rendra à Hassi el Hadjadj sur le chameau qu’il renverra ensuite au camp par les hommes qui l’accompagneront.

    On chargera alors l’animal des quelques bagages que l’on a encore et toute la colonne rejoindra le maréchal des logis au puits.

    Dès son arrivée à Hassi el Hadjadj, Pobéguin se met à l’abri du soleil à peu de distance du puits et charge le tirailleur Mokhtar ben Ghezel d’emmener le chameau au camp. Un certain temps se passe et le maréchal des logis voit arriver la colonne, les hommes se plaignent à leur chef qu’on ne leur a pas ramené le chameau comme cela était convenu.

    Pobéguin, très étonné, leur assure qu’il leur a renvoyé l’animal. On suit les traces de ce dernier et on ne tarde pas à constater que deux tirailleurs l’ont emmené vers le nord ; ce sont les nommés Mokhtar ben Ghezel et Abd el Kader ben Ghorieb qui ont commis ce crime. Le maréchal des logis envoie les deux hommes les plus vigoureux à la poursuite des misérables en leur ordonnant de les tuer s’ils parviennent à les rejoindre. On campe à côté du puits. Les hommes envoyés à la recherche des deux déserteurs reviennent à la nuit tombante sans avoir pu les rejoindre.

    En voyant disparaître ainsi leur dernière ressource, les malheureux restes de la deuxième mission Flatters sont pris d’un immense désespoir. On n’a plus le moindre aliment et le point le plus rapproché où l’on a chance d’en trouver, est Hassi el Mesegguem où sont les campements de Mohamed ben el Hadj Radja, l’ancien guide de la mission. Il y a trois jours de marche de Hassi el Hadjadj à Hassi el Mesegguem et cette dernière chance est assez faible, le guide ayant pu changer de campement.

    Un tirailleur encore valide s’offre à partir pour Mesegguem, Pobéguin l’autorise à se porter en avant. A peine est-il parti, que plusieurs hommes quittent le camp comme s’ils allaient à la chasse. Ils reviennent bientôt et apportent de la viande au maréchal des logis qui s’aperçoit que cette viande est de la chair humaine. Les malheureux avaient tué et dépecé leur camarade qui était parti pour tâcher de leur ramener du secours.

    Pendant trois jours, on séjourne à Hassi el Hadjadj attendant un secours qui ne vient pas. Tout le monde est dans un état de faiblesse inouïe. On se nourrit d’herbes, d’insectes, de lézards sans pouvoir trouver de forces suffisantes pour marcher. Cependant, quelques hommes font un effort et cherchent à convaincre leurs camarades qu’il est possible de gagner Mesegguem où on trouvera du secours.

    Le maréchal des logis et 14 hommes quittent Hassi el Hadjadj, le 25 au matin, et arrivent péniblement à faire trois kilomètres. Neuf hommes, qui ne pouvaient se traîner, ont été abandonnés près du puits.

    Pendant la nuit du 25 au 26, on entend des coups de fusil dans la direction d’Hassi el Hadjadj. Deux hommes sont envoyés par Pobéguin pour savoir ce qui s’est passé. Parmi les neuf hommes laissés à Hassi el Hadjadj, deux étaient morts de faim. Une discussion se serait élevée entre les sept survivants, et s’était terminée par des coups de fusil. Deux avaient été tués et dévorés par les cinq survivants.

    A ces nouvelles, quatre hommes quittent la colonne et vont à Hassi el Hadjadj. Ils tuent un des cinq hommes restés au puits et ne rejoignent la colonne que le lendemain, apportant de l’eau et de la chair des hommes qui ont été tués.

    Le 27, la colonne reste en place, six hommes sont allés à Hassi el Hadjadj pour y prendre de l’eau. En arrivant au puits, ils tuent deux de ceux qui y sont encore, les deux autres s’enfuient épouvantés et se cachent aux environs.

    Dans la soirée, les six hommes rejoignent la colonne, rapportant de la chair que tous dévorent poussés par la faim. Les malheureux n’ont, pour ainsi dire, pas mangé depuis sept jours, pour la plupart du moins.

    Les 28, 29 et 30 mars se passent en allées et venues entre le camp de la colonne et le Hassi el Hadjadj. Dans la journée du 30, un affreux ouragan de sable vient encore s’ajouter aux souffrances, qui dépassent tout ce que l’on peut imaginer.

    Les mêmes scènes de cannibalisme se produisent, quatre hommes à moitié morts de faim et de soif sont tués et dévorés. Le maréchal des logis est dans un tel état de prostration qu’il reste deux jours sans pouvoir bouger. Le 29, ses hommes l’abandonnent pour aller chercher de l’eau au puits.

    Quand ils reviennent, le 30, à l’endroit où ils avaient laissé Pobéguin, celui-ci ne s’y trouve plus. Trois hommes partent, le 30 au soir, à sa recherche en suivant ses traces qui les mènent à Hassi el Hadjadj où ils passent la nuit. Le maréchal des logis est tombé sans forces près du puits.

    Le lendemain 31, le tirailleur Belkassem ben Zebla, voyant le malheureux sous-officier dans cette triste situation, propose à ses deux compagnons de l’achever. Ceux-ci s’y opposent mais ne peuvent empêcher Belkassem de commettre ce crime. L’un de ces deux hommes, Mohamed ben Mohamed, qui veut se jeter sur Belkassem, reçoit même de ce dernier une balle de revolver dans le bras.

    Après la mort de Pobéguin, tous trois s’éloignent de Hassi El Hadjadj et rejoignent le camp, puis la colonne reprend sa marche vers le nord ; elle ne compte plus que 10 hommes.

    On bivouaque toute la nuit du 31 mars ; le lendemain la marche est reprise dès le lever du soleil. La colonne fait halte dans le milieu du jour, puis, craignant de manquer d’eau, elle repart dans l’après-midi et marche toute la nuit sans repos.

    Le 2 au matin, on rencontre un berger gardant des chameaux au pâturage, cet homme est au service de Mohamed ben El Hadj Radja qui est campé à proximité. Les survivants au nombre de huit, deux ayant disparu pendant la marche de nuit, sont conduits à la tente de Mohamed qui leur donne l’hospitalité.

    Le 3 avril, ce dernier, accompagné des hommes qu’il a recueillis, se rend à Hassi El Hadjadj où il arrive le 5. Il y trouve deux hommes encore vivants et qu’il ramène à son campement, l’un était le dernier des neuf hommes qui avaient été abandonnés le 25 auprès du puits, l’autre était un de ceux qui avaient disparu dans la nuit du 1er au 2 avril.

    En rentrant à son camp le 5 avril, Mohamed y trouve 14 cavaliers du makhzen d’Ouargla que le khalifat Mohamed ben Belkassem avait envoyés au secours des survivants de la mission.

    Les quatre hommes parties de la Sobba, le 11 mars étaient en effet arrivés le 28, à Ouargla, et avaient informé le khalifat de la situation de leurs camarades. Mohamed ben Belkassem avait envoyé de suite la plus grande partie de son makhzen vers le sud et se portait de sa personne à sa suite, dès qu’il eut réuni la plus grande partie des contingents de ses tribus.

    Les 14 cavaliers à méhari, qui se trouvaient le 8 avril à Hassi El Mesegguem, composaient son avant-garde, qui avait parcouru en 7 jours l’énorme distance de 624 kilomètres. Lui-même était à ce moment à Hassi Inifel avec 300 cavaliers à méhari.

    L’arrivée de ces forces contribua à sauver les survivants de la malheureuse expédition, car un fort contingent des Ouled Ba Hamou d’In-Salah était venu à proximité de Hassi El Mesegguem, et la protection de Mohamed ben El Hadj Radja eût été insuffisante pour protéger les restes de la mission contre ces bandits. Il est bon d’ajouter que les 14 cavaliers du makhzen ne purent protéger efficacement les survivants de la mission qu’en prévenant les Ouled Ba Hamou que le khalifat s’avançait avec sa colonne. A cette nouvelle, ceux-ci se dépêchèrent de décamper et de rentrer à In Salah.

    Les cavaliers du makhzen quittèrent Hassi el Mesegguem le 10 avril avec les 12 survivants de la deuxième mission Flatters et rejoignirent Mohamed ben Belkassem à Inifel, puis, toute la colonne rentra à Ouargla où on retrouva Mohamed ben Abd el Kader et ses trois compagnons.

    Quant à Mokhtar ben Ghezel et Abd el Kader ben Ghorib, qui avaient déserté le 21 mars à Hassi el Hadjadj, ils étaient arrivés le 30 mars à Ouargla.

    En résumé, des 56 personnes parties de Bir el Gharama, 18 avaient rejoint Ouargla, deux étaient restés prisonniers des Touareg et devaient rentrer plus tard. Enfin 5 hommes, qui avaient été faits prisonniers à Bir el Gharama, devaient revoir leur pays à la suite de souffrances terribles et d’une longue captivité ; un tirailleur de race noire est resté esclave au Hoggar.

    Aucun Français n’avait survécu à la malheureuse expédition. Sur les 78 indigènes partis d’Ouargla, 54 avaient péri, tous les guides chaamba étaient passés à l’ennemi.

    Cheikh ben Boudjemaâ et El Ala ben Cheikh prétendirent plus tard qu’ils auraient été faits prisonniers par les Touareg à Bir el Gharama. Obligés de suivre Sghir ben Cheikh chez les Ifoghas, ils ne revinrent en Algérie que longtemps après le retour à Ouargla des survivants de la mission.

     

     

  • One Response à “Le 16 février 1881 – Le guet-apens de Bir el Gharama”

    • FRAND Odile on 14 février 2016

      Dans le cadre de mes recherches généalogiques – ma mère s’appelait SANTIN et son grand-père était ingénieur des chemins de fers, décédé en février 1881 – je voudrais savoir si un document mentionne le prénom de l’ingénieur SANTIN qui faisait partie de l’expédition FLATTERS.
      Le prénom de mon arrière grand-père était Jules SANTIN.
      Pouvez-vous me donner une ou des pistes de recherche ??
      Merci d’avance
      O. FRAND

    Laisser un commentaire


18 jule Blog Kasel-Golzig b... |
18 jule Blog Leoben in Karn... |
18 jule Blog Schweich by acao |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | 21 jule Blog Hartberg Umgeb...
| 21 jule Blog Desaulniers by...
| 21 jule Blog Bad Laer by caso