Le combat de Salas
D’après « La gendarmerie française en Espagne et en Portugal (campagnes de 1807 à 1814) » – Emmanuel Martin – 1898
Le 22 janvier 1812, le chef d’escadron d’Halmont qui commandait le 12e escadron et la place de Barbastro fut prévenu qu’un convoi de 120 boeufs, destiné au ravitaillement de l’armée, devait arriver par la route de Naval.
Il fit aussitôt partir, pour servir d’escorte, le sous-lieutenant Pelletier avec 57 gendarmes dont 13 à cheval.
Ce détachement prit à Naval le convoi qui marcha en bon ordre et sans être inquiété jusqu’à Salas, situé sur le versant sud de la Sierra de Salinas.
Les gendarmes à cheval d’avant-garde aperçurent alors une guérilla à cheval qui paraissait prendre ses dispositions pour l’attaque.
En effet, un quart d’heure après, 200 cavaliers commandés par Malcarado chargèrent à fond. Les gendarmes à pied commencèrent sur eux un feu nourri et bien dirigé, puis les reçurent à la pointe des baïonnettes, pendant que les 13 gendarmes chevau-légers, lance croisée, chargeaient à leur tour l’ennemi.
Tandis que nos gendarmes étaient aux prises avec cette guérilla de cavaliers dont ils auraient fini par avoir raison, une autre bande composée de 300 hommes à pied aux ordres de Zarasa et du frère du chef Cantarero, descendant rapidement des montagnes sur notre flanc droit et nos derrières, vint renforcer la cavalerie ennemie et rendre la partie absolument inégale. En effet, les Espagnols étaient 9 contre 1.
Le sous-lieutenant Pelletier voyant son détachement complètement entouré et ses hommes tomber sous les balles ennemies ne désespéra cependant pas de la situation et sut communiquer aux siens son courage et sa ténacité. Tout ce qu’il est possible d’attendre d’une bravoure cent fois éprouvée fut tenté par cette poignée de Français pour briser le cercle de fer et de feu qui les enserrait. Ce fut en vain!… Les Espagnols étaient trop nombreux…
« Il fallait ou se rendre, ou mourir !… Ce fut ce dernier parti que prirent ces intrépides ! » (Rapport du ministère de la guerre).
Ils n’eurent dès lors qu’un but, celui de faire le plus de mal possible à l’ennemi avant de succomber. Les munitions épuisées, ils se ruèrent à la baïonnette sur les Espagnols, et le combat ne prit fin que lorsqu’il n’y eut plus un gendarme debout.
Des 57 gendarmes qui composaient ce détachement, 42 avaient été tués, 14 étaient grièvement blessés, et le sous-lieutenant Pelletier avait reçu une balle dans le cou et un terrible coup de sabre sur la tête. Un seul gendarme parvint à faire sa trouée et à s’échapper. Les 14 chevaux du détachement furent tués ou pris.
Les guérilleros, qui s’emparèrent du convoi, payèrent cher cet avantage : leurs nombreux morts et blessés étaient entassés autour du terrain défendu jusqu’à la mort par les gendarmes.
Cependant, instruits que le chef d’escadron d’Halmont n’avait que peu de monde pour la défense de Barbastro, les Espagnols se portèrent aussitôt sur cette place, avec l’espoir de s’en emparer. Ils arrivèrent si rapidement, qu’ils enlevèrent à l’abreuvoir les chevaux du commandant et fusillèrent son domestique.
Mais les dispositions de défense avaient été si bien prises, chaque gendarme connaissant d’avance son poste de combat, que les guérilleros n’osèrent tenter un coup de vigueur et se répandirent dans les maisons hors de portée du fort, pour prendre des otages et lever des contributions.
Une sortie vigoureuse, faite par une partie de la garnison qui n’était plus composée que de 104 gendarmes à pied et 23 à cheval, fit perdre à l’ennemi l’envie de rester plus longtemps dans Barbastro.
A. SYLVAIN on 10 avril 2025
Une cérémonie commémorative a lieu le 4 mai 2025 au village de Salas-Altras.
Cette cérémonie est organisée par le général commandant la région militaire espagnole et l’UNRG 65.
Elle a pour but d’honorer les valeureux combattants des deux camps qui sont tombés pour une cause qu’ils croyaient bonne.
Rappelons que l’Aragon et le pays de Bigorre ont toujours entretenus des rapports très étroits et cela même dans les temps où nos deux pays étaient en état de guerre. Le passage des citoyens et des marchandises étaient choses courantes, mes estives des troupeaux étaient d’ailleurs partagées sans aucune friction depuis le moyen-âge.