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  • 15 janvier 2013 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

    Le 15 janvier 1894 – Le massacre de Dongoï dans EPHEMERIDE MILITAIRE colonel-eugene-bonnier-150x150

     

    Le massacre de Dongoï

    D’après « Les Hauts faits de l’armée coloniale – F. Bertout de Solières – 1912

     

    Vers la fin de 1893, le gouvernement jugeant que la conquête du Soudan était complètement finie, plaça, à la tête des nouveaux territoires, un gouverneur civil, M. Grodet, et un commandant supérieur, le lieutenant-colonel Bonnier, de l’artillerie de marine.

    Le bassin du Moyen-Niger avait bien été purgé des nombreuses bandes d’Ahmadou, mais personne n’avait encore pu pénétrer dans la ville sainte, Tombouctou la mystérieuse, dans la crainte de surexciter à nouveau le fanatisme des ennemis.

    Pourtant, en 1889, le lieutenant de vaisseau Caron, commandant la canonnière le Niger, avait débarqué à Kabara, avant-poste de Tombouctou, à 10 kilomètres de la ville.

     

    Le 28 décembre l893, l’enseigne de vaisseau Aube, qui s’était aventuré aux environs de Kabara, fut surpris par une bande de Touaregs et massacré avec les quelques hommes qui l’accompagnaient. Le commandant de la flottille, le lieutenant de vaisseau Boiteux, jugea nécessaire d’occuper Tombouctou et marcha sur elle avec une petite troupe de matelots. Il y entra sans coup férir le 1er janvier et s’installa dans deux maisons crénelées au nord et sud de la ville.

    Prévenu aussitôt, le lieutenant-colonel Bonnier accourut avec des renforts : 3 compagnies de tirailleurs soudanais, commandés par les capitaines Tassard, Pansier et Philippe, 4 pièces de 80 mm et 2 de 4.

    Cette colonne arrivait le 4 janvier au matin, par voie fluviale, et, le même jour, à 4 heures, entrait à Tombouctou. Le lieutenant de vaisseau Boiteux repartit aussitôt rejoindre sa flottille. Les troupes se reposèrent toute la journée.

    Des renseignements ayant signalé au colonel la présence de campements touaregs dans les environs de la ville, il organisa une reconnaissance chargée d’en débarrasser la contrée et de venger la mort de l’enseigne de vaisseau Aube.

     

    Le 12 janvier, à 6 heures 45 du matin, la colonne se mit en marche sous le commandement du lieutenant-colonel Bonnier, accompagné des officiers suivants :

    M. Regad, capitaine d’infanterie, hors cadre, chef d’état-major
    M. Livrelli, capitaine d’artillerie de marine, hors cadre, sous-chef d’état-major
    M. Garnier, lieutenant d’infanterie de marine, hors cadre
    M. Sensarric, capitaine d’infanterie de marine, hors cadre
    M. Nigotte, capitaine de la 2e légion étrangère
    M. Grall, médecin de 1e classe de marine
    M. Lenoir, vétérinaire en second, hors cadre
    M. A’Klouch, interprète arabe, titulaire de 3e classe ;
    5 compagnies de tirailleurs soudanais, capitaine, M. Tassard ; lieutenant, M. Bouverot ;
    6 sous-officiers européens ; 142 indigènes ;
    11e compagnie, 1er peloton ; sous-lieutenant, M. Sarda ; 3 sous-officiers européens et 62 indigènes, et M. Hugueny, chef de bataillon des tirailleurs soudanais.

    Le capitaine Philippe fut laissé à Tombouctou avec le reste de la colonne.

     

    Le 13, les troupes rencontrèrent les premiers campements touaregs et s’emparèrent de 3000 moutons et chèvres. Ce troupeau ralentit leur marche.

    Le lendemain, à Massakori, elles échangent quelques coups de fusil avec des cavaliers armés et prennent encore 600 moutons. Les prisonniers annoncent alors que les Touaregs sont tous rassemblés au campement de Djidjin près d’un village appelé Dongoï, à deux heures de marche.

    Il est à ce moment, 3 heures. Le colonel Bonnier prend la résolution de marcher sur le campement et de laisser à Massakori les hommes fatigués, les bagages, le troupeau sous la garde du sous-lieutenant Sarda et de deux sections de tirailleurs.

    A 3 heures 15, la reconnaissance repart, laissant toutes les montures au bivouac. A 4 heures 45, elle débouche dans une plaine. A gauche, un marigot ; à droite, une ligne de dunes. Deux porteurs de vivres, laissés à 800 mètres en arrière, sont massacrés par trois cavaliers qu’on aperçoit. En même temps, des cris se font entendre sur la gauche. La colonne se trouve alors subitement à l’entrée d’un campement qui vient d’être évacué depuis peu. Quelques femmes sont prises. Des sections sont détachées à droite et à gauche. Le centre, avec l’état-major, continue sa marche pendant une centaine de mètres.

    A 6 heures, le lieutenant-colonel Bonnier s’arrête dans une clairière de 200 mètres de long sur 100 de large. On allume des feux. On sonne l’assemblée.

    Au fur et à mesure que les sections reviennent, on prend les dispositions pour la nuit, mais le froid est vif et les couvertures sont restées au campement. Néanmoins les hommes s’installent de leur mieux.

    Au petit jour, à 4 heures 15, quatre coups de feu éclatent du côté de l’ouest, où est installée la compagnie Tassard.

    Tout le monde se lève, malheureusement, il est trop tard ! A droite, les Touaregs qui ont renversé les faisceaux, lâchent les moutons et les bœufs. A gauche, rampant à travers le troupeau, ils se précipitent sur la clairière du centre.

    Le capitaine Nigotte raconte ainsi la scène :

    « A la lueur des feux, nous apercevons devant nous, et venant de la clairière du lieutenant Bouverot, une masse d’hommes à cheval et de fantassins qui se ruent sur nous en ordre et en silence. Ils sont à peine à quelques mètres. A ce moment, des javelots arrivent sur nous.
    Les tirailleurs du capitaine Tassard, affolés, sans armes, affluent dans la clairière, les bœufs sont poussés sur nous à coups de lance. Toute résistance est impossible.
    Nous n’avons même pas le temps de nous retourner pour essayer de nous rendre compte de ce qui se passe de ce côté. Je tire un coup de révolver, mais je reçois un coup de sabre qui me laisse étendu sur le sol ».

    Lorsqu’il revint à lui, plus rien n’existait ; il était 4 heures 30 !

    Quelques tirailleurs, échappés, le rejoignent et essaient de gagner le campement Bouverot. Après mille péripéties, ils échappent par miracle aux Touaregs pillant les morts et achevant les blessés.

    Nigotte rallie alors le sergent-major Beretti de la 5e compagnie et 8 tirailleurs, dont 5 blessés et sans armes ; ils restent accroupis dans les herbes pour ne pas éveiller l’attention.

    Pourtant, vers 5 heures, ils quittent la place et reprennent le chemin de la ville, en se dissimulant le mieux qu’ils le peuvent. Les cris d’appel des Touaregs se font entendre partout. Heureusement, les mimosas et les gommiers, assez épais, empêchent de les voir.

    La petite troupe arrive à 9 heures au bivouac de la veille, après avoir rallié le sergent Lalire, de la 11e compagnie, et quelques tirailleurs blessés. Le capitaine Nigotte prend le commandement de tous les survivants auxquels se joint la section du lieutenant Sarda et la retraite se fait en ordre sur Tombouctou, où il arrive le 17 à 10 heures du matin.

    Nous avions dans cette malheureuse affaire 11 officiers tués, 2 sous-officiers européens et 67 indigènes tués, 3 guides, 1 interprète et 10 auxiliaires tués. 130 cavaliers et 250 hommes à pied seulement avaient réussi à faire ce massacre.

    La fatalité avait pesé lourdement sur la petite colonne.

    Le commandant Joffre, qui dirigeait une colonne sur la rive gauche du Niger et qui venait de s’emparer de Goudam (1er février) fut prévenu immédiatement par le capitaine Philippe resté à Tombouctou.

    Le capitaine Philippe fut nommé officier de la Légion d’honneur pour sa belle défense de la ville. Ajoutons que le nom de Bonnier fut donné à un fort de la ville de Tombouctou.

     

    D’après « « La colonne Bonnier : massacre de Dongoï (Tacoubao) » – 1896

     

    Un mois après le désastre, la colonne Joffre, en marche sur Tombouctou et guidée par les survivants, et dont plusieurs l’avaient rejoint, retrouvait sur place les squelettes décharnés et dispersés des malheureuses victimes du 15 janvier, et après un triage très difficile des ossements épars sur le sable, reconstituait les restes des Européens qui furent rassemblés et brûlés sur place.

    L’identité d’un seul put être établie, celle du capitaine Regad, trouvé à l’écart dans un marais, la tête séparée du tronc et non entamée par les carnassiers.

    Les ossements des indigènes furent également rassemblés et enterrés sur le lieu du massacre, mais sans incinération préalable. Quant aux cendres des Européens, elles furent recueillies, ramenées et déposées provisoirement à Tombouctou.

     

  • 3 commentaires à “Le 15 janvier 1894 – Le massacre de Dongoï”

    • Armand Gasser on 11 mai 2016

      Mon grand-oncle, le frère de mon grand père, nommé Joseph GASSER, faisait partie de la colonne BONIER et le 21 janvier 1894 il écrit une lettre à ses parents pour leur raconter ce massacre.

    • Armand Gasser on 11 mai 2016

      je possède cette lettre dont la version est très différente de la version officielle…!
      D’après lui le colonel Bonier avait totalement négligé l’installation des sentinelles et avait envoyé baladé les officiers qui lui en faisaient la remarque.

      • LE FUR François on 11 janvier 2024

        Faisant partie du Souvenir Français, nous travaillons actuellement sur la stèle du docteur GRALL, médecin des colonies, tué le 15 janvier 1894 à Dongoï . Elle se trouve à Pontrieux dans les Côtes d’Armor Il faisait partie de la colonne BONNIER.
        Serait-il possible d’avoir connaissance de cette lettre afin de mieux cerner la réalité de cette attaque des Touaregs . Merci pour votre collaboration . F. LE FUR

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