La prise de Fribourg-en-Brisgau
D’après « Histoire du règne de Louis XIV » – Henri P. de Limier – 1717
Le duc de Lorraine, qui marchait avec beaucoup de diligence pour délivrer le prince de Saxe de l’extrémité où il trouvait, s’avança vers Strasbourg, passa le Rhin sur le pont de cette ville pour suivre l’armée française. Il la trouva campée près du château de Kokersberg, et ayant envoyé le général major Schultz avec un gros détachement de cavalerie pour la reconnaître, le comte de Haran poussa jusqu’à la Grand’Garde des Français avec quelques escadrons.
Peu s’en fallut qu’il ne la renversât et qu’il n’engageât une affaire générale, car le maréchal de Créqui avait envoyé 36 escadrons des gardes-du-corps, des gendarmes, des chevau-légers de la garde et des meilleures troupes de son armée contre les Impériaux. Ceux-ci, après avoir d’abord fait plier la droite des Français, furent poussés avec tant de vigueur, qu’après avoir plié à leur tour, couraient le risque d’être taillés en pièces, si le duc de Lorraine, étant venu en personne à leur secours, n’eût obligé les Français à reprendre la route de leur camp.
Ce combat fut suivi quelque temps après, de la prise de Fribourg. Le général français fit semblant de se retirer et d’aller mettre ses troupes dans les quartiers d’hiver.
Le duc de Lorraine, dont l’armée était extrêmement fatiguée, et qui ne savait plus de quoi la faire subsister, se retira aussi de son côté. Mais le maréchal de Créqui, étant retourné peu après en diligence sur ses pas, fit passer le Rhin à son armée à Brisach, et ayant détaché le Sr de Monclar avec de la cavalerie, celui-ci investit Fribourg le 9 novembre.
Toute l’armée arriva le lendemain aux environs de la place. Le comte d’Aubijoux se posta avec cinq bataillons dans le faubourg de Wuchre que les Impériaux n’avaient eu leloisir de brûler qu’à demi, et qui était du côté par où le maréchal Créqui avait résolu d’attaquer la place.
Le 11, les assiégeants se rendirent maîtres de deux redoutes à la hauteur du château, et y dressèrent une batterie, qui, incommodant extrêmement les assiégés, donna moyen aux Français de pousser leurs attaques sur le bord du fossé, nonobstant la rigueur du froid.
Le 13, le maréchal fit donner l’assaut au faubourg de Neubourg, qui fut emporté malgré la résistance du marquis de Bade et des comtes de Porcia et de Caunitz, commandants des troupes qui le défendaient.
Le 14, le major général Schultz, gouverneur de la place, fit battre la chamade et se rendit, quoique sa garnison fût encore de huit cents hommes de pied et de quatre cents chevaux.
On ne douta point qu’il n’eût été gagné par les Français. En effet, les officiers se plaignirent qu’il n’avait jamais fait assembler le conseil de guerre, qu’on s’était défendu sans ordre, et que le peu de résistance que les Français avaient trouvé, était ce qu’ils leur avaient fait tout entreprendre.
L’empereur fit arrêter Schultz peu de temps après. Mais comme on ne put le convaincre de rien, et que le chancelier Oker était de ses parents, il n’eut pas de peine à se justifier.
Les Français, enflés par une conquête si importante, crurent n’en devoir pas demeurer là. Ils marchèrent du côté de Walkirch qu’ils rasèrent, avec quelques autres châteaux dans le voisinage, et repassèrent ensuite le Rhin.