D’après les « Annales de la Société d’Emulation du Département des Vosges » – 1865
Dans les premiers jours du mois de janvier 1814, la ville d’Épinal était traversée par une portion des troupes étrangères qui, victorieuses, venaient de passer le Rhin. C’étaient des Cosaques, des Wurtembergeois, des Autrichiens, des Bavarois se dirigeant en toute hâte vers les plaines de Champagne où les armées françaises les attendaient.
Les Bavarois laissent à Epinal une garnison peu considérable à la vérité, mais suffisante cependant pour contenir la ville, dans le cas peu probable où elle aurait quelque velléité de se soulever. Ils installent un parc d’artillerie dans la promenade du Cours, qui se couvre en un instant de canons, de caissons, de fourgons, en même temps qu’une ambulance, dans des bâtiments dont l’emplacement est aujourd’hui occupé par l’école communale des filles, rue de l’ancien hospice.
Cette ambulance est ornée au-dessus de sa principale porte d’entrée d’une inscription allemande qui, traduite en français, signifie « hôpital militaire du roi de Bavière ». Malgré cette fastueuse dénomination, elle ne tarde pas à devenir un foyer pestilentiel et un grave sujet d’inquiétude pour la population spinalienne.
Le typhus, cette fièvre terrible des camps et des armées, exerce ses ravages sur les soldats malades qui y sont entassés et en enlève chaque jour un certain nombre. Plusieurs habitants en sont atteints et y succombent. La ville demande la suppression ou tout au moins l’éloignement de cet hôpital improvisé. Mais, toute fondée qu’elle est, cette demande est repoussée et l’ambulance est maintenue jusqu’au départ de « nos amis, les ennemis ». C’est ainsi que, par dérision, on était convenu d’appeler les alliés.
La garnison bavaroise ne se montre ni insolente ni brutale envers les habitants d’Epinal, et ne cherche pas à se venger sur eux de la déroule sanglante et complète que les Français ont infligée en 1813 à l’armée du roi de Bavière, sur le champ de bataille de Hanau. Loin de là, elle s’applique généralement à écarter tout prétexte de collision.
Ce qui sans doute la détermine à tenir cette conduite réservée et prudente, c’est que la campagne de France est commencée, que l’Empereur a déjà remporté des victoires, qui à elles seules suffiraient pour immortaliser son nom, et que les alliés ont intérêt à ménager les populations pour ne pas être malmenés par elles, dans le cas où de trop nombreux revers les forceraient à battre en retraite et à se replier sur le Rhin.
Les « hautes puissances alliées », pour me servir du langage officiel du temps, semblent s’être partagé d’avance les provinces françaises qu’elles se proposent de conquérir. Le département des Vosges et quelques autres départements voisins sont échus au roi Maximilien de Bavière.
L’occupation de la place d’Épinal par les troupes de ce prince le faisait déjà présumer. Mais il n’est plus permis d’en douter en voyant les Vosges placées sous le commandement supérieur du comte de Wrede, général en chef de l’armée bavaroise.
Le premier soin du comte de Wrede est de pourvoir à l’administration du département. De son quartier général de Saint-Dié, il publie, le 16 janvier 1814, l’ordre du jour suivant :
« M. le Préfet et MM. les Sous-préfets du département des Vosges s’étant éloignés de leur poste à l’approche des armées alliées, et les hautes puissances alliées ne voulant pas laisser interrompre la marche des affaires d’administration, de police et des départements respectifs du service,
1° – Il est ordonné à M. le comte d’Armansperg, chambellan de M. le roi de Bavière, de se rendre à Épinal, chef-lieu du département des Vosges, pour y remplir les fonctions de Préfet provisoire, conformément à l’instruction particulière qui vient de lui être adressée ;
2° – Il est ordonné à toutes les Commissions sous-préfectorales « ad interim » qui ont été provisoirement organisées dans les lieux de sous-préfecture, ainsi qu’à tous les maires du département, de reconnaître ledit M. le comte d’Armansperg et d’exécuter les ordres qu’il leur adressera ou leur fera adresser ».
On adjoint toutefois au Préfet bavarois, pour plaire à l’Autriche ou plutôt pour plaire au maréchal prince de Schwartzenberg, généralissime de toutes les armées des puissances alliées, M. Joseph de Polzer, avec le titre de chef commissaire autrichien.
Ces deux personnages viennent aussitôt prendre possession de l’hôtel de préfecture, où se tient et se tenait déjà le collège d’Épinal, et se mettent en devoir d’administrer le pays collectivement et sous la dénomination de « Commission préfectorale ». Ils ne changent rien à la composition des bureaux de la préfecture et choisissent pour leur secrétaire général provisoire M. Didier, chef du premier bureau. Les autres rouages administratifs sont également maintenus.
L’histoire de l’administration bavaroise dans les Vosges se trouve presque entièrement dans son « Bulletin administratif », qui recueillait ses actes et qui paraissait à des jours indéterminés, et seulement quand il y avait assez de matières pour le remplir. Ce bulletin était gratuitement adressé à tous les maires et autres fonctionnaires publics.
La commission préfectorale déploie tout d’abord une grande activité sous l’autorité et la direction du général bavarois. Tous ses actes portent en tête cette formule sacramentelle : « Par ordre de Son Excellence le comte de Wrede, genéral en chef de l’armée ».
Le besoin urgent d’auxiliaires immédiats lui fait hâter la constitution définitive des cinq commissions sous-préfectorales d’Épinal, Neufchâteau, Mirecourt, Saint-Dié et Remiremont. Elle décide (18 janvier 1814) que ces commissions s’occuperont de toutes les affaires qui rentrent dans les attributions des sous-préfets et se renfermeront dans les lois, organiques des sous-préfectures, « à l’exception des cas indiqués par les présentes ou futures ordonnances ».
Chacune de ces commissions comprend un président et trois ou quatre membres. Le président distribue les affaires à ses collègues qui, réunis par lui en assemblée, statuent à la majorité des voix, la sienne comptant pour deux en cas de partage.
Leur mission est de répartir les réquisitions de toute nature, de juger les réclamations formées à cet égard par les communes, de connaître des objets contentieux, de nommer les fonctionnaires administratifs et de prononcer dans les cas qui pourront être désignés par des ordonnances particulières, de même que dans les circonstances extraordinaires.
On n’exige d’elles aucune prestation de serment politique. A qui du reste devraient-elles le prêter ?
Les commissions sous-préfectorales sont composées :
- à Epinal, de MM. Bérard, ancien inspecteur de l’Enregistrement, président, Maurice, avocat, Mougin, homme de lettres, Guilgot-Brocard, négociant, et Hogard, géomètre ;
- à Neufchâteau, de MM. Najean, avocat, président, Husson, fils, négociant, Regnaud, fils, et Edme, notaire ;
- à Mirecourt, de MM. Pierson, maire, président, Estivant, notaire, Relot, avocat, et Mangin, percepteur ;
- à Saint-Dié, de MM. Ferry, maire, président, Courrier, Arragain, Mangin et Gley ;
- à Remiremont, de MM. Noël, notaire, président, Puton, Berguam et Félix.
La commission préfectorale enjoint aux maires et aux autres fonctionnaires placés habituellement sous les ordres des sous-préfets, d’exécuter les mesures qui seront prescrites par les commissions sous-préfectorales, et l’arrêté relatif à cette nouvelle organisation reçoit la plus grande publicité dans toutes les communes.
Les choix de M. d’Armansperg se sont tous portés sur des hommes honorables qui croient avec raison servir leur pays en acceptant les fonctions difficiles et délicates qui leur sont offertes. Dévoués avant tout aux intérêts de leurs concitoyens, ils s’appliqueront à maintenir partout l’ordre et la tranquillité, à rendre moins pénible et moins insupportable le joug de la domination étrangère, et à alléger autant qu’il est en eux les charges et les contributions qu’autorise le droit de la guerre. Leur dévouement sera compris par les populations et leur acquerra des titres à la reconnaissance publique.
Le service de la poste aux chevaux appelle en même temps toute la sollicitude de la commission préfectorale pour la rapidité de ses communications. Les maîtres de poste sont invités, sous leur responsabilité personnelle, à tenir leurs écuries au complet, conformément aux anciens règlements. Le transport des dépêches d’Épinal à Colmar, ville importante pour les alliés à raison de sa position dans le voisinage du Rhin, se fait par estafettes.
Dans ce but, des relais sont créés à Épinal, Girecourt, Rambervillers, l’Hôte-du-Bois et Saint-Dié. Chacun d’eux doit être pourvu constamment de deux postillons et de trois chevaux fournis, au besoin, sur la réquisition des maires et sous la surveillance des directeurs des postes. Du reste, le service des estafettes est payé sur le pied et de la manière ordinaires, aux maîtres de poste et aux postillons.
La commission préfectorale songe ensuite aux mesures à prendre pour la distribution de la justice, dont le cours a été violemment suspendu par l’invasion. Le besoin s’en fait chaque jour plus vivement sentir, mais ces mesures sont d’une nature épineuse. En France, les juges ont le sentiment de leur dignité, de leur indépendance et de leur inamovibilité. Leur caractère et leur position, je dirai même leur honorable susceptibilité, commandent les plus grands ménagements.
Cependant, après de mûres réflexions, la commission se décide pour les moyens énergiques, et, par son arrêté du 10 février, elle requiert formellement « MM. les membres de l’ordre judiciaire du département des Vosges de continuer l’exercice de leurs fonctions ». Les présidents des tribunaux de première instance, le président du tribunal de commerce de Mirecourt et les procureurs impériaux sont invités à réunir, « dès le lendemain de la réception de l’arrêté », les membres de leurs compagnies respectives pour leur transmettre l’ordre de reprendre sur-le-champ les devoirs de leurs charges.
Les juges et les greffiers de paix, les avoués, les notaires et tous les officiers ministériels reçoivent la même injonction. On exige d’eux, comme de tous les fonctionnaires publics, une déclaration conforme au modèle envoyé aux présidents. On donne dix jours de délai aux absents pour la souscrire.
La commission déclare qu’elle n’admettra comme excuses suffisantes pour dispenser les membres de l’ordre judiciaire de satisfaire à ses prescriptions, que les seuls cas de maladies ou infirmités graves constatés par des certificats en bonne forme et dûment vérifiés. Elle ajoute que les magistrats qui, ne se trouvant pas compris dans cette exception, feront refus d’obéir ou ne souscriront pas la déclaration demandée, seront traités comme « des ennemis de l’ordre public ». Les procureurs impériaux les dénonceront et s’entendront avec les présidents afin de présenter à la commission, suivant l’usage, une liste triple de candidats pour les remplacer.
Mais il s’agit de décider au nom de qui les jugements des tribunaux seront rendus.
Ils ne peuvent plus l’être au nom de l’Empereur, puisqu’on a résolu de consommer sa ruine, et ils ne peuvent l’être non plus, ni au nom des hautes puissances alliées, puisqu’elles ne règnent pas sur la France, ni au nom du nouveau souverain, puisqu’il n’est pas encore connu, ni au nom du peuple français, puisqu’il est moins que jamais question de rétablir la République.
En fin de compte, il est arrêté que les jugements seront prononcés et les actes notariés passés « au nom des lois ».
Quelle était la teneur de la déclaration imposée aux fonctionnaires ? Je n’ai pu le savoir. Je ne l’ai point trouvée dans le bulletin administratif et je l’ai vainement cherchée ailleurs. Toujours est-il qu’elle a souverainement déplu au tribunal de Neufchâteau, puisque seul de tous les tribunaux du département, il ose résister à la sommation préfectorale, et qu’il se refuse obstinément à rendre la justice comme par le passé, malgré les invitations réitérées que l’administration départementale lui adresse.
La commission, pour le punir de cette résistance, fulmine contre lui son arrêté du 24 mars portant que « les membres du tribunal de l’arrondissement de Neufchâteau sont déclarés individuellement ennemis de l’ordre et de la tranquillité publiques et seront poursuivis comme tels ». Il est dit dans les considérants de cet arrêté que « le tribunal est entièrement dissous par son opposition constante, que ni l’exemple des autres tribunaux, ni les moyens de persuasion employés, ni l’affligeant tableau des désordres produits par l’absence de cette autorité, ni les plaintes nombreuses des habitants n’ont pu rappeler les juges au sentiment du devoir ; qu’une conduite aussi contraire au bien public, aussi funeste par ses résultats est trop coupable pour être tolérée plus longtemps, qu’enfin il est urgent d’employer des moyens qui garantissent aux administrés de l’arrondissement de Neufchâteau, comme à ceux des autres parties du département, l’exécution des lois protectrices des personnes et des propriétés ».
La commission réunit en conséquence, mais provisoirement toutefois, l’arrondissement de Neufchâteau à celui de Mirecourt, qui en est le plus voisin, pour l’administration de la justice. Elle autorise le tribunal de Mirecourt à étendre sa juridiction, tant en matière civile qu’en matière correctionnelle, à toutes les localités de l’arrondissement de Neufchâteau, et charge le président et le procureur impérial du siège de Mirecourt d’assurer, « dans le plus court délai possible », à l’égard des juges de paix, des notaires et autres fonctionnaires ministériels de cet arrondissement, l’exécution de l’arrêté préfectoral du 10 février sur l’administration de la justice.
Ainsi, d’un trait de plume et par une de ces mesures arbitraires que la guerre et la conquête permettent, la commission enlève les habitants de tout un arrondissement à leurs juges naturels. Néanmoins, il faut lui rendre cette justice qu’elle ne fait point poursuivre les juges de Neufchâteau comme elle les en a menacés. Mais la réunion de Neufchâteau à Mirecourt n’apaise point les murmures des populations du premier de ces arrondissements, et leur mécontentement prend des proportions toujours plus inquiétantes.
Dans cet intervalle, les événements politiques des premiers jours d’avril s’accomplissent et exercent naturellement leur influence sur les esprits. Les choses changent de face dans l’arrondissement de Neufchâteau. D’après les lettres qu’elle reçoit sous les dates des 13 et 17 avril de la commission sous-préfectorale et des membres du tribunal, la commission préfectorale se radoucit.
Elle annonce au département, par son arrêté du 19 avril, « qu’elle est satisfaite de la conduite des habitants de Neufchâteau, qu’ils ne doivent pas être victimes des torts personnels des fonctionnaires du tribunal, que ces derniers viennent de donner eux-mêmes, par leur adhésion aux événements mémorables des premiers jours de ce mois, un gage public de leur retour aux principes qu’ils avaient méconnus, que dès lors il ne reste plus d’obstacle au rétablissement du cours ordinaire de la justice dans l’arrondissement de Neufchâteau ». Son arrêté du 24 mars est donc rapporté, sous la réserve cependant que les juges souscriront « sans délai » la fameuse déclaration qui est, répète la commission, impérieusement exigée par les hautes puissances alliées.
C’est ainsi que se termina un conflit qui aurait nécessairement fini par avoir les plus regrettables conséquences, si la lutte entre la France et l’Europe se fût prolongée quelque temps encore. De quel côté étaient les torts ? La déclaration introuvable pourrait seule fournir les moyens de résoudre cette question. Mais il y a lieu de penser qu’ils n’étaient pas tous du côté du tribunal de Neufchâteau qui se composait alors comme aujourd’hui de magistrats sages et éclairés.
Dans l’espoir de se concilier les sympathies de ses administrés et de les amener à lui donner sans trop de répugnance ce qu’ellesera plus tard obligée de leur demander, la commission préfectorale juge utile de prescrire diverses mesures qu’elle sait devoir leur être agréables.
Dès le 18 janvier, s’inspirant de cette idée que les hautes puissances veulent alléger autant que possible les charges publiques et fournir aux habitants des Vosges des preuves de leur sollicitude, elle suspend la perception des droits réunis, qui avaient toujours été vus avec défaveur par la population, et défend aux préposés de cette administration de faire aucune répétition ni aucun prélèvement de deniers pendant le séjour des armées alliées dans le département.
Le lendemain, dans une proclamation bienveillante, le comte d’Armansperg, après avoir rappelé aux habitants « qu’il lui serait très agréable de parvenir à opérer le bien qu’il se propose et qu’il ne lui serait pas difficile de réussir, s’ils le voulaient sincèrement », leur fait savoir que, par continuation de l’intérêt que leur portent les souverains alliés, il a réduit le prix du sel, et que d’autres actes de bienfaisance auront encore lieu, pourvu que, comme il le désire, ses administrés continuent à s’en rendre dignes.
Le prix du sel, pris en magasin en gros ou en détail, est en effet réduit à 40 centimes le kilogramme. Les communes, les particuliers et les commerçants peuvent s’en procurer dans les entrepôts de Saint-Pierremont, Destord, Cheniménil, Remiremont, Saint-Maurice, Saint-Dié et Raon-l’Étape. Il parait qu’il n’y avait pas d’entrepôts dans les arrondissements de Mirecourt et de Neufchâteau.
Quoiqu’une décision postérieure ait seulement augmenté cette denrée de cinq centimes (28 janvier), certains débitants néanmoins la font payer au delà de 45 centimes le kilogramme, et méconnaissent ainsi « les intentions paternelles des hautes puissances qui tendent notamment à l’amélioration du sort de la classe pauvre ». C’est un abus qui ne saurait être toléré. La commission préfectorale se hâte d’y remédier en défendant expressément aux débitants, commissionnés ou non, de dépasser le prix fixé, à peine de confiscation de toutes les quantités de sel qui seraient en leur possession, et d’être traduits devant une commission militaire, le cas échéant. Elle engage, dans leur propre intérêt, ceux d’entre eux qui ne pourraient accepter ce cours, à cesser immédiatement leur commerce.
La vente du sel donna lieu une fois à un vol audacieux qui se commit en plein jour et pour ainsi dire sous les yeux de l’autorité. Un prétendu voiturier se présente dans la cour de la préfecture, le 18 février, et y charge deux tonneaux de sel, avec l’intention, dit-il, de les conduire à Mirecourt, où il les déposera au lieu indiqué par la commission sous-préfectorale. Il n’a pas besoin de lettre de voiture, aussi n’en prend-il point. Il se met en route et, au lieu de transporter les deux tonneaux à Mirecourt, il se les approprie pour les vendre à son bénéfice. Le comte d’Armansperg ordonna la recherche de ce hardi fripon (avis du 21 mars), mais il ne fut pas assez heureux pour le découvrir et le faire arrêter.
S’occupant des intérêts de l’enseignement public, la commission préfectorale abolit la rétribution universitaire par une décision du 5 février. La rétribution collégiale reste seule à la charge des familles. C’est encore trop. Les temps sont malheureux, bien des élèves ne peuvent payer cette dernière taxe, les autres en réclament comme eux la suppression. Les collèges sont sur le point d’être désertés. Dans cette circonstance, la commission se signale par un acte qui est un nouveau bienfait et qui témoigne eh même temps « des principes libéraux » professés par les hautes puissances (Arrêté du 2 mars). Elle supprime également la rétribution collégiale et la remplace par un prélèvement sur les fonds départementaux. Chose remarquable ! Elle prévenait ainsi le vœu pour l’instruction gratuite si fréquemment renouvelé à l’époque actuelle.
Plusieurs membres du clergé témoignent des inquiétudes au sujet du paiement de leurs traitements et de leurs pensions. La commission les rassure (Avis du 19 janvier), en leur disant que les hautes puissances ont pris sous leur protection la religion et ses ministres, et que, dans leur constante sollicitude pour le bonheur du peuple, elles tiennent à ce qu’aucun empêchement ne soit apporté à l’exercice du culte. Il est arrêté que les curés cantonaux et les succursaliers toucheront leurs traitements et leurs pensions réunis sur le même pied qu’en 1813 et aux époques ordinaires, et qu’à la fin de chaque trimestre, pour la régularité des paiements, le provicaire général des Vosges, M. l’abbé Duguenot, dressera et transmettra à la préfecture l’état des mutations survenues dans le personnel du clergé.
Mais, en échange de cette marque d’intérêt, la commission, qui connaît le bon esprit des ecclésiastiques du département, attend d’eux qu’ils emploieront tous leurs moyens pour maintenir l’ordre et la tranquillité et pour faire respecter les personnes et les propriétés dans leurs paroisses.
Le 28 janvier, la commission prévient en outre la population qu’à partir du 1er du même mois, elle fera exactement payer les traitements des fonctionnaires de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, de même que les pensions militaires. « Ainsi, ajoute-t-elle, les magistrats, les administrateurs et les employés dans toutes les parties, les pasteurs et les anciens militaires trouveront dès à présent, dans la sollicitude des hautes puissances pour eux et leurs familles, la double garantie de leur état et des émoluments qui y sont attachés ».
De semblables mesures sont adoptées à l’égard des rentiers de l’État. Mais la commission n’a pas dans ses bureaux la liste des pensionnaires et des rentiers domiciliés dans les Vosges. Elle prend le parti (Avis du 5 février) de les inviter à se présenter avant le 20 février, devant les commissions sous-préfectorales, et à leur communiquer les titres en vertu desquels ils jouissent de leurs pensions et de leurs rentes. Ceux d’entre eux qui seraient hors d’état de se déplacer sont autorisés à produire leurs pièces aux maires chargés d’en transmettre, en le certifiant, le relevé aux sous-préfectures. Ces dernières établiront l’état nominatif de tous les pensionnaires et rentiers demeurant dans leurs arrondissements respectifs et l’enverront à la préfecture qui, au moyen de ces éléments, dressera le tableau général des ayants-droit du département. Par l’effet de ces dispositions, les payements s’effectueront régulièrement et à la grande satisfaction des intéressés, dont la plupart n’ont pas d’autres moyens d’existence.
La commission ne perd pas non plus de vue les employés des hôpitaux, des ambulances, des parcs et des magasins militaires. Elle en fait exactement établir le contrôle nominatif et leur fera solder tous les mois une indemnité qu’elle réglera après avoir pris l’avis des commissions, sous-préfectorales.
A suivre…
xavier FRANCOIS-LECLANCHE on 24 juillet 2024
Très intéressant.
A comparer avec l’occupation de l’Yonne et celle de l’Aube à cette époque.