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  • 12 octobre 2012 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     Le 12 octobre 1915 – L’exécution de miss Edith Cavell dans EPHEMERIDE MILITAIRE lexecution-de-miss-edith-cavell-150x150

     

    D’après « Journal des mutilés, réformés et blessés de guerre » du 3 septembre 1933

     

    Edith Cavell naquit le 4 décembre 1866 à Swardeston (comté de Norfolk) où son père, le révérend Frederick Cavell, fut vicaire pendant quarante ans. Elevée selon les principes de la plus ardente charité, Edith résolut, ainsi que sa soeur, de vouer sa vie aux malades et aux déshérités.

    A l’âge de trente ans, elle quitte le foyer familial pour compléter ses études d’infirmière dans les hôpitaux de Londres où elle passe de longues années. A force de travail et d’observation, elle acquiert la réputation d’une infirmière particulièrement éprouvée.

    En 1907, Edith Cavell est nommée directrice d’une école belge d’infirmières diplômées : l’Institut Berkendaël. Sa tâche est de former tout un corps d’infirmières modernes. Elle réussit parfaitement. Elle initie à l’art difficile et délicat de soigner des élèves de toutes les nationalités, y compris des Allemandes.

    Son activité s’étend à quatre hôpitaux. Elle crée un home d’infirmières, un hôpital de chirurgie, un sanatorium de 175 lits, une crèche (dont elle dessine les plans) de 22 lits, et sa grande joie, après une journée bien remplie, est d’aller voir ses nourrissons.

    Edith Cavell personnifie la bonté, le dévouement, l’énergie et la bonne humeur. Ses élèves comme ses malades sont unanimes à vanter la noblesse de son âme et la générosité de son coeur.

    Un simple trait montrera la grandeur de son caractère : en septembre 1914, grâce à l’intervention du ministre des Etats-Unis, soixante-dix infirmières anglaises résidant en Belgique sont autorisées à rentrer en Angleterre. Elle peut les accompagner. Elle s’y refuse, préférant demeurer à son poste et soigner les blessés belges et allemands dans l’ambulance de la croix-rouge qu’elle a aménagée dès la déclaration de guerre.

    La guerre éclate. Les Allemands pénètrent en Belgique, occupent Bruxelles. Le destin d’Edith Cavell va s’accomplir.

    On sait que les Allemands ne furent pas tendres pour les Belges. Ils s’ingénièrent à multiplier les vexations de toutes sortes. Les habitants, privés de tout droit, étaient à la merci des autorités allemandes. Le bâtonnier Théodor – qui connut l’amertume du camp de représailles – adressa au général von Bissing, gouverneur de la Belgique, un important mémoire protestant contre l’institution de tribunaux qui délibéraient et prenaient leurs décisions à huis-clos, au mépris des lois du pays occupé. Les jugements ne sont qu’un simulacre de justice.

    Sous ce régime de terreur, la population est terrifiée. Mais elle n’est pas abattue. La Libre Belgique, organe clandestin que von Bissing trouve sur sa table chaque fois qu’il paraît, entretient la flamme patriotique et l’espoir de la délivrance. Pourtant la vie a changé. Il faut se méfier de chacun et de tous, car les espions, mêlés à la population, sont aux écoutes, prêts à s’emparer de toutes les confidences, attentifs non seulement aux actes, mais même aux intentions.

    Dans une lettre adressée au Nursing Mirror, en avril 1915, Edith Cavell décrivait la tristesse de la vie bruxelloise :
    Les rues naguère affairées et bourdonnantes sont maintenant très calmes et silencieuses. Ainsi sont les gens qui étaient si gais et si communicatifs l’été passé. Personne ne parle à son voisin dans le tramway, car il redoute que ce ne soit un espion. Du reste, qui a le cœur de bavarder ?
    Qui se soucierait de parler de l’angoisse qui les absorbe tous s’il s’agit de nouer les deux bouts et de faire durer les provisions. Il faut que les petites bouches à la maison soient pleines, alors que l’étranger est aux aguets.

    La police secrète allemande joua un rôle abominable, organisant elle-même les complots, les conspirations pour mieux surprendre les projets des patriotes belges qui distribuent des libelles, des journaux et qui essaient de faire franchir la frontière hollandaise aux soldats alliés blessés et prisonniers et aux Belges en âge d’être mobilisés.

    C’est ainsi que miss Edith Cavell se prête de tout son coeur à l’oeuvre patriotique dont le prince Réginald de Croy, Mlle Thuliez et la comtesse de Belleville furent les initiateurs. Cette œuvre consistait à rassembler des soldats, les nourrir, les munir de fonds, les amener à proximité de la frontière et les confier à des guides sûrs pour leur permettre de gagner le territoire hollandais.

    Miss Cavell fait donc partie de cette organisation. Elle recueille chez elle plusieurs soldats anglais et français et leur facilite l’évasion du territoire occupé. Elle sait bien que des ordonnances menacent de peines sévères ceux qui accomplissent cette mission, elle continue de l’assumer avec un tranquille courage.

    Le 5 août 1915, le lieutenant Bergan – un sinistre personnage – qui dirigeait le bureau de police (B) situé au centre de la capitale, au numéro 24 de la rue Berlaimont, juste derrière la Banque nationale, fait arrêter miss Cavell par le nommé O. Mayer, agent de la police secrète.

    Cinq jours auparavant, M. Philippe Baucq, architecte, qui s’occupait du recrutement de mobilisés belges, fut arrêté à son domicile, ainsi que Mlle Thuliez, une jeune française qui habitait Lille, où elle était institutrice dans un couvent. La perquisition opérée chez Baucq, qui habitait au 49 de la rue de Roodebeck, fut assez fructueuse. Le sieur Pinkhoff, agent de la police criminelle, qui la dirigeait, trouva notamment 4000 exemplaires de La Libre Belgique, n° 37, des libelles, des listes d’adresses, et des notes qui permettent de soupçonner miss Cavell.

    Les 8, 18 et 22 août, miss Cavell est interrogée. Ses juges-policiers usent d’un stratagème classique mais peu honorable. Ils font croire à l’inculpée que tous ses complices sont arrêtés et qu’ils ont avoué avoir conduit des troupes à l’ennemi. Miss Cavell, abandonnée, isolée, sans défenseur, tombe dans le piège et, bien innocemment, dénonce ceux et celles qui lui ont amené des militaires anglais, français et belges qui voulaient rejoindre les armées alliées.

    Ce sont l’ingénieur Capiau, de Wasmes ; l’avocat Libiez, de Mons ; le prince Réginald de Croy, Louise Thuliez, l’architecte Baucq, de Bruxelles ; Louis Séverin, Mlle Mouton, de Bruxelles ; Philippe Rasquirt, de Bruxelles ; Mme Souei, de Bruxelles ; la Veuve Bodard, de Bruxelles ; le pharmacien Derveau de Pâturages-les-Mons ; le pharmacien Crabbé, Louis Tellier, de Wiheries ; Hostclet, ingénieur à Uccle, la comtesse de Belleville, de Maubeuge, etc.

    Il est à remarquer que miss Cavell est interrogée par un policier, le lieutenant Bergan, en présence d’un seul témoin, l’agent Pinkhoff, qui est à la fois accusateur et interprète. La lecture des dépositions de l’héroïne anglaise montre parfaitement que miss Cavell a été le jouet des policiers. Elle a été proprement trahie par ces deux individus qui s’acharnaient contre elle. Le fait qu’elle a dénoncé les Français et les Belges coupables, aux yeux des Allemands, d’avoir facilité l’évasion de leurs compatriotes, ne saurait entacher la mémoire de miss Cavell.

    Miss Cavell, emprisonnée à Saint-Gilles, est entre les griffes de ses ennemis. Ses infirmières adressent une pétition à « Son Excellence M. le baron von Bissing », gouverneur de la Belgique, pour lui demander « d’écourter la captivité » de leur ancienne directrice « et, si c’était réalisable, de quelque façon, de la suspendre ».

    En septembre 1915, l’offensive française se déclenche en Champagne et fait croître l’espérance dans les cœurs belges. Il semble que la libération soit proche. Le général von Sauberzweig, nouveau gouverneur militaire de Bruxelles, entend couper court aux épanchements de ses administrés. Il entend frapper un grand coup.

    L’affaire miss Cavell va lui servir à faire un « exemple ». Aux juges, il commande d’être sans pitié.

    C’est le docteur Stoeber, une sorte de dogue autoritaire et vindicatif, qui va s’occuper de l’affaire. Et quelle affaire ! Trente-cinq inculpés.

    La première séance de la Cour martiale a lieu le jeudi 7 octobre dans la salle des séances du Sénat. Miss Cavell est interrogée la première. Elle parla sans peur, et d’une voix lasse et éteinte, la force tranquille de son regard suppléant à la faiblesse de cette voix.

    M. Sadi Kirschen, avocat, assume la défense de miss Cavell et de huit autres inculpés.

    Les inculpés reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Mais tous ajoutent : J’ai agi par patriotisme !

    Toutefois, et cette restriction a son importance, les inculpés déclarent qu’il n’a été question que de soustraire les soldats dispersés aux autorités allemandes, et, dans ce propos, de leur faire franchir la frontière hollandaise. Il n’y a, dans cette protestation unanime des consciences opprimées aucun système, aucun accord possible, aucune entente préalable avec les avocats, puisque tous les accusés étaient soumis à l’isolement le plus rigoureux, que les dépositions de l’instruction ont été faites en l’absence des avocats et que les avocats mêmes n’ont eu, avant le procès, ni pendant la séance, aucun contact avec leurs clients.

    C’est le 8 octobre qu’eut lieu la deuxième séance, à la Chambre des députés, le Sénat étant retenu, ce jour-là, par une conférence. Stoeber prononce un implacable réquisitoire. Il requiert la peine de mort « pour crime de haute trahison consommée » contre neuf accusés : la comtesse de Belleville, Louise Thulliez, l’avocat Libiez, l’imprimeur Capiau, le pharmacien Derveau, Edith Cavell, Philippe Baucq, Ada Bodart et le pharmacien Séverin. Pour les autres prévenus, il demande des peines sévères.

    Les avocats allemands montrèrent un certain courage en défendant les inculpés que poursuivait la haine de von Sauberzweig. M. Sadi Kirschen démontra qu’il n’y avait pas eu complot. En ce qui concerne miss Cavell, il dénia au tribunal le droit de condamner à mort une infirmière ; si une condamnation devait intervenir, ce ne pourrait être qu’une condamnation pour tentative de trahison et non pour trahison consommée.

    Le lendemain 9 octobre, le prononcé du jugement eut lieu en petit comité en présence des juges, du chef d’instruction et du greffier. Le verdict portait la condamnation à mort de Philippe Baucq, Louise Thulliez, Edith Cavell, Louis Severin et la comtesse de Belleville. Quatre inculpés étaient condamnés à quinze ans de travaux forcés, dix-huit autres inculpés, à des peines variant entre dix et deux ans de travaux forcés. Huit prévenus étaient acquittés.

    Ainsi, en deux jours, la justice allemande avait réalisé ce tour de force d’interroger, de juger, après plaidoiries des avocats et audition des témoins, trente-cinq accusés ! Ces trente-cinq inculpés n’ont eu que quatre avocats pour assurer leur défense, plus un officier de territoriale allemand. Et aucun d’eux ne put correspondre avec les détenus.

    M. de Villalobar, ministre d’Espagne, à Bruxelles, M. Brand Whitlock, ministre des Etats-Unis à Bruxelles ; M. Page, ambassadeur des Etats-Unis à Londres, interviennent en faveur de miss Cavell. Hélas ! Ils ont beau multiplier les démarches pendant trois jours, les Allemands restent insensibles.

    Le jugement rendu clandestinement le 9 octobre est confirmé tout aussi clandestinement le 10 octobre par le fameux général von Sauberzweig.

    Le 11, il requiert l’application immédiate de la peine de mort contre Philippe Baucq et Edith Cavell :
    Bruxelles le 11 octobre 1915.
    1. J’estime que l’exécution immédiate (souligné au crayon rouge) de la peine de mort contre Edith Cavell, Philippe Baucq, est nécessaire dans l’intérêt de l’Etat et l’ordonne par les présentes.
    2. J’ajourne l’exécution de la peine contre les autres accusés condamnés à mort, jusqu’à ce qu’une décision ait été prise au sujet des recours.
    Immédiat à la Kommandantur, ici pour qu’elle en prenne connaissance et faire le nécessaire.
    Signé : le gouverneur, von Sauberzweig, général de brigade.

    C’est à la prison Saint-Gilles, le 11 octobre, au début de l’après-midi, que le verdict est signifié aux inculpés par Stoeber. Miss Cavell reste impassible en entendant sa condamnation.

    Dans la soirée, elle reçoit la visite du chapelain anglais à Bruxelles, M. Gahan, qui la trouve parfaitement calme. Je n’ai ni crainte ni terreur, lui dit-elle, j’ai vu la mort si souvent, qu’elle ne m’est ni étrange ni effroyable.

    C’est derrière les murs du tir national qu’a lieu l’exécution. Le peloton se compose d’un officier et de six hommes. Le doktor Stoeber assiste à la lugubre cérémonie. Miss Cavell est accompagnée d’un aumônier allemand. Elle avait été transférée de la prison dans une maison voisine du tir national.

    A sept heures, elle sort de cette maison, les yeux bandés, la tête recouverte d’un voile noir. A son corsage, elle a fixé un petit drapeau anglais. Elle marche d’un pas calme.

    Philippe Baucq, marié et père de deux enfants, put consoler les siens avant de mourir. Il passa la nuit en prières et marcha fièrement au supplice. Il refusa de se laisser bander les yeux.

    Le corps de miss Cavell a été solennellement ramené en Angleterre. Aujourd’hui, elle est l’objet d’un vrai culte patriotique

    Quant à la peine de mort portée contre la comtesse de Belleville, Mlle Thuliez et le pharmacien Severin, elle a été, grâce à l’intervention du pape, commuée en travaux forcés.

     

  • One Response à “Le 12 octobre 1915 – L’exécution de miss Edith Cavell”

    • Franck on 29 octobre 2014

      Bonjour,
      pourriez-vous m’indiquer si dans sa lettre d’avril 1915 au nursing mirror, Edith Cavell dénonce le fait que l’aide alimentaire internationale destinée à la Belgique était détournée au profit de l’Allemagne, comme le prétend Eustace Mullins dans son livre sur les secrets de la Fed.
      Cordialement.

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