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  • 28 août 2012 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

    Histoire des troupes étrangères au service de la France (1) dans PAGES D'HISTOIRE Armées-étrangères-150x150

     

    D’après la monographie « Histoire des troupes étrangères au service de la France »
    Eugène Fieffé – 1854

     

    La France a trop souvent étonné le monde du succès de ses armes, elle a scellé de son sang trop de monuments impérissables qui attestent sa force et son génie militaires, pour que l’honneur d’avoir été l’unique instrument de son élévation et de sa puissance lui soit jamais contesté.

    Mais par cela même qu’elle est grande, une nation comme la nôtre n’a pas besoin d’être ingrate pour ajouter à sa gloire, et peut, sans l’amoindrir, en répandre quelques rayons sur ceux qui, pendant dix siècles, ont partagé ses revers et ses triomphes. Oui, la France a eu des troupes étrangères à son service pendant les dix siècles qui séparent Napoléon de Charlemagne.

    Ce qui peut expliquer la constante prédilection que les étrangers ont montrée pour la France, c’est qu’aucune nation n’a le caractère plus chevaleresque, aucune l’esprit plus guerrier. En un mot, c’est parce qu’elle semble être la véritable patrie de la bravoure et de la loyauté, qu’ils ont toujours recherché l’honneur de la servir. On peut dire, en effet, qu’il n’est pas un seul peuple militaire de l’Europe qui n’ait été représenté dans l’armée française. Ils sont venus tour à tour et dans tous les temps, chercher sous ses drapeaux de nobles exemples qui ne leur ont jamais manqué.

    Au commencement de la monarchie, les troupes étrangères n’apparaissent qu’à de rares intervalles et ne présentent aucun caractère distinctif, jusqu’au jour où l’insuffisance des milices communales et la turbulence de la noblesse obligèrent de recourir aux bandes d’aventuriers, brigands de tous les pays, qu’on baptisait des noms les plus bizarres, et que l’appât de la rapine et du pillage poussait à s’enrôler sous la bannière des souverains qui les payaient le mieux.

    Plus tard, on reconnut la nécessité de remplacer ces hordes de pillards par des bataillons disciplinés. Ce fut alors que parurent les Italiens, ces habiles arbalétriers ; les Suisses, ces bons compères ; les Écossais, ces vaillants archers ; les Allemands ou reîtres et lansquenets, les Espagnols ou carabins, et entin les Grecs ou argoulets et stradiots, cavaliers albanais, qui avaient, dit Brantôme, « la coustume de porter la teste de leurs ennemis à l’arçon de leur selle ».

    Par leur dévouement et leur courage, quelques-uns de ces étrangers méritèrent de composer la première garde de nos rois. Un tel honneur était bien dû à ces nobles enfants de l’antique Calédonie qui vinrent en France alors que la monarchie, s’abîmant dans les dissensions civiles, allait devenir la proie de ses ennemis. Il fallait des flots de sang pour la sauver ; ils la sauvèrent.

    Après eux marchent les Suisses, soldats sévères, qui n’attendirent pas longtemps pour se montrer ce qu’ils furent toujours, non moins braves que fidèles. François 1er, à Pavie, voyant la place où il avait combattu toute jonchée de leurs cadavres, s’écriait, avec un douloureux sentiment de reconnaissance : « Si tous mes soldats avaient fait leur devoir comme ces étrangers, le sort de cette journée eût été différent ! ».

    Et quarante-trois ans plus tard, à peine échappé aux huguenots qui avaient tenté de s’emparer de sa personne, sur la route de Meaux à Paris, Charles IX, encore enfant, disait à son tour : « Après Dieu, c’est aux Suisses et au duc de Nemours que je dois mon royaume ».

    C’est vers ce temps, à la fin du XVIe siècle, que les troupes étrangères au service de la France dépouillent le nom de bandes ou de légions, pour s’organiser, comme les troupes nationales, en régiments. Elles se mêlent alors aux guerres de religion. Elles suivent le panache blanc d’Henri IV « dans le chemin de l’honneur », elles aident Richelieu à restituer au pouvoir royal son indépendance et sa majesté, elles prennent part à la sanglante lutte contre la maison d’Autriche.

    Sous Louis XIV, dont le règne est une suite de guerres continuelles, elles deviennent encore plus nombreuses que sous ses prédécesseurs. L’Espagne, l’Italie, l’Angleterre elle-même, s’associent pour donner à la France de nouveaux bataillons, et parmi les chefs qui les commandent sont des rois et des fils de rois, des rois déchus et des rois futurs.

    Le XVIIe siècle voit se former, en outre, des régiments écossais, irlandais, liégeois, wallons, suédois, danois, hongrois, croates, polonais et corses. Le XVIIIe y joint des Turcs et des Tartares, pendant que les bataillons levés dans la patrie de Guillaume Tell et d’Arnold de Melchtal ou au sein de l’Allemagne se grossissent de jour en jour. Rocroy, Steinkerque, Nerwinde, sont témoins de leurs exploits. A Fribourg, ils se précipitent dans les rangs ennemis pour rapporter le bâton de commandement du grand Condé. A Denain, ils contribuent encore à sauver la France. A Hastembeck, ils rivalisent de bravoure avec l’infanterie française.

    Partout, enfin, ils se montrent dignes de combattre sous nos drapeaux. Et combien de maréchaux sont sortis de leurs rangs ! Combien ces troupes étrangères n’en ont-elles pas donné à la France, depuis le jour où elles ont commencé à verser leur sang pour elle ! Les deux Trivulce, Jean Caraccioli (prince de Melphes), Pierre Strozzi, Albert de Gondi, Concino-Concini (maréchal d’Ancre) et les Broglie ont eu l’Italie pour berceau. Les d’Ornano ont eu la Corse, alors sous le joug de Gènes, et les Schomberg l’Allemagne.

    La Suède peut revendiquer Rosen et Asfeld ; la Belgique, Marsin ; la Hongrie, Bercheny ; le Danemark, Rantzau et Lowendahl, digne petit-fils de Frédéric III. La Grande-Bretagne proclame aussi plusieurs noms : Robert Stuart (sire d’Aubigny), le comte de Thomond, descendant des souverains d’Irlande, et Berwick, fils d’un roi, dont Villars enviait l’héroïque trépas.

    Parmi tant de vaillants capitaines, la Saxe compte le vainqueur de Fontenoi, issu aussi d’un sang royal, qui illustra deux patries à la fois, et mourut, comme s’il n’eût point fait assez pour celle qu’il avait adoptée, en lui laissant une fille qui devait être la souche d’une des gloires littéraires de notre temps. Enfin, la Bavière cite avec orgueil le guerrier dont le ministre Narbonne disait qu’il avait le cœur plus français que l’accent, le brave Luckner, victime promise à l’échafaud.

    Car le ciel de la France s’obscurcit, les murmures précurseurs de l’orage révolutionnaire se font entendre au loin, la nation elle-même se divise en deux camps, et les régiments étrangers se verront bientôt obligés de choisir entre la Royauté agonisante et la Terreur qui grandit dans l’ombre. Alors les uns émigrèrent, les autres furent licenciés, et, quelques mois après, la couronne de saint Louis, qu’ils n’avaient plus mission de défendre, roulait avec la tête d’un de ses fils sur les degrés sanglants de la guillotine.

    Avec la République et l’Empire, nous entrons dans une ère nouvelle. Dès ce moment, on ne doit plus considérer les troupes étrangères sous le même aspect que par le passé.

    Elles ne sont plus liées au service de la France, ou du moins, c’est le plus petit nombre, en vertu de capitulations ou de conventions particulières. Elles se donnent volontairement à elle, soit que l’ardeur de combattre pour la liberté les enflamme, soit qu’elles brûlent de partager nos triomphes ; ou bien, subissant les conséquences de nos conquêtes, elles s’incorporent dans l’armée en même temps que dans la nation.

    Aujourd’hui qu’ils sont rendus à leur nationalité, nous avons pensé qu’il convenait d’écrire l’histoire de tous ces peuples. Et qui donc l’écrira, si ce n’est la France ? Qui la connaît mieux qu’elle ? Qui peut mieux dire le courage, le dévouement et l’abnégation de ces vaillantes cohortes qui sont entrées avec nous dans les murs de Rome, de Naples, de Berlin, de Vienne, de Madrid et de Moscou ; de tous ces braves dont les pas se sont gravés près des nôtres sur les champs de bataille d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau, de Friedland, de Tudela, d’Eckmülh, de Wagram, de Lutzen, de Wurschen et de Montmirail ? Qui sait mieux que la France la part de gloire et d’honneur qui revient à chacun dans cette grande épopée dont le premier chant s’appelle Jemmapes et le dernier Waterloo ?

    Qui, enfin, se souvient mieux de ce qu’elle doit à toutes les nations qui l’ont servie ?
    L’Irlande lui a donné des bataillons dignes de ceux de Crémone et d’Almanza.
    La Hollande a recruté pour elle toute une armée qui en cessant de servir son roi, ne cessa pas d’être fidèle à son nom.
    La Belgique, annexée à la France, a vécu de sa vie pendant vingt années.
    L’Autriche, avec ses royaumes et ses duchés, ses grands et ses petits États.
    La Bavière, le Hanovre, enfin toute la Confédération germanique a formé des légions intrépides : les régiments hessois, illyriens, croates, et les pandours de Dalmatie.
    La Prusse a pu voir dans nos rangs un régiment de son nom, une partie du contingent militaire de la Westphalie et du grand-duché de Berg.
    La Pologne, cette sœur de la France, lui a prodigué ses légions du Nord et du Danube, les Tartares lithuaniens et ces immortels lanciers qui répandirent la terreur en Espagne ; elle a sacrifié pour elle un de ses plus illustres héros, Poniatowski, que Napoléon Ier appelait le futur roi de ces contrées.
    La Russie, la Suède et le Danemark, en les regardant de près, reconnaîtraient leurs prisonniers de guerre dans nos régiments de La Tour d’Auvergne et d’Isemhourg, comme l’Angleterre reconnaîtrait ses colons dans nos pionniers noirs, car l’Empereur aime mieux avoir des soldats que des esclaves, et offre une épée à qui veut la porter.
    La Suisse aussi a répondu à l’appel de la République et de l’Empire.
    La Sardaigne et les divers États de l’Italie ont organisé des tirailleurs, des bataillons francs, des sbires, une infanterie et une cavalerie brillantes, et ont en même temps versé dans la garde impériale les vélites de Florence et de Turin.
    L’Espagne et le Portugal nous ont cédé des régiments d’infanterie non moins redoutables que ceux de Francisco de Mello, qui étaient, dit Bossuet, semblables à autant de tours ; ils y ont joint de hardis cavaliers, des pionniers et une artillerie1 qui comptait des officiers aussi habiles que dévoués à notre cause.
    La Turquie, avant d’avoir formé le régiment albanais, s’était déjà unie à la Grèce, à l’Égypte et à Malte pour réparer les pertes de l’armée d’Orient, en lui donnant les légions grecque, cophte, maltaise, et les mamelucks.
    Enfin, la république des Sept-Iles a vu s’organiser dans son sein des bataillons ioniens.

    Combien d’autres troupes encore, dont les noms sont ailleurs, ont également servi la France ! Elle ne les a pas oubliées ; elle sait que s’il en est parmi elles qui l’ont méconnue dans les mauvais jours, et se sont réjouies de ses blessures, il en est d’autres qui ont voulu être les compagnes de ses douleurs et de ses revers, comme elles l’avaient été de ses joies et de ses triomphes. Vous êtes de ce nombre, braves Polonais, vous qui nous fîtes un rempart de vos fougueux escadrons dans cette mémorable campagne de 1814, vous qui revîntes de l’île d’Elbe avec le bataillon sacré, vous les champions de la première et de la dernière heure !

    Mais, hélas ! ni le courage de ses auxiliaires ni le sien propre ne purent sauver la France épuisée. En vain les gardes nationales des départements conquis furent-elles appelées à la défense du territoire. En vain l’Empereur, trop prévoyant pour être sans défiance à l’égard de toutes les troupes étrangères qui avaient jusque-là obéi à sa voix, prescrivit-il de désarmer celles dont la défection était imminente ; ses ordres ne furent pas exécutés ou le furent trop lentement, et la France, harcelée de toutes parts, s’ensevelit dans d’inutiles triomphes. Semblable à cet athlète antique dont les bras nerveux restèrent captifs dans le chêne séculaire qu’ils venaient d’entr’ouvrir, elle avait voulu faire deux parts de la vieille Europe, qui se replia sur elle-même et la fit prisonnière.

    La Restauration licencia les troupes étrangères et ne conserva que la légion du prince de Hohenlohe, puis quelques bataillons suisses pour la maison du roi et la garde royale.

    Comme on le voit, les Suisses se retrouvent à toutes les pages de notre histoire militaire. On estime que jusqu’à l’époque où nous sommes arrivés, et qui forme la troisième partie de ce livre, 750 000 soldats des Cantons ont servi dans nos armées.

    Un ministre de Louis XIV disait à ce prince, devant Pierre Stuppa, colonel du régiment des gardes suisses, qu’avec l’or et l’argent que les Suisses avaient reçus des rois de France, on pourrait paver une chaussée de Paris à Bâle. « Cela peut être vrai, Sire, répliqua le colonel ; mais si l’on pouvait rassembler tout le sang que ceux de ma nation ont versé pour le service de Votre Majesté et des rois ses prédécesseurs, on pourrait aussi en faire un canal pour aller de Paris à Bâle ».

    Cette belle réponse peut servir d’épigraphe à l’histoire des régiments suisses qui ont suivi les drapeaux de la France. En effet, ces soldats mercenaires qui ont vendu leurs services à tous nos souverains, ces hommes dont chaque goutte de sang a été de tout temps pesée, calculée, additionnée, pour savoir combien d’écus pouvaient couvrir leurs blessures, ces soldats ont souvent donné aux troupes françaises l’exemple du plus sublime dévouement. Naguère, lorsque les balles parisiennes brisaient l’écu fleurdelisé de la branche aînée des Bourbons et effaçaient un nom de la liste des rois, les derniers défenseurs du trône étaient les Suisses.

    En se reportant à ces événements qui ne sont pas éloignés de nous, ne semble-il pas qu’il ait été constamment dans la destinée des serviteurs de cette nation de s’immoler pendant des siècles à la même cause ? Trois dates se dressent dans l’histoire comme pour faire éclater cette vérité : 1567, retraite de Meaux ; 1792, 10 Août ; 1830, journées de Juillet !

    Pour nous, que l’impartialité et la justice doivent seules animer, n’hésitons pas à le dire, nous ne voyons dans ces défenseurs désespérés de la monarchie en péril, que de braves soldats qui ont le mérite d’être fidèles à leur serment et de rester calmes devant la mort. D’où qu’il vienne et quelle que soit la cause qui l’inspire, le dévouement n’est-il pas toujours une vertu ?

     

    De nos jours, la France n’admet que ses enfants sous ses drapeaux. Elle ne fait d’exception que pour la légion étrangère.

     

    Suite…

     

     

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