La bataille de Luzara
D’après « Éphémérides universelles » – Antoine Vincent Arnault – 1834
Les armées française et espagnole s’étaient mises en mouvement pour s’emparer de Luzara, jeter des ponts sur le Pô, et établir une communication solide avec les troupes placées sous les ordres du prince de Vaudemont. Comme la marche offrait des dangers, on prit d’abord des précautions, qui bientôt dégénérèrent en une négligence extrême.
Cependant le prince Eugène, qui commandait l’armée impériale, s’étant éloigné du Seraglio, tandis qu’on l’y croyait encore, s’étant hâté de passer le Pô, et se tenait si bien caché entre ce fleuve et le canal de Zéro, que personne n’y soupçonnait sa présence. Il avait compté que l’armée, commandée par le duc de Vendôme, commencerait en arrivant par poser les armes et se camper, qu’ensuite la cavalerie irait chercher du fourrage, l’infanterie de la paille et de l’eau.
Son dessein était de saisir cet instant pour attaquer, convaincu qu’en marchant vivement à l’ennemi, il enlèverait armes et chevaux, et remporterait une victoire facile et décisive.
Le hasard déjoua cette combinaison hardie. Un officier français, étant monté par curiosité sur la digue de Zéro, vit derrière la digue toute l’armée allemande, rangée en bataille. Cette découverte empêcha la surprise, et fut suivie de la bataille de Luzara, dont les résultats incertains ne produisirent que de la gloire pour l’une et l’autre armée. Néanmoins les Français eurent quelque raison de s’attribuer la victoire, puisqu’à la suite de la bataille, ils s’emparèrent de Luzara, petite ville située aux confins du duché de Mantoue.
Après l’action, un officier fut envoyé à Louis XIV pour lui raconter les détails de cette sanglante journée. Mais il s’embarrassa tellement dans son récit que la duchesse de Bourgogne, encore toute jeune, ne put s’empêcher de rire aux éclats. Après qu’il eut fini, l’officier se retourna vers cette princesse, et lui dit gravement : « Est-ce que vous croyez, Madame, qu’il est aussi aisé de raconter une bataille qu’à M. de Vendôme de la gagner ? ».