La bataille de Campillo-de-Arena
D’après « Histoire de l’armée et de tous les régiments » – 1850
Ce fut à Guadix que le général Molitor apprit que les troupes constitutionnelles qui reculaient sans cesse devant les nôtres, semblaient enfin s’être décidées à accepter une bataille ; on était au 24 juillet.
Zayas était resté à Grenade, ainsi que le voulait le plan concerté par le haut état-major espagnol. Réunissant sous leurs ordres l’élite de leur armée, Ballesteros et Balanzat, quittant furtivement cette ville, étaient allés prendre position à Guadalhuertuna, sur le côté droit de la route de Guadix. Ballesteros espérait que son mouvement avait échappé aux Français, qui, continuant de s’avancer sans défiance vers Grenade, se trouveraient brusquement enveloppés par les forces constitutionnelles. Ce fut pour mieux s’associer à ce plan que le général Zayas, par une ruse tout au plus tolérable aux yeux de la loyauté guerrière, envoya offrir au général Molitor de lui rendre Grenade. Son but, qui était d’augmenter la confiance des Français en les portant à s’engager plus avant sur cette route bordée de périls, échoua par la connaissance qu’acquit Molitor du mouvement de Ballesteros. Toutefois le général français, feignant à son tour, accepta la capitulation de Zayas, mais n’en prit pas moins toutes ses dispositions pour aller droit à Ballesteros dès le lendemain.
Molitor, accompagné de la division Loverdo tout entière, s’avança sur Moréda, tandis que sur son ordre le général Pelleport marcha sur Guélago, et le général Domon sur Almiar.
Ballesteros, qui avait une cavalerie formée de vieux soldats, comptait beaucoup sur elle. Il plaça ces escadrons (1200 chevaux) en avant de Guadalhuertuna ; nous n’avions que 400 chasseurs à leur opposer, et encore étaient-ils harassés de fatigue. Le général Bonnemains, placé à la tête de l’avant-garde, ne refusa point le combat. Il semble invraisemblable de dire que, malgré cette disproportion énorme, nos chasseurs culbutèrent les vieux cavaliers de Ballesteros, et que, malgré leur résistance opiniâtre, ils furent hachés, mis en déroute, et contraints de s’enfuir à plus de deux lieues au delà de Guadalheurtuna, laissant un quart des leurs sur le champ de bataille.
Mais Ballesteros avait pris position à Campillo-de-Arenas à la tête d’environ 7 000 hommes, ce qui, dans l’état d’exaspération où le mettaient ses revers successifs, ne l’empêchait pas de rechercher la bataille. Il faut dire que la position qu’occupaient les Constitutionnels était formidable. Nous la décrirons rapidement.
La vallée de Campillo est enserrée par deux chaînes de montagnes, la sierra de las Albuñuelas vers le royaume de Grenade, et la sierra del Castillo vers le royaume de Jaen. Un torrent, le Dormillo, divise inégalement la vallée dans toute sa longueur, et disparaît par un déchirement profond causé par ses eaux à la sierra del Castillo. Une route qui unit Grenade à Jaen passe par celte vallée de Campillo ; mais cette route est si mauvaise, qu’elle se confond sur plus d’un point avec le lit du torrent. Enfin la vallée de Campillo se rétrécit vers le nord, et s’encombre de mille débris rocheux, de mamelons abrupts, entre lesquels courent les eaux.
L’armée française arrivait par la route de Montehijar qui longe la chaîne de la sierra de las Albuñuelas. C’est sur cette chaîne de montagnes, dont diverses collines à angles droits formaient comme les contreforts, que l’armée constitutionnelle s’était mise en bataille, sa gauche appuyée sur Novalejo et sa droite sur Santa-Colonna.
Le premier engagement eut lieu le 28 juillet. Le général en chef marchait avec une escorte d’une cinquantaine de chasseurs (20e régiment), en avant de la division Pelleport. Il tomba dans une reconnaissance de 150 cavaliers espagnols qui commencèrent le feu. Mais le capitaine l’Enferna, qui commandait l’escorte, les tailla en pièces ; la moitié resta sur le champ de bataille ; un colonel et divers officiers subalternes furent faits prisonniers.
Le général Loverdo ne tarda pas de son côté à prendre part à l’action, en attaquant une colonne d’infanterie qui, longeant son flanc droit, cherchait à gravir les hauteurs de Santa-Coloma, pour agir sur ses derrières. L’ennemi fut défait, repoussé et poursuivi dans les montagnes, où il se débanda. Presque tout un régiment, celui d’Aragon, fut fait prisonnier. Ce succès nous rendit maîtres des Albuñuelas, où le 1er et le 11e de ligne prirent position.
Le général Bonnemains, si heureux dans les journées précédentes, se dirigeait à la tête des voltigeurs des 4e et 8e léger, vers les montagnes escarpées de la chaîne opposée, tandis que le général en chef avec la division Pelleport et les dragons du général Domon, s’avançaient sur l’extrémité de la position droite des Espagnols. Mais bientôt il rencontra des chemins si impraticables, que, ne pouvant plus faire rouler son artillerie, il prit le parti de la laisser sous la garde de deux bataillons, à l’embranchement des débouchés de Monteijar et Isnallos. Cette nécessité réduisait l’effectif de Molitor à environ 6 000 hommes.
Le général Saint-Chamans, avec les 4e et 20e de chasseurs à cheval, chassa l’ennemi de Novalejo. L’infanterie du général Pelleport et les dragons du général Domon se dirigèrent sur Campillo, où ils arrivèrent en même temps que Saint-Chamans. L’ennemi fut promptement débusqué du village, et les Constitutionnels réfugiés sur les hauteurs, attaqués avec impétuosité, furent repoussés sur la route de Cambil. Pendant que l’action se propageait ainsi sur les chaînes parallèles des montagnes, le général Buchet, commandant le 24e régiment et un bataillon du 39e, parvenu à s’établir sur un vaste plateau au pied du Castillo, y avait rejoint le général en chef. Alors la majeure partie des troupes était engagée, la fusillade retentissait sur tous les points, et l’ennemi défendait de son mieux l’inextricable terrain où il s’était posté.
Mais le général Laverdo s’étant rendu maître du chemin de Cambil, la brigade Bonnemains ayant, malgré sa belle défense, culbuté le régiment léger de Valence, et les Espagnols ayant été chassés de Cortijo del Castillo et de toutes leurs positions des collines, par les 4e et 8e légers, le 11e de ligne et le 24e, l’issue de la journée ne restait plus douteuse.
En vain l’infanterie ennemie chercha-t-elle à se rallier, en vain les Constitutionnels voulurent-ils utiliser leurs connaissances des localités pour s’embusquer dans les accidents de terrain couronnant les hauteurs, ils furent débusqués de tous points et ils n’eurent d’autres ressources que de se jeter en hâte sur Cambil, abandonnant leurs blessés, leurs armes, et perdant un grand nombre de prisonniers. Nos soldats les poursuivirent jusqu’à la nuit dans la direction de Charchelejos. Sans les difficultés insurmontables du terrain, qui annulaient complétement l’usage de notre artillerie et de la cavalerie, l’armée de Ballesteros était anéantie jusqu’au dernier homme. Toutefois le chef constitutionnel se vit réduit à 8 000 partisans.
La conséquence de cette journée, qui eût pu être plus complète sous le rapport militaire, fut cependant très notable sous le rapport politique. Le 4 août, le général Molitor, qui avait porté son quartier-général à Grenade, reçut la soumission de Ballesteros et de son armée à la régence établie à Madrid au nom du roi Ferdinand.