D’après « Histoire des français » – Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi – 1834
Après la conquête de Thionville, le duc de Guise attaqua Arlon, et s’en rendit maître par capitulation le 3 juillet ; mais un accident ayant mis le feu au magasin à poudre, la ville entière fut brûlée. Il avait eu l’intention d’attaquer ensuite Luxembourg. D’autre part, il avait promis son aide à Paul de Termes, qui, avec une autre armée française, venait d’entrer dans la West-Flandre.
Le duc de Savoie, qui était opposé à Guise, rassemblait son armée à Maubeuge pour lui tenir tête. Des discordes et des soulèvements dans l’armée française empêchèrent Guise d’exécuter aucun de ces projets, et lui firent perdre dix-sept jours sur la frontière du Luxembourg. Les troupes qu’il commandait étaient presque toutes allemandes ; plusieurs avaient servi Philippe, et avaient été débauchées par l’appât d’une plus forte solde. Un jour, les reîtres prirent querelle avec les gendarmes français qui servaient avec eux. Une autre fois, un baron de Hunebourg menaça Guise de son pistolet ; il fallut toute la fermeté et la présence d’esprit du duc pour ramener à l’obéissance ces hommes indisciplinés. Mais pendant ce temps l’ennemi avait cessé de les craindre, et un grand désastre avait de nouveau frappé les Français.
Paul de Termes était parti de Calais à la fin de juin pour entrer dans la West-Flandre avec une armée de dix à douze mille hommes, dont plus de la moitié étaient Allemands, et le reste Gascons. Il prit Dunkerque d’assaut le 6 juillet, puis Bergues-Saint-Vinox, et ensuite Nieuport. Pour s’attacher les troupes, il livra ce riche pays au pillage, et il permit à ses soldats d’y exercer d’atroces cruautés.
Les Flamands qui pouvaient lui échapper s’enfuyaient devant lui, emportant dans leur cœur un ardent désir de vengeance. Ils la demandèrent au comte d’Egmont, qui arrivait en hâte pour les défendre avec douze mille hommes de pied et trois mille chevaux. Celui-ci, encouragé par la faveur des habitants, poussa jusqu’à Gravelines, et se trouva ainsi derrière les Français.
De Termes, qui avait compté sur la coopération du duc de Guise, voyant au contraire sa ligne d’opérations coupée, commença sa retraite ; il se flatta de regagner Calais en suivant le rivage de la mer, et en profitant du reflux pour passer sur la grève abandonnée par les eaux.
C’était le 13 juillet 1558, et déjà il avait passé l’embouchure de l’Aa et de la Fosse-Neuve, lorsqu’il fut attaqué sur sa gauche et en face par la nombreuse cavalerie du comte d’Egmont.
Les Gascons se défendirent avec vaillance ; les Allemands de son armée, au contraire, paraissaient indifférents à l’issue du combat.
Lorsque dix vaisseaux anglais, qui par hasard se trouvaient à portée d’entendre la canonnade, accoururent au feu, et s’embossèrent sur la droite de l’armée française, appuyée à la mer. Le trouble des soldats de Termes fut extrême quand ils se virent pris à revers par l’artillerie anglaise, justement au lieu où ils s’étaient crus le plus en sûreté. Ils se mirent à fuir, mais ils rencontrèrent bientôt les paysans flamands, furieux des outrages qu’ils avaient reçus, et qui ne faisaient grâce à aucun d’eux. L’armée tout entière fut détruite, et ses chefs, de Termes, Villebon, Annebault, Sénarpons, le comte de Chaulnes et Morvilliers, demeurèrent captifs entre les mains du comte d’Egmont et des Espagnols.
La défaite de Gravelines, suivant de si près celle de Saint-Quentin, fit perdre courage à Henri II, et lui fit résoudre de travailler sérieusement à mettre fin à la guerre.