D’après « Archives de la grande guerre » – 1921
21e Corps d’armée – 14 Août 1914
Le 21e Corps d’armée, constitué en janvier 1914 à Epinal, comprenait les 13e et 43e Divisions d’Infanterie, ainsi composées :
13e D.I Général Bourderiat |
25e Brigade Général Barbade |
17e Régiment d’Infanterie |
17e, 20e, 21e Bataillons de Chasseurs |
||
26e Brigade Colonel Hamon |
21e et 109e Régiments d’Infanterie |
|
62e Régiment d’Artillerie |
||
43e D.I Général Lanquetot |
85e Brigade Général Pillot |
149e et 158e Régiments d’Infanterie |
86e Brigade Colonel Olleris |
1er, 3e, 10e, 31e Bataillons de Chasseurs |
|
12e Régiment d’Artillerie |
||
Artillerie de Corps : 59e Régiment d’Artillerie |
||
4e Régiment de Chasseurs à Cheval |
||
11e Régiment du Génie |
Sa zone de couverture s’étendait du Valtin, à l’Est, aux environs d’Avricourt, à l’Ouest. Les principaux passages des Vosges situés dans son secteur étaient les Cols du Bonhomme, de Sainte-Marie, d’Urbeis, de Saales, et la route du Donon. Sur la plupart de ces points, les Allemands avaient pu se fortifier à loisir pendant la période de tension politique, puisque les instructions du gouvernement prescrivaient de tenir nos éléments à 10 kilomètres environ de la frontière.
Lorsque liberté fut rendue aux troupes de couverture, le commandant du secteur jugea préférable de n’engager les actions de vigueur destinées à nous rendre la possession des cols, que lorsque les éléments des autres unités de la 1ère armée seraient en mesure de le soutenir.
Cette proposition approuvée par le Général commandant la 1ère Armée eut pour conséquence de retarder jusqu’au 8, l’attaque des deux premiers cols : Bonhomme et Sainte-Marie, et de n’engager celle dirigée au Nord, vers Saales, que lorsque, conformé- ment aux ordres de l’armée, le 14e Corps d’Armée serait venu relever le 21e sur les positions conquises. La relève au col de Sainte-Marie fut entravée par l’ennemi et les éléments de la 43e Division, qui avaient été chargés de l’attaque des cols, furent retenus quelque peu plus longtemps qu’on ne l’avait prévu.
Le 11 août, l’ennemi faisait irruption par le col de Saales dans la vallée de la Fave. Il en fut vigoureusement chassé le 12 par une belle attaque, où le 3e Bataillon de Chasseurs se distingua particulièrement. Le 13, le col de Saales menacé au sud par la 43e Division, à l’ouest par une partie de la 13e, tombait entre nos mains à la suite d’une forte cannonade, et le 21e Corps d’Armée était tout entier orienté vers la vallée de la Bruche avec mission nettement offensive, le 14 août.
Une des brigades de la 13e Division d’Infanterie, la 25e (général Barbade), qui pendant la période de couverture avait tenu le front en avant de la Meurthe de Blâmont à Badonviller, était dirigée par la vallée de la plaine sur le Donon. Les autres corps de la 1ère Armée, 14e à l’Est, 13e, 8e, et corps de cavalerie du général Conneau à l’Ouest du 21e Corps, se portaient en avant à la même date du 14.
C’est dans ces conditions que s’engagea l’action, qui devait sur le front du 21e corps, conduire à un succès complet.
Le récit qui suit est emprunté à l’ouvrage « Opérations du 21e corps du 1er août au 13 septembre ». Les feuilles à consulter de la carte au 1/80 000 sont : Lunéville, Nord-Est et Sud-Est ; Strasbourg, Nord-Ouest et Sud-Ouest.
Dans l’offensive générale de l’armée sur le nord-est, le 21e corps devait prendre pour direction générale d’attaque la vallée de la Bruche, relié, à droite, au 14e corps qui progressait vers Villé et Barr, à gauche, au 13e s’avançant vers Cirey-sur-Vezouse, auquel il se reliait par la 25e Brigade, dirigée sur le Donon par les vallées de la Plaine et du Rabodeau.
Ordre général d’opérations n° 10 du 21e corps pour la journée du 14 août assignait comme objectif le front Schirmeck, Grandfontaine, les Minières, le Donon et prévoyait l’avance dans nette direction en trois colonnes :
A droite, la 43e Division d’Infanterie et l’artillerie de corps par la route principale Saales-Schirmeck, se couvrant vers l’est par un bataillon du 149e au Haut-de-Steige et par un détachement d’un régiment et une batterie partant de la Salcée et Raurupt, dirigé sur la Rothaine (Affluent de la Bruche), ayant mission d’établir la liaison avec le 14e Corps d’Armée. Ces deux fractions absorbaient la 85e Brigade presque en entier.
Au centre, la 13e Division d’Infanterie, moins la 25e Brigade, passait par le col de Hanz, Champenay et la route contournant le massif de la Chatte-Pendue.
A gauche, le détachement Barbade, 25e Brigade et 2 groupes d’artillerie divisionnaire maintenus aux ordres du général commandant l’armée, suivait la vallée de la Plaine et se dirigeait sur le Donon par le col du Prayez.
Le 4e Régiment de Chasseurs réparti entre les trois colonnes, deux escadrons à droite, un au centre, un à gauche, couvrait le mouvement.
Nous ne possédions sur l’ennemi que des renseignements assez vagues, mais son activité très ralentie depuis le 12 nous donnait l’impression que nous le dominions nettement. Il fallait toutefois s’attendre à le rencontrer sur l’une des positions de barrage qu’offre la vallée. En fait, cette position était celle de Saint-Blaise-Plaine, sur laquelle il s’était sérieusement retranché et dont la défense devait être appuyée par l’artillerie de campagne et de l’artillerie lourde. Je marchais à l’avant-garde de la colonne de droite, lorsque, arrivant à hauteur de la halte de Saulxures, nous reçûmes les premiers coups de canon.
L’artillerie de la 43e Division d’Infanterie et une partie de l’Artillerie de Campagne s’établirent sur la pente sud du mamelon 157 (nord-est de Saulxures). Celle de la 13e Division d’Infanterie prit position de part et d’autre de la route : col de Hanz-Champenay à la lisière des bois couronnant les hauteurs qui la dominent. L’infanterie de la 86e brigade s’élevait à la fois dans les bois à l’ouest de la route principale, ainsi qu’à l’est de celle-ci dans la direction de Sur-Neufpré. La 26e Brigade marchait sur Champenay.
La liaison entre les deux divisions était assurée d’un côté par une compagnie du 1er Bataillon de Chasseurs à Pied et de l’autre par des fractions du 21e Régiment d’Infanterie dirigées par Saulxures sur Goutterangoutte.
Une compagnie de ce régiment s’égara et vint à l’est de Saulxures sur le mamelon séparant ce village de la route principale ; elle y fut prise aussitôt sous le feu du canon ennemi et s’égailla immédiatement. Cette action de détail, qui se passa sous mes yeux, m’amena à intervenir pour rectifier l’erreur de direction et fut pour moi un enseignement : d’une part, sur la visibilité de nos uniformes, d’autre part, sur le peu d’efficacité du canon de campagne allemand à l’égard des formations diluées. La compagnie ainsi surprise en flagrant délit n’eut à enregistrer que des pertes insignifiantes.
Par contre, l’entrée en action des pièces lourdes de l’ennemi, dont le tir était dirigé sur nos batteries en position au nord de Saulxures, produisit quelques résultats matériels (une pièce démontée) et un certain effet moral sur le personnel. L’autorité du général Dumézil, commandant l’artillerie du Corps d’Armée, s’employa activement à le combattre.
La progression de l’infanterie était très lente.Saint-Blaise d’une part, la Plaine de l’autre, et, entre les deux, le mamelon fortifié qui les unit, constituaient une ligne de résistance sérieuse. Le premier de ces points d’appui situé dans un fond de vallée échappait à l’action de l’artillerie. Les travaux de défense étaient fort bien dissimulés, ainsi que les emplacements de batteries.
Je me rendis compte de la nécessité de déborder la position par les ailes en gagnant les hauteurs, et j’adressai des ordres dans ce sens aux commandants des deux colonnes principales.
La 86e Brigade, à droite, devait s’efforcer d’atteindre le bois d’Obouleau à l’est de Saint-Blaise, et dirigeait une flanc-garde plus à l’est sur le mamelon 702. La 26e Brigade, à gauche, devait gagner la hauteur qui domine Plaine, à l’ouest, par le massif de Chatte-Pendue. L’exécution de ces mouvements devait nécessairement être lente, et il n’eût servi à rien de chercher à brusquer l’action avant qu’ils eussent produit l’effet qu’on en attendait.
Vers 15 heures, le 1er Bataillon de Chasseurs à Pied était déployé presque en entier à l’ouest de Saint-Blaise devant les tranchées couronnant la croupe au nord de la ferme Benaville.
Le 3e Bataillon de Chasseurs à Pied avait deux compagnies à la lisière nord du village et tenait la hauteur 694 à l’est de ce dernier ; nous étions maîtres de la majeure partie de la localité, mais l’ennemi tenait encore dans la filature, où ses mitrailleuses nous gênaient considérablement.
A la 26e Brigade, une certaine hésitation s’était manifestée tout d’abord dans l’attaque de Plaine. Un ordre formel de foncer de l’avant lui fut adressé vers 15 heures.
Le 21e Régiment d’Infanterie réussit à déborder le village, mais subit des pertes sensibles du fait de mitrailleuses installées notamment dans le clocher de l’église. Le colonel Frisch fut atteint d’une grave blessure dans cette attaque ; l’action du régiment fut toutefois décisive sur les derrières de la position ennemie. Entre temps, notre artillerie, malgré la difficulté qu’elle éprouvait à repérer les batteries ennemies, prit sur celles-ci une supériorité marquée et les réduisit au silence.
L’attaque de la colonne de droite se poursuivit au delà de Saint-Blaise sur Diespach, que menaçait un bataillon du 158e par le sud. La résistance de ce côté fut assez vive, mais le 3e Bataillon de Chasseurs à Pied réussit à atteindre Fouday par l’est, vers 19h30, tandis que la flanc-garde occupait plus à l’est encore la hauteur Bellefosse 709.
A la tombée du jour, nous étions complètement maîtres de la position, à l’exception d’un groupe de constructions au nord de Fouday, que défendait un détachement ennemi plus tenace et bien armé de mitrailleuses. Sa résistance fut enfin dominée par nos chasseurs à pied et, bientôt, de nombreux prisonniers nous étaient amenés. Parmi eux se trouvaient pas mal de réservistes alsaciens qui saisirent volontiers, dès que la possibilité leur en fut donnée, l’occasion de témoigner leurs sentiments d’attachement pour la France. Ainsi s’expliquait, paraît-il, l’apparition de quelques chiffons blancs dans les tranchées ennemies qui avait été constatée à certains moments dansla journée, mais à l’égard de laquelle nous avions montré une méfiance justifiée par le souvenir des agissements récents de l’ennemi. Pendant la nuit, le 1er Bataillon de Chasseurs à Pied pénétrait dans Diespach.
L’aspect de la position principale que nous venions d’enlever, où douze pièces de canon restaient abandonnées, entourées de nombreux cadavres, prouvait l’efficacité du tir de notre artillerie, comme aussi la ténacité des défenseurs.
Les pertes très sérieuses de notre infanterie, et spécialement celles de la 26e Brigade, témoignaient par ailleurs de la chaleur de la lutte. Ces pertes furent, comme toujours, très surestimées sur le moment et devenaient même impressionnantes dans le compte rendu verbal qui me fut fait le 15 au matin. Ramenées à leur exacte valeur après rassemblement et appel des unités, elles n’en restaient pas moins suffisantes à prouver que l’ennemi nous avait de son mieux disputé la victoire.
La nuit tombait au moment où celle-ci nous arrivait. Dans l’étroite vallée de la Bruche, en terrain accidenté, il ne pouvait être question de lancer l’unique régiment de cavalerie du Corps d’Armée à la poursuite de l’ennemi. C’est à l’artillerie qu’incomba cette mission, sur l’initiative du général Dumézil, qui fit balayer à toute volée et jusqu’à l’extrême portée des pièces, la route principale de la Bruche. Les nombreux objets (armes, effets d’habillement et d’équipement, outils, etc.) abandonnés, tant sur la position principale que sur les chemins, démontraient à n’en pas douter que la défaite de l’ennemi s’était achevée en déroute. Ceci nous fut confirmé plus tard par les réservistes alsaciens.
Il paraît nécessaire d’insister sur ce point pour rétablir la vérité. Les réservistes alsaciens du 99e d’Infanterie de Saverne, qui ont saisi avec la joie l’occasion de passer « à l’ami » et de venger ainsi les outrages que leur avaient infligés leurs chefs allemands l’année précédente, n’étaient pas seuls à défendra la position de Saint-Blaise. Si nous accueillons à bras ouvert et le cœur plein de joie nos frères retrouvés, nous ne devons pas cependant diminuer la vaillance de nos troupes qui, le 14 août, ont eu à surmonter une dure résistance et ont laissé tant des leurs sur le terrain.
Pour couronner ce succès, le 1er Bataillon de Chassseurs à Pied s’empara du drapeau du 4e Bataillon du 132e Régiment d’Infanterie, que ses défenseurs avaient caché sous un tas de foin dans la ferme Niargoutte qu’ils défendirent jusqu’à la fin de la journée.
Le nombre total des prisonniers ennemis, tant valides que blessés, s’élevait à 1 200 environ, et douze pièces de canon restaient entre nos mains.
Pour la nuit du 14 au 15, la ligne de résistance de nos avant-postes était marquée par Bellefosse, Fouday, le signal de Plaine, la cote 615 (1 kilomètre nord de Plaine). La 25e Brigade atteignait le Donon et, du côté de l’est, nous tenions le Haut-de-Steige par un bataillon du 149e.
Pour apprécier l’importance de cette affaire, il faut mettre en regard de nos forces réellement employées (86e et 26e brigades avec l’artillerie de corps), celles que l’ennemi nous a opposées.
Les Schlachten und Gefechte (*) indiquent comme présents à Diespach le 14 août : l’état-major de la 60e Brigade, les régiments de réserve 15e et 99e, une partie du 3e Chasseurs à cheval, l’Ersatz-Abtheilung des régiments d’artillerie de campagne 15e et 51e, le régiment d’artillerie à pied n°10. Cette énumération est certainement, incomplète puisqu’elle ne comprend pas le bataillon du 132e dont nous avons pris le drapeau. Ce régiment appartenait à la 39e division d’infanterie, dont la majeure partie a été employée entre Cernay et Mulhouse au commencement d’août.
(*) Abréviation du titre d’un ouvrage allemand paru en 1919 donnant pour chacune des journées d’engagement de toute la guerre l’indication des unités allemandes y ayant pris part. Malgré le caractère officiel de cette publication, il est permis d’en discuter les affirmations, et l’exemple de la journée du 14 Août prouve qu’elles peuvent n’être pas strictement exactes.
Le même ouvrage (S. u. G.) donne comme ayant été dans la vallée de la Bruche du 14 au 19 août les unités suivantes : XIVe Corps d’Armée de réserve (26e et 28e Divisions de Réserve), la 19e Ersatz division, la 30e Division de Réserve. Le 99e de réserve appartient à la 26e Division de Réserve ; le 8e Bataillon de Chasseurs de Réserve, dont la présence à Provenchère a été signalée depuis le 11 août et qui n’a pas du aller bien loin, appartient à la 28e. L’état-major de la 60e Brigade et le 3e chasseurs à cheval sont à la 30e Division Active. Il est donc permis de croire sans exagération que des éléments autres que ceux signalés comme présents à Diespach le 14 août sont entrés en ligne.
On sera plus autorisé encore, à affirmer que, dans sa première rencontre avec l’ennemi, le 21e corps s’est trouvé devant un adversaire nullement méprisable.
On trouvera peut-être que j’ai attribué au combat de Saint-Blaise une importance trop grande, mais, si je crois avoir le droit d’être fier, des résultats d’une affaire où j’ai commandé seul sur le terrain et où les troupes sous mes ordres ont fait preuve d’une incontestable valeur, j’estime que ce droit devient un devoir lorsque je constate le silence dont on a entouré ce combat. Il ne fait l’objet que d’une très courte mention dans les Souvenirs récents du général Dubail, et j’ai attendu jusqu’en septembre 1917 la citation à l’ordre de l’armée, récompense de mon action personnelle et consécration du succès du 21e Corps d’Armée.
Sans doute, les résultats de ce succès n’ont pas dépassé les limites de la vallée de la Bruche dont, pendant quelques jours, nous fûmes maîtres jusqu’à Wisches. Mais si l’action des corps d’armée voisins du 21e avait été aussi heureuse à la même époque, on aurait peut-être attribué à la sienne, une importance plus adéquate à sa valeur réelle.
Je signalerai à ce propos qu’au cours de la lutte du 14 août, je m’étais préoccupé de ce qui se passait à ma droite, en détachant une partie du 149e Régiment d’Infanterie au Haut-de-Steige pour assurer la liaison avec le 14e Corps d’Armée.
Le général Pillot avait été, sur mon ordre, se rendre compte de ce qui se passait en ce point. Il constata la présence de l’ennemi dans les bois et à Steige, preuve que Villé n’était pas encore entre nos mains. Il prit, le 15 août, le commandement du détachement renforcé par de l’artillerie et fit ouvrir le feu sur Steige qu’il s’apprêtait à attaquer, mais que l’ennemi évacua. Dans la journée, le 14e Corps d’Armée s’emparait de Villé.
La lutte au Haut de Steige fut assez meurtrière en raison des nombreux groupes de tireurs postés par l’ennemi dans les bois. Nous y perdîmes notamment le commandant Didierjean, du 149e.
Le Quartier Général du Corps d’Armée fut porté à Saint-Blaise le 16 août et nous nous installâmes dans la vallée de la Bruche, où nous pûmes constater avec quel soin les Allemands avaient établi leur organisation des liaisons. On découvrait des postes téléphoniques soigneusement dissimulés, et il fallait se montrer extrêmement vigilant à l’égard de tous les individus ayant une attache avec le gouvernement.
Pour donner une idée de leur audace, je signalerai ce fait : le 14, à la nuit tombée, je rentrais au Quartier Général de Saales, et je vis briller au sommet du sanatorium de Tannenberg, élevé sur l’un des flancs de la vallée, un phare électrique dont rien ne justifiait la nécessité, si ce n’est sans doute l’envoi de signaux à distance. Cet établissement hospitalier où affluaient les blessés de la journée avait pour directeur Herr Scheid ; il était tenu par des religieuses allemandes. Par ailleurs, les perquisitions opérées dans la localité et notamment au domicile d’un ancien gendarme, Peter, bien connu comme agent du Service de Renseignement ennemi, amenaient la découverte de papiers fort intéressants, démontrant combien ce service avait de ramifications chez nous.
Rien de tout cela sans doute n’est de nature à nous surprendre, mais il n’est pas inutile de relever, chemin faisant, la preuve des préparatifs de l’ennemi en vue de la guerre qu’il a déchaînée sur l’Europe et dont il essaye maintenant de décliner la responsabilité.
Les découvertes ainsi faites, comme aussi certains agissements plus que suspects, conduisirent notre haut commandement à ordonner la saisie d’otages qui furent envoyés à l’intérieur dans des camps de concentration. L’opération fut conduite avec ménagement, mais n’en donna pas moins prétexte à l’ennemi pour tenter de justifier les odieuses violations du droit des gens qu’il a commises par la suite.
Le succès remporté par le 21e Corps d’Armée avait pour conséquence de placer celui-ci nettement en avant des deux corps qui l’encadraient. Aussi lui fut-il prescrit, pour la journée du 15 août, de se fortifier sur les positions conquises, et d’organiser le Donon. L’armée spécifiait que les travaux défensifs devraient comprendre des tranchées profondes, dissimulées, avec défenses accessoires.
L’offensive du 21e Corps d’Armée serait reprise dès que le 14e Corps d’Armée à sa droite aurait gagné du terrain.
La 25e Brigade (Barbade), renforcée d’un bataillon de Chasseurs à Pied de réserve, le 57e, et d’une compagnie du génie de corps était chargée de l’organisation du Donon. Le détachement du Haut-de-Steige (un bataillon du 149e) était maintenu en place et renforcé d’un Bataillon de Chasseurs à Pied de réserve.
Le 16 août, le mouvement en avant fut repris avec objectif Schirmeck pour le 21e Corps d’Armée tandis que le 14e Corps d’Armée devait occuper Villé et le champ du Feu ; le 13e Corps d’Armée poursuivait son offensive sur Bertrambois et Saint-Quirin. Toutes les dispositions furent prises (ordre général n° 13) pour permettre au corps d’armée de briser éventuellement la résistance de l’ennemi, mais ce dernier se déroba, et nous pûmes atteindre notre objectif sans incident ( Ordre général d’opérations n° 14).
Pour la journée du 17 août, le 21e Corps d’Armée recevait mission de couvrir la manoeuvre de la 1ère Armée dans la direction du nord-est, avec la 13e Division face à Obersteigen et de Mutzig, et de se tenir prêt à porter le reste de ses forces, le 18, dans la région du Donon.
La 25e Brigade devait, tout en maintenant l’occupation du Donon, organiser face à l’est l’arête Grosmann-Noll, située au nord de cette position.
Le surplus de la 13e Division, s’organisant à hauteur d’Hersbach et de Schwatzbach, barrait le couloir de Wisches dans la vallée de la Bruche et devait assurer la liaison avec le détachement Barbade.
La 43e Division était groupée entre Schirmeck, Grand-fontaine et Saint-Blaise, avec Quartier Général à Rothau, de manière à être à portée de la route du Donon ; elle devait toutefois maintenir son détachement du Haut-de-Steige que le 14e Corps d’Armée n’avait pas encore relevé. Ainsi se faisait sentir, par sa répercussion lointaine, l’inconvénient signalé précédemment de la relève par un autre corps d’armée des éléments du 21e Corps d’Armée chargés de l’enlèvement ou de la garde des cols des Vosges. Depuis le 10 août, la 43e Division restait ainsi accrochée par son aile droite en arrière du front du corps d’armée.
L’ennemi n’opposa aucune résistance sur tout le front de l’armée pendant la journée du 17, et ordre fut donné d’exécuter, le 18, le mouvement prévu de la 43e Division d’Infanterie et des éléments non endivisionnés par le Donon et la haute vallée de la Sarre, vers la région Abreschwiller, Saint-Quirin, où elle devait retrouver la brigade coloniale Simonin mise aux ordres du 21e Corps d’Armée. La 13e Division d’Infanterie continuait la mission de couverture qui lui était précédemment assignée dans la vallée de la Bruche et au Donon, où elle était renforcée de la réserve d’infanterie du Corps d’Armée et du détachement de Steige. Cette unité passait à cette date aux ordres du 14e Corps d’Armée, et la direction de ses opérations échappa à partir de ce jour, et jusqu’au 23, au 21e Corps d’Armée.
En passant au Donon, je vis les organisations défensives que le général Barbadey avait fait préparer ; elles comprenaient des retranchements d’un certain relief couverts de sérieuses lignes d’abatis, et comportant entre eux les intervalles qui nous semblaient alors indispensables pour passer éventuellement à l’offensive. Sans doute ces retranchements ne comprenaient pas des tranchées profondes, mais comme ils étaient établis sous bois et échappaient par conséquent aux vues de l’artillerie, cette disposition était sans inconvénient.
Le manque de fil de fer dans nos approvisionnements de campagne empêchait par contre de donner aux défenses accessoires toute la puissance désirable. Ce défaut se fit sentir lorsque l’ennemi attaqua la position de Donon, mais je dois reconnaître qu’il ne m’apparut pas au cours de mon inspection ; en eût-il été autrement d’ailleurs que les moyens d’y remédier m’auraient manqué. Je crois devoir insister sur ce point parce qu’on pourrait être surpris que le centre de résistance du Donon n’ait pas tenu plus longtemps et tenté d’en faire porter la responsabilité au chef chargé de l’organiser et de le défendre.
Général Legrand-Girarde
Ancien sous-chef de l’Etat-Major,
Général de l’armée, ancien commandant du XXIe corps d’armée.
Didier Boulnois Caloyannis on 9 décembre 2014
Bonjour,
j’ai reçu ma fourragère en septembre 1980 à Plaine Saint Blaise pour commémorer cette belle victoire française de mon régiment.