D’après le « Dictionnaire historique et biographique des généraux français ».
Jean Baptiste Pierre Jullien de Courcelles
François de Chevert, lieutenant-général, naquit à Verdun-sur-Meuse, le 21 février 1695. Il suivit, à l’âge de 11 ans, une recrue du régiment d’infanterie de Carné, qui passait à Verdun, et servit d’abord comme soldat dans ce régiment, avec lequel il demeura en garnison depuis 1706 jusqu’en 1710. Il fut fait sous-lieutenant dans le régiment d’infanterie de Beauce, le 9 décembre de cette dernière année, et se trouva, en 1711, à l’attaque d’Arleux.
Nommé enseigne de la compagnie colonelle du même régiment, le 25 juillet, et lieutenant, le 1er décembre suivant, il servit en Flandre jusqu’à la paix. On le fit aide major de son régiment, par brevet du 8 juillet 1719, et il obtint, le 17 septembre 1721, une commission pour tenir rang de capitaine. Il devint major, le 1er mars 1728, servit en cette qualité au camp d’Aimeries sur Sambre, du 31 août au dernier septembre 1732, et fut employé, en 1733, au camp du pays Messin, où il remplit les fonctions d’aide-major-général de l’infanterie.
Il se trouva à la prise de Trèves ; au siège et à la prise de Traër-Bach ; au siège et à la prise de Philisbourg, en 1734, et à l’affaire de Clausen, en 1735. Devenu lieutenant-colonel de son régiment, par commission du 1er août 1739, il marcha avec la première division des troupes, qui passa le Rhin au fort Louis, le 15 août 1741, et conduisit son régiment en Bohême.
Le maréchal de Saxe, qui connaissait Chevert pour un des hommes les plus fermes et les plus intrépides de l’armée, lui donna le commandement des grenadiers de son attaque pour l’escalade de Prague.
Au moment où l’on posait la première échelle pour cet assaut, Chevert assembla les sergents de son détachement, et leur dit : « Mes amis, vous êtes tous braves, mais il me faut ici un brave à trois poils » (ce furent ses expressions).
« Le voilà », ajouta-t-il, en s’adressant au nommé Pascal, sergent au régiment d’Alsace. Il lui donna l’ordre suivant : « Vois-tu ce renfoncement ? lui dit-il, en lui montrant l’angle rentrant d’un bastion, tu monteras par-là ; on te criera : Wer da (qui là) une fois, deux fois, trois fois ; ne réponds pas, et avance toujours ; la sentinelle te mettra en joue, tirera, et te manquera ; tu fondras aussitôt sur elle, tu la tueras, et je serai là pour te soutenir ». Tout se passa et réussit comme Chevert l’avait dit. Chevert entra le premier dans cette ville, et y maintint un si bon ordre, qu’aucune maison ne fut pillée, ni même endommagée.
L’électeur de Bavière, pour les intérêts duquel l’armée française avait combattu, donna le gouvernement de cette place au comte de Bavière, et nomma Chevert pour y commander sous lui, et en faire le détail.
Chevert fut créé brigadier, par brevet du 15 décembre, et on lui envoya des lettres de service du même jour, pour être employé en cette qualité. Il commanda à Prague pendant le reste de la guerre, servit avec la plus grande distinction pendant le siège de cette ville, et, malgré la disette de toute espèce, on dut à ses soins et à ceux de M. de Sechelles, un ordre et une économie si bien entendus que les troupes ne manquèrent point du plus nécessaire.
Lorsque le maréchal de Belle-Isle sortit de Prague avec l’armée, dans la nuit du 16 au 17 décembre 1742, il laissa Chevert dans cette place, avec une garnison de 1800 hommes formés par détachements, indépendamment des malades et des convalescents. Malgré la faiblesse de cette garnison, Chevert tint dans Prague jusqu’au 26 du même mois, époque à laquelle il obtint la capitulation la plus honorable. Se trouvant pressé dans Prague par les habitants et par les assiégeants, il sut contenir les uns et les autres, en menaçant, si on ne lui accordait une capitulation honorable, de mettre le feu aux quatre coins de la ville et de s’ensevelir sous ses ruines. Sa fermeté bien connue imposa aux ennemis, et le prince de Lobkowitz accorda la capitulation demandée.
Il sortit de cette ville, le 2 janvier 1743, avec sa garnison, les honneurs de la guerre, et deux pièces de canon. Les troupes furent conduites à Égra aux dépens de la reine de Hongrie, conformément à la capitulation, et Chevert revint en France.
Employé comme brigadier en Dauphiné, par lettres du 1er septembre 1743, il fit, par ordre du même jour, les fonctions de major-général des 14 bataillons qu’on joignit à l’armée d’Espagne sous les ordres de l’infant don Philippe.
Cette armée, après avoir campé pendant quelque temps à la Bersée, en partit, le 17 août, pour la Chenal, où on arriva le 5 octobre. On y attaqua le château et le village du Pont, que les ennemis abandonnèrent pour conserver les retranchements de Villarette. On coucha trois nuits sur le champ de bataille. Mais la neige et les mauvais temps obligèrent l’armée gallo-espagnole de se retirer, le 10 du même mois, en Dauphiné, où Chevert servit pendant l’hiver, par lettres du 1er novembre.
Employé à l’armée d’Italie, sous les ordres du prince de Conti, par lettres du 1er février 1744, il se trouva au passage du Var ; à la prise des châteaux d’Apremont ; à celle d’Utelle, de Nice, de Castelnovo, de la Scarenne et de la Turbie, au mois d’avril ; à l’attaque des retranchements de Villefranche et de Montalban, dans la nuit du 19 au 20 du même mois ; à la prise de Villefranche, le 21 ; à celle du fort de Montalban, le 23 ; et de la citadelle de Villefranche, le 25.
On le créa maréchal-de-camp, par brevet du 2 mai. Mais cette promotion ne fut point déclarée à cette époque. Il se trouva au passage de la vallée de Sture et à la prise du château Dauphin, au mois de juillet. Chevert et le bailli de Givry escaladèrent, le 19 de ce mois, le roc sur lequel était bâti le château Dauphin. Et, malgré l’artillerie des Piémontais et la présence du roi de Sardaigne, ils en atteignirent le sommet et l’emportèrent, après un combat sanglant qui coûta deux mille hommes aux assiégés et le double aux assaillants.
Déclaré maréchal-de-camp, le 1er août, il quitta la lieutenance-colonelle du régiment de Beauce, servit au siège de Demont, à celui de Coni, et se distingua particulièrement à la bataille qui se donna sous cette place. Il commanda pendant l’hiver dans l’Embrunois, par lettres du 1er novembre.
Employé à l’armée d’Italie, par lettres du 1er avril 1745, il servit aux sièges du château d’Acqui, de Sarravalle, de Tortone et de son château, à la prise de Plaisance, et à la soumission du Plaisantin, et du Parmesan.
Il commanda, le 27 septembre, une colonne de troupes au combat de Rivaronne, où les Piémontais furent battus. Il investit ensuite Alexandrie, commanda une fausse attaque avec tant de succès qu’on ouvrit la tranchée sans perdre un seul homme, et servit au siège de cette place. Il s’empara, le 8 octobre, de la ville d’Asti ; concourut à la prise de Casal, ainsi qu’à la soumission de tout le Montferrat, et passa l’hiver en Italie.
Il marcha, en 1746 au secours de Valence, dont on ne put empêcher la prise ; au siège des ville et château d’Acqui ; à la bataille de Plaisance ; au combat duTidon, et finit la campagne sous les ordres du maréchal de Belle-Isle. Chargé de la défense de la Provence où les ennemis avaient pénétré, et d’où ils furent entièrement chassés au mois de mars 1747, Chevert demeura sur la frontière de Provence, jusqu’à l’ouverture de la campagne.
Employé à la même armée, par lettres du 1er juin 1747, il se trouva, sous les ordres du maréchal de Belle Isle, au passage du Var, le 3 juin ; au siège et à la prise de Montalban, de Nice, de Villefranche, dans le même mois ; de Vintimille, le 1er juillet, et campa aux environs de Nice jusqu’au mois d’octobre, époque à laquelle il marcha au secours de Vintimille, qui se trouvait alors bloquée. Les ennemis furent attaqués et battus le 20 octobre, et on ravitailla Vintimille avant midi. Chevert avait commandé la 4e colonne des troupes qui avaient pris part à cette affaire. Il fut employé sur la frontière, par lettres du 1er novembre, et y resta jusqu’au dernier jour de février 1749.
Créé lieutenant-général des armées du roi, par pouvoir du 10 mai 1748, il ne fut déclaré qu’au mois de décembre. On l’employa en qualité de lieutenant-général à Metz, par lettres du 1er juillet 1749. Il commanda le camp de Sarre-Louis du premier au dernier jour de septembre 1753, par lettres du 13 juin précédent.
Il obtint une place de commandeur de l’ordre de Saint-Louis, par provisions du 28 mars 1754. Il commanda, la même année, le camp de Sarre-Louis, par lettres du 1er août, et ensuite le camp de Richemont, du 26 août au 25 septembre 1755, par lettres du 31 juillet de cette dernière année. Toujours employé au pays Messin, il commanda Sarre-Louis pendant l’année 1756.
Attaché à l’armée d’Allemagne, par lettres du 1er mars 1757, il quitta Sarre-Louis, et joignit l’armée à Dusseldorff au mois de mai. Il commanda différents détachements, avec lesquels il marcha toujours en avant, et s’empara, le 1er juillet, d’Herworden. Il fit partie du détachement commandé par le duc d’Orléans, lorsque ce prince, à la tête de cent compagnies de grenadiers et de tous les dragons, marcha à Winkelsem, et força les ennemis d’abandonner leur position.
A la bataille d’Hastembeck, gagnée en 1757, par le maréchal d’Estrées sur le duc de Cumberland, Chevert, à la tête des brigades de Picardie et d’Eu, et de 30 compagnies de grenadiers, attaqua la montagne de Nimerin qui formait la gauche des ennemis. Prêt à marcher à cette attaque, Chevert prit la main du marquis de Bréhant, colonel de Picardie, l’un des hommes les plus braves des troupes du roi : Mon ami, lui dit-il, jurez moi, foi de gentilhomme, de périr, avec tous les braves que vous commandez, plutôt que de reculer .
Après le combat le plus vif, il se rendit maitre de cette montagne, en délogea les ennemis, et détermina ainsi le gain de la bataille.
Il contribua ensuite à la conquête de l’électorat d’Hanovre, et rentra en France après la capitulation de Clostersevern. Il obtint la permission de porter la décoration de grand’croix de l’ordre de Saint-Louis, par lettres du 11 février 1758.
Employé à l’armée d’Allemagne, par lettres du 16 mars, il la joignit au mois de juin. Après la bataille de Crewelt, perdue par les Français, le 23 juin, Chevert fut détaché de Cologne pour se rendre à Wesel, où il ne put arriver que le 4 du mois d’août, à cause du débordement de toutes les rivières. Il attaqua, le 5, les ennemis au pont de Rés : mais il fut repoussé avec perte de 194 hommes tués, 300 blessés, et 6 pièces de canon, qu’on ne put emmener parce que tous les chevaux d’attelage avaient été tués.
Détaché dans les premiers jours du mois d’octobre suivant, avec 25 bataillons et 18 escadrons, tirés de l’armée que commandait le maréchal de Contades, il joignit sous Cassel, le 8 du même mois, l’armée commandée par le prince de Soubise. Il combattit, le 10, à la bataille de Lulzelberg gagnée sur l’armée anglo-hanovrienne, et y fut chargé de la principale attaque qu’il exécuta avec une grande valeur, et une intrépide fermeté. Après la défaite des ennemis, Chevert retourna, avec le corps de troupes qu’il commandait, à l’armée du maréchal de Contades, qu’il joignit le 23 du même mois, et où l’on se tint sur la défensive pendant le reste de la campagne.
Chevert ayant obtenu de Louis XV la permission d’accepter du roi de Pologne, électeur de Saxe, l’ordre de l’Aigle-Blanc, il fut reçu chevalier de cet ordre, le 2 décembre, par le prince Xavier de Saxe, qui lui remit en même temps une botte d’or enrichie de diamants, et accompagnée d’une lettre du roi de Pologne, remplie de témoignages d’estime et de bienveillance.
Il fut employé en Flandre, par lettres du 1er mai 1759, et y servit jusqu’au 30 avril 1760. Il continua de servir sur les côtes de Flandre, par lettres du 1er mai 1760, jusqu’au 21 juillet, et passa alors sur les côtes de Normandie, par lettres du même jour.
Il eut un pouvoir, du 13 février 1761, pour commander sur le Bas-Rhin, en l’absence et en attendant l’arrivée du prince de Soubise. Il concourut, par une diversion avantageuse, à chasser les ennemis jusqu’au-delà de la Hesse. Il fut employé à l’armée du maréchal de Soubise, par lettres du 1er mai, et y commanda, pendant la campagne, différents corps de troupes, qu’il conduisit toujours avec succès.
Il avait obtenu le gouvernement de Belle-Isle, par provisions du 12 juin 1759. Mais cette place ayant été prise par les Anglais, le roi lui donna en remplacement le gouvernement de Charlemont et de Givet, par provisions du 1er août 1761.
Il mourut à Paris, le 24 janvier 1769, à l’âge de 74 ans et fut enterré dans l’église de Saint-Eustache.