Le combat de Castel-Genest
D’après le « Nouveau dictionnaire historique des sièges et batailles » – 1808
Tandis que le général Dugommier attaquait Toulon, Masséna défendait les montagnes des Alpes contre les entreprises des Autrichiens et des Piémontais. Instruit de l’évacuation du poste de la Torre par les Sardes, Masséna résolut de profiter de ce mouvement rétrograde pour attaquer le poste de Castel-Genest, d’où il semblait encore menacer Utel. Aussitôt ce général assemble environ cinq cents grenadiers et chasseurs ; il se met à leur tête le 24 novembre 1793, et marche longtemps avant le jour, suivant le chemin de la Torre, pour tourner Castel-Genest par la droite, seul point attaquable de ce fort.
Ce fut en s’accrochant à des degrés taillés naturellement dans le roc, que cette petite colonne française gravit, continuellement suspendue sur d’horribles précipices. L’audace de cette entreprise en imposa aux ennemis qni s’enfuirent à son approche. Après quatre heures d’une marche pénible et difficile, Masséna atteignit le corps de bataille des Piémontais sur les hauteurs de Castel-Genest où il était campé. L’action s’engagea par une fusillade des plus vives, et bientôt l’on fut à portée de pistolet de leurs retranchements. Forts de leur position et de la supériorité de leur nombre, car ils étaient huit cents, les Piémontais firent pleuvoir sur les assaillants une grêle de balles et de rochers.
Si cette manière terrible et inusitée de combattre effraya quelques instants les Français, elle ne put leur enlever la victoire. Après deux heures d’une rude mêlée, les Piémontais, forcés dans leurs retranchements, se replieront sur la montagne de Brec, laissant sur le champ de bataille une foule de morts et de blessés. Leur retraite s’était faite dans le plus grand désordre. La terreur dont ils étaient frappés, engagea Masséna à tenter par surprise un succès qu’il ne pouvait arracher par la force.
Le Brec est la montagne la plus difficile et la plus élevée de cette chaîne des Alpes. On n’y arrive que par un sentier étroit et sinueux, bordé de rochers et de précipices où, depuis la naissance de la guerre, on ne s’était pas avisé d’essayer de porter du canon. Ce que personne n’avait osé même croire possible, Masséna l’exécuta. Il fit descendre une pièce de quatre du haut de la madone d’Utelle ; on la porta à bras pendant deux milles. Général, officiers, soldats y mirent la main. Enfin, après sept heures de travaux, elle fut mise en batterie devant le poste avancé de Castel-Genest ; elle tonna sur les Sardes.
Epouvantés du bruit de cette artillerie, répété et grossi par les échos dans ces lieux montueux et solitaires, les Piémontais s’ébranlent ; grenadiers, chasseurs, éclaireurs montent au pas de charge sur le sommet de cette montagne ; les Francais sont maîtres du Brec, et poursuivent les Sardes de poste en poste, de rocher en rocher. Une colonne, commandée parle général Despindy, tombe sur Figaretto. Après quelques fusillades, les Piémontais fuient de toutes parts, abandonnant trois camps tendus, des armes et des bagages.