Petit village des Ardennes de moins de 200 habitants, La Horgne a connu une bataille le 15 mai 1940.
Cet article est un condensé d’une parution dans la revue « La Charte » – Novembre Décembre 2010. Il est publié avec l’aimable autorisation de monsieur Thierry Moné.
Alors que les Allemands percent les lignes françaises à la charnière de Sedan et créent une brèche que tente vainement de colmater le commandement français, toutes les unités disponibles sont jetées dans la bataille.
La 3ème Brigade de Spahis du colonel Marc en fait partie et reçoit pour mission de tenir ferme le petit village ardennais de La Horgne pendant la journée du 15 mai. Il faut arrêter temporairement le flux des blindés allemands pour permettre l’engagement des réserves.
A en croire les chroniqueurs de l’époque, puis les autorités de la période d’occupation, la 3ème Brigade de Spahis à cheval aurait été totalement anéantie le 15 mai 1940, par la 1ère Panzer-Division, l’une des trois divisions blindées aux ordres du fameux général allemand Guderian. Le mythe de La Horgne était né.
Retranchée dans le petit village ardennais de La Horgne, la 3ème Brigade de Spahis du colonel Marc allait tenir tête, huit heures durant, au bataillon de Fusiliers motorisés du Major Richter.
Les régiments engagés étaient le 2ème R.S.A (Régiment de Spahis Algériens) aux ordres du colonel Burnol, et le 2ème R.S.M (Régiment de Spahis Marocains) aux ordres du colonel Geoffroy.
Le courage des Spahis n’aurait sans doute pas suffi pour arrêter aussi longtemps un tel adversaire. Mais au combat, le simple rapport des forces ne fait pas tout, il faut également avoir de la chance, avoir la « Baraka » diraient les Spahis.
En ce 15 mai 1940 au matin, Guderian veut appliquer le « Coup de faucille » du plan Manstein, qui va permettre d’encercler le cœur du corps de bataille franco-britannique engagé en Belgique.
Simultanément, il veut se couvrir face à une possible contre-attaque française dans le secteur de Stonne.
Fin tacticien, Guderian consacre à cette couverture une division blindée entière (la 10ème Panzer-Division) et la renforce même avec des unités prélevées temporairement dans ses deux autres divisions (la 1ère et la 2ème Panzer-Division). Au moment où la 1ère Panzer-Division doit reprendre sa progression vers l’ouest, le 15 mai au matin, son bataillon de reconnaissance est toujours détaché à la 10ème Panzer-Division.
Son artillerie et ses chars sont encore en position face au sud, prêts à briser une éventuelle contre-attaque française, et les ravitaillements en carburant et en munitions sont en cours.
Voilà pourquoi, de 10 heures à 14 heures, le 15 mai 1940, la 3ème Brigade de Spahis affronte un ennemi « à sa pointure » : le 3ème Bataillon du Schützen Regiment 1 de la fameuse 1ère Panzer-Division. Ce bataillon va engager successivement ses trois compagnies d’infanterie portée sur semi-chenillés et ses deux compagnies d’appui comprenant des obusiers d’appui d’infanterie, des canons antichars, des mortiers lourds et des mitrailleuses lourdes…
Rien n’y fera ! Avec un canon de 37 mm, deux canons de 25 mm antichars, quelques mortiers légers, des mitrailleuses et des fusils-mitrailleurs, les Spahis tiendront ferme sur leurs positions.
La bascule du rapport des forces coïncide avec l’arrivée sur zone de l’artillerie de campagne allemande. Encore convient-il de modérer cette affirmation en tenant compte de l’imbrication des combattants sur la face avant du village.
Ni la 3ème Brigade, ni le 3ème Bataillon allemand, ne peuvent vraiment manœuvrer, l’un fixant l’autre.
Pour avancer, les Allemands ont besoin d’artillerie et de chars… Justement, ces moyens arrivent.
Pour continuer de résister ou pour décrocher, les Spahis ont besoin d’artillerie… mais ils n’en ont pas et n’en auront pas !
L’artillerie se déchaîne sur l’arrière du village et sur les lisières boisées de la seconde ligne de défense. Une trentaine de chars interviennent ensuite, débordant les défenseurs et les prenant à revers. Un escadron de Spahis tentera bien une tardive contre-attaque à pied, mais ne pourra même pas déboucher du fait de la densité du feu. Le décrochage des Spahis s’opère alors dans les plus mauvaises conditions.
Contre toute attente, alors que la fin du combat semble proche, une erreur tactique va coûter très cher aux assaillants.
Au 2ème RSA, l’adjudant Fiévée avait judicieusement percé le mur de la sacristie de l’église pour y placer son vieux canon de 37 mm.
« Après avoir détruit les six chars et les deux side-cars, utilisant les munitions explosives récupérées, j’ai arrosé les lisières de bois où des éléments d’infanterie devaient être groupés. [...] Je mis rapidement mon canon hors-service en enlevant une clavette du piston, puis me précipitai dans l’église ».
L’ordre de décrochage a été donné très tardivement par les deux chefs de corps, qui sont restés avec les derniers défenseurs jusqu’à ce que les munitions fassent défaut.
Le colonel Edouard Geoffroy, chef de corps du 2ème RSM, a été tué alors qu’il essayait probablement de gagner la ligne d’arrêt avec les derniers défenseurs du 2ème RSA.
Le chef de corps du 2ème RSA, le colonel Etienne Burnol, résistait encore au niveau de l’église, un mousqueton à la main. Ne voulant surtout pas être capturé, le colonel Burnol tente alors de se forcer un passage en direction générale de la Crête Mouton. Il parvient à traverser le village et à s’exfiltrer avec quelques Spahis. Du côté français, les témoignages s’arrêtent là. Il semble que le colonel Burnol et ses hommes sont ensuite tombés nez à nez avec l’état-major du lieutenant-colonel Balck, commandant le Schützen-Regiment 1.
Ayant épuisé leurs munitions, mais toujours aptes à combattre, les derniers défenseurs du village de La Horgne se décident à rompre le combat et à gagner la ligne d’arrêt à 800 mètres en arrière de leur position. Alors que les positions défensives retranchées ont permis aux spahis de limiter un tant soit peu les pertes, la phase de décrochage va occasionner en un laps de temps très court des pertes équivalentes aux heures passées depuis le matin à défendre la position de La Horgne.
Le combat de La Horgne constitue un beau fait d’armes… pour les deux belligérants. En effet, au soir du 15 mai 1940, défenseurs et attaquants pouvaient légitimement annoncer « mission accomplie ».
Les premiers avaient réussi le tour de force de tenir la position de La Horgne jusqu’en fin d’après-midi. Les seconds avaient réussi à faire sauter le verrou de La Horgne.
Le 15 mai 1940, la 3ème Brigade de Spahis a eu 50 tués dans le secteur de La Horgne, et sans doute deux à trois fois plus de blessés.
Après leur avoir rendu les honneurs de la guerre, les Allemands ont capturé 86 soldats dont un bon nombre étaient blessés. Les deux chefs de corps des Spahis ont été tués au combat.
Les Allemands ont eu 31 tués et 102 blessés, et une dizaine de ses engins blindés ont été neutralisés.
La 3ème Brigade de Spahis réussira à s’exfiltrer et se regroupera près de Reims. Engagée durement sur l’Aisne, les 9 et 10 juin 1940, elle ne déposera les armes que le 23 juin, sur ordre, et après s’être battue jusqu’au bout de ses forces et de ses munitions.
Entre le 10 mai et le 23 juin 1940, la 3ème Brigade de Spahis aura eu 148 personnels tués : 12 officiers, 15 sous-officiers et 121 gradés et Spahis.
Le 14 mai 1950, un mémorial à la gloire des Spahis morts sur tous les théatres d’opérations depuis 1830, a été inauguré à La Horgne.
Le carré militaire du cimetière de La Horgne regroupe toutes les tombes des militaires tués des 2ème R.S.A et 2ème R.S.M, les chefs de corps étant enterrés au milieu de leurs Spahis.
Un musée, créé à l’initiative de l’association amicale des Spahis, montre l’importance des troupes d’Afrique du Nord, et particulièrement des Spahis, dans l’histoire militaire française.
Michel HEBERT on 23 juillet 2018
Mon père a participé à cette bataille, j’ai en ma possession son journal de marche
afin de nourrir les éléments en possession de la Mairie ou du Musée je suis en mesure de vous faire parvenir une copie. Il a fait partie de ceux qui furent captivés et enfermé à Sedan si mes renseignements sont bons. Il s’évadera un mois après avec un camarade. Ils ont marché de nuit jusqu’à rejoindre la Normandie.
BILLOT on 5 février 2024
Bonjour,
Feu mon oncle Arthur BILLOT a participé à cette bataille avec le 2ème Régiment de Spahis Marocains et a reçu une citation à l’ordre du régiment (attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze;
Je serai désireuse d’en savoir plus
Cordialement
MB