Eileen Nearne était née le 16 mars 1921 en France (père anglais et mère espagnole) et est décédée, seule, dans le dénuement le plus total dans un appartement minuscule de la ville de Torquay (Devon – Grande Bretagne). Son corps a été découvert le 2 septembre 2010.
Apparemment aucune famille connue, et l’on s’apprêtait à l’enterrer au carré des indigents, car personne ne pouvait payer son enterrement. C’est en vidant son appartement que des responsables de la mairie ont découvert une boite renfermant différents papiers (notes, souvenirs) et surtout différentes médailles.
Les documents étudiés par les services d’état ont montré, que pendant la seconde guerre mondiale, Eileen Nearne avait été un agent secret britannique du S.O.E (Special Operations Executive).
En 1944, elle est envoyée en France (Elle parlait couramment le français). Sa mission consistait à faire fonctionner un émetteur sans fil qui reliait les forces de la résistance française aux responsables à Londres. Son nom de code était « Rose » ou « Mademoiselle du Tort »
Arrêtée par la Gestapo, elle est torturée afin d’obtenir des renseignements. Ayant réussi à convaincre ses tortionnaires, qu’elle n’est qu’une petite française travaillant dans un magasin, elle est relachée. Mais elle sera à nouveau arrêtée et transférée dans le camp de Ravensbruck, puis dans un camp plus petit, où elle se lie d’amitié avec deux autres prisonnières françaises. Elle réussit à s’évader en avril 1945, avec ses deux amies, et à rejoindre les troupes alliées.
Alors, pourquoi est-elle décédée dans le plus grand dénuement ?
La réponse nous est donnée par le journal anglais « Dailymail ».
Les tortures que les Allemands lui avaient fait subir (mains cassées et tête maintenue sous de l’eau glaciale), avaient laissé des séquelles, et elle était sujette à de nombreux problèmes médicaux. En 1946, une commission de pension l’a déclarée handicapée à cent pour cent, suite à une névrose d’épuisement.
Une pension maximale de £ 175 par an, l’équivalent de £ 4,500 aujourd’hui, lui avait été accordée, mais douze mois plus tard, la pension était descendue à £ 140 sans explication.
En 1948, mademoiselle Nearne ne touchait plus que £ 87 et 10 shillings, et en 1950, lorsqu’elle est venue s’installer en France, la pension lui a été supprimée purement et simplement.
Un rapport psychiatrique de 1950 montre qu’elle souffrait de maux de tête, de dépression, d’insomnie, de palpitations et qu’elle avait un peu perdue le sens des réalités. Le psychiatre certifie que tout provient de ses expériences traumatisantes de la guerre.
En 1954, lorsqu’elle rentre en Angleterre, elle prend contact avec le gouvernement, pour donner le nom de son médecin, et demander à ce que sa pension lui soit versée. Refus du gouvernement anglais.
L’historienne Liane Jones, une des rares personnes à qui Eileen Nearne a accordé un entretien, a dit que ses expériences traumatisantes de la guerre ne l’avaient jamais quittée. « Eileen était très malade quand elle est revenue en Angleterre en 1945, et pendant des mois, elle était dans un état d’écroulement physique et émotionnel. Quand elle a commencé à se remettre physiquement, elle était toujours trop faible pour travailler. Elle s’est mise à peindre, produisant des images violentes, épouvantables, qui ont exprimé l’horreur de sa captivité et des camps. Elle n’a jamais parlé de son histoire, parce que sa captivité en Allemagne l’avait traumatisée ».
Et c’est ainsi que madame Eileen Nearne, jamais mariée, sans enfant, est morte dans le dénuement le plus total à 300 kilomètres de Londres.
Eileen Nearne était décorée, entre autres, de l’ordre de l’empire britannique, ainsi que de la Croix de guerre 39-45 française avec palme.
Ses obsèques ont eu lieu le 21 septembre 2010 à Torquay, en présence de 22 porte-drapeaux, de vétérans de la Royal British Union.