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  • 14 décembre 2009 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

    Beni-Mered le 11 avril 1842 dans PAGES D'HISTOIRE mortsgtblandanbenimered-150x150boufarik-150x150 dans PAGES D'HISTOIREbenimeredplace-150x150lyon-150x150

     

    La conduite héroïque du sergent Blandan

     

    D’après un extrait de la monographie de E. Perret (ancien capitaine de zouaves)
    « Les Français en Afrique : récits algériens »
    Editeur B. Bloud (Paris) – 1902

    Le 11 avril 1842, le sous-officier Blandan, avec seize hommes de sa compagnie dut escorter la correspondance entre Bou-Farik et Béni. Cette correspondance était confiée à un brigadier de chasseurs d’Afrique, accompagné de deux cavaliers allant en éclaireurs en avant de lui. Le jour où le sergent Blandan fut chargé de l’escorte, le brigadier désigné était un nommé Villars, vieux soldat à trois chevrons, appartenant au 4e chasseurs. Avec Villars, marchaient deux chasseurs de son escadron.

    La petite troupe française se composait donc du sergent Blandan avec seize soldats du 26ed’infanterie, du brigadier Villars avec deux cavaliers, soit vingt hommes en tout. Au dernier moment, M. Ducros, sous-aide chirurgien, se joignit à eux pour rentrer à Blidah, où il était attaché à l’hôpital militaire. Jamais les chefs de poste de la plaine de la Mitidja ne mettaient un détachement en route sans faire fouiller les environs au télescope par un sous-officier du génie portant le titre de sous-officier observateur et établi pendant tout le jour sur une plate-forme. La plaine ce jour-là parut absolument déserte entre Bou-Farik et Blidah ; pas un cavalier arabe ne se montrait à l’horizon. Le lieutenant-colonel Morris, commandant le camp d’Erlon, invita donc le sergent Blandan à partir.

    Les vingt hommes du sergent cheminaient depuis une heure dans la direction de la redoute de Beni-Méred. Un beau village s’élève actuellement à cet endroit. A l’époque dont nous parlons la redoute, avec blockhaus, servait de poste avancé à Blidah et n’avait guère qu’une garnison de cinquante hommes, relevés tous les cinq jours à cause de son horrible insalubrité. Arrivés à un point où la plaine est légèrement exhaussée, les chasseurs d’Afrique et les conscrits du 26°, qui marchaient allègrement avec cette gaieté et cette absence de souci particulière au soldat français en campagne, dirent joyeusement : « Nous arrivons à Beni-Méred ». En effet la redoute se voyait à un kilomètre.

    Il n’y avait plus qu’à traverser un assez grand ravin appelé Chabet-el-Mechdoufa, comblé aujourd’hui par les travaux de la route nationale et du chemin de fer. Tout à coup, le brigadier Villars et ses deux chasseurs, qui se trouvaient à une cinquantaine de pas en avant, se rabattirent sur le détachement, en lui signalant un nombreux parti de cavaliers ennemis qui avaient mis pied à terredans le creux du ravin, se dissimulant ainsi au télescope du sous-officier observateur du camp d’Erlon.

    L’embuscade était habilement choisie. Au milieu d’une plaine nue et aride, n’offrant que d’insignifiants abris, la petite troupe française ne résisterait sans doute pas longtemps et rien n’était plus aisé que de la cerner de toutes parts.Le brigadier Villars était un de ces braves qui ont en eux le sentiment exalté du devoir militaire. Avec un admirable sang-froid, il dit à Blandan, non moins calme que lui : « Sergent, nous autres avec nos chevaux nous pourrions facilement regagner Bou-Farik. Mais soyez tranquilles, puisqu’il y a du danger, nous resterons ensemble ». Et avec calme, les trois chasseurs d’Afrique mirent pied à terre, se firent un rempart de leurs chevaux et se préparèrent au combat. Le jeune sous-aide Ducros aurait pu aussi s’échapper, mais il suivit l’exemple des chasseurs d’Afrique, descendit de cheval, prêt à prendre le fusil du premier soldat qui serait blessé.

    Les cavaliers arabes étaient au nombre d’environ deux cents (C’étaient les coureurs habituels de Ben-Salem, mêlés à quelques cavaliers hadjoutes). Mais au bruit de la fusillade, on vit accourir au galop une centaine de Hadjoutes qui n’avaient pas trouvé place dans le creux du Chabet-el-Mechdoufa. Vingt et un Français allaient donc lutter contre trois cents ennemis, sans abri, presque sans munitions, presque sans espoir d’être secourus.

    Blandan forme à la hâte ses conscrits en cercle. A ce moment, il voit approcher en caracolant, dédaigneux et la cigarette aux lèvres, un homme que Ben-Douhad lui envoie en parlementaire. Le chef arabe n’a même point songé que vingt et un braves soldats oseraient lui résister ; il a dédaigné de prendre la moindre disposition d’attaque, et ses hommes, pied à terre, causent tranquillement.

    Le parlementaire, habillé du burnous rouge des cavaliers réguliers d’Abd-el-Kader, crie à Blandan en mauvais français : « Rends-toi ; nous ne te ferons pas de mal ».

    Froidement le sergent sort du cercle, ajuste l’homme et lui répond, en pressant la détente de son arme : « Voilà comment se rend un Français ». L’envoyé de Ben-Douhad tombe sanglant aux pieds de son cheval, et Blandan, magnifique de sang-froid, se replie sur ses hommes en leur disant : « A présent, camarades, il ne s’agit plus que de montrer à ces gens-là comment des Français savent se défendre. Surtout, ne nous pressons pas et visons juste ».

    Réglementairement, en Algérie, chaque fantassin n’avait alors que vingt cartouches. C’était, à la façon précipitée dont tirent habituellement les hommes livrés à eux-mêmes, l’affaire de vingt minutes de combat. C’était, à la façon dont le sergent se proposait de régler le tir, l’affaire d’une demi-heure à peine.

    Au coup de feu de Blandan, les cavaliers de Ben-Douhad effarés, montent précipitamment à cheval, sortent du ravin, et s’éparpillent dans la plaine pour le prendre de tous côtés. Ils caracolent autour de lui comme une volée de vautours, se promettant bien de rapporter vingt et une têtes dans leur tribu. A la première décharge, ils abattent sept des nôtres, ainsi que leurs chevaux, derrière les cadavres desquels s’embusquent aussitôt les survivants.

    Superbes d’audace, ces vaillants, héroïques soldats, commencent un tir lent et meurtrier, ne perdant pas une balle, prenant le temps nécessaire pour viser. Seul, Blandan est debout au milieu des siens ; il n’interrompt son feu que pour prendre des cartouches dans les gibernes des morts et des blessés, et les donner à ses conscrits. Le sous-aide Ducros fait bravement le coup de feu, et les trois chasseurs d’Afrique, jetant leur mousqueton qui n’a pas une portée suffisante, s’arment des fusils des fantassins tombés et prennent stoïquement part à une lutte désespérée.

    Beaucoup de chevaux commencent à errer sans cavalier dans la plaine, tant est précis le tir des Français. Mais la partie est trop inégale, et si des secours n’arrivent pas promptement, nos braves vont mourir un à un. Déjà le nombre des morts est plus grand que le nombre des vivants, et le petit cercle s’est singulièrement rétréci.

    « Serrez vos rangs » murmure de temps en temps l’héroïque sous-officier resté droit malgré deux blessures et brûlant ses dernières cartouches. Il tombe enfin, frappé à l’abdomen par une troisième balle. Mais il se soutient sur un coude, et crie à ses derniers compagnons : « Courage, mes amis ! Défendez-vous jusqu’à la mort ».

    Après Blandan, tombe le sous-aide Ducros qui avait pris le commandement. Le commandement de cinq hommes ! C’était tout ce qui restait !

    Les cinq braves qui survivent se comptent très rapidement. Le sergent, qui a encore toute sa connaissance, les soutient par ses ardentes excitations, et se traîne encore jusqu’à eux pour leur lancer quelques cartouches. Ils n’ont plus d’espoir. «Adieu, sergent, cela va être fini».

    Tout à coup, une trombe s’abat sur les cavaliers de Ben-Douhad. L’observatoire de Bou-Farik a signalé l’attaque, et les chasseurs d’Afrique, qui à ce moment étaient à l’abreuvoir avec leurs chevaux, sous la surveillance de leur officier de semaine, ont couru, le sous-lieutenant de Breteuil en tête, au camp chercher leurs sabres, puis, montés sur leurs chevaux sans selle et en bridon, se sont lancés dans la plaine à fond de train.

    En arrivant sur le terrain, l’intelligent officier juge d’un coup d’oeil la situation. Il voit d’autre part un détachement d’infanterie, sorti de la redoute de Beni-Méred, accourir à perte d’haleine, alors il conduit la charge de ses chasseurs de façon à prendre l’ennemi entre deux feux. Le lieutenant Corcy, des chasseurs lui aussi, arrive au même instant avec quelques retardataires. Nos cavaliers chargent avec fureur, et poussent les Arabes sur les baïonnettes des fantassins sortis de Beni-Méred.

    Ceux-ci sont une trentaine au plus, commandés par le lieutenant du génie de Jouslard. Ce brave officier n’a laissé au camp que des sapeurs, avec quelques artilleurs auxquels il donna l’ordre de faire feu avec l’unique obusier formant l’armement de la redoute. Il sait bien que les coups ne porteront pas, mais il connaît l’effet moral que produit le canon sur les Arabes, et de plus il veut donner l’alarme à la garnison de Blidah, composée du 17° léger.

    Attaqués de trois côtés à la fois, les Arabes tourbillonnent et commencent à fuir. Au même instant, ils entendent les clairons sonner la charge : ce sont les deux compagnies du 26° commandées par les capitaines Durun et Lacarde, qui arrivent au pas de course au secours des conscrits de Blandan. L’ennemi se disperse, sans pouvoir, selon son habitude, emporter ses morts et ses blessés.

    Des vingt et un hommes du détachement, cinq seulement n’avaient pas été atteints, quatre hommes du 2° bataillon et un chasseur. Dix étaient blessés, dont trois si grièvement qu’il fallut les amputer. Quant au sergent, il n’avait plus que quelques heures à vivre : il était atteint de trois blessures toutes mortelles.

    Le lieutenant-colonel Morris, commandant le camp d’Erlon, reçut les valeureux soldats, en exprimant aux survivants du drame de Beni-Méred un légitime orgueil. Il fit entourer de soins les blessés. Le brave curé de Bou-Farik accourut au camp pour les consoler et exhorter au courage ceux qui allaient être amputés ; il eut l’énergie de rester auprès de ceux-ci pendant la triste opération, d’autant plus douloureuse qu’à cette époque la science ne disposait pas de moyens anesthésiques.

    Il voulut se rendre également auprès de l’intrépide Blandan. On lui dit que cet admirable sous-officier venait de rendre le dernier soupir. Dans son délire, il n’avait cessé de répéter : « Courage, mes enfants, défendez-vous jusqu’à la mort ».

    On fit aux glorieux soldats de Beni-Méred, au nombre de six, des funérailles dignes de leur vaillance. Les morts étaient le sergent Blandan, le chasseur Ducasse, les fusiliers Giraud, Elie, Leconte et Laricon. Le lieutenant-colonel Morris, un de ces braves de l’armée dont les exploits semblent appartenir à la légende, prononça une de ces ardentes et enthousiastes improvisations qui témoignent une foi profonde au culte de l’honneur militaire.

    « J’envie ton sort, Blandan, s’écria-t-il en terminant, car je ne sais point de plus noble mort que celle du champ d’honneur ».

    Le général Bugeaud, qui à ce moment était à la veille de se rendre à Oran, s’empressa de faire connaître à l’armée la conduite du sergent Blandan et des braves qu’il commandait. Le combat de Beni-Méred était, dit le général, un des plus beaux faits d’armes de notre armée depuis notre arrivée en Algérie.

     

    Voici les deux ordres du jour qu’il publia successivement :

    Au quartier général, à Alger, le 14 avril 1842.

    Soldats !

    J’ai à vous signaler un fait héroïque qui, à mes yeux, égale, au moins, celui de Mazagran : là, quelques braves résistent à plusieurs milliers d’Arabes, mais ils sont derrière des murailles, tandis que, dans le combat du 11 avril, vingt-un hommes porteurs de la correspondance sont assaillis en plaine, entre Bou-Farik et Mered, par deux cent cinquante à trois cents cavaliers arabes venus de l’Est dela Mitidja.

    Le chef des soldats français, presque tous du 26° de ligne, était un sergent nommé Blandan.L’un des Arabes, croyant à l’impossibilité de la résistance d’une si faible troupe, s’avance et somme Blandan de se rendre. Celui-ci répond par un coup de fusil qui le renverse. Alors, s’engage un combat acharné : Blandan est frappé de trois coups de feu. En tombant il s’écrie : « Courage mes amis ! Défendez-vous jusqu’à la mort ! ».

    Sa noble voix a été entendue de tous, et tous ont été fidèles à son ordre héroïque. Mais bientôt le feu supérieur des Arabes a tué ou mis hors de combat seize de nos braves. Plusieurs sont morts, les autres ne peuvent plus tenir leurs armes. Cinq seulement restent debout. Ce sont Bire, Girard, Estai, Marchand et Lemercier. Ils défendaient encore leurs camarades blessés ou morts, lorsque le lieutenant-colonel Morris, du 4° de chasseurs d’Afrique, arrive de Bou-Farik avec un faible renfort.

    En même temps, le lieutenant du génie de Jouslard, qui exécute les travaux de Mered, accourt avec un détachement de trente hommes. Le nombre des nôtres est encore très inférieur à celui des Arabes. Mais compte-t-on ses ennemis quand il s’agit de sauver un reste de héros ?

    Des deux côtés, l’on se précipite sur la horde de Ben-Salem : elle fuit, et laisse sur la place une partie de ses morts. Des Arabes alliés lui ont vu transporter un grand nombre de blessés, elle n’a pu couper une seule tête, elle n’a pu recueillir un seul trophée dans ce combat, où pourtant elle avait un si grand avantage numérique.

    Nous avons ramené nos morts, non mutilés, et leur avons donné les honneurs de la sépulture. Nos blessés ont été portés à l’hôpital de Bou-Farik, entourés des hommages d’admiration de leurs camarades.

    Lesquels ont le plus mérité de la Patrie, ou de ceux qui ont succombé sous le plomb, ou des cinq braves qui sont restés debout, et qui, jusqu’au dernier moment, ont couvert les corps de leurs frères ? S’il fallait choisir entre eux, je répondrais : « Ceux qui n’ont point été frappés », car ils ont vu toutes les phases du combat, dont le danger croissait à mesure que les combattants diminuaient, et leur âme n’en a point été ébranlée. Mais je ne veux pas établir de parallèle,  tous ont mérité que l’on gardât d’eux un éternel souvenir.

    Je compte parmi eux le chirurgien sous-aide Ducros, qui, revenant de congé, rejoignait son poste avec la correspondance. Il a saisi le fusil d’un blessé, et a combattu jusqu’à ce que son bras eût été brisé.Je témoigne ma satisfaction au lieutenant-colonel Morris, qui, en cette circonstance, a montré son courage habituel, tout en regrettant d’avoir mis en route un aussi faible détachement. Je la témoigne aussi à M. le lieutenant du génie de Jouslard, qui n’a pas craint de venir, avec trente hommes, partager les dangers de nos vingt et un héros.

    Voici les noms des vingt et un Français porteurs de dépêches. L’armée doit les connaître tous. La France verra que ses enfants n’ont point dégénéré, et que, s’ils sont capables de grandes choses par l’ordre, la discipline, et la tactique qui gouvernent les masses, ils savent, quand ils sont isolés, combattre comme les chevaliers des anciens temps.

    26e de ligne. 

    BLANDAN, sergent, 3 blessures, mort.
    LEGLAIR, fusilier, amputé de la cuisse.
    GIRAUD, fusilier, 2 blessures, mort.
    ELIE, fusilier, 1 blessure, mort.
    BÉALD, fusilier, 2 blessures.
    LECONTE, fusilier, 2 blessures, mort.
    ZANHER, fusilier, 1 blessure.
    KAMACHAR, fusilier, 1 blessure, amputé de la cuisse.
    PÈRE, fusilier, 1 blessure.
    LAURENT, fusilier, 1 blessure.
    BOURRIER, fusilier, 1 blessure.
    MICHEL, fusilier, 2 blessures.
    LARICON, fusilier, 1 blessure, mort.
    BIRE, fusilier, non blessé.
    GIRARD, fusilier, non blessé.
    ESTAL, fusilier, non blessé.
    MARCHAND, fusilier, non blessé.

    4e chasseurs d’Afrique.

    VILLARS, brigadier, 1 blessure.
    LEMERGIER, chasseur, non blessé.
    DUCASSE, chasseur, mort.

    Ambulance de l’armée.

    DUCROS, sous-aide major, 1 blessure, amputé du bras.

    Le Lieutenant général, Gouverneur général de l’Algérie, Signé: Bugeaud.

     

    Au quartier général, à Alger, le 6 juillet 1842.

    L’année et les citoyens conserveront longtemps le souvenir de l’action héroïque des vingt braves commandés par le sergent Blandan, qui, le 11 avril dernier, entre Mered et Bou-Farik, préférèrent mourir que capituler devant une multitude d’Arabes. L’enthousiasme que produisit cette grande et belle action de guerre est encore dans toute sa force et bien loin d’être éteint. Je ne veux pas chercher à le raviver davantage, mais il ne suffit pas de l’admiration des contemporains. Il faut encore la faire partager aux générations futures : elle multipliera les exemples des hommes qui préfèrent une mort glorieuse à l’humiliation du drapeau de la France.

    Quel serait le coeur assez froid pour ne pas se sentir électrisé en passant devant un monument élevé sur le lieu du combat, et où seraient retracés l’action et les noms des héros qui en furent les acteurs !Ce mémorable combat ayant eu lieu, sur notre principale communication, toute l’armée, tous les colons défileront fréquemment devant le glorieux monument. On s’arrêtera, on s’inclinera. Qui pourrait calculer, ce que le sentiment éprouvé par tous produira de gloire pour la Patrie !

    Pour élever ce monument, il s’est ouvert une souscription chez M. le chef d’escadron Beauquet, remplissant par intérim les fonctions de chef d’état-major général de l’armée : c’est à lui que les corps, les officiers sans troupe, les fonctionnaires des diverses administrations, les citoyens devront adresser leurs offrandes. Le résultat en sera publié par les journaux d’Alger.

    Le Lieutenant général, Gouverneur général, Signé : Bugeaud.

     

     

    Les produits de la souscription provoquée par le général Bugeaud furent consacrés à l’érection, sur la place du nouveau village de Beni-Méred, d’une pyramide quadrangulaire portant le nom des vingt et un modestes héros du combat du 11 avril 1842.

    Aujourd’hui, quand des détachements de l’armée arrivent à l’entrée du bourg, les hommes se mettent en ordre, et rectifient les détails de leur tenue. Devant la pyramide, les tambours s’arrêtent pour battre aux champs. Le détachement défile, les officiers saluent du sabre et de l’épée, et chacun se redresse en songeant à ce que la grande patrie française a déjà provoqué d’héroïsme et de dévouement.

    Ce n’est pas sous la pyramide de Beni-Méred que sont inhumés Blandan et ses cinq compagnons de gloire. L’ancien cimetière de Bou-Farik, aujourd’hui propriété privée, contient un petit monument surmonté d’une croix de fer ; c’est là qu’ils reposent.

    Le sergent Blandan a été un admirable type du soldat des guerres d’Afrique. Cet homme a incarné le devoir militaire, un devoir qui ne transige jamais. Il a eu jusqu’à la folie, jusqu’au sublime, la religion du drapeau, et, dans son indomptable énergie, ce jeune sous-officier ne s’est pas laissé troubler par la perspective d’une mort certaine. Il a été un humble martyr, et cet humble, revêtu de la capote glorieusement légendaire du fantassin français, a donné un magnifique exemple d’héroïsme.

    Un ancien colonel, vieux soldat des guerres d’Afrique, M. Trumelet, a entrepris de faire élever une statue à Blandan. Le 29 juin 1884, il exposa au conseil municipal de Bou-Farik que ce serait, en outre, un magnifique et fortifiant exemple pour l’armée de voir décerner les honneurs statuaires, et, par suite, l’immortalité qu’ils entraînent, à un simple sergent, à un enfant du peuple, de le présenter ainsi aux soldats du présent et à ceux de l’avenir, revêtu de sa capote de sous-officier. La municipalité de Bou-Farik décida d’enthousiasme qu’une statue serait élevée à Blandan sur l’une des places de la ville.

    Un journal spécial, la France militaire, qui se distingue par son ardent patriotisme, ouvrit ses colonnes à la souscription. Celle-ci eut un succès énorme dans cette armée française où toutes les idées généreuses font si bien leur chemin. C’est que l’armée prend jalousement soin de sa gloire et n’entend pas oublier les héros du temps passé.
    « D’Assas, simple capitaine, s’écriait la France militaire, a sa statue. Que Blandan, simple sergent, ait la sienne ! S’il existe quelque part une égalité, c’est l’égalité devant la mort, devant le sacrifice. Que l’on décerne les honneurs statuaires à tous ceux qui ont su bien mourir pour la patrie, aux petits comme aux grands, et que l’on rende le bronze accessible à tous les degrés de la hiérarchie militaire ».

    Le 26° régiment de ligne n’a pas oublié Blandan.

    L’ordre général lancé avec tant d’à-propos par le général Bugeaud, est inscrit en tête du livre d’ordres du régiment. Tous les ans, le 11 avril, cet ordre du jour est lu à la troupe, puis le colonel passe la revue, et s’arrête devant l’ancienne compagnie du sergent. On fait l’appel, et, au nom de Blandan, le capitaine répond : « Mort au champ d’honneur ».

    Puis le 26° de ligne tout entier va assister à un service funèbre, où se rendent également les autorités civiles et militaires du lieu où le régiment tient garnison.Le soir, un banquet réunit le colonel et les officiers.

    A ce banquet vient prendre place, depuis plusieurs années, le dernier survivant du combat de Beni-Méred. C’est un nommé Marchand, simple aiguilleur à la compagnie des chemins de fer du Nord, et qui ne fut nommé chevalier de la Légion d’honneur qu’en 1854. Le libellé de la décoration portait : « Services exceptionnels ». C’était vrai cette fois.

  • One Response à “Beni-Mered le 11 avril 1842”

    • Mamarot on 14 octobre 2018

      Actuellement devant la statue de Sergent Blandan
      il faut la restaurer rapidement.

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