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  • 26 juillet 2009 - Par Au fil des mots et de l'histoire

    Anecdotes de la première guerre mondiale (3) dans GUERRE 1914 - 1918 pereetfils-150x150

    Le père et le fils 

     

    C’était après l’affaire des Islettes ; par la route qui longe la Biesme, une colonne allait vers Thiaucourt. Il avait plu longtemps : puis le soleil avait percé les nuages, illuminant un délicieux paysage de combes et de sous-bois.

    Après avoir parcouru une dizaine de kilomètres, la troupe entra en pleine forêt, une magnifique forêt de sapins, de hêtres et quelques énormes châtaigniers. Arrivés à un endroit, où près d’une fontaine s’élève une petite chapelle, le lieutenant qui commandait le détachement fit déployer ses hommes en tirailleurs par prudence.

    Un petit groupe se forma sous la direction de l’adjudant « Charles », un Lorrain, qui se rappelait vaguement avoir, durant sa première jeunesse, vécu quelques années dans le pays. Il l’avait quitté pour courir le monde et s’engager, à dix-huit ans, dans les marsouins.

    La troupe avançait avec précaution quand, tout à coup, trois, quatre détonations retentissent ; des balles sifflent, des feuilles tombent. A cent cinquante mètres à droite se voyait une clairière ; c’est dans ces parages que devaient se trouver les Allemands.

    Toutes les fractions de la section ont entendu les coups de feu ; la colonne se groupe et court vers la clairière. En arrivant, les hommes aperçoivent une demi-douzaine de soldats ennemis qui se sauvent à toutes jambes sous bois.
    Étaient-ce des traînards ou des égarés ? Toujours est-il qu’en apercevant des uniformes français en nombre, ils s’étaient empressés de déguerpir.

    La clairière était assez vaste. Il y avait une grande cabane de bûcherons, et, dans un coin, près de la cabane, un feu qui achevait de brûler… Ils avaient dérangé sans doute quelque popote : il y avait des gamelles à terre…

    Soudain, comme un peloton de soldats se dirigeait vers la maisonnette pour la fouiller, les hommes virent, de derrière le tronc d’un gros hêtre où il se cachait, surgir un vieillard, grand, sec, avec une belle tête blanche. A la vue des soldats il se montra effrayé et fit mine de vouloir s’enfuir…

    Le lieutenant fit un signe à quelques-uns de ses hommes et trois d’entre eux s’emparèrent du bonhomme et le lui amenèrent. Il ne fit aucune résistance.
    « Ah ! Vous êtes des Français ! Pardonnez-moi, mais les autres viennent à peine de partir d’ici, et ils ont été si durs envers moi que je tremble encore. »
    Il tremblait, c’est vrai, mais les soldats avaient déjà rencontré pas mal d’espions dans le pays, lesquels se montraient de parfaits comédiens.

    Le lieutenant l’interroge : « C’est ta maison ?
    - Oui. - Tu es seul ?
    - Oui, vous pouvez voir vous-même.
    - Comment t’appelles-tu ?
    - Paul V… » 

    A ce nom, l’adjudant sursaute ; c’est son nom que le vieux vient de prononcer.
    « Tu vis dans le pays depuis longtemps ?
    - Oui… je suis bûcheron de mon métier et j’ai toujours habité par ici.
    - Tu as une femme, des enfants ?
    - Ma femme est morte, il y a plus de vingt ans ; j’avais un garçon, Charles, il est parti je ne sais où… »

    L’adjudant a bondi et s’écrie : « Papa ! »
    Il s’élance. Le vieux recule un peu, et regarde… Tous les hommes regardent aussi, étonnés. 

    Puis le vieux dit doucement : « C’est vrai, c’est toi ! »

    Un gros sanglot secoue ses épaules et son fils est obligé de le retenir pour l’empêcher de tomber. Ils s’embrassent, ils pleurent comme des enfants et tous les assistants sentent l’émotion les gagner.

    On s’empresse autour du vieillard. Il raconte que les « Boches » étaient sept ou huit, qu’ils s’étaient perdus et qu’ils l’ont maltraité pour lui demander le chemin de Thiaucourt. Ils l’auraient fusillé s’ils n’avaient craint que les détonations attirent les Français.

    Il entre dans sa cabane et en sort bientôt avec cinq ou six gobelets d’étain et deux bouteilles d’excellent vin du pays. Vingt fois il tape sur l’épaule de son fils, puis l’embrasse encore en répétant : « Mon petit, mon petit ! ».

    La joie de ce vieux, tout blanc, avec ses yeux qui pleurent et qui rient en même temps, faisait plaisir à voir aux hommes. Mais il fallut songer au départ et ce fut la séparation entre les deux hommes.

    Le père et le fils s’étreignirent une dernière fois. « Au revoir, au revoir, mon petit, mes enfants ! ».
    Et quand l’adjudant, qui avait l’air d’un enfant, à présent, dit : « Au revoir, papa ! », tous les hommes, comme un écho, crièrent : « Au revoir, papa, au revoir ! ». 

     

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