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  • 19 juillet 2009 - Par Au fil des mots et de l'histoire

     

     Promenade gastronomique à travers de La Lorraine dans LORRAINE GOURMANDE lesvieillesrgionsdefrance-150x150

     

     ‘’ En passant par la Lorraine…‘’ Avec ou sans sabot ! Que de choses on rencontre…

    De belles choses, bien sûr. On est entouré de grandes ombres guerrières, de grandes ombres d’art, de grandes ombres littéraires… On fait lever d’immenses souvenirs derrière de grands monuments.
    Mais on vit aussi, en Lorraine… et on y vit bien.

    ‘’Guenille si l’on veut,  ma guenille m’est chère’’… disait ce grand Molière.

    Je ne sais si le Lorrain a pensé de même ; mais la cuisine, la bonne cuisine Lorraine se perpétue dans les familles, au long des générations, et les meilleures recettes passent de mère en fille dans des cahiers jadis soigneusement calligraphiés, reliques vénérables.
    Le cordon-bleu familial, espèce disparue! J’ai souvenance d’une vieille lorraine pure-sang, messine, devenue nancéenne après 1870, qui avait usé toute sa vie au service de la même famille, et dans sa retraite connaissait la 5e génération. De son enfance dans la chère cité, elle gardait des réminiscences de patois savoureux :
    ‘’C’que j’eveu vu, dans mon jann temps… oh ! Si j’vos d’jeus tot c’que j’a vu…’’ Dans le fouillis des souvenirs échappés en désordre de la bouche de la vieille, deux surtout frappaient nos imaginations d’enfants, les deux vieilles histoires de Metz où son père avait été boulanger :

    Tout d’abord, la fête des ‘’Trimazos’’, la fête du 1er mai de jadis, annonciatrice du printemps. Dans chaque village, trois jeunes filles vêtues de robes blanches, ornées de rubans et de fleurs de toutes couleurs, célébraient par des chants et des danses la fête du renouveau. Et le ‘’fechlin ‘’qui venait ensuite n’était pas ce qu’il y avait de moins intéressant.
    Avec quelle impatience, jeunes et vieux, autour de la longue table, attendaient la venue, d’abord, du cochon de lait rituel, un gentil cochon de six semaines, jamais plus, qui paraissait tantôt entier, en sa peau rissolée et croquante à souhait ; tantôt découpé et enveloppé dans une gelée transparente et tremblotante. Dernier vestige du goût de nos ancêtres pour la parade de bêtes entières et au naturel sur leur table…

    Puis, les quiches, grandes comme des roues de bicyclettes, où la ‘’meurotte’’ de crème et d’œufs, piquée de lardons fondants, s’entourait d’une croute dorée. Et la blanquette à la sauce liée ; et la matelote d’anguille ou de brochets et de truites nageant dans une sauce couleur lilas qui ne ressemble en rien à celle que l’on déguste ailleurs.

    Et les poulets fricassés… Des salades aussi, beaucoup de salades, jeunes salades de printemps ou vieilles salades d’hiver, chou rouge finement haché et macéré dans le vinaigre.

    On buvait de la bière, mais surtout, on arrosait le repas de ce petit vin gris de Moselle, éclos sur les flancs du mont Saint Quentin, et que l’on présentait dans de si jolies bouteilles couleur d’écailles, minces et longues, pleine de grâce dans leur forme.
    Il ne fallait pas oublier que : ‘’ Qui vin ne boit après salade, est en danger d’être malade. ‘’

    Tartes aux pommes croisillonnées de pâte, pets de nonnes et confitures succédaient au fromage. Ici, une parenthèse : les confitures de Metz et de Verdun, comme aussi les fameuses mirabelles, avaient déjà leur réputation au XVII° siècle ; un mémoire de Turgot nous apprend qu’elles se transportaient déjà à cette époque dans toute la France. 

    L’évêque Fortunat, vers l’an 600, au temps de Brunehaut, parlait déjà de Metz-la-Délicieuse… Etait-ce pour cause ?
    Les ‘’Trimazos’’, malheureusement, ont vécu. Seuls nous sont parvenus les vieux chants… et les bonnes recettes de la vieille paysanne.

    Une autre coutume  qui mérite le souvenir, c’était, lors des processions des Rogations, pendant les trois jours qui précédaient l’Ascension, la promenade du dragon de Saint Clément, le fameux ‘’Graoully ‘’, le monstre qu’on ne pouvait voir sans frémir d’horreur, et dont la cathédrale de Metz a gardé la dernière effigie après son ultime promenade. La coutume remontait, parait il au XII siècle et Rabelais, dans le 4° livre de son Pantagruel fait allusion au Graoully de Saint Clément, lequel n’intéressait pas la gastronomie si les boulangers d’alors et ensuite pendant des siècles, n’avaient pas été tenus à une obligation sacrée : sur le passage du mannequin, ils devaient tous payer d’un petit pain leur tribut au terrible dragon. A la fin de la procession, les enfants fouettaient publiquement le Graoully et j’aime croire encore que les nombreux petits pains récoltés n’étaient pas perdus pour tout le monde.

    N’oublions pas, avant de quitter Metz, de parler d’une spécialité lorraine moins connue,  ‘’les grenouilles à la Boulay’’ qui se réfèrent d’une amusante anecdote : au matin du 13 novembre 1861, un étrange événement s’est produit à Metz dans les rues avoisinant le marché au poisson. Une armée de verts petits batraciens s’avançait en croassant, sautillant à qui mieux mieux. Les grenouilles pénétraient dans les maisons, à mesure que les ménagères ouvraient leurs portes et provoquaient une véritable panique.
    Quelques braves, pourtant, partirent en guerre… contre les batraciens, et le miracle ne tarda pas à s’expliquer : un réservoir de quelques milliers de mètres cubes, mal refermé, avait laissé fuir ses habitants. On leur fit la chasse, on les récolta, on les utilisa au mieux. Ce jour là, peut-être naquit un plat exquis… Qui sait si les escargots à la Thiaucourt durent leur renommée à un heureux hasard !

     La Lorraine est décidément fort gourmande : confitures de Bar, madeleines de Commercy, macarons et bergamotes de Nancy, etc.…

    On rencontre à chaque pas des friandises, mais partout, la cuisine familiale rivalise avec les spécialités. A Nancy, à la veille du Mardi gras, il n’est pas une ménagère qui renoncera à plonger ses mains dans la farine, à pétrir et repétrir la pâte des ‘’beignets secs’’ ; et les enfants, bouche bée verront s’amonceler dans les plats, au sortir de la friture, les délicieux gâteaux, légers, croquants et fondants, tous saupoudrés de sucre en poudre, que l’on ne trouve nulle part ailleurs.

    Et le ‘’baba lorrain’’, parsemé de raisins, qui ressemble un peu au Kugelhof d’Alsace ? L’affriolant baba ? Sait on que sa naissance est due à Stanislas, roi de Pologne, bien aimé des Lorrains, comme ‘’les bouchées à la reine’’ sont dues à Marie Leczinska, épouse de louis XV et fille de Stanislas ? Peut-être, à Commercy, les fameuses madeleines remontent elles aussi à cette époque, car le roi Stanislas y séjournait souvent. A notre époque, on y use couramment, parait il de quelque 2 à 300 douzaines d’œufs par jour pour les madeleines

    Que de friandises étaient réservées jadis, dans les foyers de campagne, pour le jour ‘’l’où l’on cuisait’’. On ne ‘’cuit’’ plus, car le boulanger se charge du pain ; mais les friandises sont restées.

    Elles ne sont plus cuites à la flamme, mais on y incorpore toujours du beurre et saindoux, et aussi ce délicieux beurre fondu ‘’spécial à la Lorraine’’, disait vers 1600 Olivier de Serres qui s’y connaissait en la matière. Ce beurre que l’on faisait fondre à feu doux, que l’on écumait sur le feu même sans le laisser cuire, en le maintenant clair et blond comme de l’ambre… Versé dans un récipient de terre vernissée, il se gardait indéfiniment.

    Donc, la mère préparait des michottes, des fiouses, des galettes. Des rouyats, pommes entières enveloppées dans de la pâte de pain que l’on nommait roulots à Metz, des rouflons que l’on servait tout chauds, déposés dans une ‘’volette’’ d’osier.

    Revenant aux choses sérieuses, il faudrait parler de la célèbre ‘’potée ’’, la soupe locale dans laquelle choux, carottes, pommes de terre et oignons voisinent avec les poireaux autour d’un énorme morceau de lard, et qui concurrence la choucroute.

    On buvait vin et bière. Nancy s’enorgueillit de plusieurs brasseries renommées, et fabrique même de magnifiques tonneaux géants. Il y a quelques lustres, une exposition régionale montrait aux visiteurs un gigantesque tonneau de luxe décoré en relief par les soins de Victor Prouvé.

    Nos ancêtres offraient, parait il, à leurs convives, à la fin de leurs agapes, des épices et ‘’boutehors’’ destinés à maintenir le bien-être général.

    La Lorraine qui sait offrir des mets savoureux et exquis, dans des repas plantureux et prolongés, connait aussi l’art de clore les festins par des liqueurs et alcools fort appréciés. Elle a trouvé, une des premières, le secret de transformer délicieusement l’âme du vin dans les profondeurs d’un alambic, et de produire des élixirs subtils et parfumés infiniment délectables.

    L’eau de vin ou eau ardente avait été inventée dès le XII° siècle : Ambroise Paré, le chirurgien, ordonnait à ses blessés  du ‘’Rossolis’’. Catherine de Médicis, au XVII°, utilisait ‘’ l’eau d’or ’’ ; mais rien de tout cela n’était une consommation courante. C’est seulement au XVII° siècle que la découverte de l’eau de vie de marc de raisins va faire sensation.

    Un mémoire de l’intendant de Lorraine, adressé en 1698, au duc de Bourgogne, considère que la dite invention vient de Pont à Mousson. Mais le secret de la fabrication ne va pas tarder à se répandre, à s’amplifier, à se généraliser dans les vignobles… et bientôt dans les vergers.

    Si les légumes de Lorraine sont excellents, les fruits sont meilleurs encore ; nous avons parlé des confitures. Mais la délicieuse distillation est venue accroître la renommée des fruits. L’esprit des cerises, ce kirsch des Vosges, comme l’esprit des mirabelles à Metz, et l’esprit des guignes dans le ‘’guignolet ‘’, rivalise avec les meilleurs marcs.

    L’âme des quetsches et l’âme des framboises parfument d’exquises liqueurs. Il n’est pas jusqu’à la vulgaire prunelle des haies qui, elle aussi, ne se rende célèbre ; cueillies après la célèbre gelée, savamment traitées, les prunelles permettent à la ménagère adroite de confectionner une excellente liqueur de famille.

    On ne parlera que pour mémoire de la ‘’ brimbelle‘’, appelée ailleurs airelle ou myrtille, si commune sous les futaies, au flanc des monts vosgiens, que les enfants récoltent en grande quantité, à la bonne saison, et que la mère de famille transforme en sirop.

    On répète aux Antilles, un proverbe fameux : ‘’ tini bono, tini longuent… ’’, c’est-à-dire : ‘’ le remède, n’est pas loin du mal‘’. Les eaux minérales sont proches de la gastronomie ; en marge, nous ne saurions oublier, en Lorraine : Vittel, Contrexéville et autres lieux.

    A table, sans pain ou presque… à table sans viande… à table sans sucre… à table sans beurre. Tout cela peut, à la rigueur, s’arranger… en temps de restrictions, et le moral demeure ! Ce qui est plus affreux, c’est de se mettre à table sans sel.

    Aussi ne peut-on quitter la Lorraine sans jeter un regard reconnaissant sur une région qui, à elle seule, fournit la presque totalité du sel gemme consommé par la France. L’industrie salicole exista de tout temps en Lorraine, imprégnant les noms de maintes localités : Château-Salins, Salonne, Marsal, Salival, Rosières aux salines… Emergeaient dans les vallées de la Seille et de la Meurthe, les sources d’eau salée où, d’abord, on venait puiser le précieux produit sans s’expliquer d’où il provenait. C’est au commencement du XIX° siècle seulement que s’expliqua l’origine bien simple : les courants souterrains se saturaient en pénétrant par des fissures jusqu’aux masses profondes du sel gemme ! Des recherches et travaux montrèrent que des gisements énormes de sel gemme existaient là.

    Des sauniers moyenâgeux qui retiraient péniblement quelques tonnes des sources naturelles apparues dans les fonds des vallées, seraient bien surpris s’ils se trouvaient transportés dans la cité merveilleuse et magique que représente une mine de sel gemme. De vastes galeries bien sèches, aux colonnes transparentes dans lesquelles se joue la lumière électrique… Gîte inépuisable d’où sortiront des milliards de tonnes de la précieuse matière.

    Grecs et romains regardaient le sel comme une des offrandes les plus agréables des dieux… : le sel, témoignage d’affection et d’amitié, le pain et le sel de l’accueil, le sel, de finesse et de gaité, le sel, d’usage universel… 

    Le sel gemme de France venant tout de Lorraine : quel symbole !

    Article extrait de : La France à table, 1952. 

     

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