« Des inscriptions, en relief sur le métal, disent la vaillance de ceux qui sont tombés là-bas pour que nous vivions, et qui ont fait à la Patrie un mur de leurs poitrines si robustes, dont le grand idéal exaltait encore la force. Chaque fois que sur eux vibrera la cloche de l’aube, de midi et du soir, elle leur dira, dans leurs tombeaux, qu’ils ne sont pas morts en vain, et que nous gardons pieusement le souvenir de leur sublime sacrifice… »
Pour répondre au vœu de très nombreuses familles françaises, des veuves et des mères de quelques 400 000 soldats disparus sur la terre de Verdun entre 1914 et 1918, un comité fut créé à l’initiative de l’évêque de Verdun, monseigneur Ginisty.
L’objectif de cette œuvre était d’ériger sur un point culminant, la crête de Thiaumont, un grand monument, visible de loin, pour donner aux ossements non identifiés une sépulture décente.
La pose de la première pierre, de ce que l’on devait appeler par la suite « l’Ossuaire » eut lieu le 22 août 1920. Grâce aux dizaines de milliers de dons généreux provenant de France et du monde entier, 15 millions de francs purent être réunis. La construction de « cet immense reliquaire de la Patrie » selon les mots de monseigneur Ginisty, fut confiée aux architectes Léon Azéma, Max Edrei et Jacques Hardy. L’inauguration du monument terminé eut lieu le 7 avril 1932 en présence d’Albert Lebrun, président de la république.
Mais la construction était suffisamment avancée en 1926, pour envisager vers la mi-septembre 1927, un premier transfert des milliers de restes mortuaires découverts et conservés dans l’ossuaire provisoire. Effectivement, le 14 septembre 1927, la tour de 46 mètres de hauteur était élevée, la chapelle et trois travées (sur les dix) voûtées du cloître avec les alvéoles exposant les tombeaux étaient terminées (à l’est et à l’ouest).
De nombreuses manifestations nationales eurent lieu à Douaumont les 18, 19 et 21 septembre 1927. Parmi ces cérémonies, l’une d’elles concerna le gros bourdon que l’on peut voir et toucher au sommet de la tour, en haut des 204 marches.
Cette cloche a été offerte par une généreuse américaine, madame Anne Thorburn Van Buren, de New-York, pour perpétuer le souvenir de centaines de milliers de soldats enterrés à Douaumont.
La cloche fut commandée par la maison Blanchet aux ateliers Bollée d’Orléans et coulée le 17 mars 1927. Elle fut transportée triomphalement par véhicule automobile découvert, suspendue à un beffroi orné de quatre grandes tentures tri-colores. Elle fut accompagnée dans son voyage de trois autocars, de Paris à Douaumont, par l’Arc de Triomphe, Meaux, Château-Thierry, Soissons, Reims, Châlons, Sermaize, Revigny, Bar-le-Duc, Nancy, Metz, Saint-Mihiel, Benoîte-Vaux et Verdun.
Le cortège fut organisé par l’abbé Lepage, ancien aumônier du 276e de ligne, vicaire à Paris.
Le bourdon de Douaumont partit le dimanche 4 septembre 1927. Le départ fut solennel. Une première cérémonie patriotique eut lieu devant l’église Saint-Nicolas. Les cloches de cette église saluèrent le bourdon qui répondit de sa voix grave. La cloche fut ensuite portée vers l’Arc de Triomphe. Après une sonnerie « Au Drapeau » devant la tombe du Soldat Inconnu, la cloche se dirigea vers la porte de Vincennes.
Chaque arrêt et chacune des étapes de ce voyage donnèrent lieu à de multiples manifestations patriotiques et soulevèrent l’enthousiasme populaire dans les grandes villes mais aussi dans des localités plus petites comme Revigny (le 7 septembre) ou Benoîte-Vaux (le 11 septembre). Dans une interview donnée au journal L’Eclair de l’Est, l’abbé Lepage cite cette anecdote : « Hier, à Sermaize, le maire eut un geste touchant. Après le chant de la Marseillaise, il me remit un morceau de bronze appartenant aux cloches détruites par les Allemands, et me demanda de faire tinter, avec ce bronze, la cloche de Douaumont. Je le fis et sous le choc, le morceau se brisa en deux. Le maire reprit une des parcelles et me laissa l’autre en guise de souvenir ».
Partout, on la couvrait de fleurs. On vendait la carte postale sur laquelle elle avait photographiée, ou on vendait des petites clochettes. Lors de son arrivée à Verdun, après un parcours par la voie sacrée, elle reçut une ovation. Devant l’hôtel de ville, le maire et l’intégralité du conseil municipal lui souhaitèrent la bienvenue, en présence d’une foule énorme. Après une halte devant le palais épiscopal, la cloche de la Victoire repartit vers Douaumont où elle arriva le lundi 12 septembre.
Le 18 septembre un « Te Deum » de la victoire fut chanté dans la cathédrale Notre-Dame encore en restauration mais décorée pour la ciconstance de nombreux drapeaux. De très nombreuses personnalités assistèrent à la cérémonie : des personnalités religieuses, ainsi que plusieurs notabilités poliques et militaires, comme le maréchal Pétain accompagné d’une quarantaine de généraux, le ministre des pensions Louis Marin, les préfet et sous-préfet de Verdun, ainsi que l’ancien ministre de la guerre, André Maginot. On notait aussi la présence de la Princesse de Polignac, présidente du comité de l’Ossuaire. La foule à l’extérieur et à l’intérieur de la cathédrale fut évaluée à près de 10 000 personnes.
L’après-midi du dimanche 18 septembre eut lieu la levée des corps et l’on entendit sur le parvis et devant 52 cercueils accompagnés par des Poilus, les émouvantes allocutions de l’évêque, du maire de Verdun, d’André Maginot et du maréchal Pétain.
Le lendemain 19 septembre, le bourdon était placé au pied de la tour encore toute échafaudée. Malgré une forte pluie, le maréchal Pétain, de nombreux généraux, des hommes de troupe, des anciens combattants, étaient présents parmi une foule importante. Mgr Ginisty remercia, dans un discours chaleureux, la donatrice madame Van Buren puis procéda au baptême proprement dit de la cloche. On la nomma Louise-Anne-Charlotte. Son parrain, le marquis Louis Dadvissard et sa marraine, Mme Anne Thorburn Van Buren, l’entouraient. A 10h30 du matin, le lourd bourdon s’éleva lentement dans la tour sous les accents de la marche funèbre de Chopin.
Suspendue à son beffroi, elle mesure 1,48 de diamètre et de hauteur. Son poids est de 2 042 kg. Sa note fondamentale est un do grave. Le système de sonnerie est double : la cloche peut être tintée par un marteau électrique ou sonner en pleine volée.
Sur la faussure, du côté ouest, se trouve un médaillon avec trophée de drapeau américain et français croisés. Enfin, six croix de guerre 14-18 françaises sont réparties sur la pince, près de la bordure inférieure.Cette célèbre cloche de Douaumont, comme d’ailleurs quelques mois plus tôt l’édifice lui-même, a été classée le 20 décembre 1996 au titre des monuments historiques.
Utilisé tous les jours de l’année, à 7 h, 12 h, 18 h pour l’Angélus, pour les offices du dimanche, et pour des cérémonies particulières, le bourdon est avant tout un instrument symbolique. L’abbé Lepage disait en 1927 : « La cloche de Douaumont aura réalisé le prodige de renouveler autour d’elle l’union sacrée de la guerre ».
Aujourd’hui, au sommet de la tour du phare qui éclaire jusqu’à 40 km, le bourdon de la victoire est devenu le bourdon de la paix. Il perpétue le souvenir d’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire de l’humanité. Chacun de ses battements est aussi un avertissement adressé aux hommes de bonne volonté, pour que de tels massacres ne se renouvellent plus jamais.
Article extrait de la revue Connaissance de la Meuse.
Jean-Luck Kramer on 5 septembre 2014
j’ai visité l’ossuaire avec mon père, soldat dans wehrmacht.
Il a été très ému car il a perdu un frère durant la bataille de la Somme en 1916.
Jean Luck Kramer on 5 septembre 2014
Je pense a tous ses soldats qui reposent ici et toutes les « gueules cassées ».
Pour le centenaire de la grande guerre j’ai un fanion tricolore a l’antenne de ma traction, brodé, en l’honneur des gueules cassées J J je suis désole du manque de souvenir pour tous ses poilus morts au champs d’honneur.
C’est un fils de soldat allemand qui vous écrit.
Je souhaiterai correspondre avec des personnes comme moi.