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    Le « trou de l’enfer » de Rehaupal dans VOSGES PITTORESQUES cartetroudelenfert-150x150troudelenfer-150x150 dans VOSGES PITTORESQUES434001-150x150

     

    Cette gorge est située à 4 km au sud-est de Réhaupal, et à 3 km au nord-est du Tholy entre la Racine et le Haut-Vacon dans la vallée du Barba.

    En cet endroit, la gorge « dite du fossé » est étroite et profonde, et le Barba coule tantôt en cascades mugissantes, tantôt à travers une prairie ou un étang paisible, tantôt sous les rochers où il se perd sur une distance de 200 m environ. La partie supérieure de cette gorge s’appelle « Trou de l’enfer ».

    C’est un site sauvage et pittoresque, assombri par des sapins séculaires, et où gisent d’énormes rochers de granit. D’énormes mégalithes suspendus au flanc de la montagne se dressent majestueusement et semblent ne tenir au sol que par un faible point de contact.

    Description faite par la société d’émulation des Vosges en 1907

     

    La promenade du « Trou de l’Enfer » est charmante. Et, si l’on sait appeler les fantômes, elle est impressionnante. On rencontre des villages aux maisons claires, on dépasse les ruines féodales de Faucompierre noyées dans la verdure, on traverse Rehaupal, et on entre dans la vallée du Barba. On s’avance d’abord dans une nature riante, entre des haies bruissantes de verdiers, de pinsons et de fauvettes, des prairies ruisselantes d’eaux vives et des collines boisées. On n’est pas seul. La chanson des oiseaux, le chuchotement ininterrompu des fontaines, un peu monotone et moqueur, sont d’aimables compagnons. Soudain, on tourne vers la gauche et on entre dans la forêt.

    C’est le commencement de la solitude et du mystère. On suit un sentier rocailleux, recouvert de brindilles et d’écorces saignantes qu’y laissent tomber les bûcherons. Sur la droite s’érigent les nobles sapins, les géants vosgiens, aux fûts gris-bleu, aux aiguilles vernissées et sombres, aux rameaux largement étalés et les roches bleuâtres, vétues, comme d’une parure veloutée, de mousses onctueuses. Une grotte creusée au flanc d’un rocher servait de refuge aux chats sauvages. On l’appelle la grotte aux chats.

    A gauche, le Barba s’élance en mugissant. Il se faufile, rapide, au travers des blocs de granit. Il se cache sous les oxalis, les fougères et les menthes. On le devine à sa clameur. Ou bien il reparaît par endroits, entre les rocs, et ses remous écumeux semblent des écoulements de perles. L’endroit est sauvage. On y chemine longuement. Il y règne une fraicheur et une obscurité perpétuelles. Et le bruit du torrent, le cri de quelque oiseau peureux n’arrivent pas plus à remplir le silence de la forêt que le soleil à percer le feuillage. L’âme est saisie, de recueillement et presque de crainte devant cette paix majestueuse.

    Puis on sort de la forêt. Le ruisseau s’élargit et forme un petit étang. Ses ondes glissent transparentes sur des chevelures vertes. Et l’eau a la pureté du cristal comme les algues chatoyantes ont la richesse des pierreries.

    Un peu plus loin, c’est un deuxième étang, une nappe laiteuse, qui semble sommeiller sur un nid de plantes marines, floconneuses et grisâtres comme des moisissures. Le chemin longe la base d’une croupe ensoleillée qui déroule ses pentes couvertes de bruyères et de fougères, avec des taches de rocs et de sapins.

    Une pauvre masure s’adosse à la colline. Son toit lie de vin est croulant, ses murs sont couleur de terre. Un menu jardin, enclos de branchages, produit des légumes malingres, étouflés à demi sous les mousses. Un prunier, le tronc rongé de lichens et gercé de crevasses, porte de rares feuilles, et quelques fruits pendent de ses bras maigres, comme oubliés sur un arbre dévasté.Deux vieillards habitent ce gourbi. Ils regardent le passant avec effarement, étant déshabitués du siècle. Ils sont inoffensifs et doux, mais ils paraissent farouches et hostiles. Ils semblent très vieux, oubliés dans leur retraite par la mort comme par les vivants. L’homme travaille dans le jardin. La femme récolte l’herbe courte d’un pré minuscule conquis sur la broussaille : elle fane, accrochée aux flancs de la côte, perdue dans les fougères jaunissantes. Trois poules picorent devant la porte et une vieille chemise flotte au bout d’une perche, pour éloigner les oiseaux de proie.

    On rentre dans le bois. Les troncs sont clairsemés, le sol est feutré d’aiguilles et bosselé de saillies rocheuses. Le ruisseau longe le chemin, tranquille et susurrant. On dirait qu’il se familiarise. Et ses ondes sont si claires et si fraîches qu’on voudrait s’y baigner, marcher sur les cailloux blancs, saisir les truites agiles qui raient l’eau d’ombres furtives. On franchit un fossé et on débouche dans une clairière. On est arrivé.

    C’est une longue prairie enclavée de forêts. Les sapins noirs, les rochers gigantesques, les mégalithes, élancés et aigus, fichés dans la terre comme des flèches énormes de la préhistoire, l’entourent d’une triste muraille. Les cimes découpent un lambeau d’azur. La clairière est isolée du monde. Du ciel descend un prodigieux silence. Le cri des buses, qui seul le déchire, en augmente l’effroi.

    On se sent assiégé de rêveries.

    Il y a plusieurs siècles, à la nuit tombée, un ménétrier passait sur la route. Il revenait d’une noce villageoise. Enveloppé dans son manteau, son violon sous le bras, la démarche un peu lasse, il fredonnait des airs qu’il avait joués. Il revoyait en esprit les couples qui tourbillonnaient, il songeait à la course infatigable de son archet, à la fuite éperdue des notes et goûtait par avance un repos bien gagné. Enfoncé dans ses visions, il pensa heurter un homme de grande taille, d’une maigreur singulière, somptueusement vêtu d’une soie ardente et du plus riche brocart. L’homme venait à sa rencontre et arrêta le ménétrier. Il l’interpella, lui dit des paroles flatteuses, touchant son art et son reriom, et lui proposa sans plus d’exorde : « Reviens ici demain à cette heure. Je te mènerai dans mon château où je dois donner un bal. Tu feras danser mes invités. Je te paierai en monnaie d’or. Prends déjà cet acompte » Et il glissa dans la main du ménétrier une pièce qui fulgura.

    Le violoneux, dans sa simplicité, ne s’étonna point de l’aventure. Il ne remarqua point l’allure mystérieuse de l’homme, sa taille ni sa maigreur. Il ne vit même pas que sur son riche costume couraient comme des lueurs de flammes, que ses yeux, pareils à deux charbons illuminaient la nuit ; non plus qu’une bande d’oiseaux nocturnes qui menaient une ronde autour du voyageur s’étaient abattus sur les arbres de la route et restaient immobiles, poussant comme des soupirs, une plainte lointaine. Il se réjouissait de l’aubaine et n’avait pas d’autres pensées. Nul doute qu’il dût sa bonne fortune à son talent de musicien, à sa réputation, aux sons puissants et doux que, sous les morsures de l’archet, exhalait l’âme de son violon. Il jura d’être exact au rendez-vous. Il le fut.

    Le lendemain à pareille heure, à pareille minute, il se retrouvait au même endroit. Il vit un palais, dont la masse, plus haute que les montagnes, était plus sombre que la nuit. Mais par les baies des fenêtres et du portail jaillissait un flamboiement d’incendie. Le violoneux eut peur, mais, s’enhardissant, il franchit le porche largement ouvert et il pénétra dans le château.

    Il entra dans une salle aveuglante. Les murs, les colonnes, les plafonds, les parquets étaient d’or et l’éclat de lumières invisibles ruisselait sur les lambris.C’était un rayonnement de feu. La salle était vide et dans le palais régnait un inquiétant silence. Le ménétrier fut ébloui, comme d’un éclair en plein visage. Il se ressaisit tout de suite et comprit qu’il avait mis le pied dans la demeure infernale. Lentement, solennellement, il décrivit, dans l’air le signe de la croix.

    Le château s’écroula, les lumières s’éteignirent, les choses s’évanouirent dans une vapeur de soufre et le ménétrier se trouva transporté, son violon sous le bras, son manteau le drapant, parmi les terreurs de la nuit, au milieu de la clairière.

    C’est pourquoi les villageois ont appelé ce lieu de beauté et d’horreur le « Trou de l’Enfer ».

     

    Texte paru en 1911 dans la revue Le Pays Lorrain

     

  • 3 commentaires à “Le « trou de l’enfer » de Rehaupal”

    • leloupbas on 25 décembre 2011

      Bonsoir.
      Surement qu’il y a eu quelque chose de vrai derrière cette légende.
      Réunion satanique ou autres sociétés secrètes,dont le souvenir, surtout si les témoins n’ont pas compris de quoi il s’agissait, s’est retrouvé auréolé de légendes.
      Jean-Louis

    • Ptit Randonneur on 15 février 2017

      Bonjour
      J’ai fait la randonnée du « trou de l’enfer » en partant du Tholy. C’est un endroit magique et tellement beau.
      J’adore les Vosges pour ce qu’elles nous apportent en bien-être.
      Merci pour ce long texte qui parle si bien du lieu.
      Pourrais l’emprunter pour le reprendre sur mon blog et noter votre lien ?
      J’ai un blog de rando/tourisme : http://www.petitrandonneur.fr
      Bien cordialement
      @lain

      • Au fil des mots et de l'histoire on 14 octobre 2017

        Bonjour, pas de soucis.
        Cordialement

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