Née le 20 février 1875 à Aurillac (Cantal), décédée le 14 décembre 1963 à Nancy (Meurthe et Moselle), Marie Marvingt a été une pionnière de l’aviation et l’une des meilleures alpinistes du début du XXe siècle.
Sa devise : « Je décide de faire mieux encore et toujours » 17 records mondiaux, 34 médailles et décorations de France et d’ailleurs. La seule femme au monde détentrice des quatre brevets : avion, ballon, hydravion, hélicoptère. Elle pilotait aussi des dirigeables.
Journaliste, elle écrivait sur l’aviation, les sports, et les personnalités. Elle était brillante cavalière, maniait poids et haltères, pratiquait la boxe, la lutte, le jiu-jitsu, le judo, le karaté, le tennis, le golf, le billard, le water-polo et le polo à cheval, le hockey, le base-ball, le football, pratiquait aussi le canot automobile, le vol à voile, l’aéroplane, et maniait avec succès le sabre, l’épée et le fleuret…
Elle parlait 7 langues (diplômée d’esperanto). Elle a aussi étudié la tragédie, le chant, le dessin, la peinture, la sculpture, les danses anciennes et modernes, et la cuisine pour laquelle elle reçut un prix ; elle pratiqua l’hypnotisme, la graphologie, la chiromancie, l’astrologie, la phrénologie, la physiognomonie, la géodésie, la taxidermie, la météorologie, la psychologie, la topographie, l’océanographie etc…
Marie Marvingt n’a jamais défendu qu’une cause : celle de l’émancipation des femmes. Une vie remplie de défis et une personnalité incroyable.
Sa vie :
À quatre ans, elle nage déjà quatre kilomètres dans les eaux de la Jordane alors que ses frères font trempette. En 1880, ses parents, d’origine lorraine, déménagent à Metz et en 1889, à la mort de sa mère, son père s’installe à Nancy. Marie est promue au rang de maîtresse de maison, tout en poursuivant ses études au couvent Sainte Chrétienne à Metz. Très vite, elle se démarque des autres pensionnaires et son tempérament de cheval fougueux pose problème aux soeurs. C’est dans cette institution que Marie décide «de faire mieux, encore et toujours.»
Depuis quelque temps, les femmes sont autorisées à pratiquer la gymnastique. Marie Marvingt obtient de son père l’autorisation de s’y livrer. Elle intègre le cirque Rancy où elle se grise de voltige. Excellente cavalière, elle réussit le saut périlleux au galop. Elle est la première de son temps à s’y risquer.
En 1897, le destin frappe de nouveau les Marvingt. Eugène, son jeune frère, meurt d’une crise cardiaque à l’âge de 19 ans. La disparition successive des êtres qu’elle aime sera déterminante pour l’avenir de Marie qui renonce définitivement à l’idée du mariage, un lien que la mort peut si facilement briser. Avec son père pour « coach », elle se voue corps et âme à toute sorte de sport, faisant le forcing pour pratiquer ceux traditionellement interdits aux femmes. Il n’y aura désormais plus aucun sport où elle ne brillera au premier rang : natation, cyclisme, alpinisme, équitation, gymnastique, athlétisme, escrime, aérostation et aviation.
Comme les longues robes et les corsets brident ses mouvements, elle opte définitivement pour un vêtement plus seyant qu’elle taille elle-même bien que les travaux de couture la répugnent. Elle invente ainsi la jupe-culotte qui sera bientôt adoptée par de nombreuses sportives.
En ce début de vingtième siècle, l’aérostation n’est plus réservée aux seuls scientifiques et militaires. Marie ne tarde pas à se passionnerpour cette nouvelle discipline.Elle franchit le pas par le biais dessommets qu’elle gravit et où elledépose une carte de visite pourpreuve de son passage. Une foiscélèbre, elle confiera à un journaliste: « Par-dessus tout, ce dont jeserai toujours éternellement reconnaissanteà la montagne, c’est dem’avoir donné l’âpre désir de l’air,l’amour du voyage en plein ciel. »
Elle s’inscrit à l’aéroclub de l’Est et débute son apprentissage du ballon sphérique.
Le 16 juin 1901, elle est la première française à obtenir son brevet de pilote. Depuis la tentative avortée de François Pilâtre du Rozier en 1784, de nombreux téméraires ont essayé en vain de traverser la Manche dans le sens France Angleterre.
En 1909, Marie décide de relever le défi à bord de l’Étoile filante, un ballon de 1200 mètres cube gorgé de gaz de houille, plus économique que l’hydrogène pur mais beaucoup plus toxique. « Lâchez tout ! » Le signal de départ est lancé pour la grande aventure. Après un trajet hasardeux effectué dans d’effroyables conditions atmosphériques en fin de parcours, l’intrépide Marie devient le premier être humain à traverser la mer du Nord d’est en ouest. Pour relier Nancy à Suffolk, elle a franchi une distance de 720 kilomètres en quatorze heures. Dix mois auparavant, Blériot a reçu le premier brevet de pilote d’avion du monde. Autour de lui gravitent les noms de « monte-en-l’air » qui deviendront légendaires tels Farman, Voisin et Latham. Ils rêvent tous d’imiter l’oiseau à bord d’engins de bois pourvus de haubans et de toile. Marie aussi. Déjà initiée à l’ivresse des airs, elle va alors commencer sa plus belle histoire d’amour avec les «bicyclettes volantes ». Elle effectue son baptême de l’air dans la cage à poules de Roger Sommer, puis lorgne du côté de l’élégante Antoinette d’Hubert Latham qui a établi son école d’aviation à Mourmelon.
Un an plus tard, elle réalise son premier vol en solo et constate la «sensation inégalée d’être seule à bord. […] Je m’inquiétais beaucoup pour mon atterrissage, mais il était tout à fait sans incident. C’était fait : j’avais volé.» Marie devient la troisième reine de l’air après Raymonde de Laroche et Marthe Niel. 19 jours après l’obtention de son brevet, Marie Marvingt remporte la première Coupe Fémina puis s’adjuge les premiers records féminins de durée et de distance sur son Antoinette. Au-delà du plaisir et de la liberté que lui procurent ces vols, la jeune femme voit dans l’avion un véritable outil pour l’avenir. Elle est profondément persuadée que «l’aviation va se modifier et devenir pratique».
L’entrée en guerre de sa chère patrie lui donnera raison.
En 1915, elle intègre le 42e Bataillon de chasseurs à pied en se faisant passer pour un homme et se bat dans les tranchées aux côtés des Poilus… Mais Marie Marvingt a suivi des études d’infirmière à la faculté de médecine de l’université de Nancy. Aux côtés d’illustres professeurs, elle a acquis de solides connaissances en médecine et en chirurgie. Les femmes n’ont pas encore accès à l’aviation militaire et c’est tout naturellement en qualité d’infirmière de la Croix-Rouge qu’elle se met au service de la nation et évacue les troupes des Dolomites sur skis.
Mais comment apporter un secours rapide aux blessés sur le champ de bataille ? Comment transporter un blessé nécessitant une intervention chirurgicale urgente vers un centre médical le plus rapidement possible? Pour Marie, infirmière et pilote, la solution est évidente. « Ayantappris la valeur de la rapidité d’intervention,je me suis demandé pourquoine pas transporter les malades ou lesblessés en aéroplane ! » Elle devientla conceptrice et créatrice del’aviation sanitaire, des «ailes quisauvent». Lasse de ne pas trouverd’appui officiel, elle s’adresse aupublic par le biais de nombreusesconférences qui lui rapportentl’aide financière nécessaire pourcommander un avion-ambulance.C’est un monoplan Deperdussinà trois places, actionné par unmoteur Gnôme 100 HP et munide la télégraphie sans fil, baptisé«Capitaine Echeman » en mémoirede son infortuné camarade victimed’un accident aérien en 1912. L’appareil est équipé en amphibie, d’une civière blindée fixée sous le fuselage, d’un matelas pneumatique et de fenêtres en mica. Grâce à Marie Marvingt, 7 000 hommes sont transportés du front aux hôpitaux, épargnant ainsi de nombreuses vies. Elle dispense à ses camarades les premiers cours de médecine aéronautique et d’ambulancière de l’air, créant ainsi le premier corps des infirmières de l’air.
Dans les années 30, elle inaugure les secouristes de l’air et devient la première femme infirmière pilote secouriste de l’air (IPSA). Elle reçoit son diplôme des mains de la marquise de Noailles et le maréchal Franchet d’Esperey préside le baptême de la première promotion. Marie est aussi chargée par le médecin général Cadiot, directeur du service de santé de Paris d’établir le premier programme des cours aéronautiques et médicaux pour pilotes et infirmières secouristes de l’air.
Défendant la cause des femmes, Marie suggère que les quelque 300 infirmières de l’air brevetées soient enfin autorisées à piloter des avions sanitaires militaires en cas d’urgence.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Marie revêt son uniforme d’infirmière avec le grade de colonel, soigne les blessés et entraîne les secouristes de l’air. Elle crée un centre « Le Repos des Ailes » destiné à recueillir les aviateurs convalescents. Passionnée par les progrès de l’aviation, elle s’intéresse à l’hélicoptère qui a été expérimenté au cours de la guerre d’Indochine lors des dramatiques évacuations de Diên Biên Phu encerclé.
Pour tous ses efforts, elle se voit décerner le grade de Chevalier dans l’Ordre de la Santé publique et reçoit plusieurs médailles dont celle du service de santé de l’armée de l’air.
Les années passent et rien ne semble altérer la vigueur de la dame qui accumule les ans et les décorations. À 80 ans, elle s’envole à bord d’un hélicoptère. Pour son quatre-vingt-sixième anniversaire, « l’increvable mamie » n’hésite pas à relier Nancy à Paris à bord de Zéphirine, son infatigable et antédiluvienne bicyclette.
Elle espère bien fêter ses 90 ans sur la lune depuis que Youri Gagarine est devenu le premier voyageur de l’espace en 1961.
À sa mort, un journaliste commentera : « Ce dernier voeu, Marie Marvingt n’aura pas eu le temps de le réaliser. Elle s’en est allée, il est vrai, beaucoup plus haut.»
La sportive du siècle la plus décorée du monde s’éteint le 14 décembre 1963.
« Si nous avons donné des ailes au monde, nous avons aussi le devoir de tout faire pour qu’elles soient celles des colombes de la paix.»
Ainsi parlait Marie Marvingt.
Ses décorations :
34 décorations françaises et étrangères dont : Légion d’Honneur avec grade successif de chevalier (1935) puis officier (1949), Croix de guerre 14-18 avec palmes, Palmes académiques, Médaille de la reconnaissance française 14-18, médaille de l’aéronautique, Médaille commémorative du Maroc, Médaille d’or de l’académie des sports (1910), Médaille d’or de l’éducation physique (1957), Médaille d’or du service de santé de l’air, Médaille d’or de la reconnaissance de l’aviation sanitaire, Médaille du ministre de la guerre avec palme de tireur de 1° classe, Médaille de la ville de Nancy, Médaille de la santé publique (1937).
Quelques exploits parmi tant d’autres :
1890 : Fait le trajet Nancy – Coblence en canoë.
1892: Remporte un premier prix de canoë.
1899 : Obtient son brevet de chauffeur d’automobile.
1901: Première ascension en ballon ; obtient son brevet de pilote de ballon libre.
1903 : Première femme à réaliser l’ascension de la Dent du Géant ; fait le trajet Rouen – Lamballe en ballon avec Blanchet; à bord du ballon l’Aiglon fait le voyage Nancy – Grabennendort en 20 h; apprend à piloter une locomotive et les bateaux à vapeur.
1904 : Ascension de l’Aiguille de l’M dans le massif du Mont-Blanc; grande épreuve de bicyclette Nancy – Bordeaux.
1905 : Effectue le parcours Bussang – Aurillac dans la même journée au cours de l’épreuve de bicyclette Nancy – Naples ; premier prix de périssoire debout à Étretat. Le 7 août, fait l’ascension de la Trélaporte (en jupe-culotte). Le 22 août, première traversée féminine des aiguilles du Grand-Charmoz et du Grépon, massif de Chamonix, en une seule journée.
1906 : Crée la première école de ski civil française ; épreuve de bicyclette Nancy -Toulouse.Le 7 juillet, réalise la première traversée féminine française de Paris à la nage, battant de 1 h 10 Miss Kellermann sur les 12,5 km de parcours.
1907: prix d’honneur au fusil de guerre à 300 m ; prix d’honneur à la carabine Flobert ; seule femme ayant reçu du Ministre de la Guerre les palmes de premier tireur ; premier saut sur skis.Le 19 juillet, fait une ascension en ballon comme pilote avec Blanchet et Lemoine.
1908 : Boucle le Tour de France ; premier prix (natation) de la Ville de Toulouse avec 20 km en mer; éxécute aussi à la nage Pallariza – Les îles Borromées de nuit en 2h 45, la traversée du lac de Gérardmer et 16 km en mer dans le golfe de Naples; chasse le phoque dans l’Arctique.
1908 -1910 : Domine les sports d’hiver en 1908, 1909 et 1910 à Chamonix, à Gérardmer, et au Ballon d’Alsace : premier prix de ski en 1909 ; deuxième prix de patinage au 1500 mètres à Chamonix, vingt premiers prix de ski, luge, patinage et bobsleigh ; elle domine aussi la semaine de ski dans les Vosges en 1909.
1909 : En septembre, elle effectue son premier voyage en ballon seule à bord, Nancy – Allemagne ; effectue son premier vol en monoplan de Nancy à Jarville avec Roger Sommer ; apprend à piloter à Mourmelon sur monoplan Antoinette avec Latham. Le 26 octobre, elle réalise une remarquable ascension dans son ballon, l’Etoile Filante, de Nancy à Southwold (comté de Suffolk en Angleterre, une distance de 2 400 km) avec traversée de la Mer du Nord, première performance de ce genre effectuée par une femme.
1910: Le 25 janvier, elle devient la première championne féminine internationale de bobsleigh, gagnant la Coupe Léon Auscher. Le 27 novembre, elle gagne la première Coupe Fémina (pour la plus grande distance parcourue par une aviatrice – 42 km) et établit un record officieux de durée et de distance (1ers records féminins n’étant pas encore reconnus), tenant l’air 53 minutes.
1911: Gagne la Coupe Fémina à Turin; aux côtés de Roland Garros, participe au meeting de Saint-Étienne : premier prix de distance dans le critérium de l’Aéro-Club de l’Est (ballon).
1912 : Complète le circuit Paris – Mer d’Irlande, concours de l’Aéro-Club de France. Les 7-8 avril, elle participe dans le meeting Nancy – Jarville. Les 15-17 août, elle participe au concours de ballon à Châlon-sur-Saône.
1920 : Fait 57 km dans les Alpes-Maritimes, dont deux ascensions.
1923: Le 18 février, elle est la première femme blanche à entrer à In-Salah, battant de vitesse Mme André Citroën dans la traversée du Sahara.
1921 -1927 : Autorisée à accompagner le Président de la République Millerand au Maroc (1921); voyage 56 000 km en Afrique du Nord, Sicile, Malte, comme conférencière, correspondante de guerre et infirmière ; invente le ski métallique.
1935 : Tour des États-Unis, donnant des conférences sur l’aviation sanitaire ; inscrit son nom (auprès des noms d’autres grands aviateurs) sur des ailes de vermeil montées sur une plaque de marbre près de la chapelle dédiée à Saint-François d’Assise, patron des aviateurs, à Riverside, en Californie.
1937 : Second tour des États-Unis.
1948 -1949 : Lauréate du concours littéraire international (Women’s Aeronautical Association of Los Angeles) pour La Fiancée du Danger et Ma traversée de la Mer du Nord en Ballon.
1951 – 1953: 60 000 km en Afrique du Nord.
1955 : Le jour de son 80e anniversaire, le 20 février, elle survole Nancy en F.101 à 1200 km/h avec un officier U.S. de la base de Toul – Rosières (Toul Rosières Air Base). Le 2 avril, elle s’envole aux commandes d’un hélicoptère.
1960: Après avoir enlevé haut la main son diplôme d’hélicoptère, pilote le premier hélicoptère à réaction français, le Djinn 1221 (à la Toussaint).
1961: Fait Nancy – Paris en bicyclette à l’âge de 86 ans, et l’après-midi de son arrivée survole Paris dans un hélicoptère.
Biographie de Marie Marvingt publiée en 1991 par Rosalie Maggio : La femme d’un siècle.